Le temps des sucre

Une tradition bien de chez nous!
Avec les 27 millions de kilos de sirop d'érable qu'il a fabriqués en 1997, le Québec occupe le premier rang des producteurs acéricoles du monde. Voici comment on transforme la sève d'un arbre majestueux qui tient une place de choix dans les traditions québécoises.

Toutes les variétés d'érables ont un sève qui contient du sucre; cependant, seule celle de l'érable à sucre (Acer saccharum) en comprends assez pour qu'il soit rentable d'exploiter cet arbre. Pour vivre et pour croître, l'érable doit comme toutes les plantes vertes, avoir recours à la photosynthèse. Ce mécanisme consiste en l'absorption par la chlorophylle des feuilles, du gaz carboniques (CO2) présent dans l'air; le CO2 réagit ensuite avec la lumière solaire et la sève brute provenant des racines, laquelle est faite d'eau et de sels minéraux dissous. C'est de cette réaction chimique naturelle que découle la formation d'un autre type de sève: ;a sève élaborée. Contrairement à la brute, qui monte des racines aux feuilles, la sève élaborée riche en sucre complexes est produite dans les feuilles et est ensuite acheminée vers toutes les parties de l'arbre afin de les nourrir.

Les quatre saisons de l'érable

Au cours de l'été, l'érable profite des chauds rayons du soleil pour fabriquer beaucoup de matières organiques; il se constitue ainsi des réserves d'énergie qui, sous forme d'Amidon insolubre lui permettront de passer l'hiver. En effet, comme il est privé de ses feuilles durant la saison froide, l'érable doit pouvoir compter sur d'autres sources d'énergie que la photosynthèse. À l'arrivée du printemps, au moment où la température est d'environ 0 celcius (32 farenheit), des enzymes se mettent à transformer en sucrose l'amidon stocké dans l'arbre. C'est la dilution de ce sucrose dans la sève brute qui donne l'eau d'érable. Cette dernière riche en éléments nutritifs se rend jusque dans les bourgeons favorisant leur éclosion. Ce qu'on appelle le temps des sucres, c'est la période de l'année pendant laquelle ce nectar circule dans les érables.

Les meilleurs récoltes d'eau d'érable ont généralement lieu après un été chaud ensoleillé et un hiver clément. Au printemps, les températures doivent osciller de part et d'autre du point de congélation avec un maximum d'environ 7 celcius (45 F) pour que l'eau d'érable suinte. C'est en effet grâce aux passages successifs du gel au dégel que la pression s'élève suffisamment à l'intérieur de l'arbre pour que la sève s'écoule. Si le froid persiste, il retarde le dégel du pied des érables et par le fait même le moment du début de la coulée. Inversement si la température s'élève trop la récolte doit être interrompue parce que des bactéries se développent dans l'arbre et provoquent l'éclosion précoce des bourgeons, donnant le goût de ces derniers à la sève. La durée de la saison des sucres dépend donc beaucoup des caprices de Dame Nature.

Le mécanisme de la coulée

Lorsque les températures sont proches du point de congélation, les réserves d'amidon de l'érable se transforment en sucrose. L'eau absorbée par les racines est aspirée vers le haut et se mélange aux sucres. Lors du réchauffement des températures, les gaz contenus dans les fibres de bois prennent de l'expansion repoussant la sève vers le bas; celle-ci est par la suite évacuée par l'entaille. C'est ainsi qu'on recueille l'eau sucrée qui servira à la fabrication des différents produits de l'érable.

La récolte de l'eau d'érable

Pour recueillir la sève sucrée on pratique dans l'arbre une entaille de 6 cm (2 1/2 pouce) de profondeur puisque c'est à cet endroit que circule l'eau d'érable. Ce sont les Amérindiens qui ont appris aux colons français à entailler les érables; à l'aide d'une petite hache on faisait une incision dans le tronc puis on y introduisait une goutterelle, pièce d'écorce ou de bois permettant à la sève de s'écouler. Au début du XXe (20) siècle, le chalumeau de bois, de fer blanc ou d'aluminium a remplacé la goutterelle: on insérait le chalumeau dans l'arbre avec un marteau, après avoir percé un petit trou dans l'écorce avec un vilebrequin. Aujourd'hui si certains acériculteurs se servent encore de ce dernier pour entailler les érables, la plupart ne pourraient plus se passer de leur perceuse électrique!

