Décembre 2003
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Seul




Lundi 1 décembre


Le sursis que je vis actuellement me laisse un certain répit dans mes pensées. La pression de l'urgence n'existe plus et j'ai pu, ces derniers jours, recommencer à vivre.

Pour autant, rien n'est vraiment éclairci et chaque discussion que j'ai avec Charlotte se heurte au même constat: impossible de faire concorder nos attentes respectives sur un point essentiel. Les dialogues sont devenus moins fréquents (parce que je ne veux pas lui imposer de toujours penser à quelque chose qui lui pèse) mais restent généralement détendus. Ils commencent souvent lorsque nous sommes très proches, soucieux de voir ce lien menacé, et cessent dès que nous sentons qu'ils commencent à se crisper.
Nous plaisantons même parfois, quand qu'il est question d'avenir proche, disant que chaque chose à acheter doit maintenant l'être en double...

Mais cette ambiance relativement détendue est une illusion. Je crois qu'en nous il y a une grande inquiétude. Je sais cette ombre au loin, sachant qu'il nous faudra l'affronter dans quelques semaines, ou mois. Et j'ai peur. J'ai parfois des bouffées de lucidité, me disant que ce n'est pas un cauchemar auquel j'ai rêvé la nuit précédente, mais bien la réalité à venir. Ce qui ne m'empêche pas de faire aussi des cauchemars qui s'étirent dans mes nuits, lancinants. Je n'en garde souvent rien, sauf une impression de malaise et d'angoisse.

Alors parfois, comme aujourd'hui, je finis par perdre courage. C'est trop lourd pour moi. Je ne me sens plus à la hauteur d'un tel enjeu. Ce n'est pas ce que je voulais. En moi se manifeste l'enfant égaré, accompagné mais pourtant seul.

Seul.

Seul à pouvoir choisir le chemin qu'il va suivre. Celui qui le rendra un peu plus adulte, plus autonome.

J'en peux plus de cette solitude. Je ne sais plus laquelle de toutes mes voix intérieures et contradictoires je dois entendre. J'aimerais qu'on m'aide, qu'on me dise ce qui serait le mieux à faire. Qu'on décide à ma place et que je n'ai plus qu'à suivre. Et oublier ce cauchemar. Me réveiller, comme avant, ignorant et satisfait, enveloppé dans le cadre rassurant de mes habitudes. Comme tout le monde.

Mais c'est trop tard, le processus est enclenché depuis bien longtemps. Il va falloir y passer. Je vais faire souffrir une femme que j'aime, et qui m'aime, sans savoir laquelle. Qui peut souhaiter cela? Ce sera terrible, déchirant. Je ne sais pas comment je vais pouvoir surmonter ça, ni continuer à vivre ensuite. Je ne sais même pas comment je vais un jour pouvoir dire «voila ce que je décide».

Ce qui est certain c'est que si l'une d'elle sera "épargnée", elle se retrouvera avec moi qui ne le serai pas (mais bon... j'avais qu'à mieux anticiper les risques...). J'ignore si cela ne m'affectera pas au point d'entraver la relation qui sera préservée. Et si... et si tout le monde perdait dans cette histoire?


Je hais ce modèle d'amour exclusif qu'on nous a foutu dans la tête.


Oui, aujourd'hui c'est noir. Habituellement j'évite, mais il faut aussi savoir que c'est comme ça, parfois.


[mis en ligne le 5/12/2003]





Mardi 2 décembre


Un peu noir mon texte d'hier, non? Mouais... ça allait pas fort. Les gros nuages noirs et menaçants, annonciateurs de tempêtes émotives à venir, masquent de plus en plus souvent mon soleil.

Comme il est devenu loin le temps du bonheur et de l'insouciance, du bien-être et des rêves...

Depuis plusieurs mois que je cherche des solutions pour pérénniser ce bonheur, je n'ai fait que prendre du temps sur lui. La recherche des solutions pour bien vivre m'empêche de bien vivre.
Et comment le pourrais-je?

Ah oui, je sais: vivre au présent. Prendre ce qui est là, au moment où ça se présente, et ne pas me soucier de l'avenir. Ne pas chercher à posséder les bonheur, à le garantir, à le faire durer. Il est là, je le prends... et je verrai bien si un jour il n'y est plus. Ou s'il est devenu différent.

Ouais ouais... je sais bien que c'est comme ça qu'il faudrait faire. Mais j'y arrive pas. Je vois trop ce que je perdrais... si... si... je devais cesser mes contacts avec nathalie [oh que j'ai du mal a écrire ce genre de choses!].
J'ai beaucoup plus de difficultés à imaginer ce qui se passerait si Charlotte me quittait, parce que je ne sais pas de quelle façon je ressentirais un manque. Et puis parce que je vis au quotidien avec Charlotte, depuis la moitié de mon existence.

Je sais sur quelles choses importantes nathalie répond à mes besoins, je ne sais pas ce qu'il en est pour Charlotte puisqu'elle en comble d'autres dont je n'ai jamais souffert du manque.



[mis en ligne le 5/12/2003]



Impression indéfinissable



Jeudi 4 décembre


Bon ben... et si j'écrivais un peu moi? Si je mettais en ligne, plutôt que de garder. Bizarre comme parfois je stoppe net, alors qu'à d'autres moments j'écris plusieurs fois dans la journée. Cette fois, ce "silence" de quelques jours n'aura pas été dû à un blocage d'écriture, mais à des pensées trop confuses. C'est pas facile d'écrire sur du marécage, il faut quand même quelques points d'appui.

Lundi ma semaine a commencé par une grosse déprime. Ça n'allait pas du tout. Le poids de l'incertitude, et la solitude décisionnelle dans laquelle je me trouve, m'avaient fait descendre bien bas. Lorsqu'aucune éclaircie ne donne d'espoir dans la tourmente, j'ai tendance à perdre courage.
Je m'en suis ouvert à nathalie au cours d'un long entretien téléphonique. Elle a alors tenté de m'aider à orienter mon choix en prenant en compte mon équilibre affectif: «Il faut que tu te dises que le choix final sera de rester dans ton couple, parce que c'est là que sont tes besoins affectifs. Et nous on essaye de voir comment on peut faire tant que c'est possible». J'ai écouté sans broncher, mais avec les yeux qui piquaient. Ça me faisait une drôle d'impression, parce que je la sentais me guider vers la direction opposée à ce que je souhaitais. Je me disais «mais on va se perdre si elle me pousse vers cette solution!». Elle m'a assuré qu'elle se sentait suffisamment solide pour tenir le coup sans moi (car il faudrait prévoir une rupture totale...). Et puis que j'avais déjà beaucoup évolué et que je saurais poursuivre sans elle.


Peut-être que c'est effectivement l'orientation la plus logique, la plus réfléchie, la plus sensée...

