LES FRITOLE ET LA MALVOISIE

LES MAGASINS

LES THEATRES

LES RIDOTTI ET LES CASINI

LE CAFE AU PONT DE L'ANGELO

LE CAFE DE MENEGAZZO

LA TERIACA

LE LOTO

LES MASQUES

LE DEGUISEMENT DE BERNARDON

 

CI

LES FRITOLE ET LA MALVOISIE

Depuis les temps anciens, nos pères se nourrissaient de "fritole", un ingrédient à base d'herbes potagères.

On a retrouvé une sentence des Seigneurs de la Nuit dans laquelle il est rapporté qu'un tel porta à l'étage supérieur d'une maison quelques herbes dont il fit une "fersolata fritelarum"

Les "fritoliers" formèrent une corporation. Les rubriques suivantes la concernent :

1619 Les membres se réunissent dans l'église des Servi pour élire leur chef, selon le permis accordé par le Collège Milizia da Mar.

1620 Querelle avec les charcutiers qui voulaient former avec eux une seule corporation. les fritoliers étaient au nombre de 52 et, en plus des fritole, faisaient des potages à l'huile et graisse de porc, des macaronis, des lasagnes avec beurre et fromage

1743 Ils bâtissent une école dans l'église de la Madeleine, appelée Scuola dell'Annunziata.

La malvoisie, vin originaire de Malvoisie, cité de l'Epire, l'ancienne Epidaure, accompagnait les fritole. Il y avait la douce, la ronde, l'agréable ; les prêtres en faisaient usage pour la messe. Nombreux étaient les magasins où se vendait la malvoisie, appelés pour cela "malvasie", nombreux les habitués aussi bien hommes que femmes, alléchés par ces confidentielles boutiques. On y voyait parfois des gens de condition supérieure. L'habitude était que, un jeune patricien, arrivé à l'âge de 20 ans, devait s'initier à la vie politique. Après s'être présenté un jour au doge et s'être montré avec l'habit à traîne dans la cour du palais ducal et au Rialto, il se réunissait avec ses amis à la malvasia de la Calle del Rimedio où, au milieu du vin, des gâteaux, des embrassades, des frôlements de main, on lui souhaitait d'heureuses fiançailles.

Cette cérémonie est immortalisée par Grewenbroch dans son livre : Coutumes vénitiennes.

Le vin de Malvoisie n'est plus en vogue aujourd'hui. il reste seulement dans la mémoire parce que les nouvelles dénominations de rues dites Calle, Ponte, Sottoportico della Malvasia sont sous nos yeux quand on parcourt la ville

CII

LES MAGASINS

Les magasins étaient des lieux, le plus souvent des terrains, où l'on vendait le vin au détail, où parfois on trouvait à l'air libre des espaces pour jouer aux balles. Chaque quartier de Venise avait son magasin principal, dit "bastion", dont dépendaient les autres, secondaires, dits "S. Marchi". L'ancien usage était que les magasiniers faisaient des prêts sur gage aux pauvres gens, donnant l'argent partie en espèces, partie en vin, qui le plus souvent était de mauvaise qualité. D'où l'expression "vin de gages". Quand venait le temps de la restitution, le débiteur devait rendre en argent, même ce qui avait été consommé en vin.

Comme aujourd'hui, on voyait dans les magasins les tonneaux symétriquement empilés les uns sur les autres, le comptoir au milieu avec l'espace pour les verres, protégés par une brillante grille de cuivre, et en haut, l'indispensable petit autel ou petite chapelle. Faisait contraste avec cette dévotion, l'existence de certaines pièces, comme il en existait dans les cafés, malvasie ou auberges où s'enfermaient des joueurs acharnés ou des couples amoureux pour de distraire. Contre ces lieux, la République promulgua diverses lois et en ordonna la fermeture. Elle en fit même détruire quelques uns par la force. Les derniers se voyaient encore à la moitié de ce siècle, dans les espaces de vin au ponte di Ca' Balbi à S; Giuliano , au ponte di Nadal dans les terrains du palais Cocco dans la calle del Carro.

CIII

LES THEATRES

La compagnie de la Calza, dite des Eternels, construisit en 1565, en bois, dans les murs du monastère de S.Maria della Carità , le premier théâtre qu’il y eut à Venise, derrière lequel peu après fut construit, en pierres, le Vieux Théâtre de S. Cassiano

Pendant longtemps, nos théâtres restèrent sans ornements, n’ayant même pas de lampadaires au milieu, ni de lampes autour. C’est seulement avant le lever du rideau que l’on allumait d’un côté une torche de bois fonctionnant à l’huile, que l’on éteignait au début du spectacle pour laisser place aux habituels feux de la rampe, tandis que les musiciens de l’orchestre devaient se contenter de quelques bougies de cire.

