Alter et ego...
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Dimanche 3 mars 2023


Dans le journal intime de ma mère j'avais remarqué un décalage entre les pensées romanesques qu'elle décrivait lorsque le jeune homme dont elle était chastement amoureuse était loin d'elle, et le récit déçu qu'elle avait pu faire ensuite des rares rencontres dudit jeune homme. Son imaginaire de jeune fille la faisait osciller entre élans passionnés et attente infinie de signes de réciprocité qui ne venaient pas.

Quelques années plus tard, dans une des lettres qu'elle adressait à mon père, au début de leur relation, elle considérait avoir davantage d'aisance à exprimer son amour par écrit et à distance que de vive-voix : « Depuis que nous nous sommes quittés hier soir, je ne fais que penser à la lettre que je t'écris ce soir. Toute la journée j'ai pensé à ce que je te dirai, car je voudrais tant te parler, et quand je suis près de toi, je ne sais plus comment il faut commencer ».

Quelques mois plus tard, mariée, elle écrira, un peu dans le même sens, « Malgré le coup de téléphone, je t'écris quand même pour te parler plus longuement et te donner des nouvelles. De toute façon je peux te dire "je t'aime" beaucoup, beaucoup, plus facilement qu'au téléphone où tu m'as paru très intimidant alors que je venais de lire ta lettre très aimante ». Déclaration à relativiser puisque, dès le lendemain, elle lui écrira : « Aujourd'hui je ne t'écris pas longuement car je m'y suis prise un peu tard (...), tu me pardonneras si tu sais que je t'aime de plus en plus mais que je ne sais pas l'écrire : il me serait tellement plus facile de te le dire ».

Affirmations contradictoires, mettant tantôt l'écriture, tantôt la parole comme moyen préférentiel d'exprimer ses sentiments.

Bien plus tard dans leur correspondance de couple établi j'ai pu lire la propension de ma mère à imaginer une relation passionnelle, lorsque mon père était loin durant plusieurs ssemaines, et la déception sévère qui suivait le temps très bref des retrouvailles après ses longs voyages. Ma mère exprimait alors, dans son journal, son amertume et sa profonde tristesse de n'être pas davantage aimée. Elle avait besoin de signes d'affection qu'elle estimait ne pas recevoir suffisamment.

Elle a cependant choisi de rester avec ce mari qui ne répondait pas à ses attentes...


Dans mon propre journal intime d'adolescent je me souviens avoir décrit mes tourments d'amoureux, eux aussi très chastes, bien incertain d'une réciprocité. J'imaginais, comme ma mère, ce que je ressentirais si je recevais des signes amoureux à la hauteur des sentiments que j'éprouvais.

Le mot important, ici, c'est "imaginer". Ou plus précisément, la notion d'imaginaire amoureux. Je remarque incidemment que c'est assez proche de "Imaginaire et représentations au sein du couple", sujet du mémoire que j'ai entrepris en 2011... et resté inachevé. Car en cherchant à analyser les ressorts de cet imaginaire je me suis vu perdre tout attrait pour ce thème : il se révélait être une impasse par rapport à l'évolution de mes propres représentations. La notion même de couple m'est devenue étrange, anachronique, insensée. Je ne m'y retrouvais plus. Pire : j'ai développé, me concernant, une aversion par rapport à cette idée ! Ce n'est plus pour moi !

La déception a été trop grande. Ce qui signifie, en creux, que mes attentes étaient trop grandes...

Lire les écrits de ma mère m'a permis de réaliser, avec une acuité renouvellée, que j'avais une propension similaire à la sienne à imaginer comme "idéales" des relations qui ne l'étaient pas. Et comment auraient-elles pu l'être ? Je cherchais à faire correspondre des relations [ou des personnes ?] réelles à ce que j'imaginais qu'elles auraient pu être. Je croyais qu'avec du dialogue et de la volonté il était possible de trouver un espace d'entente [de compromis ?] acceptable et bénéfique pour les parties en présence.