Une fois que la coulée a commencé, on recueille l'eau d'érable et on l'apporte à la cabane à sucre. Autrefois c'était un travail exigeant, car les gens ne disposaient que de méthodes de transport très rudimentaires. Il n'était pas rare de voir des hommes marcher des kilomètres en raquettes dans les forêts enneigés portant sur leurs épaules un joug et deux seaux pleins de sève. Parfois l'eau d'érable était transportée à la cabane à sucre dans un gros tonneau placé sur un traîneau et tiré par un chien, un cheval et même un homme. De nos jours à l'exception de quelques nostalgiques, les acériculteurs récoltent à l'aide de conduits tubulaires.

La transformation de l'eau en sirop

Quand on fait bouillir de l'eau d'érable, celle-ci devient de plus en plus concentrée; elle se transforme d'abord en sirop puis en tire, puis en sucre mou et enfin en sucre dur. Il faut de 30 à 40 Litres d'eau d'érable pour fabriquer un seul litre de sirop! À l'origine on faisait bouillir l'eau d'érable en plein air dans un chaudron de fonte suspendu à un arbre. Après 1900 on a remplacé ce lourd contenant par des casseroles plates posées sur des murets de pierre sous lesquels on allumait un feu. De nos jours, on utilise de grands évaporateurs en acier inoxydable; on surveille la cuisson à l'aide de thermomètres et de densimètres (appareils mesurant l'épaisseur du sirop), ce qui assure une excellente qualité au produit final.

L'exploitation des érablières

Normalement les érables emmagasinent d'assez grandes réserves de sucres pour qu'une exploitation raisonnable de leur sève n'ait aucune conséquence sur leur santé. Cependant quand un arbre a été soumis au stress important (perte des feuilles, sécheresse, tempête de pluie verglaçante) il est possible que le fait de récolter sa sève réduise ses chances de se remettre de l'agression qu'il a subie. Différents stress peuvent menacer la santé d'une érablière: pollution atmosphérique, conditions climatiques exceptionnelles (vents violents, formation de verglas sur les branches, sécheresse), infestations de parasites (insectes, champignons, bactéries). Tous ces facteurs peuvent causer des dommages aux feuilles, aux branches, au tronc ou aux racines des érables. Enfin, si vous vous demandez dans quelle mesure l'activité humaine représente une menace pour la santé des érablières, voici la réponse: tout dépend de la façon dont on fait l'exploitation des arbres. Certains acériculteurs veulent favoriser la croissance en diamètre de leurs érables et ainsi augmenter leur production de sève par unité de surface. Pour obtenir ce résultat ils font le nettoyage du sous-bois; de cette manière leurs arbres ont moins de compétiteurs parmi les autres végétaux et peuvent donc bien pousser. Cependant ces éclaircies parfois efficaces à court terme peuvent avoir à long terme des conséquences graves sur la santé de l'érablière. Par ailleurs si au moment de la récolte le producteur effectue de nombreux déplacement dans son érablière avec de la machinerie, il risque de blesser les tronc et les racines de l'arbres favorisant ainsi l'entrée de parasites dans les plaies. Quant à l'entaille elle-même elle constitue une blessure plus ou moins grave selon la manière dont elle a été faite. Plus dommageable est le surentaillage (pratique plusieurs entailles sur le même arbre) qui augmente la quantité de sève recueillie mais également le risque de maladie. Enfin l'installation de réseaux tubulaires et de systèmes de récolte sous vide ne semble pas avoir de répercussions négatives si ce n'est de rendre la forêt moins esthétique.
 

Croyances et coutumes au pays de l'Érable
 

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