Littérature

C'est la conversion du royaume hongrois au christianisme (début du XIe s.) qui marque le début d'une littérature écrite, d'expression latine : Gesta Ungarorum de maître P. , dit " l'Anonyme " (XII e s.) ; Chronique de Simon de Kezai (XIIIe s.) ; légendes de saint Étienne, saint Émeric, saint Ladislas, etc. Le premier texte en hongrois, une Oraison funèbre , remonte au début du XIIIe siècle. À partir de cette époque et jusqu'au XVIe siècle, de nombreuses traductions d'oeuvres en latin seront réalisées : outre la Complainte de Marie (XIIIe s.), il s'agit surtout de légendes hagiographiques et, à partir du XVe siècle, sous l'influence du mouvement hussite - qui aura un grand retentissement sur la pensée littéraire hongroise -, de traductions de passages de la Bible.

L'influence de la Renaissance italienne se fait surtout sentir sous le règne de Mathias Corvin (1458/1490), fondateur de la remarquable bibliothèque Corvina. À sa cour évoluent de nombreux humanistes, dont le grand poète d'expression latine Janus Pannonius (1434-1472). Au XVIe siècle, époque du désastre militaire de Mohács (1526) et de la Réforme, la langue hongroise sert de véhicule à la propagation des idées religieuses (traduction intégrale de la Bible par Gáspard Károlyi en 1590). Les genres littéraires commencent cependant à se diversifier avec les Chroniques rimées de Sébastien Tinódi , les drames religieux de Mihály Sztarai , et surtout l'oeuvre lyrique du grand poète Bálint Balassa (1554-1594).

La Contre-Réforme donne lieu à de nombreuses controverses, et il faut citer à ce propos l'oeuvre du jésuite Péter Pázmáni (1570-1637), grand orateur et essayiste. Deux écrivains inaugurent la poésie épique : le comte Miklós Zrínyi (1620-1664), auteur de La Zrinyiade , et Étienne Gyöngyösi (1629-1704). De la résistance à l'occupant allemand naissent les chants et poèmes populaires anonymes des Kouroutz . Enfin, deux érudits protestants contribuent à un emploi plus large de la langue vernaculaire : il s'agit d'Albert Molnár (1574-1634) et de János Apáczai Csere (1625-1659), auteur de l'Encyclopédie hongroise (1653). Après une période de décadence (1711-1770), l'époque des Lumières (1772-1825) voit se grouper autour du romancier et dramaturge György Bessenyei (1747-1811) des écrivains sensibles à l'influence française (Orczy, Barcsay, Báróczy). Parallèlement, diverses écoles se développent : école classique, avec Szabó, Révai et Virág ; école allemande, avec Kazinczy (1759-1831), qui est à l'origine d'un renouveau et d'un enrichissement importants de la langue hongroise, Kis et Kármán ; école populaire, avec Dugonics, Fazekas, Horváth et le comte Gvadányi. De ces écoles vont cependant surgir des écrivains originaux qui contribueront à faire du XIXe siècle l'âge d'or de la littérature hongroise : le poète Sándor Kisfaludy (1772-1844), de l'école française ; Dániel Berzsenyi (1776-1836), l'" Horace hongrois " ; Ferenc Kölcsey (1790-1838), poète, orateur et critique littéraire ; enfin, Mihály Csokonai Vitéz (1773-1805), qui plonge avec bonheur aux sources lyriques de la tradition populaire.

Le chef de file du romantisme hongrois naissant est Károly Kisfaludy (1788-1830), frère de Sándor, créateur de l'importante revue Aurora, poète et dramaturge. À la même époque, József Katona donne l'une des plus grandes tragédies hongroises, Bánk Bán (1820). Mihály Vörösmarty (1800-1855) illustre le domaine de la poésie épique et patriotique, mais l'apport le plus marquant de cette période vient de deux poètes d'inspiration populaire : Sándor Petöfi (1823-1849), écrivain révolutionnaire dans sa vie comme dans son oeuvre, et János Arany (1817-1882), dont les ballades fondent le sentiment national. Il faut encore mentionner dans le domaine de la poésie les noms de János Erdélyi, Mihály Tompa et János Vajda.