Mais d'imaginer plus précisément que cela signifiait à terme la fin de notre relation m'a fait réagir très vite. Pas question! Je ne veux pas! Je ne peux pas imaginer de renoncer, de cesser d'avancer en moi, de me priver pour toujours de ce que j'ai vécu quelques jours avec elle, de perdre son rire et son humour, d'abandonner tout ce qui me plaît chez elle. Pas possible. Toute ma vie je garderais ce manque, et des regrets de cette complicité. Ce serait comme un deuil à faire, mais de quelqu'un qui existe. Qui vit de l'autre coté de l'atlantique.
Je me suis souvenu que j'avais mis quatre ans à faire le deuil de l'idéalisation de mon premier amour, qui n'était qu'illusion. Alors faire le deuil de quelqu'un qui existe vraiment, et avec qui je vis une telle relation, il me faudrait combien d'années?

Ce qui était censé m'encourager à... réinvestir ma relation de couple (donc, implicitement, me préparer à désinvestir ce que je vis avec nathalie) a eu l'effet inverse. J'ai une fois de plus mesuré l'importance que cette relation a pour moi.

Du coup... rapidement mon moral est remonté. Parce que je trouvais une position plus confortable que le «cul entre deux chaises» dont nathalie cherchait à m'extraire.
[elle est pas fantastique cette femme? Parce qu'elle tient à mon bonheur, elle agit dans le sens de ce qui peut me l'apporter... quitte à y perdre définitivement une partie du sien]


Depuis cette conversation j'ai l'impression que des choses se placent. C'est encore flou et mouvant, mais il me semble que quelques points solides se renforcent. Nous parlons un peu plus avec Charlotte, les mots encore imprononçables il y a peu de temps se laissent apprivoiser doucement. Rien de précis, mais des éventualités plus facilement évoquées.

Peu à peu je sens un léger glissement s'opérer, comme si la balance penchait déjà d'un coté.

Pourtant je ne veux encore rien prévoir, garder une marge de réflexion. Rester vierge de préjugés avant d'entamer la thérapie de couple... Mais n'est-ce pas un peu mentir? Suis-je vraiment en disposition d'esprit neutre, prêt à tout tenter pour remettre notre couple sur les rails?

En quelques jours je me suis rendu compte que j'avais perdu l'espoir (insensé) que Charlotte se rallie à mon point de vue. Sans cet espoir... l'issue me paraît claire. Jour après jour je sens cette option prendre davantage de poids...

Et... bizarrement, j'ai ressenti un soir mon esprit se libérer. Oui, se libérer de ma relation avec Charlotte.
J'étais en face de nathalie (via webcam, évidemment), je la regardais sourire, vivre, me regarder. Et j'ai nettement perçu quelque chose de nouveau. Pas tellement définissable, mais pour qui le mot "amoureux" m'est venu en tête. Oui, je crois qu'en me libérant de Charlotte, j'ai senti que quelque chose de nouveau devenait disponible dans ma relation avec nathalie.
Comme si... effectivement on ne pouvait pas être amoureux de deux personnes à la fois. Et la part qui restait intacte envers Charlotte, perdant un espoir de pérennité, devenait vacante.

Surprenante impression, que je n'ai perçue que fugitivement à deux ou trois reprises depuis quelque jours.


Bon... c'est le genre de choses que j'aurais quand même du mal à dire à Charlotte. Donc je ne suis pas sincère...
Mouais... mais c'est pas du tout facile de dire ce genre de choses. Et puis, est-ce nécessaire? Je ne crois pas.



[mis en ligne le 5/12/2003]



Dialogue, attirance, et sensualité



Vendredi 5 décembre


Psy 3.17

J'ai commencé en énumérant les constats que j'avais fait durant le trajet (le travail analytique commence souvent durant ce laps de temps libre).

1- Un des points les plus importants qui m'a manqué dans mon couple est le dialogue approfondi et soutenu.

2 - C'est ce manque qui m'a conduit à investir d'autres champs relationnels, chose rendue possible par internet et la suppression de la timidité que cela permet.

3 - Ma relation avec nathalie s'est construite sur ce genre d'échanges soutenus et approfondis, notamment en ce qui concerne l'expression de soi et le rapport à autrui, la confiance en soi et en l'autre, ainsi que les rapports d'amour et amitié, ce qui différencie et lie ces deux sentiments (je simplifie, là).


Il est indéniable que mon rapport de proximité-intimité avec quelqu'un dépend directement de la forme de dialogue que nous entretenons. Ainsi, lorsque, comme en ce moment, j'ai des échanges soutenus avec Charlotte, je retrouve une grande complicité avec elle.
Inversement lorsque nathalie est moins disponible, ou lorsque quoi que ce soit fait que le dialogue perd de son intensité... je ressens un certain malaise. C'est d'ailleurs toujours à ces moments là que se sont produits de petits différends, puisque j'exprimais plus ou moins habilement ce manque et que nathalie manifestait plus ou moins fermement que je n'avais pas à attendre d'elle autre chose que ce qu'elle pouvait me donner.
J'en ai tiré des leçons et je me garde bien d'exprimer désormais ces manques, puisqu'effectivement on n'a pas à attendre d'autrui qu'il comble nos besoins. Cependant... le manque se manifeste parfois et je suis bien embarassé pour gérer la situation, hésitant entre silence et distance... tout en sachant qu'aucune de ces solutions ne convient. Il n'en reste qu'une: être moi-même et exprimer clairement ce que je ressens. Pas forcément évident...

Cela explique que je sois en pleine forme lorsque je peux discuter avec chacune de mes confidentes, mais m'enfonce lorsque ce dialogue s'effiloche, ou qu'il existe mais avec une incompréhension.
Je ne sais pas encore me recentrer sur moi-même et m'investir dans d'autres relations plus disponibles à ces moments là. Mouais... je me vois encore dépendant d'autrui... (mais peut-on ne pas l'être?).


J'ai élargi mon propos aux relations plus distantes, constatant certaines analogies.
Coté famille, les fêtes de noël approchant, je songe déjà avec inquiétude aux rassemblements au cours desquels, la plupart du temps, aucune discussion personnelle n'est possible. Sucession de numéros d'acteurs, toujours avec chacun le même rôle. Mon frangin qui fait le bouffon, ma mère qui se sent indispensable pour tout organiser, mon père qui rouspète si quelque chose cloche, des beaux-frères et belle-soeur chacun dans le rôle, Charlotte et moi chacun de notre coté... et moi taciturne et silencieux. Oh, tout se passe bien, ça rigole et ça bouffe... mais je m'y ennuie avec une étonnante capacité de résignation!
Je sais: j'ai qu'à parler de ce qui m'intéresse, au lieu d'attendre bêtement que ça vienne des autres. Très juste... sauf que mes sujets de prédilection ne sont pas forcément facile à insérer en groupe. Parler avec ses tripes, ses émotions, c'est pas possible pour tous. Y'en a que ça gêne, ou qui fuient, ou qui coupent court la conversation.

