1. Notes d'archéologie
Le château de Blain est l'un des maillons d'une chaîne de forteresses qui ceinturait la Bretagne. Placé sur la rive gauche de l'Isac, il est solidement assis sur un socle rocheux de schiste qui affleure au milieu de terrains marécageux, inondé par la rivière, dont il commande le passage.
Le château est composé de deux enceintes fortifiées : le "Petit Chastel", qui occupe 1 hectare 26 ares, et la "Grande Enceinte", 3 hectares 14 ares, fossés compris.

     Le "Petit Chastel"

L'édifice était défendu par quatre tours :    
  • La tour Du Moulin, au Nord-Ouest,    
  • La Tour du Connétable, au Nord-Est,    
  • La Tour du Donjon des Armes, au Sud-Ouest, détruite par Richelieu, en 1629,    
  • La Tour de l'horloge, au Sud-est, dont il reste des soubassements.

    La Tour du Connétable face nord


    S'y trouvaient aussi deux corps de logis :
       
  • Le Logis de la Reine, qui reliait la tour du Donjon des Armes à la tour du Moulin, fut détruit;    
  • Le Logis du roi (entre la Tour du Moulin et la Tour du Connétable) : il est encore en bon état, mais remanié par le Prince de Grèce entre les deux guerres.

         La "Grande Enceinte"

    Elle joignait la première, était entourée de fossés profonds et défendue par cinq tours :
       
  • La Tour du Nord-Est,    
  • La Tour de l'Est,    
  • La Tour du Sud-Est englobant la Tour de la Prison,    
  • La Tour du Pont-Levis,    
  • La Tour du Sud-Ouest.

    Ces tours sont reliées entre elles par des courtines de 3,50 m à 4 m d'épaisseur.

    Il est vraisemblable qu'il existait une troisième, reliant la Tour du Sud-Ouest, la Tour du Donjon des Armes, la Tour du Beffroi, qui formait un quadrilatère en revenant vers la Tour du Sud-Ouest.

    La Tour du Pont-Levis et la Tour du Sud-Ouest


    2. Epoques de construction
         1. XIIème et XIIIème siècles :

    Les premières constructions sont mal connues. Il semble qu'il n'en subsiste que les fondations, formant les bases des parties actuelles.

         2. XIVème siècle :

    Elles illustrent parfaitement la conception militaire de l'époque basée sur la défensive. On recherche la hauteur qui permet de dominer l'assaillant. Toute la défense se trouve répartie dans la partie supérieure de l'édifice (machicoulis). L'emploi des moellons de schiste, relativement peu résistants et la présence de fenêtres, attestent que le canon n'est pas encore un adversaire trop inquiétant.

    Sont de cette époque :
       
  • La Tour du Connétable : 45 m de hauteur, 15 m de diamètre, avec une tourelle d'escalier accollée et une très belle charpente de toiture;
       
  • La Tour du Pont-Levis : 40 m de hauteur, 15 m de diamètre, avec une galerie en encorbellement, autrefois couverte. Une extraordinaire charpente formant une coupole couronne cette tour;
       
  • La Tour de la Prison : 25 m de hauteur, 8,50 m de diamètre, avec des salles souterraines.
       
  • Les courtines Sud : 20 m de hauteur, avec galerie à machicoulis, relient de part et d'autre de la Tour du Pont-Levis, la Tour de la Prison à la Tour sud.

    Toutes ces constructions Ouest sont classées monuments historiques.

    D'autres constructions étaient aussi de cette époque :
       
  • La Tour de l'Horloge, rasée en 1804;
       
  • La Courtine Est du Petit Chastel, rasée pour construire les communs, dont on voit les ruines;
       
  • Le Logis de la Reine, dont il ne reste que les caves voûtées;
       
  • Le Logis du Roi, encore solide mais très remanié sur le côté cour, il est beaucoup plus intéressant sur l'autre côté, en face du canal.