L'ouverture du Théâtre national de Pest (1837) stimule de nouveaux talents, comme celui d'Ede Szigligeti (1814-1878) et d'Imre Madách (1823-1864), auteur d'un drame remarquable, La Tragédie de l'homme . Enfin, dans le domaine du roman, on assiste à une diversification des genres avec l'oeuvre historique de Miklós Jósika (1794-1865), les ouvrages philosophiques et politiques de József Eötvös (1813-1871) et les romans psychologiques de Zsigmond Kemény (1814-1875). La littérature romanesque de la fin du XIXe siècle sera dominée par l'oeuvre abondante et pleine d'imagination de Mór Jókai (1825-1904), mais les noms de Baksay, Tolnai, Mikszáth et Gárdonyi méritent d'être mentionnés.

En 1890 apparaît autour de la revue A Hét, fondée par J. Kiss, une première réaction contre la tradition classique, avec des écrivains comme Zoltán Ambrus ou Sándor Bródy. Ce mouvement se fait plus virulent avec la publication de l'oeuvre novatrice du grand poète Endre Ady (1877-1919) et la création de la revue Nyugat (" Occident ", 1908), qui regroupe les meilleurs écrivains de cette génération : citons les poètes Mihály Babits (1883-1941), Dezsö Kosztolányi (1885-1936), Árpád Tóth, Lajos Áprily, et les romanciers Zsigmond Móricz (1879-1942), Dezsö Szabó, Margit Kaffka et Ferenc Karinthy. Le théâtre est moins riche, et ne ressortent vraiment que les noms de M. Lengyel et de Ferenc Molnár. Après la Première Guerre mondiale et l'échec de la révolution de 1919, de nombreux écrivains sont contraints d'émigrer (A. Komját, Andor Gábor, Béla Balázs, etc.). La période de l'entre-deux-guerres voit cependant s'affirmer ou apparaître de grands noms de la littérature, principalement Attila József (1905-1937) qui domine la poésie hongroise moderne. Celui-ci, après Lajos Kassák (1887-1967), qui fut le véritable chef de file de l'avant-garde en Hongrie, marie les techniques surréalistes au lyrisme de la poésie populaire. Gyula Illyés (1902-1983) compte parmi les nombreux poètes séduits par les audaces de l'avant-garde, ainsi que le romancier Tibor Déry (1894-1977), alors que Lörinc Szabó (1900-1957) et Miklós Radnóti (1909-1944) poursuivent la tradition classique. La prose s'épanouit également avec László Németh (1901-1975), Lajos Nagy (1883-1954), Péter Veres (1887-1970) et Lajos Zilahy (1891-1974). L'importance de la poésie hongroise ne se dément pas après 1945, et Sándor Weöres (1912-1989) impose une oeuvre riche et abondante. Ferenc Juhász (né en 1928) et János Pilinszky (1921-1981) figurent aussi parmi les créateurs les plus talentueux de cette époque. À la fin des années 1940 et dans les années 1950, les romanciers qui avaient appartenu à la période précédente donnent leurs meilleures oeuvres (Németh, Déry, Veres...) ; leur succèdent Géza Ottlik (1912-1990), György Rónay (1913-1978) et Gábor Thurzó (1912-1979), dont les livres se font l'écho des problèmes moraux et sociaux de l'après-guerre. Istan Örkény (1912-1979) ajoute une nuance originale à cette production avec ses très courtes nouvelles caustiques, au style volontiers surréaliste. Le début des années 1960 représente une coupure dans l'histoire hongroise, coupure qui transforme inévitablement l'environnement culturel et littéraire. La prose connaît de profonds changements dont témoigne Le Cimetière de rouille (1962) d'Endre Fejes (né en 1923). Cette " nouvelle vague " du roman hongrois trouve son expression dans des oeuvres socialement engagées, avec Tibor Cseres (né en 1915) ; d'autres comme Iván Mándy (1918-1995) ou Miklós Mészöly (né en 1921), préfèrent une prose stylisée, plus abstraite. Parmi les romanciers qui dominent la scène littéraire depuis les années 1970, ceux qui montrent le plus d'originalité sont Péter Nádas (né en 1942) et Péter Esterházy (né en 1950). Dezsö Tandori (né en 1938) apparaît comme le maître de la poésie hongroise de ces dernières années tandis que, à la faveur des bouleversements politiques et sociaux, le début des années 1980 a vu le renouveau spectaculaire de la poésie d'avant-garde.