Avec ce qu'on appelle à tort "amis" (il s'agit plutôt de copains de longue date), c'est un peu pareil. Pas de discussions approfondie dans la plupart des cas. Alors là aussi je m'ennuie. Et là aussi j'ose pas trop me lancer (je sais, c'est un tort).


Bref, ça commence à bouillir sous la marmite. J'en ai marre de me taire et de m'emmerder en groupe. M'ferais bien un coup d'éclat juste pour rigoler à noël tiens. «Et bien voyez-vous, chers tous, j'entretiens depuis un an une relation amoureuse avec une québecoise... et parce que Charlotte ne le supporte pas, nous envisageons sérieusement de nous séparer». Ouaaaah, c'te rigolade! Je vois déjà les gueules d'ici. «Quoi? mais c'est pas possible? Mais c'est du virtuel, mais c'est pas sérieux, mais c'est pas raisonnable, mais t'as pas le droit de faire ça, et bla bla bla». Ouaaaaiiis, chouette, au moins ça discuterait ferme, là. Je ne m'ennuierai pas, hyerk hyerk hyerk.

Mouais... sauf que je le ferai pas. Je veux pas gacher la jolie fête ou tout le monde il est content de se retrouver (ou devrait l'être...). Alors je verrai si je peux prendre un peu ma part, si j'ose un peu être moi. Ça sera déjà pas mal.



Bon, mais j'ai poursuivi avec ma psy (à qui je n'ai pas raconté toutes ces digressions familiales). Je passe sur les détails, mais j'en suis arrivé à ma sexualité. Ah... voila quelque chose qui est intéressant...

Je lui disais que j'avais découvert dans une certaine sensualité (restons discret...) avec nathalie, une dimension insoupçonnée dans le rapport physique. Ce qui est bizarre alors que je partage une intimité sexuelle conjugale depuis deux décennies. Comment cela se fait-il?

Pour simplifier (je l'ai déjà écrit en long et en large, alors je ne reprends que les points principaux):

1 - J'ai besoin de dialogues approfondis, avec quiconque
2 - si ce dialogue naît avec une femme, je ressens une attirance envers elle, proportionnelle au degré d'intimité auquel nous parvenons
3 - en poussant jusqu'au bout, je finirais pas désirer un rapprochement physique, dans toutes les graduations possibles, éventuellement jusqu'au stade ultime.


Ceci n'étant pas aisément possible (ben non, hein...), j'avais installé quelques barrières. 
D'abord vis à vis de l'homosexualité: pas de dialogues approfondis avec des hommes (d'ailleurs je n'ai parlé que de femmes, vous aviez remarqué?).
Ensuite vis à vis des femmes. Plus elles sont séduisantes, moins j'étais à l'aise... mais plus j'étais attiré. Résultat: dialogue nul durant des années, paralysie... en pensant à ce qu'impliquait, si je poussais ma logique jusqu'au bout, un rapprochement. Ben voui... si rapprochement, alors dialogue plus approfondi, donc attirance possible, désir... et potentialités (infimes, mais bon...) de rapports physiques. Oui, je sais, c'est dingue mais c'était comme ça.
Heureusement que j'ai pu apprivoiser un peu les choses avec les rencontres virtuelles que j'ai fait sur chat, il y a quelques années.

Maintenant, mesdames, je n'ai plus peur de vous (ou plutôt de moi...) et je peux converser sans (trop) craindre tout ce qui pouvait me passer par la tête. Et en plus, ça se voit pas sur mon front, ce que je peux imaginer. Ni même dans mon regard... que je maintenais bas, de crainte qu'il ne dévoile mes pensées.

Bref... maintenant les choses sont assez claires dans ma tête. Il y des potentialités de rapprochement, mais elles se mettent très rarement en action, et d'autant moins qu'on s'avance vers l'intimité. Rassurant, donc.


Sauf que... ben justement, avec nathalie toutes les barrières ont été franchies une à une. Le dialogue s'est établi, puis approfondi, l'attirance s'est manifestée, réciproquement... et d'étapes en étapes nous en sommes arrivés à ce que j'avais toujours craint auparavant: le désir physique. Donc... ben nous y voila: la sexualité.

Tsss, marié le gars, sexualité hors mariage forbidden.



Et c'est là que rien ne va plus. Parce que ce rapport à l'autre, qui est tellement important pour moi, retrouve une nouvelle limite alors que je parvenais enfin à m'affranchir de celles de ma peur. J'ose aller vers les autres, et notamment vers les femmes, parce que je n'ai plus peur de mes désirs. Je ne vois plus cet interdit au loin, qui me faisait tout bloquer dès le départ.

Ben oui, maintenant pour moi c'est évident:
Le dialogue entraine le rapprochement, qui peut aller jusqu'a une certaine intimité, qui peut aller jusqu'à un rapprochement physique, qui peut induire une sexualité.

Ah mais attention. Sexualité dans sa dimension la plus fusionelle. C'est pas le sexe pour le sexe mais comme apothéose relationnelle, le stade ultime de l'intimité.

Et ça... ben j'ai pas envie de me l'interdire. C'est là que ça coince avec Charlotte.


Bon... tout ça m'explique aussi pourquoi, sans doute, je ne suis jamais parvenu à l'extase sexuelle avec Charlotte. 
L'amour que j'ai pour elle n'est pas vraiment amoureux... puisque la dimension "dialogue" ne répond pas à mes besoins. Nos relations physiques sont donc "bien", voire "pas mal du tout", mais jamais "fantastiques". Du moins vu de mon coté, parce qu'il semble que Charlotte soit tout à fait satisfaite du sien.

Alors que... je me suis approché de quelque chose de très différent en touchant à cette dimension physique avec nathalie. Parce que notre relation est fondée sur le dialogue et que cela crée pour moi quelque chose de très fort. Surtout lorsqu'il existe dans une confiance offerte, celle qui permet d'atteindre des sommets d'émotions, révélés dans les larmes du bonheur partagé. Ce que j'appelle "fusion", "osmose", "bonheur absolu"... et qui se prolonge par un désir de fusion des corps.
Et pour moi il n'y a rien de plus merveilleux que cette complicité-confiance-don. Qu'elle passe par les pensées ou se prolonge dans la sensualité.



Dialogue approfondi sur fond de séduction naturelle: voila tout ce qui m'a amené à élargir mes besoins relationnels hors du couple.





Solo





Samedi 6 décembre


Ça brasse beaucoup dans ma tête en ce moment. Je ne sais pas bien ce qui se passe, mais je sais que quelque chose travaille en sous-marin.


Allez hop, je me lance en mode "écriture automatique", et je verrai bien ce qui en sortira.

D'abord, un constat:
Je ne vis plus. Ou alors je vis trop intensément dans un seul domaine, ce qui fait qu'il n'y a pas de place pour le reste. Je me concentre sur l'essentiel, c'est à dire... moi. Régime de survie.
Enfin... quand je dis "moi", c'est pas moi tout seul. C'est mon rapport avec les autres, et plus particulièrement les très proches, ceux qui comptent le plus pour moi. Il y en a très peu en fait.