Il est vrai que quelque illumination spontanée surgissait de ci de là des loges où l’on dînait allègrement et d’où l’on crachait sur les humbles gens du parterre, infamie blâmée par Gaspare Gozzi dans la gazette de Venise et par d’autres auteurs de l’époque.

Nos théâtres ouvraient vers la mi-octobre. La recette des abonnements et des loges revenait au propriétaire et celle des billets d’entrée aux comédiens. Les comédiens étaient considérés avec un préjugé injuste, comme une sorte de gens méprisables. On lit qu’en 1778, l’inquisiteur d’Etat Anton Maria Tiepolo leur adressa le reproche suivant :

"On croit franchir la porte du théâtre, mais non, on franchit la porte du bordel

Rappelez vous que vous autres comédiens êtes haïs du Dieu Très Saint mais toléré par le Prince qui vous donne en pâture aux gens qui se complaisent de votre iniquité…"

A partir de 1637, on ajoutait aux comédies, des morceaux musicaux et ensuite des scènes dansées. La première œuvre musicale est datée de cette année: ce fut Andromède au théâtre Nuovo de S. Cassiano, poésie de Ferrari et musique de Manelli.

Le temps passant, les théâtres devinrent plus raffinés et n’y tarda pas à régner la licence des mœurs. Les dames vénitiennes y apparaissaient vêtues avec le maximum d’indécence.

C’est pourquoi, il fut ordonné le 27 décembre 1776 qu’on ne puisse assister à un spectacle sans porter le masque de la "bauta" et c’est pourquoi Elisabetta Labia Priuli, Marina Bon Toderini et Giula Tron qui n’obtempérèrent pas à cet ordre furent condamnés à quatre jours d’assignation à résidence.

CIV

LES RIDOTTI ET LES CASINI

Anciennement, il y avait plusieurs "ridotti". En 1560 nous en trouvons un dans la calle dei Ragusei aux Carmini. Un autre en 1580 à San Moise dans la calle del Traghetto où habitait la courtisane Elena. Un troisième en 1591 dans la Calle dei Cinque au Rialto. On lit qu'en 1591, par ordre de son frère Pietro Polo fut tué par une arque buse, sur la Fondamenta de S.lorenzo, Giacomo Battagia alors qu'il revenait du ridotto de S. Maria Formosa. mais le Ridotto le plus célèbre de tous fut celui qui s'ouvrit à San Moise dans l'ancien palais Dandolo. La tradition de la grande foule qui s'y précipitait est encore vive. le jeu, le libertinage y régnaient en souverain donnant suite à de pernicieuses conséquences. Ce ridotto fut supprimé par le décret du 17 novembre 1774. Les joueurs se réfugièrent alors dans les "casini" où avec le Biribis, le Faraone, la Bassetta et le Panfil, on fondait des fortunes. Ballerini, dans ses Lettres Inédites dit : "C'était le lieu de rencontre de toute la cité avec un mélange des plus grands seigneurs et des plus misérables gens, du seigneur procurateur et semblables sujets et des plus pauvres. " Il ajoute que dans ces casini , " personne ne voulait paraître inférieur dans le vêtement étaient dans le jeu. le Panfil dominait de toute part. Les pauvres pour payer et continuer à se divertir étaient réduits à divertir les autres presque ouvertement…

CV

LE CAFE AU PONT DE L'ANGELO

 

Entre le pont de l'Angelo et celui de Remedio, à Saint-Marc s'est ouvert un modeste espace pour le vin, lequel était autrefois un café, avec au dessus un local de jeux.

Ici, aux derniers temps de la République, se rendaient de nombreux patriciens, spécialement les Barnaboti, nom sous lequel on désignait la noblesse pauvre, habitant habituellement dans la paroisse de S; Barnaba. Cette classe de gens, mécontente du gouvernement et aspirant à des nouveautés avait fortement contribué à faire nommer le 8 mars 1780 Giorgio Pisani comme procurateur de Saint-Marc, qu'ils reconnaissaient pour chef. Mais sitôt que les Inquisiteurs d'Etat les délits commis par celui-ci, ils décidèrent de l'emprisonner seulement deux jours après sa nomination.

Il est connu qu'un soir, Cristofolo dei Cristofoli, valet craint des Inquisiteurs, se rendit au café de l'Angelo pour avoir un entretien avec Pisani et que ceux-ci le jour suivant était déjà en voyage pour Vérone, où dans le château de S. Felice il devait réduire sa peine.