Beaux-arts

Origine de l'art hongrois.

Le premier art hongrois est celui d'une civilisation de la steppe. Des objets découverts (bijoux, armes, plaques de harnais) dans les sépultures hongroises sont les précieux vestiges d'un peuple qui, au IXe siècle, possédait déjà un art raffiné de l'orfèvrerie, du textile (tissage, teinture), ainsi que des connaissances de l'art du métal forgé et de l'art du cuir (confection des tentes). Les plaques de sabretache et les poignées de sabre retrouvées dans le bassin des Carpates sont ornées de rinceaux et de palmettes gravés ou repoussés. L'an 1000, avec le couronnement du roi Étienne Ier et la mise en place d'un État hongrois, voit l'apparition d'un art chrétien ouvert aux techniques occidentales. Ainsi l'architecture s'organise-t-elle sous l'influence des moines de Cluny et de Citeaux et des maîtres byzantins ou grecs ; le prieuré Saint-Pierre à Buda, des basiliques à trois nefs séparées et à abside unique émergent du sol hongrois. Des monuments remarquables restent de ce Moyen Âge roman tourné vers la culture latine occidentale : cathédrale de Pécs, églises d'Ócsa, de Zsámbék, de Lébény et de Ják ; art de la miniature (Codex de Hahot , v. 1080), de l'orfèvrerie (Crucifix de Gisèle ) et la peinture murale (fresques de l'église de Szalonna).

La période gothique et la Renaissance.

L'invasion des Mongols, en 1241-1242, arrête cet élan artistique ; il ne reprendra qu'au XIVe siècle avec les peintures murales de Johannes Aquila (v. 1350-apr. 1405) qui illustrent la Légende de saint Ladislas , les sculptures des écoles de Kassa, de Zips, des villes minières, et les arts de la miniature et du textile (la broderie, avec le point hongrois). Les relations plus étroites qui existent entre la Hongrie et l'Italie rendent plus intenses les échanges culturels entre ces deux pays et ouvrent la voie à une Renaissance hongroise s'inspirant, elle aussi, des modèles issus de l'Antiquité gréco-romaine.

Au XVe siècle, comme les mécènes florentins, le roi Mathias Ier Corvin (1458/1490) fait appel à des artistes italiens (Botticelli, Mantegna ). Il fait construire sa résidence d'été de Visegrád et facilite l'expansion du travail du bronze et du marbre (Pallas Athéna , en bronze, surmontant la fontaine en marbre d'une cour du palais de Buda). La bibliothèque royale est riche de quelque 2 000 manuscrits enluminés.

Du XVIe au XIXe siècle.

Après le désastre de Mohács, la Hongrie, dominée par les Turcs (1526-1686) et par les Autrichiens, perd son indépendance culturelle. Seule l'orfèvrerie sait se réorganiser et produire des chefs-d'oeuvre tels que la Buire de Losonczi du joaillier Ferenc Kómives . Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l'art baroque hongrois s'inspire de modèles issus de Vienne : l'église des Trinitaires de Pozsony suit les modèles de l'architecte autrichien Hildebrandt (1668-1745). Anton Maulbertsch , peintre baroque autrichien (1724-1796), oeuvre en Hongrie. Au début du XIXe siècle, l'art devient plus spécifiquement hongrois avec l'architecte Mihály Polláck (1773-1883), qui construit le palais du Musée national à Budapest, le peintre Károly Markó (1791-1860), qui se signale par ses paysages (Paysage de la grande plaine hongroise , 1853) et le sculpteur István Ferenczy (Jeune Bergère , 1822). L'importance du romantisme hongrois est manifeste en architecture avec Miklós Ybl et Frigyes Feszl , en peinture avec l'oeuvre académique de Mihály Zichy (Le Canot de sauvetage , 1847) et de Viktor Madárász (Deuil de László Hunyadi , 1859). L'influence française domine la peinture vers 1870 à travers la production d'artistes tels que Pál Szinyei-Merse (1845-1920), Munkásy (1844-1900) et Csontárvy (1853-1919). En 1900, l'art hongrois est toujours un art vivant : mentionnons l'école picturale de Nagybánya qui, avec le peintre Simon Hollósy (1857-1918), lutte contre l'académisme avant l'avènement du groupe des Huit qui, lui, cherche à rompre dès 1908 avec l'impressionnisme, le centre artisanal de Gödöllö et l'architecture d'Ödön Lechner (musée des Arts décoratifs, 1896).