Décalage entre ma perception, idéalisée, et le réel. Il se peut que j'ai fantasmé la possibilité d'une confiance réciproque à la hauteur [inatteignable ?] de ce que j'imaginais. Confiance réciproque : ces mots sont absolument fondamentaux dans ma représentation de ce qu'est [ce que pourrait être ?] une relation épanouissante.

Force est de constater que je n'ai pas su maintenir un tel niveau de confiance, peut-être trop... absolu. Et que, depuis mes déconvenues, je n'ai pas su comment me projeter vers un imaginaire de substitution. Je n'ai même pas réussi à imaginer ce que pourrait être une relation dans laquelle la confiance aurait des limites.

Mais quelle confiance ? En moi ou en l'autre ? Et quelles limites à la confiance ? Si celle-ci consiste à laisser l'autre libre d'être soi-même, suis-je suffisamment émancipé, et libre moi-même, pour cela ? C'est à dire libre de laisser l'autre suivre son propre chemin, fut-il sans moi ?

Il se pourrait que, incertain de mon aptitude à accepter cette fondamentale liberté, j'aie inconsciemment préféré ne plus me lier de façon trop proche. En quelque sorte je me serais adapté au réel.

Et je m'en porte fort bien :)


Mais comment savoir si je ne me porterais pas mieux "à deux" ? L'hypothèse me parait assez absurde, mais comme elle correspond à une certaine normalité, je la tente quand même.

Pas plus tard que ce matin [car ce n'est pas fortuitement que j'écris sur ce thème] j'ai rédigé un courriel dans lequel j'ai décrit le décalage que je ressens au sein d'une relation amicale - et à distance – de longue date. Avec précautions j'ai tenté de mettre en évidence ce que je percevais depuis pas mal de temps sans l'avoir aussi clairement formulé auparavant. Ce faisant je me suis rendu compte que j'abordais un thème délicat, car au cœur des affinités qui nous ont rapprochés.

Il y a très longtemps que je n'ai plus écrit sur le ton de la confidence et là, au fil des mots, je retrouvais une sensation bien connue de prise de risques : et si ce que je confie heurtait l'autre ? Lui déplaisait ? Et si le fait de me dévoiler en confiance aboutissait à l'effet inverse de celui escompté ? Je me suis senti un peu inquiet, tiraillé entre la volonté d'être sincère et une prudence me poussant à soupeser chaque mot potentiellement vulnérant pour mon interlocutrice. M'est alors revenu le souvenir des sensations vertigineuses qui accompagnaient autrefois mes audaces de sincérité. Ce "vrai-moi" que je sentais juste de dévoiler mais qui me lançait dans l'incertitude d'un éventuel rejet. C'était quitte ou double : lorsque je recevais une réponse compréhensive et rassurante, j'étais en joie de me sentir accepté dans mon entièreté et totalement reconnaissant pour cela. Mais si une réaction courroucée m'était retournée, sanctionnant la liberté imaginative que j'avais prise et celle de l'avoir racontée, je me retrouvais anéanti. Au final, après plusieurs déconvenues de ce genre, j'ai développé la crainte de "trop en dire". Et je m'y suis perdu.

Je me demande si la répétition de ces confidences mal reçues, fort préjudiciable à mon auto-estime, à la longue, n'aurait pas instauré en moi une sorte de phobie confidentielle. Je ne peux que constater la prudence que j'ai développée par rapport à l'expression de mes confidences sensibles, empêchant peut-être tout investissement sentimental. Le double naufrage des deux aventures relationnelles dans lesquelles je m'étais lancé a laissé des traces. Je me livre désormais fort peu et, le cas échéant, ne le fais que dans le cadre de relations de confiance étroitement circonscrites, compartimentées, généralement sans enjeu affectif, exclusivement a-sentimentales.

D'ailleurs, il se pourrait bien que j'aie développé, en parallèle, une phobie sentimentale !

Donc, pour fermer l'hypothèse du "serait-ce mieux à deux ?", je peux en déduire ceci : je ne me sens pas - à ce jour - en capacité de l'envisager.

Et, au final, peut-être est-ce une bonne chose que d'éviter d'importuner les autres avec mes états d'âme. Ce n'est pas à l'autre de me rassurer lorsque je doute de l'importance que j'ai à ses yeux.





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