Je ne vis plus parce que toutes mes pensées sont absorbées par l'inquiétude et ce terrible "choix" que... l'on me demande de faire.
Je ne suis pas heureux en ce moment. Pas durablement. Il m'arrive de rire et d'être détendu, d'être même très bien, éphémèrement heureux, mais ce ne sont que des parenthèses. Au fond de moi je suis très mal.

Le bonheur m'est devenu inaccessible, alors que c'est ce que je recherchais et pensais avoir trouvé. Parce que le bonheur demande une sérénité intérieure, une paix de l'esprit. Il faut du temps pour que le bonheur prenne sa place, puis enveloppe.

Je ne vis plus... et je sens que j'impose à ceux/celles que j'aime le poids de mes questionnements. Je l'impose à ceux à qui je ne peux pas parler, en étant absent, distrait, ailleurs. Je l'impose à ceux à qui je peux parler, en étant focalisé sur le même sujet.

Je ne vis plus, et même les moments que je pourrais vivre avec celles qui me rendaient heureux sont envahis par mes questions existentielles. Je ne sais plus vivre avec elles, je ne sais que parler, encore et toujours de ce que je ne parviens pas à résoudre seul.

Seul... tout est dans ce mot. Je suis seul à pouvoir faire mon choix de vie. Il est inutile que je cherche à me raccrocher à je ne sais quel encouragement, ou approbation, ou même simple avis. Moi seul peut, et doit trouver ce qui me convient.

Je me rends compte qu'en tentant de dialoguer, c'est ce que vivent mes confidentes que je cherche à capter. Parce que je ne veux pas qu'elles souffrent, je ne veux pas qu'elles... me jugent mal. Qu'elles soient déçues par le choix que je ferai. Je ne veux pas... qu'elles ne m'aiment pas.

Alors, cherchant à capter le moindre indice de leurs attentes, je ne parviens pas à entendre ce que je veux vraiment. A moins que, ne sachant comment choisir, je sois à l'affût du moindre élément qui puisse me guider, préciser les choses?

L'écoute est indispensable pour que je puisse me déterminer, mais comme simple information. Je ne dois pas me laisser influencer, mais seulement m'imprégner de toutes ces informations. Et puis, le moment venu, me déterminer en mon âme et conscience, sans hésitation, sans regrets [ça... ça risque d'être difficile].

Je dois écouter... mais sans demander. Je dois me satisfaire de ce qui m'est donné. Je crois que j'ai eu beaucoup trop tendance à imposer mes réflexions, surstimuler le dialogue sur mon seul sujet de préoccupation. Revenant sans cesse sur le même problème, j'ai privé chacune de nos relations de ce qui les fait vivre: l'échange spontané, le partage mutuel de chacune de nos vie.

Ma vie ne peut se résumer à un problème, aussi déterminant soit-il pour le reste de mon existence. Je dois continuer à vraiment vivre. Je dois retrouver le temps de vivre, de lire, d'écouter de la musique, de me promener. Écouter davantage mes enfants, écouter aussi ce qui fait la vie de chacune de mes confidentes hors de ce que je partage avec elles.

Je dois entrer en solitude pour vivre avec les autres. Garder en moi ce qui m'appartient. Prendre un chemin solitaire accompagné par, et accompagnant, les personnes qui comptent pour moi.


C'est comme si je me trouvais au pied d'une paroi que je désire gravir, une épreuve à passer, mais qui ne se franchit qu'en solo. Si je réussis je serais plus fort, et plus libre. Mais pour cela, personne ne pourra jamais m'aider directement. Je monte sans assurance, et je ne peux compter que sur moi. Des mains peuvent se tendre, mais je ne dois pas les attendre, pas compter dessus. Je suis seul. Compter sur moi, et seulement sur moi, qui connais mes forces et faiblesses. Et ne pas aller au delà.

Je n'ai pas non plus à chercher à suivre les voies qu'on suivi d'autres. Je dois trouver la mienne. Je ne dois que compter sur les hasards et les volontés de rapprochement, mais ne puis agir que pour ce qui me concerne. Je dois suivre ma voie... et espérer qu'elle plaise au personnes que j'aime.

Je dois devenir un être autonome, qui croit en lui, sans chercher dans le regard de l'autre une approbation ou un encouragement. Je dois avancer et me nourrir de ce qui m'est donné spontanément.

Je dois avancer sans me retenir en tentant de plaire, mais faire confiance à celui que je suis... et peut-être plaire.

Je dois me plaire à moi-même, agir en conformité avec mes pensées. Je dois simplement être authentique.


Je dois apprendre à compartimenter mes pensées, celles qui sont à partager dans la relation, et celles qui sont à garder en solitaire. Je dois apprendre la sincérité nécessaire et les silences choisis.

Savoir répondre aux demandes, mais sans aller au delà. Donner, mais ne pas imposer. Et surtout... ne pas attendre ce qui ne vient pas spontanément. Apprendre à espérer, mais sans attendre.

Et peut-être m'enfermer dans ma bulle lorsque je ne parviens plus à entendre ma voix, ce murmure perdu qui a besoin de silence. Bannir la cacophonie craintive et souffrante, celle qui assourdit et éloigne les personnes qui aiment celui que je suis quand je m'écoute.


Car c'est bien celui que je suis vraiment qui seul peut (peut-être...) mériter d'être aimé. Par moi d'abord, par elles ensuite.

Suis-je capable de faire tout cela?






L'enfant intérieur




Dimanche 7 décembre


Par quoi commencer?

D'abord, ça couvait depuis un moment. Je sentais que quelque chose n'allait pas. Que plusieurs choses n'allaient pas. Sans me rendre compte, une fois de plus, qu'elles étaient liées.

Et puis là, tout se cristallise en quelques jours. Bien sûr, ce n'est pas sans rapport avec les questions que je me pose au sujet de ma liberté d'être. C'est évidemment ce questionnement fondamental qui m'a poussé à aller plus en profondeur.
En constatant mon incapacité à m'entendre, j'ai du remonter plus en amont, vers la source.

Et comme à chaque fois, c'est une conjonction d'évènements qui m'aura permis de comprendre.
Je m'enfonçais de jour en jour, sachant très bien ce qui se passait dans mon intériorité, mais j'essayais pourtant de lutter. Je voulais rester fort et solide, continuer à croire en moi.

Hier soir, le peu de vaillance qui restait [mon texte d'hier exprimait davantage un souhait qu'une farouche détermination...] s'est écroulée. Charlotte a employé à mon égard des mots qui m'ont ramené trente ans en arrière, à la période la plus fragile et déstructurante de mon adolescence.
Alors que nous avions une discussion un peu âpre sur notre fonctionnement de couple, se plaignant du fait que je «ne cherche pas à la comprendre», me demandant s'il m'arrivait de «me poser des questions», rouspétant parce qu'elle m'avait «déjà expliqué tout ça et que je devrais le savoir», puis que je «ne lui faisais pas confiance», elle a utilisé la phrase suivante: «mais ça devrait être acquis tout ça!».
Oh, elle n'a rien de terrible cette phrase... sauf que c'est celle que disaient mes profs médusés devant l'enfant qui ne parvenait pas à comprendre. L'enfant qui n'assimilait pas, ou très lentement, ce que la plupart des autres avaient engrangé sans difficulté.