Le XXe siècle.

Avant 1949, l'art contemporain hongrois suit les tendances de l'art européen, qu'elles soient cubistes, puristes (Béla Bartók du sculpteur Béni Ferenczy ), non figuratives, surréalistes (école européenne) ou proches des tendances constructivistes, avec Lajos Kassák (1887-1967), Sándor Bortnyik (1893-1977) et surtout László Moholy-Nagy (1895-1946, fixé en Allemagne en 1920). Le sculpteur Étienne Béothy (1897-1961) s'est installé en France dès 1925 ; Péter Földes (1924-1977), peintre et cinéaste, partageait son activité entre l'Europe et les États-Unis. Lázló Lakner (né en 1937), qui a oeuvré dans la mouvance de l'hyperréalisme, s'est installé en Allemagne. L'occupation soviétique et la mise en place de la République populaire hongroise ont pendant un temps orienté l'art vers le réalisme socialiste. Les bouleversements politiques devraient être de nature à stimuler l'éclosion de nouveaux talents.

Voir, pour une grande figure :

Musique

Au Moyen Âge, les textes musicaux conservés appartiennent tous à la musique d'église ; ils sont en latin, avec quelques passages en hongrois. L'hymne Gauda felix Hungaria , dont la monodie est composée vers la fin du XIVe siècle, marque les premiers pas vers une création originale. La musique instrumentale s'épanouit au XVe siècle avec la fanfare royale et la facture de nombreuses orgues. L'introduction des cultures française, puis italienne et flamande est renforcée par le séjour d'artistes étrangers sous le mécénat du roi Mathias Corvin.

Dès 1526, la destinée du pays change brusquement, et, en 1541, date de la prise de Buda par Soliman le Magnifique, le pays est divisé en trois, coupant en grande partie la musique hongroise des traditions occidentales. Les traditions turque d'une part et protestante d'autre part influencent alors de façon marquante la création musicale. Au XVIIe siècle, on privilégie le recours au style national dans les demeures seigneuriales, tandis que les villes se montrent accueillantes au courant autrichien.

Quatre manuscrits importants nous permettent de connaître la musique des résidences princières : le Codex Kajóni , le Codex Vietórisz , la Tablature de Löcse et le Recueil Stark . Un autre témoignage est donné par les oeuvres religieuses de János Kajóni (1630-1687) et par l'Harmonia caelestis (1703) du palatin Pál Esterházy .

L'émergence d'un style national

À la fin du XVIIIe siècle, l'apparition du verbunkos, une danse instrumentale aux origines multiples qui enchaîne un mouvement lent et un mouvement vif, marque l'émergence d'un style national. Au développement de ce dernier sont associés les noms de József Ruzitska (1774-1824), créateur de l'opéra national (La Fuite du roi Béla , 1822), et de Gábor Mátray (1797-1875), puis de Kornél Abrányi (1822-1903) et de Mihály Mosonyi (1815-1870). Mais la grande figure de la musique hongroise du XIXe siècle demeure Franz Liszt (1811-1886), pianiste virtuose et compositeur prolifique qui parcourut l'Europe, résidant tour à tour en Allemagne, en France et en Italie. Si l'essentiel de sa carrière se déroula à l'étranger, Liszt n'en oublia pas pour autant sa patrie d'origine, qui, de la Sonate en si mineur pour piano aux Rhapsodies hongroises , marque une grande part de son oeuvre.

