Le Caucase un pont entre l'Europe et l'Asie.

Pays de légendes, de montagnes, de ravins et de villages isolés, le Caucase déroule son paysage telle une passerelle entre l'Europe et l'Asie. Au cours des siècles, des peuples s'y sont installés, séduits par sa position stratégique et par la richesse de son sol.

Depuis des milliers d'années, le Caucase est considéré comme une région enchantée. La mythologie grecque regorge d'aventures se déroulant dans ces montagnes, situées, pour les Anciens, à la limite du monde connu. Par ailleurs, l'arche de Noé aurait échoué sur le mont Ararat, en Arménie caucasienne. C'est également dans le Caucase qu'Adam et Ève auraient croqué la pomme... Il y a 40 000 ans, durant le paléolithique, le Caucase était déjà habité; c'est d'ailleurs l'un des premiers lieux où s'est développée la métallurgie. Les deux mers qui bordent la région recèlent de grandes ressources pétrolières. Aujourd'hui, 22 millions de personnes vivent dans ce vaste espace de quatre cent mille kilomètres carrés; elles forment une cinquantaine de peuples fiers et généreux répartis dans une dizaine d'États et de républiques.

Une frontière naturelle

Le Caucase est constitué de l'ensemble des pays situés de part et d'autre de deux chaînes montagneuses: le Grand et le Petit Caucase. Il y a 10 millions d'années, l'eau recouvrait la région. À la suite de mouvements continentaux, les montagnes qui tapissaient les fonds marins ont émergé, traçant un vaste trait d'union entre la mer Noire et la mer Caspienne. Le grand Caucase, qui s'étend du côté de la Russie, présente les plus hauts sommets de la contrée. Couvertes de prairies alpines et subalpines, ces montagnes sont idéales pour les pâturages; leurs cimes se perdent dans les nuages. Avec ses 5 600m (18 500pi) d'altitude, le mont Elbrouz est le point culminant de l'Europe. Les territoires du Nord (Daghestan, Ingouchie, Ossétie-du-Nord, Tchétchénie, etc.) composent le Caucase du Nord. Au sud, du côté de la Turquie et de l'iran, les montagnes volcaniques du Petit Caucase se déroulent à travers la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Ces trois républiques, fractionnées en divers États, forment la Transcaucasie.

La nature unique de Caucase

Des plantes disparues depuis longtemps du reste du monde prospèrent encore au Caucase. Par exemple, le pin à aiguilles longues y pousse depuis 60 millions d'années! En outre, les vallées de la région abritent plus de 550 variétés de plantes médicinales, qui sont utilisées dans le monde entier. La faune caucasienne est également très particulière. Des carpes, des truites, des silures, des barbeaux de Colchide et plusieurs autres espèces de poissons qui n'existent nulle part ailleurs barbotent dans les cours d'eau et les lacs du Caucase. Sur la terre ferme broutent la chèvre caucasienne, le chamois, le cerf de Caucase, le chevreuil, la gazelle et le sanglier. Parmi les carnivores, soulignons la présence du léopard des neiges, du lynx et de l'hyène rayée. Des fouilles archéologiques laissent croire que les habitants de la région ont domestiqué vaches, moutons, chevaux, ânes et chiens il y a plus de cinq millénaires; le brave berger du Caucase est d'ailleurs, et depuis fort longtemps, un fidèle gardien de troupeaux. L'adjectif  "caucasien" a d'abord été utilisé pour désigner les populations à la peau blanche, car on croyait que les gens présentant cette caractéristique venaient du Caucase. S'il est vrai que les types physiques des habitants de cette région du monde étaient jadis assez homogènes, les invasions et les mariages inter-groupes ont, au fil du temps, accru leur variété. Le Caucase héberge aujourd'hui une véritable mosaïque ethnique, où la diversité des types physiques, des religions et des langues est exceptionnelle.

Une région multilingue

Le Daghestan est probablement la plus polyglotte des républiques du Caucase: une trentaine de peuples y parlent 12 langues officielles, sans compter les dialectes! Pour expliquer cette situation aux enfants, on leur raconte une belle légende ancienne: "Dieu portait dans ses bras toutes les langues du monde pour les distribuer aux peuples. En enjambant la chaîne du Grand Caucase, il trébucha sur le mont Elbrouz, et toutes les langues se déversèrent dans le Daghestan". L'ossète et l'arménien présentent des ressemblances avec les langues indo-européennes, alors que l'azéri a des racines turques. Quant aux idiomes parlés dans les villages, ils n'ont pas de parenté avec des langues vivantes connues; souvent, ceux qui emploient un dialecte particulier ne comprennent pas ceux qui en utilisent un autre. Ces "langues rurales" ont cependant des points communs: elles sont complexes et elles abondent en consonnes. Le tcherkesse, par exemple, ne compte que 3 voyelles pour 54 consonnes. Beaucoup de Caucasiens communiquent entre eux dans leur langue maternelle; la plupart connaissent en outre le russe, le turc, l'iranien ou d'autres langues qui leur permettent de parler à leurs voisins.

L'importance des valeurs humaines

Dans le Caucase, la vraie richesse, ce sont les êtres humains. Les biens personnels sont réduits au minimum; on n'acquiert que des objets fonctionnels ou qui peuvent procurer du confort aux invités. Là-bas, la réussite est fonction du nombre de relations qu'on noue et qu'on conserve; les cadeaux constituent le fondement des amitiés loyales et fidèles. Les jeunes apprennent à renoncer sans regret à leurs biens les plus précieux pour les offrir à un invité. Les enfants sont de grandes sources de bonheur dans les foyers caucasiens. Institution puissante, la famille offre à ses membres, de la naissance à la mort, la sécurité des liens du sang. Hors du réseau familial, le Caucasien perd peu à peu son identité. Lordre patriarcal règne encore aujourd'hui, à tout le moins dans les campagnes: les femmes sont soumises aux hommes, les enfants, aux parents, et les jeunes, aux vieux. L'éducation est assez stricte car, dans la mentalité caucasienne, trop de liberté rend les enfants irresponsables et retarde leur accession à la maturité. Par conséquent, ces derniers sont dès leur plus jeune âge, initiés aux bonnes manières; en l'absence des parents, ce sont eux qui distraient les invités. Un jeune de 12 ans doit connaître les règles de bienséance et savoir comment agencer les convives à table. Quand les parents sont là, les jeunes se taisent; la coutume veut en effet que ceux-ci écoutent les adultes, afin d'apprendre l'éloquence. On enseigne également aux enfants à respecter leurs aînés et à leur témoigner des égards.

Le sens de la fête

Chez les Caucasiens, le sens de l'hospitalité et celui de la fête sont à la base de presque tous les rapports sociaux. L'image du paysan vêtu de sa tcherkesska (redingote serrée à la taille), armé de son kindjal (poignard d'argent ciselé) et coiffé de sa papak (bonnet d'astrakan) a fait le tour du monde. Faisant des pointes avec leurs bottes de cuir souple, les hommes aiment danser, chanter et boire du vin avec leurs convives. Chaque tablée est animée par un chef de groupe, le tamada, qui veille à ce que tout se passe bien. Joyeux et compliqués, les mariages caucasiens sont l'affaire de la famille élargie et ... du voisinage! Tous les habitants du village se joignent en effet à la fête, qui durera plusieurs jours.

 Tiré Magazine 7 Jours Cahier Extra

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