A cette époque, le comte Alemanno Gambara était un autre habitué du café où il jouait toute la nuit. Il se rendit coupable de nombreux délits. Ballerini écvrit que , dans ce café, fleurissait de belle façon le jeu : "Le café de l'Angelo est devenu pour moitié un casino privé. Là, on joue toute la nuit. le cavalier Madre n'en part qu'à trois heures du matin"

Même les quadrupèdes apportèrent célébrité au café, un chien s'y étant nourri. Son éloge fut fait par Vincenzo Formaleoni, qui l'appelle le "cane tabacchino". Mais l'opuscule fut confisqué sur ordre du gouvernement parce qu'on y trouvait une parodie de l'oraison funèbre de Ubaldo Bragolini en l'honneur de l'amiral Angelo Emo.

 

Ce fut à la chute de la République, que ce café se transforma en une espace de vin, transformant son étage supérieur en habitation. Le local, cependant, même dans sa nouvelle vie mérite renommée pour la qualité des vins qu'on y trouve. Sans gaz, sans pétrole, avec une simple lampe à huile, puante, qui n'éclaire même pas toutes les tables, on y goûte par contre un excellent Conegliano, qui, comme beaucoup peuvent s'en rappeler, remplissait d'argent les poches du conducteur aujourd'hui décédé Vincenzo Gobbo, l'homme, au haut chapeau, à la longue houppelande, sous laquelle il tenait toujours quelques images des saints protecteurs.

 

CVI

LE CAFE DE MENEGAZZO

Il était appelé ainsi parce que dirigé par Menico, homme très gros. Il s'ouvrait à l'entrée de la Merceria de S. Giuliano, à droite pour celui qui se rend au ponte dei Baratteri, ayant une sortie à l'arrière sur le Campiello del Piovan, aujourd'hui Campiello di S. Giovanni. il était fréquenté par plusieurs hommes de lettres, dont le sénateur Daniel Farsetti, le piquant Baretti, le prêtre Biagio Schiavo da Este, le prêtre Leonardo Marcellotto, et d'autres. Sa grande renommée lui venait cependant d'avoir été fondé sur les lieux de l'Académie des Granelleschi, dont voici l'origine. Daniele Farsetti et quelques amis ayant entendu en 1747, dans un couvent de S. Domenico di Castello, un ridicule sermon en l'honneur de Vincenzo Ferreri, sermon donné par Giuseppe Sacchellari, prêtre à moitié sot, voulurent, pour plaisanter, faire la connaissance de celui-ci et lui communiquèrent qu'ils étaient sur le point de fonder une académie littéraire et qu'il aurait put en devenir le chef. A condition qu'il vienne au café de Menegazzo, leur habituel lieu de rencontre. Et notre prêtre y alla, au milieu des rires, avec ses compositions balourdes. Voici donc fondée l'Académie dite dei Granelleschi, parce que ayant pour enseigne un animal soulevant avec une patte une paire de testicules (en italien : granelli)

Scacchellari fut rapidement élu prince de l'académie, ayant même le titre d'Archigranellone. Cette académie, née dans le badinage, ne tarda pas à se durcir sous l'impulsion de Gaspare Gozzi et se dédia particulièrement à préserver de la barbarie la langue italienne. Elle cessa en 1761.

Une prise de bec littéraire redonna célébrité au café de Menegazzo, entre Baretti et le prêtre Biagio Schiavo da Este. Baretti avait, bien des années auparavant, composé un sonnet pour une religieuse, assez médiocre. Il tomba dans les mains de Schiavo, qui lui répondit, sous forme de lettre anonyme par un sonnet encore pire, mêlé de grande insolence. Baretti parvint a en découvrir l'auteur et ayant retrouvé Schiavo au café, il le tourna en ridicule devant tous et l'obligea à déserter le café.

De nos jours, le café se rouvrit à l'enseigne du "Trouvère", mais pour peu de temps. Dans la nuit du 7 au 8 septembre 1860, il prit feu, causant grande peur aux marchands voisins qui portèrent leurs marchandises pour les sauver dans l'église voisine de S. Giuliano, laquelle pendant quelques jours ne put accueillir les offices.