         3. XVème siècle :

    Les constructions de cette époque sont caractérisées par des Tours basses à fort diamètre, constituées en blocage et parementées de grès, sur lesquelles les boulets ricochent.

    Elles visent à adapter la forteresse à l'évolution de l'artillerie, qui devient plus efficace, donc plus destructrice. Ces nouveaux ouvrages sont des Tours d'artillerie appelées "boulevard" en forme de U; Elles sont surmontées de terrasses où se trouvent les canons. Elles ont été démantelées en 1628.

    Sont de cette époque :
       
  • La Tour Sud-Ouest : Forme un U très prononcé. Le front de la Tour est aveugle, seuls les flancs sont percés de canonnières pour défendre la Tour du Pont-Levis plus vulnérable. Elle comporte un escalier en pierre de Nozay.
       
  • La Tour Sud-Est : Elle fait 22 m de diamètre et ceinture la Tour de la Prison pour la renforcer. Elle a reçu des obus allemands, lors des combats dans la poche de Saint-Nazaire.
    Ces deux tours sont classées monuments historiques.

       
  • La demi-Tour Est : En forme de fer à cheval, elle a 20 m de diamètre. ELLe renferma les restes des Rohan.
       
  • La Tour Nord-Est : Très saillante avec ses 22 m de diamètre.
       
  • La Courtine Est : Relie ces deux dernières tours sur 100 m de longueur.
    Elle a 4 m d'épaisseur et plus de 10 m de haut, bien que son couronnement soit en ruine.
       
  • Le Donjon des Armes : en ruines, faisant 20 m de diamètre.
       
  • La Chapelle : dont il ne subsiste que la crypte.


    3. Un peu d'histoire

    L'entrée de la Tour du Pont-Levis
       
  • L'origine

    Le premier seigneur de Blain connu est Guegon, installé par le Duc de Bretagne Alain Fergent, qui lui fit construire le château, en 1104.
    En 1203, on trouve un Hervé, Seigneur de Blain. Son sceau "vairé d'azur et d'argent chargé d'un croissant" sera ensuite comme blason par la ville de Blain.

       
  • L'essor

    Au milieu du XIIème siècle, Olivier Ier de Clisson, dit "le Vieil", hérite de la Seigneurie de Blain, mais il mécontente son suzerain,le Duc de Bretagne Jean Le Roux qui fait démanteler le château. Son fils, Olivier II de Clisson, plus diplomate que son père, obtient de le restaurer et de l'agrandir.
    Mais, le petit-fils Olivier III, comme son grand-père, aime l'aventure et la bataille. Il joue, ainsi que beaucoup de grands féodaux, un jeu de bascule entre ses deux redoutables voisins, la France et l'Angleterre, qui s'intéressent de très près au Duché de Bretagne. Cela lui coûte la vie. Attiré traitreusement à Paris par le Roi de France Philippe VI, il est décapité et sa tête est envoyée à Nantes et exposée au Bouffay.
    Sa veuve Jeanne de Belleville, reprend la lutte contre le Roi de france. Elle fait jurer à son jeune fils Olivier IV, le futur Connétable de Clisson, de venger son père, et l'envoie à la cour d'Angleterre.
    Olivier IV combat donc d'abord dans la longue guerre de succession de Bretagne, aux côtés des Anglais, pour Jean de Montfort et contre Charles de Blois, soutenu par les Français. Il perd un oeil à la bataille d'Auray où il est l'adversaire de Duguesclin, Connétable de France.

    Le connétable OLIVIER IV de CLISSON, seigneur de BLAIN


    Mais il va bientôt changer de camp, se retourner contre les Anglais, cette fois-ci aux côtés de Duguesclin, dont il prendra la suite comme Connétable de France. Il guerroie avec Jeanne d'Arc (comme on peut le voir dans un vitrail de l'église du Gâvre) et fait si bonne besogne, qu'il est surnommé "le boucher des Anglais".
    C'est à cette époque qu'il fortifie et agrandit le château de Blain. Il construit la Tour qui porte son nom, dite "du Connétable" et la Tour du Pont- Levis. Il a, auparavant, par mesure de précaution, pour ne pas avoir un voisin trop encombrant, détruit le château du Gâvre, qi vient d'être donné au capitaine anglais Jean Chandos.Et l'on assure que les pierres tirées du Gâvre furent amenées à Blain pour construire son propre château. Il meurt en 1407, réconcilié avec le Duc de Bretagne Jean IV. Son tombeau est à Josselin.