Là, j'ai tout lâché, perdu toute force de résistance. Et j'ai sombré. Plus un mot. Je suis rentré dans ma bulle intérieure, isolé, solitaire. Seul, seul, seul.

L'enfant intérieur a pris toute la place que l'adulte déjà fragilisé essayait de conserver depuis quelques jours.

Charlotte est venue vers moi, à tenté de me parler, de me réconforter, et j'entendais à peine ses mots, lointains, comme étouffés dans la ouate. J'étais seul et elle ne pouvait plus rien y faire. Personne ne peut plus rien y faire. Sauf le temps.
Il y avait simultanément en moi ce besoin immense d'être rassuré, réconforté, cajolé... comme cet enfant que je ne veux plus être. Je ne voulais pas que ce soit cette part de moi qui existe. Cet enfant fragile qui est en moi ne doit pas s'exprimer en situation de détresse.



Mais tout cela ne se serait sans doute pas produit avec autant d'intensité si je n'avais pas été auparavant sensibilisé à cette part d'enfant qui est en moi.
Car si depuis plusieurs jours j'alterne hauts (que j'essaie d'exprimer) et bas (que je tente de cacher), c'est parce que je mesure bien que c'est l'enfant intérieur qui reprend sa place. Lorsque j'ai besoin d'être écouté, rassuré, soutenu par les personnes qui me sont les plus proches... c'est l'enfant apeuré qui s'exprime. Lorsque je souffre des silences et des absences... c'est l'enfant craintif qui se manifeste. Lorsque j'ai besoin qu'on m'aime, encore et encore, qu'on me le dise et le montre... c'est l'enfant perdu qui attend.

Mais je ne suis pas un enfant. J'ai quarante-deux ans et je suis censé être un homme solide et sûr de lui. Je ne dois pas douter de moi, je ne dois pas faire peser sur autrui mes incertitudes. Je sais que ce ne serait pas accepté, et c'est bien normal. On n'a pas à attendre des autres qu'ils soutiennent nos faiblesses.

Alors j'essaie de trouver en moi la force nécessaire, et de rester solide.


En ce moment mes réflexions réveillent sans cesse cet enfant intérieur. Il y a l'homme qui veut suivre son chemin de vie, son aventure intérieure, qui se sent fort et sûr de lui... Il y a aussi l'enfant craintif qui ne se sent pas capable d'abandonner ce qui le rassure, le protège. L'un et l'autre s'expriment à tour de rôle, inversant sans cesse la direction à suivre. Et moi, le vrai "moi", composé de ces deux personnages contradictoires, je ne sais plus qui je suis, ce que je veux, ni vers quoi je vais.

Vivre sans savoir où on va, alors qu'on sait que les deux directions que l'on suit sont incompatibles, est très déboussolant.

J'aimerais me débarasser de cet enfant qui est en moi, qu'il laisse vivre l'adulte que je veux être, mais je n'ai pas encore cette force qui le permettrait.
Je sais que c'est un combat que je dois mener seul. Je dois rester dans cette bulle, ce cocon, et ne plus attendre d'aide extérieure.

Je crois que je devrais m'isoler de tout avis extérieur. Donc ne plus m'exprimer sur ce sujet. Garder en moi mes soucis, contrairement à ce que je fais habituellement. L'expression de soi, quand elle devient quête d'approbation, devient nuisible. Fausse solution. Illusion de libre parole.


Et puis je réfléchis trop. Je n'ai pas le temps d'assimiler. Charlotte n'a pas tort, tout comme mes profs n'avaient pas tort: je suis lent pour comprendre. Voyez ce journal, à quel point je rabache les mêmes choses avant de les assimiler. Je redécouvre parfois des choses déjà découvertes quelques mois plus tôt, j'en ai déjà fait le constat surprenant.
On me l'a souvent dit, avec plus ou moins de gentillesse, que j'étais lent à comprendre. Autrefois je me croyais nul, maintenant je sais que c'est mon mode d'assimilation. C'est aussi mon mode de vie: je prends le temps. Je suis un lent. Mais je comprends que cela puisse peser sur d'autres.


Quant à ce journal, soit-disant "journal personnel", il est, je ne me fais pas d'illusions, un moyen de me faire apprécier. Une façon d'avoir des commentaires favorables, des encouragements à continuer, des félicitations sur la démarche que je poursuis. A l'inverse, chaque critique est vécue comme quelque chose de négatif, qui m'affecte parfois durablement.
Il joue donc, lui aussi, un rôle ambigü. Confident (exutoire auto-analytique), mais aussi "parent" vis à vis de qui l'enfant est en attente. Vous, lecteurs, êtes ces "parents", ou "profs"... ou "amis"... de qui j'attend un jugement sur la valeur de ce que je suis. Jugement que je refuse quand il est négatif, mais qui me manque toujours en positif.


Ce n'est pas propice à une réflexion qui doit être dégagée de toute influence extérieure. Je dois renouer avec un dialogue intérieur intime, à l'abri des regards.
Alors je vais me donner un peu ce temps, en secret. Là aussi, entrer dans ma bulle, et me taire. Du moins dans cette expression intime de mes fragilités. Peut-être sera-ce l'occasion d'aborder d'autre sujets?
Ou de revenir sur des écrits anciens afin de les approfondir, les assimiler, les intégrer comme bases constructives de cet adulte autonome que je souhaite devenir. Il est temps que je synthétise ce que j'écris depuis plus de trois ans...

Et puis je n'aime pas transmettre ma souffrance. Ce n'est pas agréable à lire. Ce n'est pas quelque chose que j'ai envie de faire porter à ceux qui me lisent. Le type de texte que je donne de moi en ce moment doit rester exceptionnel. Ce n'est pas ma conception de la vie que de rester dans quelque chose de triste.

Pour cette raison, je dois me taire avec mes confidentes, et régler seul mes conflits internes. Ce n'est pas cette part trop fragile et hésitante qu'elles aiment...

Ce baillonnement volontaire de mon enfant intérieur est la première étape vers un état plus adulte.






«Je suis désolée de cette entrée bien sombre, je voulais juste qu'on comprenne pourquoi je me fais rare. Mon envie/besoin d'écrire n'est pas parti(e), loin de là, mais j'ai besoin de voir un peu plus clair en moi.(...)
Quoi qu'il en soit, ne vous inquiétez pas, il est hors de question que l'insomniaque baisse les bras, elle a juste besoin de se refaire un peu.
»

Insomnies chroniques (06/12/2003)







Vérité à sincérité limitée




Jeudi 11 décembre


Ces derniers jours je me suis senti bien sans ce journal. Je n'avais pas envie d'y écrire, me sentant finalement délivré d'une forme de pression que je m'imposais tout seul.

