CATALOGUE

DISTRIBUTION

On a commencé à entendre parler de One Shot il y a environ trois ans. A cette époque, Christian Vander venait de remanier Magma, reformé depuis 1996, et d'y inclure le guitariste James MacGaw et le pianiste Emmanuel Borghi. Si le premier était un parfait inconnu pour beaucoup, le second était un habitué des cercles magmaïen, quoique dans un rôle a priori bien différent : le pianiste du trio jazz de Vander, que l'on n'aurait pas forcément pensé adepte de l'électricité débridée de Magma. Son intégration allait s'avérer aussi surprenante que convaincante. Pourtant, Borghi menait depuis quelques temps déjà une double vie insoupçonnée, à la tête d'un groupe parallèle où, déjà, l'acoustique n'avait guère droit de cité... One Shot était même présenté alors comme son bébé, ce qui n'est manifestement plus le cas. En effet, le bassiste Philippe Bussonnet (complice inséparable de Vander depuis les tout débuts de la renaissance de Magma il y a cinq ans) s'est imposé comme l'autre pilier de One Shot du point de vue de l'écriture, venant appuyer l'idée d'un groupe au fonctionnement démocratique, sans leader. Certes, le batteur Daniel Jeand'heur n'a vu aucune de ces compositions retenues pour Vendredi 13, mais il en signait deux sur le CD-démo de 1998. En fait, seul le sus-mentionné James MacGaw - qui vient donc porter le nombre de membres actuels de Magma dans One Shot à trois sur quatre - ne s'est pas encore fait conna”tre en tant que compositeur. Venons-en maintenant à la musique. Tout d'abord, il est évident que les amateurs de Magma se retrouveront ici en territoire familier : motifs répétitifs, voire obsessionnels, joués (alternativement ou en harmonie) par une guitare stridente et un piano Fender noyés dans une saturation sale et matinée de wah-wah, basse surpuissante au jeu tendu et oppressant... Pourtant, une fois intégré ce cousinage sonore parfois troublant, force est de constater que, dans son essence, la musique de One Shot n'a finalement (à l'exception peut-être du "Urm" de Philippe Bussonnet dont la progression hypnotique peut évoquer le "De Futura" de Janik Top, ou de moments rappelant la séquence instrumentale jazz-rock de "Kohntarkosz") pas grand-chose à voir avec celle de Magma. Dans leurs structures, les compositions se rattachent finalement de très près au jazz. Quasi systématiquement, leur interprétation consiste en une exposition assez carrée du thème, puis une longue succession d'improvisations sur la trame harmonique et rythmique définie alors (avec toutefois des variations assez sensibles), et enfin un retour à la case départ. Pourquoi One Shot s'astreint-il à suivre ainsi ce qui ressemble à un carcan un peu désuet ? Pour s'imposer un minimum de discipline ? Pour respecter malgré tout une certaine tradition ? On s'interroger, et en attendant on peut regretter cet aspect trop prévisible et 'bateau' de sa musique. Ces quelques réserves étant émises, on conviendra que ce Vendredi 13 (titre qui colle bien à l'atmosphère générale, mais aucunement gratuit, puisque ce CD a bel et bien été enregistré - 'live' à la Cave à Musique de Mâcon - un vendredi 13, en avril dernier) procure un sacré plaisir d'écoute à l'auditeur. Nous avons affaire à des musiciens qui, collectivement et individuellement, sont ici comme des poissons dans l'eau. Il faut une telle symbiose pour transcender le minimalisme parfois pesant d'un morceau comme "I Had A Dream (Part 1)", et de telles aptitudes solistes pour légitimer de potentiels clichés jazz comme la très virtuose envolée de Rhodes sur walking-bass ternaire de "No", qui parvient malgré tout à tenir en haleine. Si l'on se définit avant tout comme un amateur de musique progressive, et que l'on préfèrerait plus de substance et d'évolution au sein des compositions, on appréciera chez One Shot les séquences versant davantage du côté d'un jazz-rock progressif plus proche de l'école de Canterbury. De par l'instrumentation, on pensera plus particulièrement à l'incarnation de National Health présentée sur le récent live Playtime, et à des compositions comme "Squarer For Maud" ou "Dreams Wide Awake". De ce point de vue, "I Had A Dream (Part 2)" représente assurément le sommet du CD, aux côtés du "Urm" cité plus haut : groove implacable, accélérations irrésistibles, solos torturés et captivants... Au-delà de ces nuances propres à la sensibilité musicale de chaque auditeur, One Shot a finalement assez bien réussi son coup d'essai. Déjà fort de qualités qui le distinguent d'emblée du tout-venant, à savoir l'excellence technique de ses instrumentistes et la perfection de son esthétique sonore, le quatuor doit encore affirmer sa personnalité et développer les points forts de son discours, et se débarrasser définitiviement de ce qu'il peut encore avoir, par moments, de conventionnel.

Aymeric Leroy - BIG BANG numéro 41 (Octobre 2001)

retour

E-mail : soleilzeuhl@soleilzeuhlrecords.com