TRIBUS PERDUES ET RETROUVEES

 

Les Juifs de H'imyar

 

 

Localisation des tribus et population

 

La région du Yémen habitée par les Juifs en Arabie méridionale se trouve entre Najran et Aden, zone montagneuse entrecoupée de vallées fertiles où se sont implantés les royaumes de Sheba et de H'imyar. Deux principales agglomérations jalonnent cette route, Sanaa et Zafar. D'après les sources les plus fiables, la population juive a varié en fonction des vicissitudes. Au temps de la reine de Saba (-10ème s), on peut estimer cette population à quelques familles tribales, quelques centaines de personnes qui ont crû jusqu'à quelques milliers de personnes, au moment de la chute du royaume d'Israël      (-8ème s). En l'an –25, Hérode envoya ses légions dirigées par Aelius Gallus conquérir l'Arabie. Il y avait des Juifs parmi eux, qui restèrent dans le pays après la défaite des Romains. La population juive n'a cessé d'augmenter par des apports de commerçants ou d'exilés de Judée, notamment après la destruction du 2ème Temple de Jérusalem, et la répression de la révolte de Bar Kokhba par les Romains. On comptait à cette époque 100 000 juifs en Arabie méridionale (2ème s). La population juive  continue de croître grâce à une immigration venant de Babylone et à des conversions de chefs païens et de leurs tribus. Celles-ci ont lieu moins par affinité que pour s'opposer à une Chrétienté conquérante venant d'Abyssinie et de Najran. La population culmine à 300 000 âmes avec le royaume de H'imyar au début du sixième siècle. La chute de H'imyar en 525 devant les éthiopiens chrétiens et la conquête arabe apportant l'Islam annoncent un lent déclin, malgré que les Juifs n'aient pas été massacrés comme à Khaybar. Soumis à des capitations pour pouvoir garder leur foi, les Juifs sont devenus des citoyens de seconde zone à partir du 10ème siècle, après la conversion du Yémen à la foi shiite "zaydi". Les Juifs ne pouvaient plus posséder de terres, étaient fermiers ou cantonnés à un artisanat besogneux (ferblantiers, bijoutiers, tisserands, scribes…) ou à un commerce peu lucratif (colporteurs…). Les orphelins étaient convertis de force à l'Islam. Quoiqu'isolée, la communauté juive yéménite perdure grâce aux contacts qu'elle maintient avec le Caire et Bagdad. Elle est plus favorisée sur la côte à Aden ou à Bahrein…, grâce au grand commerce et à des relations plus aisées avec les autres communautés.

Pauvre et constamment harcelée par les dirigeants arabes, zaydis, ottomans ou turcs, la communauté yéménite a été une des premières à amorcer une émigration vers Israël dès 1882. Entre 1910 et 1948, 18 000 yéménites ont émigré. Lors de l'opération "tapis magique" en 1949/50, la majeure partie des juifs yéménites a quitté 500 petits villages, soit 46 000 personnes, laissant derrière quelques milliers d'âmes (à Aden, Bahrein et Saada près de la frontière d'Arabie)

 

Un peu d'histoire

 

Sur le plan sémitique, on considère la tribu des "Qahtan" comme étant la "plus pure" de la péninsule arabique. Cette tribu s'est développée grâce à la construction d'un barrage à Ma'rib qui a permis de fertiliser de nombreuses vallées arides et de pratiquer une agriculture lucrative. S'ajoutent à cela la récolte de la gomme arabique (laden) et  de plantes aromatiques (myrrhe…), le commerce de l'encens qui ont enrichi la région. La tribu des Qahtan prospéra en plusieurs états dont Shéba et H'imyar dont la famille régnante appartient au clan des Toubba. Selon la tradition musulmane, la conversion des tribus païennes au Judaïsme commença vers 390/420, sous le règne d'Abou Karib Asad, qui se convertit lui-même, puis les classes dirigeantes et progressivement toutes les tribus d'Arabie méridionale. La principale raison de ces conversions spontanées était de contrer les tribus converties à la chrétienté, ainsi que l'Abyssinie menaçante, en leur opposant le monothéisme originel. Le dernier chef Toubba, Youssouf Moussouf Asar, appelé Dhou Nawas, prend le pouvoir au H'imyar en 517, se convertit aussi au Judaïsme et cherche à l'imposer aux tribus de Najran. Les récalcitrants sont brûlés vifs dans une fosse de l'oasis; cette cruauté ne laisse pas indifférents les chrétiens d'Ethiopie. Un de leurs chefs, Abraha attaque Zafar et conquiert H'imyar en 525. Dhou Nawas se suicide. En 535, Abraha est consacré roi du Yémen qu'il s'emploie à christianiser. Un prince resté juif Sayf Ibn Dhi Yazei'n fait appel aux Perses en 570 pour le chasser. Les Sassanides règnent jusqu'à l'arrivée des tribus arabes en 628. Le Yémen se convertira assez rapidement à l'Islam, tout en tolérant ses Juifs, mais pas ses Chrétiens qui seront massacrés. On notera la lutte d'influence plus ou moins pacifique des deux religions monothéistes issues du Judaïsme, auprès de tribus païennes, afin de supplanter ce dernier. La chute du royaume juif de H'imyar entraîna celui de Khaybar.

