FOOT MAGAZINE - 21/03/2001

 

 

 

 

Saison 1996-97, le stade de Sclessin poursuit son lifting. Le vénérable virage "terril" témoin de tant d'heures de gloire est rasé. A sa place s'élève une tribune à deux étages. André Duchene ne sait pas encore ce qu'il va en faire. Il pense y installer des salles de cinéma. A moins qu'une patinoire ou, qui sait, un salon de thé ne fasse l'affaire! Projets farfelus, voire risqués. L'endroit est devenu le repaire du Hell Side, peu connu pour son romantisme ou sa poésie. Projets vite abandonnés d'ailleurs. Donc en attendant les fonds octroyés pour l'EURO 2000 le bâtiment demeure inachevé. C'est alors une curva de style italien qui se dresse. A ciel ouvert.

Gamin du hell, interpellé par la chute d'ambiance qui transforme le chaudron en frigidaire, M se sent pousser des ailes. En compagnie de quelques amis, il s'envole vers le balcon. Naissent les Ultras Inferno. Variante latine de l'intitulé Hell Side qui lui-même tire son nom du kop, l'enfer de sclessin. La forte colonie italienne de liège adore. Elle qui se branche tous les dimanches sur la Rai en frémit de plaisir. Référence suprême de M qui ne peut nier ses origines. Plus Rital que lui, tu meurs. En compagnie de T, M et quelques autres, il est le géniteur des Ultras Inferno.

Une vie professionnelle riche et bien remplie lui prend beaucoup de temps. Les tifos c'est son hobby. Sa passion. Totalement imprégné de l'esprit Ultra, il avoue "Le Standard, Ok. Mais ce qui importe surtout, c'est le groupe. La camaraderie. Le feu sacré. Un Ultra authentique est quelqu'un qui pense, vit par et pour son clan. C'est quelqu'un qui bûche le temps qu'il faut pour être prêt le jour du match. Le trip : monter à ceux d'en face que nous sommes les meilleurs. Après, il y a la vérité du terrain. Autre chose. Les joueurs peuvent perdre une rencontre. Nous, nous devons toujours gagner. C'est ainsi !"

Par le biais du fan-coaching, les Ultras entament de longues négociations avec les forces de police afin d'introduire des fumigènes et oriflammes dans le stade. Les discussions aboutissent. Lors de la visite de Lokeren en Coupe de Belgique se déroule le premier tifo. Il est modeste. Mais il a le mérite d'exister. Et surtout, il donne le coup d'envoi d'un changement radical dans la manière d'appréhender le rôle du supporter. Partout maintenant, les fans lancent des rouleaux de papier en guise de serpentins géants. De grandes bannières chapeautent les gradins. Pourtant, une différence fondamentale se fait jour entre les groupes puissants. Elle se marque suivant la localisation géographique. Des têtes de pont illustrent à merveille cette observation : Bruges, Anderlecht, Liège et Charleroi. Côté Nord, le type anglo-saxon prédomine. Côté Sud, on vote résolument méditerranéen. 

 

Le Standard a fait tellement fort (et beau) dans le registre de l'animation de stade que ses fans ont même eu droit à l'ouverture du Week-end sportif ainsi qu'à des commentaires élogieux. "Pour une fois, les chevaux de frise, les autopompes et les flics casqués n'ont pas fait la Une", rigole M. "Normal ! Quand on se démène pour animer une tribune, on ne pense pas à se battre. Je ne parle pas au nom de tous, mais en ce qui me concerne, c'est le cas. La mise en place ainsi que l'installation des banderoles demandent quatre de préparation. Le Hell Side , qui soit dit en passant fête cette saison ses vingt années d'existence, reste très influent, très puissant. Voilà probablement pourquoi la Tribune 3 conserve un esprit critique, revendicatif, parfois agressif. Il est d'autant plus justifié que le club ne nous suit plus. Au temps de Thierry Luthers, nous avions quelqu'un à qui parler, et qui joignant le geste à la parole. L'arrivée de Costantin a freiné le processus. Il ne nous écoutait pas. Toutefois depuis début mars, il a enfin organisé une réunion destinée à établir une collaboration. L'intervention de Louis Smal nous fait penser qu'après cinq ans, la direction se veut plus confiante en ses fidèles. En attendant du concret, nous organisons toujours des collectes. Je rappelle aussi que la Fédération des Clubs des Supporters nous a financés et, tenez-vous bien, les joueurs, eux-mêmes, nous ont versés de l'argent. Costantin, rien jusqu'à présent. On a l'impression qu'il n'avait de la considération que pour les occupants des business seats. Oh, le foot, c'est le peuple. Quand ça se jouera uniquement devant des loges, on verra la différence. A nous maintenant d'apporter des preuves de sérieux".

Les Ultras disposent d'un compte en banque officiel et d'un trésorier nommé en bonne et due forme. "Malgré cela, c'est le parcours du combattant pour obtenir un laisser-passer permettant d'accéder aux tribunes avant l'heure d'ouverture officielle des grilles".

Le rêve de M ? "Un tissu gigantesque capable de couvrir les deux étages. Noir, avec la tête du diable. En la déployant, nous allumerons des fumigènes de part et d'autre. Manière comme une autre de souhaiter la bienvennue en enfer aux visiteurs !".

Et de manière plus pragmatique : "Obtenir la gestion du bloc E3 afin d'éviter que des gens qui souhaitent vivre la rencontre tranquillement se trouvent perdus au milieu de nous et incommodés par les pogos ou la fumée".

Seul probléme, nous sommes en Belgique. Pas en Italie. Pas en France. Mais qui sait ?

 

 

 

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