CVII

LA TERIACA

(La panacée)

Beaucoup d'entre nous doivent se rappeler du crédit qu'on portait à la "teriaca", autant pour son usage externe que pour son usage interne. Nos anciens prêtaient une confiance encore plus grande à ce remède inventé, selon certains, par le fameux Mitridate, roi del Ponte et, selon les autres, par un grec prénommé Andromaco. Plus de soixante ingrédients la composaient, dont l'opium, l'orne de Crête, la myrrhe troglodyte et même des extraits de vipère. Depuis le XVIIème siècle, Venise se distinguait dans la préparation de la teriaca, sous la surveillance du magistrat de la santé, à qui le soin revenait de veiller sur le choix, la qualité des ingrédients, la justesse et l'uniformité des manipulations. Les pharmacies qui avaient obtenu la licence pour fabriquer la teriaca se nommaient "teriacanti", et, chaque année, tenaient exposés, disposés de belle manière et bien décorés, les ingrédients, tandis qu'une partie de ceux là étaient broyés, dans la rue même, dans des mortiers de bronze, situés au dessus de quelques cercles de silex, encore visibles à quelques endroits. C'était le travail des "facchini" qui endossaient des veste blanches, des pantalons rouges, des chaussures jaunes et des bérets bleus, surmontés de plumes ou de fleurs sèches. Entre deux coups donnés au mortier avec la masse, ceux-ci entonnaient quelques strophes, semblables à la suivante :

"Pour les poisons, les flatulences et autres maux

La tiriaca est le premier des remèdes"

Les passants ne manquaient pas de plaisanter et d'adresser quelques paroles équivoques aux dames, à l'égal des paysans de Nola à l'époque des vendanges, sujet du petit poème de Tansillo, intitulé : Le vendangeur.

Parmi les pharmacies "teriacanti", celle de la tête d'or, à S. Bartolomeo se vantait.. Elle avait l'habitude de distribuer un petit imprimé énumérant tous les mérites de la teriaca : guérir de la peste , et de toutes les maladies contagieuses, chasser du corps toutes les mauvaises humeurs, en redonnant la quiétude à l'esprit; guérir des piqûres de scorpion, de vipère et des morsures de chien, libérer de la tuberculose et des fièvres putrides, guérir des maux d'estomac et éclaircir la vue…

En dépit d'aussi belles prérogatives, l'usage de la teriaca a beaucoup diminué aujourd'hui, et l'on peut dire il ne s'en fabrique que seulement pour l'usage des pays étrangers.

CVIII

LE LOTO

Il s'exerça d'abord de manière privée, avec la licence du gouvernement étant supervisé par quelque personne connue. Le lieu des tirages était le plus souvent le couvent de S. Giovanni e Paolo. Cela déplaisait cependant aux frères, qui du haut de la chaire faisait entendre que le loto était un péché. A partir de 1521 il y eut une loterie de tapis, de têtes de lits etc.. dirigée par Girolamo Franco, dit Bambarara, citoyen vénitien et une autre en 1523 ,par Giovanni Manenti où la mise était de 10 ducats par bulletin. Le gouvernement lui-même organisait de telles loteries, quand il était appauvri par la guerre. Preuve en est le décret du 10 juin 1525, avec lequel on chargeait le même Giovanni Manenti de mettre en loterie la Ca' del Duca, tombée alors en propriété de la Seigneurie. Le tirage eut lieu le 29 juillet dans la Scuola di S. Marco , près de S. Giovanni e Paolo. Le gagnant fut Alvise, fils d'Agostino Dolce avec le bulletin numéro 4540. Pietro Aretino dans une plaisante lettre adressée à Giovanni Manenti, son compagnon relatent toutes les malédictions qui pleuvaient sur la tête de ceux qui jouant au loto, restaient déçus dans leurs espérances.

Dans cette lettre, on apprend que les tirages se faisait sur une scène haute et bien décorée, qu'un jeune garçon était chargé de procéder au tirage, comme cela se pratique encore un peu de nos jours.

Plus tard, c'est à dire en 1720, nous trouvons une loterie organisée par G. Battista Molin, dit Mamera, Prête de S. Simeone et Guida Apostoli, dont les bénéfices seront pour la reconstruction de son église.

Environ 14 ans plus tard , on institue à Venise une loterie publique et la première extraction eut lieu le 5 avril 1734. On accordait des licences pour le jeu et parce que le bureau était installé à S. Maria Formosa près du pont de Borgoloco, celui-ci fut vulgairement appelé Pont de l'entreprise. Les cinquante employés se divisaient en Caseletti et Compustiti et l'on apprend par une fiche manuscrite de Cicogna que dans leur bureau, ils avaient dans une petite pièce réservé avec un autel pour vénérer l'image de la Vierge Marie.

Au début, il y avait neuf tirages par an. En 1758, on en ajouta un dixième. Il y en eut ensuite de plus en plus, les gains réalisés servant à payer les illuminations dans la cité.