 

Zafar capitale du royaume de H'imyar

 

Zafar se trouve dans une région verdoyante, au milieu d’affleurements volcaniques, à 130 kilomètres au sud de Sanaa. Le site est magnifique, surtout après une pluie au soleil couchant, qui révèle des couleurs étonnamment variées. Il se prête à merveille à une promenade nostalgique, évoquant la fragilité des entreprises de l'homme. De la splendeur de Zafar, le visiteur ne retrouvera aujourd’hui que de bien modestes vestiges.

Très vaste dans l’Antiquité, Zafar a été entièrement saccagée par les troupes éthiopiennes qui l’ont conquise au 6ème s. Le visiteur retrouvera sans peine des traces de l’enceinte, ou les soubassements du palais royal Raydan, mais ne verra que fort peu de chose de la ville qui domina l’Arabie entre le 3ème et le 6ème siècle.

On ignore où se trouvaient les synagogues mentionnées par les inscriptions déchiffrées et les sources manuscrites, ainsi que l’église détruite par le roi Dhou Nawas.

Rédigée par un noble himyarite et datée de février 531, l’inscription dite "du fort du Corbeau"  commémore l’achèvement de fortifications érigées "quand ils s’y sont retranchés à leur retour du pays d’Abyssinie et que les Abyssins ont envoyé leur corps expéditionnaire au pays de Himyar, quand ils ont tué le roi de Himyar et ses barons".

 

Coutumes et légendes

 

L'ami de Job, Eliphaz de Téman était yéménite. Le Yémen se dit Téman ou en sémiologie "le signe de la droite" (taw yemin), en ce sens qu'il représente la miséricorde. Téman n'est-il pas cette Arabie heureuse pour les Juifs, du moins jusqu'aux conquêtes arabes?

La légende veut que la reine de Saba soit revenue du royaume de Judée, avec un enfant de Salomon et un groupe de Juifs qui l'accompagnaient pour l'aider à éduquer cet enfant.

De même c'est une légende qui donne comme raison initiale des conversions païennes au Judaïsme, le rétablissement d'une grave maladie d'un roi de H'imyar qui aurait été guéri par deux rabbins de Médine.

On raconte aussi qu'Ezra a maudit la communauté des exilés au Yémen, parce qu'ils ne sont pas rentrés à Jérusalem à son appel, pour reconstruire le Temple. Cette communauté se serait vengée en refusant de nommer ses fils du nom d'Ezra!

Le rite suivi par cette communauté a toujours été celui pratiqué par les Juifs de Palestine. L'attente du Messie a provoqué au moins deux espoirs déçus (voir "la révolution des Messies" de l'auteur, éd l'Harmattan). Cette communauté a donné des qabalistes, des poètes et des musiciens.

 

Résumé

 

Les Juifs du Yémen sont les descendants d'une symbiose entre les tribus d'Israël et de H'imyar, et dans une moindre mesure avec de celle de Sheba. Cette symbiose qui a duré une vingtaine de siècles a fortement imprégné cette communauté, surtout à l'époque de l'"Arabie heureuse" due à la pérennité d'un barrage à Ma'rib qui a fertilisé la région et qui a duré une dizaine de siècles. Depuis la conquête du Yémen par le caliphe Omar en 632 et surtout depuis la conversion de ce pays au Zaydisme (schisme de la shia'h), trois siècles plus tard, les Juifs se sont repliés sur eux mêmes dans une multitude de petits villages de montagne, pauvres citoyens de second zone, artisans, agriculteurs ou colporteurs. Ils ont été néanmoins les détenteurs des plus anciennes traditions du monothéisme d'avant la Royauté. Ils ont développé une poésie et un messianisme qui se reflètent dans leurs coutumes, leur littérature, leurs chants et leur musique.

 

Sources

 

Encyclopedia Judaica.

Christian Robin, historien

Google

 

 

Albert Soued

22 Septembre 2003

 

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