Je ne sais pas bien pourquoi, mais je crois que je m'étais mis en tête de relater au plus près ce que je vivais. Quelle peut en être l'utilité? C'est tellement personnel, tellement lié à un présent immédiatement dépassé... Et puis je crois que ça contribuait à me maintenir en permanence dans ce bain de questions insolubles. Alors basta! Il faut penser un peu à autre chose, tenter de vivre malgré tout, en comptant sur le temps qui passe pour que les solutions se présentent toutes seules.

En ce moment je réfléchis sur l'utilité du "dire". Je viens de découvrir qu'il fallait que je sache taire ce que je n'ai pas à faire porter aux autres, mais je crois que ça peut aller encore un peu plus loin. Il faut peut-être aussi que j'apprenne à cacher. C'est à dire aller à l'inverse de cette sincérité que j'ai toujours souhaité.

Je pensais que la sincérité était comme une vertu difficile à atteindre, qui demandait un certain courage, une mise en danger, un don fait à l'autre...

Je découvre que c'est parfois considéré comme une facilité, un acte fondamentalement égoïste qui consiste à se décharger sur autrui de sa propre culpabilité. Mouais... ça ne me convainc pas, mais si c'est perçu ainsi alors je dois en tenir compte.
Peut-être que la dissimulation c'est protéger l'autre? Lui offrir le bien-être de l'insouciance, l'illusion de la sérénité...

Après tout, qu'est-ce qui compte le plus? La recherche de la sincérité (voire de la transparence), ou le bonheur de l'autre? Moi qui tentais de trouver les deux parce que je préfère toujours la lucidité à l'ignorance, je dois aussi tenir compte de comportements opposés: certaines personnes préfèrent en toute conscience "ne pas savoir". La paix intérieure étant préférable à leurs yeux, je ne peux que respecter ce point de vue.

Je ne dois donc pas imposer mon besoin d'explorer les profondeurs de l'âme si je n'y suis pas autorisé. Et ne pas emmerder les autres avec mes interrogations existentielles. Le «tu te poses trop de questions» semble souvent déranger mon entourage.
Soit... j'en prends acte. A moi de trouver avec qui je peux partager cette quête de l'intériorité.


Il semble que le jeu social demande cette discrétion sur soi. Et peut-être que le mensonge, ou l'hypocrisie, sont nécessaires dans une certaine mesure?
Tiens, oui, si j'avais caché à Charlotte la nature de mon lien avec nathalie, toutes les complications actuelles n'auraient pas existé...

La tromperie, la trahison secrète, seraient-elles préférables à la sincérité? C'est exactement à l'opposé de mes convictions, mais après tout, dois-je considérer que mes convictions sont applicables aux autres? M'ajuster à autrui c'est aussi faire des concessions sur mes convictions...





«J'aime bien réfléchir, étudier mes options, puis agir. Et je sens qu'en parlant à mon mari,je perds le contrôle de mes actions dans tout ça. Je ne sais trop comment l'expliquer.
Dès que j'aurai annoncé ma décision à mon mari, je veux pouvoir la mettre en pratique. C'est à dire, lui dire, ça ne marche plus, je n'en peux plus, je pars. Pas si facile que ça. Et puis ce n'est pas lui donner une chance. Mais ai-je à lui donner une chance? Même si j'en parle peu, même si je dis que je veux le quitter, tout n'est pas si noir et blanc. Tout est compliqué lorsque j'y réfléchis, mais il me semble que tout a toujours été compliqué, je n'ai jamais eu une vie calme sans complications.
»

Azulah... et voila (10/12/2003)






Entre adulte et enfant




Vendredi 12 novembre


Ce matin, la triste amertume avec laquelle je m'étais endormi n'a pas eu le temps de m'envahir à nouveau. Dès le lever j'ai pensé à ce que je voulais évoquer avec ma psy lors de mon rendez-vous matinal.
Car j'avais l'impression que quelque chose d'important était en train de changer dans ma tête, suite à mes réflexions autour de cette sincérité excessive que je dois maîtriser.

Le constat était le suivant:
- puisque cacher aurait pu épargner des souffrances à ma femme
- que la sincérité au sujet d'une relation parallèlle parait être intolérable (c'est un avis très répandu...)
- qu'évoquer le problème en renforce l'impact
- qu'en parler trop envahit ma vie et celle des autres...

Alors... et si je n'en parlais plus?
Plus un mot. Rien. Scinder ma vie en deux, compartimenter hermétiquement. Faire comme si cette relation parallèle n'existait plus. Evaporée, disparue...

C'est avec cette idée en tête que je suis allé voir ma psy. Presque joyeux d'avoir trouvé cette solution... partielle. Un moyen de tenir pour les semaines ou mois à venir, en attendant d'y voir plus clair.


Psy 3.18

Tout de suite j'ai évoqué la possibilité du mensonge, que ma soeur m'avait suggéré la veille: faire croire que j'aurais vraiment renoncé à cette relation parallèle... tout en la continuant en cachette.
Tandis que je disais que ça ne me convenait pas, Madame psy a acquiescé du regard.
J'ai alors développé mon idée lumineuse du silence total, qui a l'avantage de ne pas introduire de mensonge... tout en n'évoquant pas la vérité.

En n'imposant plus mes états d'âme à celles qui ne peuvent décider à ma place, je pourrais vivre pleinement chacune de mes relations de façon autonome l'une de l'autre. Permettre de développer ce qui nous réunit, plutôt que de me morfondre en cherchant à résoudre un problème insoluble.
Tout comme j'ai laissé mes pensées pour Charlotte en un certain point du trajet qui m'emmenait vers nathalie, je peux décider que je vis désormais chacune de mes relations entièrement avec l'une ou l'autre, en banissant toute interférence.

Je me sentirais ainsi autonome, adulte, gérant seul chacune de ces vies.

Pour cela il faudrait établir des limites strictes: que Charlotte ne me demande rien, qu'elle n'entre jamais dans mon bureau sans frapper (à deux heures du matin, alors que je converse avec nathalie), ne recherche rien parmi mes papiers (ou bien à ses risques et périls...).

Resterait bien sûr le problème des rencontres pan-atlantiques... mais chaque chose en son temps.



Je me suis ensuite lancé (par je ne sais quel lien...) sur ce que je pense de la nécessaire autonomie dans les relations amoureuses. Car tout est là en fait: Charlotte n'accepte pas une relation parallèle parce qu'elle se sent menacée. Et moi je ne parviens pas à me décider parce que j'ai peur de la perdre et de l'inconnu. Ni l'un, ni l'autre, ne sommes autonomes. Nous avons peur. Notre sentiment d'insécurité nous domine. Notre enfant intérieur dirige nos pensées...