On a mémoire qu'il y eut même des tirages exceptionnels, comme celui pour couvrir les besoins de l'Etat, décidé le 30 décembre 1796, approuvé le 14 janvier 1797 où l'on mit en loterie les biens du presbytère supprimé de S. Maria della Carita.

CIX

LES MASQUES

 

La coutume des masques à Venise est très ancienne quoique le métier de fabricants de masques ne soit apparu qu'au XVème siècle.

L'usage des masques était permis à partir de la San Stefano, pendant tout le carnaval, à l'exception des fêtes de la Circoncision et de la Purification. Ils étaient permis aussi dans la quinzaine de l'Ascension et, plus tard de l'Ascension jusqu'au 15 juin. Encore à la période du couronnement des doges et des banquets publics solennels, des fêtes extraordinaires et du 5 octobre au 16 décembre. On peut dire ainsi qu'ils étaient permis presque toute l'année. En ce qui concerne les gens simples, la première place revenait à la houppelande (tabarro) et la bauta qui se composait d'un ample manteau de soie noire avec un surmanteau de la même étoffe, qui partait de la tête, sur laquelle on posait un bicorne ou un tricorne, descendait sur les épaules couvrant la moitié du corps. Sur le visage on portait un demi masque de velours ou de soie blanche ou noire. Celui qui était en houppelande et bauta, même s'il se tenait à visage découvert était considéré comme masqué. Dans les derniers temps, les dames abandonnèrent la bauta, se contenant du seul tabarro, usant cependant, comme les hommes du chapeau avec de grandes plumes.

Parmi les déguisements communs on comptait : les Pantaloni, les Zane, les Arlecchini, les Trufaldini, les Brighella (bouffons), les Pagliacci, le Gnaghe, les Tati, les Tate, les Corieri, les Diavoli, les Capitani Covieli et les Caporali Spaventa. Les personnes mal déguisées, ou plus trivialement que les autres s'appelaient "mascare barone".
Il y avait ensuite les compagnies masquées, parmi lesquelles celle des Abruzzesi, transformée ensuite en Napoletani et celle des Chioggioti.

Rapportons quelques lois de la République sur ce sujet:

1339. 12 février Les masques ne devront pas sortir la nuit à travers la cité.

1458. 26 janvier On interdit aux hommes de se déguiser en femmes ou en bouffons.

1539. Il est interdit de porter des armes et des fausses barbes.

1546. Les déguisements sont interdits en temps de peste.

1585. On ne doit pas porter d'armes.

1603. Il est interdit de se déguiser dans les parloirs de s religieuses.

1606. 6 janvier On ne doit pas entrer masqué dans les églises

1618. 13 août On ne doit pas sortir déguisé en dehors des époques permises.

1628. 31 décembre C'est le Conseil des Dix qui décide en matière de déguisement.

1669. 6 avril Les masques sont interdits le premier dimanche du carême.

1699. 13 janvier On répète le décret contre les armes

1703; Les masques sont interdits dans toutes les maisons de jeux.

1718. 16 janvier . Ils sont interdits les jours de fête, à l'heure du culte, l'habitude indécente ayant été prise de se montrer aux portes des églises et dans les sacristies.

1744. Interdits dans les "casinos" où entraient les dames.

Les masques sous la première occupation autrichienne ne furent pas autorisés dans les rues de Venise , ni dans les lieux publics, exception faite pour la soirée masquée du Vendredi gras à la Fenice. Ils furent à nouveau permis sous le gouvernement italien et sous la seconde occupation autrichienne seulement pendant le carnaval comme c'est le cas aujourd'hui.

CX

LE DEGUISEMENT DE BERNARDON

 

Parmi les masques (déguisements) dits "Barone", il y avait celui de Bernardon, qui représentait un homme couvert de guenilles, laissant apparaître des plaies et bubons, entourés de crasseuses bandes. Il portait autour de la tête un drap sanguinolent, avait une jambe de bois et tenant mal sur ses béquilles, allait en chantant une vilaine chanson. Selon Pellè dans ses annotations sur les "Chants du peuple vénitien" cette chanson disait :

"Regardez, ô jeunesse dissipée, le pauvre Bernardon, épuisé par la faim et la misère, les os brisés, la chair marquée par d'inguérissables plaies, en raison de ses vices et réduit à errer dans les rues soutenue par ses béquilles, pliant sous le poids des péchés."

Avec ce déguisement, on voulait peut-être rappeler le peuple à des sentiments moraux ; mais pour sur, il s'accordait mal avec les aimables costumes de l'époque et encore moins à l'allégresse de ces temps.