       
  • L'apogée

    En 1409, la châtellenie de Blain change de mains, et par mariage, devient la posséssion d'Alain VIII de Rohan.Jusqu'à la Révolution, le château restera dans cette famille.
    Jean II de Rohan est Seigneur de Blain de 1462 à 1516. C'est lui qui fait bâtir les nouvelles tours en U, nommées "boulevards", mieux adaptées aux progrès de l'artillerie. En 1510, il y reçoit, avec son épouse Marie de Bretagne, Anne de Bretagne, sa nièce, qui vient leur présenter son fiancé Louis XII, Roi de France.



    Le château vers 1450


    En 1551, René Ier de Rohan a l'honneur d'héberger le Roi de France Henri II avec toute sa cour.

    Quelques années plus tard , la famille de Rohan étant convertie au protestantisme (1558), sous l'influence de la famille d'Albret, puis de Marguerite de Navarre, soeur de François Ier, le château de Blain devient un lieu de réunion pour les calvinistes, et un refuge lors des persécutions. En 1562, Henri Ier de Rohan fait mêmefermer l'église de Blain et donne asile aux calvinistes expulsés de Nantes. Il bâtit les maisons du village du Pavé, près du château, pour les y loger. Vers 1570, un synode se tient à Blain.

    Son frère René II lui succède. Il est marié à Catherine de Parthenay, femme remarquable par son esprit et sa beauté.

    René II est comme son frère, un calviniste fervent. Il meurt à La Rochelle en 1586, en qualité de commandant de la place.

    Le Duc de Mercoeur, catholique et chef de la Ligue en Bretagne, en profite pou faire occuper le château de Blain et y laisse une petite garnison.

    Mais, un gentilhomme de la paroisse de Malville, Jean de Montaubant, Seigneur du Goust descendant des Rohan et bien que catholique, s'empare par surprise du château mal défendu.

    Et voilà Mercoeur qui revient pour reprendre la forteresse. Mille hommes assiègent le château, défendu par une quarantaine d'hommes. En vain. Il essaie alors la ruse et envoie une jeune fille, nommée Salmonaie, parler secrètement à son frère Henriais, qui est avec du Goust dans le château assiégé. Elle a pour mission de décider son frère à ouvrir une poterne. On y fera entrer une dizaine de soldats et la place tombera. En récompense, Henriais recevra la Seigneurie de Malville, celle de du Goust...Mais ce dernier est sur ses gardes. Il intercepte la jeune fille, la fait avouer et la convaint de retourner le même stratagème contre les hommes de Mercoeur. La nuit fixée, Henriais, en haut du rempart, envoie "une corde et un baston" et hisse ainsi "à cheval" plusieurs gentilhommes. Ils montent au nombre de 67 et sont mis aussitôt au secret...Quant à Salmonaie, il est vraisemblable qu'elle montat elle aussi sur la "corde et le baston", pour éviter des explications pénibles avec le Duc de Mercoeur...

    Mercoeur revient en 1590, cette fois-ci avec 4500 espagnols, débarqués en Bretagne au secours de la Ligue. Après un siège en règle mené avec une puissante artillerie, la Tour du Moulin s'effondre, détruite par plus de 2000 coups de canon. La place tombe et la Tour du Moulin ne sera jamais reconstruite. Après la capitulation, les ligueurs français arrivent à leur tour et participent au pillage. Le château renfermait de grandes richesses, car les Rohan l'entretenaient "comme pour recevoir un roi"...