Si j'étais sûr de moi, je me déterminerais et assumerais les conséquences de mon choix. Quel que puisse être le choix qui en découlerait de la part de mes partenaires.

J'ai relancé mon leitmotiv: mon choix est de ne pas choisir. De ne renoncer à aucune. Je désire poursuivre ces deux relations parce que l'une comble mon besoin d'assurance, et l'autre m'ouvre vers mon besoin de liberté et d'aventure.
Ce qui est quand même problématique puisque le choix que je fais... implique que ce sera un autre qui sera effectif! Si je choisis (A+B), Charlotte retranchera le A et il ne me restera que le B... ce qui n'est pas un choix que je me sens prêt à faire. Le problème paraît insoluble.
Il me faut donc le poser autrement. Je l'ai déjà tenté de diverses manières, mais je crois qu'il se résume finalement à quelque chose de fort simple (du moins dans l'énonciation...)

C'est venu de la bouche de ma psy, au moment de conclure. Elle a glissé «et pourtant il faut bien choisir... en voulant garder les deux composantes, vous hésitez entre l'enfant et l'adulte...». Au début je n'ai pas assimilé la fin de la phrase, butant sur ce seul mot de «choisir», celui que la plupart des gens me rabachent. Ça me dérangeait qu'elle casse mes illusions de solution avec ça. Il m'aura fallu un bon quart d'heure, une fois sorti, pour que me revienne la phrase complète «choisir entre l'enfant et l'adulte». Et là, oui, elle a raison...

L'adulte doit se déterminer. Je dois poursuivre, une fois de plus, le virage amorcé cet été lorsque j'ai décidé d'aller à la rencontre de nathalie. Là, je suis à moitié engagé, un pied audacieusement posé dans ce monde de la liberté... mais l'autre férocement accroché dans celui de l'illusion de l'assurance. Et ce grand écart est furieusement inconfortable.

Nom de Dieu que c'est long, compliqué, et difficile, de vivre une adolescence incomplètement effectuée...


Ce double défi (garder un silence obstiné, et libérer l'adulte en devenir) m'a redonné du courage.



[j'aurais dû relater immédiatement après la séance, comme je le fais habituellement. Réchauffer les souvenirs après une journée de travail donne quelque chose de plus confus, laborieux à rédiger, avec oubli d'éléments de liaison significatifs...]










Je me souviens...

... de cette photo. C'était dans les dernières dizaines de minutes que nous passions ensemble, il y a exactement trois mois. Jusqu'à cet instant je n'avais pas souhaité figer dans l'immobilité et un cadre trop étroit le moindre fragment de ce que nous avions vécu. Mais au dernier moment j'ai pensé que ça serait bête de ne rien garder. Au moins une trace de nous, tous les deux côte à côte. Comme pour ne pas douter qu'un jour ce fût vrai.

Nous étions assis dans l'herbe, chacun nos bagages à portée de main, attendant le moment fatidique de la séparation. Auparavant nous étions restés longtemps couchés, amusés par quelques commentaires des passants. Nous bavardions comme si... comme si rien n'allait se passer. Comme si nous allions continuer ensuite. Ne pas laisser venir des pensées tristes, vivre jusqu'au dernier instant ce temps ensemble. Et nous y sommes parvenus. Pas d'adieux prolongés, juste quelques mots, quelques gestes maladroits... et puis partir sans se retourner. Tes mots, ces mots inattendus... restent inscrits en moi, ineffaçables.

Hier, j'ai pensé à tout cela, à cause de la date symbolique. A la fois heureux et mélancolique. Mais cette fois je me suis senti seul. Alors tout d'un coup, sans que je m'y attendre, une tristesse lourde m'a écrasé. Tu étais si loin..
.





Question:  Entre l'adulte qui s'est autorisé à réaliser un rêve, ou l'enfant qui regarde ce qu'il pense ne pas avoir la force d'obtenir, qui était heureux? et qui se sent triste?





Nous



Samedi 13 décembre


Nous avions ce matin, avec Charlotte, notre première séance de thérapie de couple. Légèrement en avance, nous sommes allés nous installer dans un café. Charlotte semblait un peu ailleurs, comme souvent. Je ne parvenais pas à capter son regard et si je n'avais pas su que je ne devais pas me fier à cette impression, je me serais senti insignifiant. De façon fugace j'ai revu mentalement nathalie... et cette façon que nous avions de nous regarder. Moment d'émotion que je n'ai pas laissé paraître.
Le hasard à voulu que ce café soit un lieu que nous fréquentions il y a bien longtemps, alors que nous étions jeunes mariés. Nous en avons parlé et Charlotte à fait remarquer qu'alors nous n'aurions jamais pensé nous retrouver là, vingt ans plus tard, pour tenter de voir ce qui allait advenir de notre couple...

Ça m'a fait tout bizarre. Je nous revoyais... je me revoyais, sûr de nous, de notre amour. J'ai regardé cette femme que j'aime, sentant que nous franchissions une étape de plus vers la lucidité dans notre relation. Et j'ai eu un peu peur. J'ai pris la main de Charlotte et l'émotion m'a envahi. Les larmes me sont venues aux yeux, puis ont coulé. Charlotte me regardait sans mot dire. Un peu plus tard j'ai pris mon mouchoir pour reprendre une allure plus correcte et nous sommes sortis dans la rue.


Séance psy-couple 1.1

La madame psy nous a fait rentrer dans on vaste bureau, puis nous a demandé d'évoquer ce qui nous amenait ici. Charlotte à commencé, car brusquement les mots me faisaient défaut. Je sentais une boule dans la gorge...
J'ai finalement pris la parole, mais mes mots se sont très vite étranglés, puis je me suis carrément mis à pleurer [bon ouais, un peu gênant mais j'y pouvais rien...]. Au bout d'un moment la psy m'a demandé pourquoi je pleurais. Ben tiens, en v'la une question! Parce que j'étais très mal, triste, bouleversé de sentir que notre couple était menacé. J'ai pas envie de perdre Charlotte, j'ai pas envie que notre couple éclate.

J'ai fini par retrouver une contenance au fil des échanges. Nous parlions tour à tour, chacun des trois intervenants. Bon, j'ai pas senti la psy très impartiale. Je n'ai pas échappé a une remarque sur l'idéalisation due à internet, puis à une sorte de désapprobation (du moins l'ai-je perçu comme ça...) de ce que j'infligeais à ma femme. Je l'ai sentie réagir en tant que femme face à une attitude masculine qu'elle semblait désapprouver. Ses «les hommes sont comme-ci ou comme ça» m'ont semblé généralisateurs.
A part ça, elle semblait écoutante, ouverte, et plutôt sympathique. Et nettement plus bavarde que ma psy. Mais je pense que c'est dû au rôle d'"arbitre" de la thérapie à deux.
Nous avons tous les deux pu nous exprimer longuement, avec quelques surprises, parfois, en constatant des perceptions différentes d'un même fait. Mais pour l'essentiel il s'agissait d'énoncer ce que nous savions déjà et que je relate ici depuis un certain temps.
Et forcément, on n'a pas pu dépasser notre point de divergence insoluble...