Au début du XXe siècle, la musique hongroise s'affirme avec deux personnalités d'envergure européenne : Béla Bartók (1881-1945) et Zoltán Kodály (1882-1967). Délaissant le pittoresque verbunkos, Bartók et Kodály parcourent les campagnes de Hongrie et de Transylvanie pour recueillir les chants et danses paysannes, fonds où ils puisent des éléments pour leurs propres oeuvres. À partir de cette source authentiquement populaire, Bartók, surtout, parvient à édifier une oeuvre d'un style à la fois âpre et puissant, sans jamais céder au folklorisme. Éminent pédagogue, Kodály transmet quant à lui son savoir à de nombreux compositeurs, parmi lesquels László Lajtha (1892-1963) et Sándor Veress (né en 1907).

Après la Seconde Guerre mondiale, l'établissement du régime communiste coupe une nouvelle fois le pays du développement musical de l'Europe occidentale. C'est donc un peu plus tardivement qu'en Allemagne ou qu'en Autriche que se développe une école contemporaine qui, pour l'essentiel, adopte le sérialisme. Elle est essentiellement représentée par Sándor Balassa (né en 1935), István Lang (né en 1933) et László Sáry (né en 1940). Depuis les années 1970, dominent toutefois de fortes personnalités : György Kurtág (né en 1926), le chef d'orchestre et compositeur Peter Eötvös (né en 1944), qui travailla de longues années auprès de Karlheinz Stockhausen à Cologne et de Pierre Boulez à Paris, et György Ligeti (né en 1925), haute figure de l'avant-garde européenne, qui a émigré en Allemagne en 1956.

Voir aussi, pour quelques grandes figures :

Cinéma

Dès la fin du siècle, on filme des scènes de rue à Budapest ; en 1901, Béla Zsitkovski réalise un documentaire, La Danse . Toutefois, les premiers studios ne sont construits qu'en 1912, et les salles du pays programment surtout des films étrangers. La guerre permet le développement d'une production nationale abondante (jusqu'à 80 films par an de 1916 à 1919), mais de médiocre qualité. Les événements politiques, la crise économique sont responsables par la suite de nombreux départs pour l'étranger : ainsi les réalisateurs Paul Fejös , Alexander Korda , Mihaly Kertész (qui deviendra Michael Curtiz aux États-Unis), ou l'acteur Béla Lugosi . Jusqu'en 1945, le cinéma ne produit plus que des " films-limonade " de pur divertissement (opérettes tsiganes, comédies légères), à la seule exception des Hommes de la montagne (1942), film d'István Szöts .

L'année 1948 marque un nouveau départ : Géza Radványi réalise Quelque part en Europe et Frigyes Bán Un lopin de terre , tandis que le nouveau régime décide la nationalisation de l'industrie cinématographique. De 1948 à 1955, la production reste modeste (6 films par an en moyenne) ; souvent routinière, elle est en outre soumise aux schémas idéologiques staliniens. Ce n'est qu'après 1956 que pourra se développer un cinéma plus audacieux. Zoltán Fábri en sera l'une des figures marquantes, surtout avec Un petit carrousel de fête (1955), Professeur Hannibal (1956) et Vingt Heures (1964), chronique sans complaisance de la collectivisation et du stalinisme.

L'écrasement de la révolte hongroise amène les cinéastes à interroger le passé. Ce n'est pas qu'une simple position de repli dictée par la prudence, c'est aussi et surtout la recherche d'une identité nationale authentique. Ce sera la tâche de la " génération de 65 ". Ce groupe de jeunes cinéastes a pour chef de file Miklós Jancsó  ; on peut citer parmi ses membres István Gaál (Les Vertes Années , 1965), István Szabó (L'Âge des illusions , 1964), Ferenc Kósa (Dix Mille Soleils , 1967), András Kovács (Jours glacés , 1967), Márta Mészáros (Cati , 1969). En 1958, Jancsó tourne Les cloches partent pour Rome , mais il se révèle véritablement en 1965 avec Les Sans-Espoir . Le film n'est pas dépourvu d'allusions : les autorités austro-hongroises cherchent à découvrir, au milieu de paysans emprisonnés, des francs-tireurs rescapés de la révolution manquée de 1848... Mais l'oeuvre est surtout une réflexion sur le pouvoir et l'oppression, que Jancsó développera dans ses films ultérieurs : Silence et cri (1967), Ah ! ça ira ! (1969), Psaume rouge (1972). Dans le même temps, il épure de plus en plus son style (Allegro Barbaro , 1978), en une sorte de symbolisme abstrait.

