La douleur
Un mal nécessaire

Même si personne n'aime souffrir, la douleur n'en est pas moins essentiel pour déterminer le site d'une blessure ou d'un trouble organique. Il s'agit en fait d'un signal d'alarme qui, en soi, constitue une preuve de bonne santé.


C'est par l'intermédiaire du système nerveux que les messages de douleur se propagent dans le corps. Nos organes, nos articulations, nos muscles et notre peau sont pourvus de récepteurs capables de détecter les moindres changements quant aux informations qui leur parviennent. Ces récepteurs sont reliés à la moelle épinière par des fibres nerveuses qui transportent les messages de douleur en direction du cortex cérébral; celui-ci analyse ces influx, en localise l'origine et en évalue l'intensité. Pour échapper à la douleur, il suffit bien souvent de se fier à son instinct et à ses expériences passées. Ainsi, sachant qu'on se brûlera si on touche à la flamme d'une chandelle, on n'a pas envie de le faire....

Le signal d'alarme:

Quand on se coupe au doigt, les tissus irrités envoient un message de souffrance au cerveau. Le processus de transmission des informations douloureuses comprend cinq étapes.

1) La peau est truffée de récepteurs de la douleur, ou nocicepteurs, qui, excités par la blessure, transmettent un signal d'alarme à la moelle épinière ou au cerveau par l'intermédiaire de fibres nerveuses, les neurones. Chaque millimètre carré de peau est «pris en charge» par un neurone et par les nocicepteurs qui y sont associés. Sur le site de la coupure, le sang commence à s'échapper et l'enflure apparaît. Les récepteurs sont plus actifs que d'habitude et émettent davantage de messages. Plus la blessure est importante, plus les signaux sont nombreux.

2) Selon l'intensité de la sensation, les messages transmis par les neurones suivent l'un ou l'autre de deux chemins. Si la douleur est très forte, les influx se rendent directement à la moelle épinière; si elle est moindre, les signaux empruntent une voie détournée pour arriver à la moelle.

3) Une fois qu'ils ont atteint celle-ci, les messages sont transmis à un deuxième neurone, puis prennent la direction du cerveau en suivant l'un des deux circuits suivants: les signaux qui sont parvenus les premiers à la moelle épinière gagnent directement le thalamus, alors que les autres passent d'abord par le bulbe rachidien. Comme le thalamus est lié aux régions cérébrales qui gèrent les émotions, les influx nerveux porteurs de douleur sont également des déclencheurs de manifestations émotives.

4) Le double message (douleur + émotion) emprunte ensuite un troisième neurone pour se rendre au cortex. Là, l'influx est analysé par trois zones cérébrales: les lobes frontaux, qui étudient les émotions liées au mal; les lobes pariétaux, qui terminent le travail des frontaux en déterminant le site d'origine du message; et le système limbique qui compare la douleur ressentie en cette occasion à celle éprouvée dans d'autres situations, et qui met cette information en mémoire afin de s'en servir ultérieurement. Grâce à ce système, on peut distinguer une douleur causée par une bronchite d'un malaise dû à un trouble cardiaque.

5) Une fois l'analyse de la douleur terminée, les neurones du cerveau fabriquent des analgésiques naturels, les endorphines.

Les interrupteurs de transmissions:

Lorsque nous ressentons de la douleur, nous avons des réflexes qui nous procurent un certain soulagement. Ainsi, quand nous nous coupons au doigt, nous mettons immédiatement le doigt blessé sous l'eau froide. Pourquoi? Eh bien! parce que nous savons que cela soulagera la douleur. Voici ce qui se passe: le mouvement de l'eau sur notre doigt stimule les récepteurs du toucher; ces derniers émettent des signaux qui transitent par des fibres de gros diamètre, lesquelles ont l'avantage d'acheminer rapidement le message. Les influx qu'elles transportent parviennent donc à la moelle épinière avant les signaux de douleur, qui ne pourront livrer leur message.

le même principe s'applique lorsqu'on prend des analgésiques tels que l'aspirine; ces substances chimiques bloquent la progression du message de souffrance.

S'il arrive qu'on perde connaissance quand la douleur est aiguë, c'est que les zones cérébrales qui analysent les messages de souffrance sont liées aux centres qui commandent le rythme cardiaque et la pression artérielle. Ainsi, lorsque la douleur est très intense, les artères et les vaisseaux périphériques se dilatent; la pression baisse à un point tel qu'on finit par s'évanouir.

Les trois sortes de douleurs:

Les douleurs peuvent se classer en trois catégories. La plus commune est la douleur qui prend naissance dans un tissu innervé, lequel envoie un signal au cerveau par l'entremise des fibres nerveuses afférentes, comme on l'a expliqué précédemment.

Il y a ensuite celle qui se propage d'un organe à l'autre. Citons, par exemple, la crise cardiaque dont la souffrance est ressentie au niveau de la poitrine, puis du bras gauche et même la mâchoire. Pourquoi? Eh bien! parce que les centres de localisation de la douleur se superposent à ces endroits.

Enfin, la douleur peut être causée par une lésion au système nerveux. Si celle-ci atteint directement la moelle épinière ou le thalamus, elle peut déclencher un malaise dans un organe, un membre ou une partie de la peau n'ayant subi aucun dommage. Il semblerait que l'irritation nerveuse de certains tissus, sans cause apparente, soit source de douleurs inexplicables telles les migraines.

De petites et de grandes souffrances:

La douleur ressentie au moment d'une blessure n'a pas la même intensité chez toutes les personnes. Certaines d'entre elles sont très vulnérables à la souffrance, tandis que d'autres ne sont dotées d'aucune sensibilité, c'est-à-dire qu'elles ne possèdent pas de fibres conductrices entre leurs nocicepteurs et leur moelle épinière. Aucun message de malaise ne peut donc parvenir à leur cerveau. Bien que l'absence de sensibilité paraisse être un avantage pour certains, elle est en fait très dangereuse car, ne ressentant aucune douleur, les gens en cause ne peuvent savoir qu'ils se sont brûlés, se sont fait une entorse ou se sont cassé un membre. Ils doivent sans cesse examiné leur corps afin de détecter toute marque leur indiquant une blessure.

Par ailleurs, il semble qu'on puisse s'endurcir à la douleur. Ainsi, certaines populations sont moins sensibles à la souffrance que d'autres. Selon les médecins, cela s'expliquerait du fait que le cerveau de ces dernières produit de grandes quantités d'endorphines. Par contre, certaines personnes souffrent de douleurs chroniques: les dorsalgies, les migraines, l'arthrose et le rhumatismes sont des maux qui provoquent des souffrances intolérables. On croit que ces maladies sont causées par un mauvais fonctionnement du système nerveux: le seuil de tolérance de nocicepteurs étant très faible, une douleur atteint rapidement une intensité démesurée.

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