INTERVIEUW

Planète-Foot - FEVRIER' 2000, de Guillaume Prébois

Tu viens de fêter ton 25ème anniversaire et tu as tout réussi dans ta vie, tout gagné ou presque sur le plan sportif. Comment restes-tu motivé ?

Il faut toujours chercher à faire plus et mieux, à aller au bout de ses rêves. Je prends aussi plaisir aux choses simples et je m'attache à garder les valeurs essentielles. Moi aussi, j'ai eu mes peines et mes douleurs. Depuis mon accident, j'ai gagné en maturité.

A propos, que penses-tu des médias italiens qui te mettent une pression constante ?

Cela fait partie du jeu, je m'y suis habitué. Mais j'avoue être un peu fatigué d'être au coeur des polémiques du type "es-tu redevenu Del Piero ou non" ? J'ai besoin de continuité pour retrouver mon niveau, après avoir été éloigné des terrains pendant près de huit mois.

En tout cas, avec la Juventus, vous êtes bien parti dans la course au Scudetto ...

Je pense qu'il nous manque encore un petit quelque chose pour être au top et distancer la Lazio. Mais la Juventus n'a pas fondamentalement besoin de renforts en cours de saison. L'important, désormais, c'est de confirmer dans le temps.

Le renfort d'un joueur comme Rivaldo, en disgrâce à Barcelone, ne serait-il pas le bienvenu?

Toutes les équipes le veulent. Mais nous, on a Zidane, l'un des meilleurs joueurs du monde à son poste.

Quels sont justement tes rapports avec Zizou ?

Sur le terrain, on s'entend à merveille. En revanche, nous nous fréquentons peu en dehors, parce que nous menons deux vies privées différentes. Lui est marié et moi célibataire. Cependant, entre les rencontres, les entraînements et les stages, on se voit déjà pas mal.

Qui sont tes amis les plus proches à la Juventus ?

Je m'entendais super bien avec Angelo Di Livio. On se connaissait depuis l'époque de Padoue et c'était mon camarade de chambrée. Pour blaguer, il n'y en a pas deux comme lui. Depuis son départ à la Fiorentina, je suis souvent avec Tacchinardi.

Autre gros objectif, l'Euro. Comment juges-tu les Français ?

Ce sont les favoris incontournables. Ils sont champions du monde en titre et leurs difficultés en qualification ne signifient rien. Nous aussi, on a eu du mal.

Justement, où en est la Squadra Azzurra, aujourd'hui ?

Nous avons besoin de l'Euro 2000 pour nous relancer. Le précédent avait été une véritable catastrophe. Quant au dernier Mondial, je me limiterai à rappeler que nous avons perdu aux tirs au but face au futur champion du monde. Une chose est certaine : le football italien n'est plus au sommet. On a perdu des places dans la hiérarchie mondiale et, lors du vote pour attribuer le dernier Ballon d'Or, le premier italien, Vieri, n'est arrivé que sixième !

L'équipe nationale et son sélectionneur sont très critiqués ...

Les critiques, à ce niveau, sont permanentes. Regardez le prédécesseur de Zoff, Cesare Maldini. Il avait tout gagné ou presque pendant huit ans avec l'équipe Espoirs et ça ne l'a pas empêché d'être détruit par les médias, quand il a pris les A. Moi, je reste confiant. Il y a de bons joueurs chez nous. La preuve, c'est que le Milan AC a remporté le dernier Scudetto avec une ossature très italienne. Et les tifosi sont toujours derrière nous : lors du match amical contre la Belgique perdu 1-3 à Palerme, le 13 novembre, il y avait 10 millions de téléspectateurs devant leur écran.

Alex, tu te souviens de tes débuts dans le foot ?

Je descendais souvent m'amuser dans la cour de mon immeuble, à Conegliano Veneto, pour imiter mon grère Stefano, de neuf ans mon aîné, qui jouait en club.

Comment étais-tu physiquement à l'époque ?

Très frêle et souvent malade. Alors, ma mère m'obligeait à me couvrir et à jouer gardien pour ne pas transpirer et éviter de prendre froid. Puis, un jour, mon frère a pris ma défense en expliquant à ma mère qu'il fallait me laisser vivre et que je ne pouvais pas continuer à faire le pantin dans les buts. C'est là qu'a vraiment commencé ma carrière de footballeur.

Raconte-nous ton ascension ...

J'ai d'abord joué à Padoue en série B. Puis la Juventus m'a recruté à 19 ans à peine. J'ai signé un premier contrat de six ans, qui a été renouvelé en juin dernier pour cinq autres saisons, jusqu'en 2004.

Tu es donc pour longtemps à la Juve. A vie ?

Au total, à la fin de mon contrat, j'aurai passé onze ans dans ce club. Ce n'est pas rien. Rester toute ma carrière à Turin ? C'est trop tôt pour le dire. Des championnats comme la liga espagnole et la Premier League m'attirent. Mais, attention, je me sens bien ici. J'apprécie les joueurs qui ont associé leur nom à un maillot comme Baresi au Milan AC ou Batistuta à la Fiorentina.

Aimerais-tu par la suite devenir actionnaire du club comme Ronaldo ou entrer au conseil d'administration comme Nesta ?

Oh, je pense d'abord à jouer. J'ai envie de continuer le plus longtemps possible, jusqu'à 35-36 ans. Après, on verra. Toutes les propositions sont les bienvenues.

Outre Adidas, Luxotica, Walt Disney et Pepsi, tu prêtes ton image à un institut de cours privé dont le slogan est : "Alex, 25 ans, est lui aussi étudiant chez Cepù ..." C'est du bluff?

Pas du tout, je retourne à l'école ! Ca me servira certainement à affronter le futur. Me voilà bizuth ... J'aime ces sensations que l'on éprouve quand on commence quelque chose et qu'on a tout à apprendre. C'est un peu comme mes premières parties avec la Juve.

Qu'est-ce que tu étudies ?

Je suis un cursus de sociologie de quatre ans avec plein d'examens à passer. Je me rends à Cepù deux à trois fois par semaine où je retrouve mon prof perso. Le seul inconvénient, c'est que l'institut se trouve dans les anciens locaux du Toro, le grand rival de la Juve !

Si tu n'étais pas devenu footballeur, quel métier aurais-tu exercé ?

Petit, j'hésitais entre footballeur pro, camionneur pour voyager ou cuisinier. Finalement, ma vie de footballeur m'a permis de tout concilier. Je visite tous les coins de la planète et je n'hésite jamais à tester les spécialités culinaires locales, dans les limites que m'impose mon métier évidemment.

Tu as récemment déclaré que tu as trouvé l'amour de ta vie (sa nouvelle fiancée s'appelle Sonia). En quoi cela a-t-il changé ta vie ?

Ca donne de la force. Mais je n'aime pas m'étendre sur ma vie privée. C'est mon jardin secret.

Tu changes souvent de look. Pourquoi ?

Cela dépend de mon humeur. Si je me lève le matin et que j'ai envie de me couper les cheveux, je le fais.

Quelle est ta principale qualité ?

La technique. C'est ma grande force. Les journalistes ont même surnommé l'une de mes fantaisies préférées le "tir à la Del Piero". Je remonte la balle sur l'aile et, après un ou deux dribbles, je me retrouve à l'entrée de la surace, côté gauche. Je tire alors du droit et la balle "brosséeé adopte une trajectoire parabolique qui vient se loger dans la lucarne. Mais, j'aime innover et je vais trouver autre chose. Promis !