Le cinéma hongrois s'oriente davantage vers l'étude du quotidien : crise du logement dans Cher voisin (1978) de Zsolt Kézdi Kovács  ; analyse de la condition féminine dans Film-Roman (1978) d'István Darday et Györgyi Szalai , et dans Un autre regard (1982) de Károly Makk  ; problèmes conjugaux et familiaux dans L'Enfer familial (1978) de Béla Tarr et dans Les Parents du dimanche (1979) de János Rózsa  ; conditionnement politique dans L'Éducation de Vera (1978) de Pál Gábor .

Au milieu des années 1980, le cinéma hongrois a connu pour la première fois une baisse de production sur le plan tant quantitatif (elle est descendue à une vingtaine de films par an) que qualitatif (on note en effet un certain épuisement de l'imagination).

Même un réalisateur de talent comme Miklós Jancsó a tourné depuis quelques années des films assez médiocres (Rhapsodie hongroise I et Rhapsodie hongroise II , 1979 ; Le Coeur du tyran , 1981). László Kovács , lui, a adopté un style intimiste (Amants , 1984) et s'est consacré à des biographies assez mièvres (La Comtesse rose , 1985). Avec Le Colonel Redl (1985), qui a atteint une notoriété internationale, István Szabó élève un monument funéraire à un empire autrichien entré en agonie à la veille de la Première Guerre mondiale en reprenant le style de Mephisto , beau film qui avait obtenu un oscar en 1982 et dont le principal acteur était déjà Klaus Maria Brandauer . Le film de Szabó illustre par ailleurs les contraintes qui pèsent désormais sur le cinéma du fait de l'influence de la télévision. Le chef-d'oeuvre de Márta Mészáros , Journal intime (1982) - une oeuvre autobiographique -, a été présenté au festival de Cannes en 1984. La même année, Imre Gyöngyössy et Barna Kabay ont été proposés pour l'oscar avec La Révolte de Job , qui rappelle l'existence en Hongrie d'une communauté juive en partie marginalisée. Mais le regard des jeunes metteurs en scène se porte surtout sur les grands thèmes de l'histoire lointaine ou récente, comme sur les différents aspects du présent ; le cinéma hongrois a ainsi facilité, plus que tout autre moyen d'expression, la relève des générations. Ce n'est pas pour rien, en effet, que Le Temps suspendu (1981) de Péter Gothar a donné son titre à un festival où étaient présentés aussi Un jour spécial (1980), du même réalisateur, primé à Venise, Pétales, fleurs, couronnes de László Lugossy , Blessures légères de György Szomjas , La femme esquimau a froid de János Xantus , tous de 1984. On peut y ajouter d'autres oeuvres de metteurs en scène débutants et prometteurs : La Fin du miracle de Endre Vészi  ; Princesse de Pál Erdöss  ; L'Attraction de Philadelphie de Péter Gardos , Croyez-moi de László Mihályfy . Il faut enfin mentionner Gyula Gazdag , spécialiste du documentaire de fiction, qui a tourné en 1982 Les Illusions perdues et en 1984 La Décision , ainsi que Voyage en groupe , chronique d'un pèlerinage d'anciens déportés juifs à Auschwitz.

Les années 1980 s'achèvent sur un essoufflement général du cinéma hongrois, qui multiplie les films contestant les tares du régime socialiste - Ildikó Enyedi reçoit la Caméra d'or au Festival de Cannes 1989 avec Mon XXe siècle  : elle est la seule révélation récente d'une cinématographie qui, revenue au privé après l'effondrement du communisme, est à la recherche d'un nouveau souffle et, plus encore, d'une identité.