La question des preuves

Tiré du site prevensectes

Sud Ouest, 12 décembre 2002

[Texte intégral)

Inceste, abus sexuel, esclavage... On évoque rarement ce genre de faits en audience civile de Tribunal de grande instance. Ce fut le cas toutefois hier.

Trois trentenaires, deux soeurs et leur frère, dont les parents vivent à Salies-de-Béarn, avaient fait le déplacement à Pau pour écouter plaider leur avocat sur des faits aujourd'hui prescrits... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle maître Froment a expliqué qu'il avait « choisi » de demander réparation au civil. « Mes demandes portent donc sur la réparation pécunière, la seule possible, mais ce qui intéresse mes clients, c'est l'acte de justice qui, par cette sanction, désignera le coupable. »

Pour la défense des parents, maître Teillard, en revanche, il n'y a point de culpabilité à chercher et une seule issue : que les plaignants soient déboutés.
Tout le débat a tourné autour des preuves. Maître Froment a souligné la difficulté de faire émerger celles-ci, que ce soit dans le volet des agressions sexuelles ou pour le travail forcé des enfants. Mais pour lui, les témoignages des plaignants sur les pratiques sexuelles imposées par le père avec la complicité de la mère ne font aucun doute.

Pour appuyer ces dires, il a cité divers amis des enfants qui se plaignaient d'incursions du père durant la toilette des filles, des médecins qui indiquaient les perturbations psychologiques de ceux qui sont aujourd'hui leurs patients... Dans la même veine, l'avocat a recueilli des courriers de chefs ou d'employés d'entreprises qui ont raconté que les enfants du couple, à la tête d'une entreprise de nettoyage, travaillaient le soir après l'école.

Autre argument de maître Froment, le fait que les parents, qui appartiennent à l'église des Témoins de Jéhovah, aient dû affronter un genre de conseil de discipline pour inceste.

Pour maître Teillard, aucune de ces pièces ne peut constituer d'éléments objectifs, au-delà du fait que les trois enfants aient attendu tant d'années avant de parler. « On nous parle de photos pornographiques que le père aurait prises mais il n'y en a aucune dans le dossier. Celui qu'on accuse aujourd'hui a une version plus simple : il est passionné de photo et il en a fourni qui montre la famille en vacances, dans divers lieu. Il reconnaît que le soir, parfois, on partait en famille faire le ménage chez tel ou tel client.. »

Et de mettre cet épisode judiciaire sur une mésentente familiale. « Parents et enfants se sont fachés. Ou les premiers n'ont pas accepté certains choix des seconds. Cela n'a pas grand chose à voir avec leur pratique religieuse. »

Le jugement a été mis en délibéré au 21 janvier.