    Ce n'est qu'en 1598 que Catherine de Parthenay peut revenir à Blain. Elle est inhumée à côté de son mari René II au "Temple de Blain"...

    Leur fils Henri II est sans conteste le plus célèbre des Rohan et sa vie appartient à l'histoire de France. Petit-fils d'Isabeau d'Albret, il serait devenu Roi de Navarre, si son cousin Henri IV n'avait pas eu d'héritiers directs.

    Il épouse en 1603, Marguerite de Béthune, fille de Sully. Lors de l'assassinat de Henri IV, il devient chef du parti calviniste. Mais, après la chute de La Rochelle, il est condamné à mort par Richelieu. Son château doit être démoli. La paix d'Alais, en 1629, met fin aux affrontements. Il retrouve alors ses biens et son honneur et met son épée au service de Louis XIII. Il meurt à la suite de ses blessures, au lendemain de la bataille de Rheinenfeld et est inhumé dans un magnifique mausolée, en l'église St-Pierre de Genève.

    Généalogie des Seigneurs de Blain

       
  • Le déclin

    Par la suite, le château de Blain, ayant perdu tout intérêt militaire, devient une demeure de plaisance, que les Rohan habitent peu, cr ils vivent à la cour de France.

    Le dernier Duc, après la disgrâce que subit toute la famille, à la suite du scandale du "Collier de la Reine", qui éclaboussera Marie-Antoinette, revient à Blain. Il est avec son épouse le bienfaiteur du pays. Il établit un bureau de conciliation, ancêtre du conseil des Prudhommes, qui statue en particulier sur les procès. Les conseillers blinois, après chaque séance, sont invités au château, à la table du Duc. Ce n'était pas un petit honneur.

    En 1791, le dernier Duc de Blain, Louis-Marie Bretagne, part en exil à Nice, où il meurt.

    Pendant la révolution, le château sert de prison et d'entrepôt. Il faillit même être démoli. Son magnifique "chartrier", le plus important après celui du Duc de bretagne, est brûlé à la Croix-Rouge. Avec lui disparaît la plus grande partie de l'histoire ancienne de notre pays. Bizeul, dont une rue de Blain porte le nom, historien et archéologue, fils de l'archiviste des Rohan, en sauve une partie, qui se trouve maintenant à la Bibliothèque de Nantes.

    Sous Napoléon Ier, en 1811, un grand bal de nuit est donné au château, pour fêter la naissance du Roi de Rome et en 1812, il sert de logement aux 400 prisonniers espagnols, qui creusèrent une partie du canal de Nantes à Brest.

    Le château au moment de la construction du canal


    Passé ensuite aux Janzé, banquiers parisiens, puis aux Lareinty, propriétaire du Pont-Piétin, il devient, en 1914, la propriété du Prince de Grèce, qui le fait restaurer et trop fortement modifier, hélas ! (en particulier le bâtiment principal, le Logis du Roi, auquel sont ajoutées fenêtres gothiques et cheminées Renaissance). Mais, il faut bien avouer qu'à cette époque le château n'a plus que les quatre murs et qu'on chasse le lapin dans ses ruines...

    En 1940, il est occupé par les Anglais, puis par les Allemands et en 1944, par les Américains et les FFI (Forces Françaises de l'Intérieur).

    En 1950, le château est acheté par les frères des écoles chrétiennes qui terminent la restauration. La Municipalité de Blain, après l'achat par le Conseil Général de Loire-Atlantique des parties "monument historique" est maintenant propriétaire de ces parties et s'emploie à les aménager, avec l'aide du Syndicat d'Initiative et de l'association "Château et Essor Blinois". Un particulier a fait l'acquisition du Logis du Roi et y a installé un restaurant. Quant à elle, la partie de la Tour du Pont-Levis renferme le Centre de la Fresque, un atelier d'imprimerie ancienne et fait l'objet d'expositions artistiques et culturelles.

    Le château vu du ciel