Pendant la séance j'ai pris la main de Charlotte quelques secondes, une ou deux fois. Et en sortant, j'ai tenté de le refaire, mais je n'ai senti qu'une main molle. Je n'ai pas insisté... bien qu'assez peiné.
Charlotte m'a dit plus tard qu'elle ne parvenait pas à comprendre ces gestes alors que je venais de dire quelques minutes plus tôt que c'est avec une autre que je découvrais des sensations inconnues.
Pour ma part je n'y vois aucune incohérence puisque mes sentiments à son égard n'ont pas changé. Je n'ai donc pas de raisons de ne plus vouloir de gestes tendres...


Avec un peu de recul (j'ai pas mal réfléchi depuis), je me suis rendu compte de plusieurs choses: d'abord que je suis profondément attaché à Charlotte. Sans doute plus que je n'en ai conscience. Et si l'amour-amoureux n'est plus vraiment là... il reste les regrets que ça n'ait pas pu être le cas. J'y ai beaucoup cru, et longtemps, à cet amour. Je l'ai beaucoup aimée ma Charlotte (pas forcément bien, mais c'est une autre histoire), et j'ai du mal à accepter l'idée que peut-être ce sera sans espoir dans quelques temps. Je crois que j'ai longtemps espéré qu'on arriverait à quelque chose qui nous convienne à tous les deux, et qu'on pourrait vivre ce bonheur dont je rêvais à nos débuts.
Mais avec les évènements récents je vois se dessiner la fin du rêve. Pourtant, rien n'est encore fait.

En marge de cela, je me suis quand même rendu compte que ma façon d'aimer était peut-être un peu particulière. Parce que, même si le concept d'autonomie me séduit totalement, je reste très attaché à l'idée d'un "nous". Comme une entité qui n'existe que tant qu'elle est nourrie bilatéralement. Ce "nous" est pour moi indispensable dans une relation telle que j'ai envie de la vivre.
C'est pour cette raison qu'à chaque fois que Charlotte a évoqué l'idée de séparation, j'ai senti qu'elle ne croyait plus en ce "nous". Avec pour corollaire un sentiment d'abandon de cet esprit commun. J'en ai toujours été profondément affecté, et je sais que notre relation en aura été marquée.

Il m'est aussi apparu que je ne supportais pas l'agressivité, ni la colère (à mon encontre), de la part des gens que j'aime. C'est quelque chose qui m'anéantit et me plonge dans une tristesse insondable (souvenirs d'enfance?). J'en ai très peur et apprends à bloquer la discussion dès que ça dérape dans cette direction.

Il y a enfin, peut-être plus problématique, une tendance à des investissements affectifs très forts, mais limités en nombre. Donc quelque chose qui peut paraître lourd pour ces rares "élus". Pendant très longtemps je n'ai pas eu d'amis, tout en le regrettant... mais ne souhaitant que des amitiés approfondies. Charlotte a tenu ce rôle d'amour-amie pendant toutes ces années. Et si le coté "amoureux" s'est atténué, il reste cette très grande amitié-confiance. C'est peut-être (très certainement...) ce que j'ai peur de perdre...

Mais Charlotte ne veut pas n'être "que" une amie pour moi. 
Alors que, pour ma part, je ne place pas le sentiment d'amitié (au sens auquel je l'entends) à une hauteur moindre que l'amour. Depuis que je n'établis plus de frontière entre les deux, je ne les hiérarchise plus. Cependant, je dois bien reconnaître que la séduction amoureuse offre quelque chose de plus que l'amitié...

Mon problème, c'est que je lie proportionnellement la séduction à la sincérité, l'amour à la confiance, l'amitié et la transparence. Et qu'il semble que j'ai un besoin relativement élevé de ces six composantes. Cela peut paraître exigeant à qui se trouve en face de moi...
Je sais que c'est excessif pour Charlotte, et je crains parfois que ce le soit aussi pour nathalie. Car même si j'apprends à ne pas être en attente, force est de constater que parfois un manque se manifeste.

J'ai réfléchi à ce sujet cet après-midi, en me rendant compte que je n'étais certainement pas encore prêt à vivre l'amour tel que le le souhaite: libre et autonome. Le désirer n'est pas suffisant. Je suis encore trop dépendant du regard que l'on porte sur moi, et particulièrement au fait qu'on me le manifeste.
Beu?! c'est pas un peu "enfant insécure" ça?

Faut que je travaille là dessus...







La laisse




Dimanche 14 décembre


Ces derniers jours, à peine après avoir déclaré que j'entrais dans ma bulle d'isolement, j'en suis ressorti. Mouais, c'était pas forcément la meilleure chose à faire. J'ai pondu des textes qui ne me satisfaisaient pas [je m'endormais dessus, tellement ils m'inspiraient...].

En fait j'étais très inspiré à des moment de la journée durant lequel je n'étais pas disponible, et le soir je tentais de réssusciter les vestiges des souvenirs qu'il m'en restait. Mais comme il s'agit de choses complexes, liées les unes aux autres tout en étant distinctes, la compréhension que j'en ai tient plus de l'inspiration fugitive que du eurêka définitivement acquis. Pour cela, j'aime en garder la trace écrite, en sachant que cela s'imprime mieux dans mon cerveau lent à comprendre [et gna gna gna...]. Et ça me permet de voir aussi combien l'appropriation d'idées nouvelles et un phénomène qui a besoin de se renouveller pour être acquis.


Ceci étant dit, je m'interroge parfois sur le rôle que tient ce journal dans la phase de remise en question que je vis actuellement. J'ai longtemps voulu raconter une "belle histoire" avec ce que je vivais avec nathalie. J'étais un peu exalté, plein d'espoir, croyant que nous étions presque en train d'inventer quelque chose avec cet amour parallèle ouvertement déclaré [ouais, je sais, je suis un idéaliste naïf...].

Bah, je me suis trompé, visiblement. Oui, ouvertement connu... mais ouvertement bloqué par la suite. Ben oui, c'est pas si simple de bouleverser l'ordre des choses. Nous vivons dans une culture qui n'admet pas aisément tout ce qui peut resembler à de la polygamie. Je vais pas faire un discours là dessus, d'excellents bouquins décrivent parfaitement le phénomène (voir la page Biblio).

Donc, ce journal, outil de découverte et de connaissance de moi-même, devient parfois délicat à manier. J'ai compris que je m'en servais parfois comme d'un moyen de justification, ou afin d'obtenir des encouragements. Je m'en sers aussi pour faire passer des messages indirects à nathalie.
Mais régulièrement je me suis trouvé confronté à des limites: je n'aime pas donner une trop mauvaise image de moi en devenant pathétiquement désespéré [bouhouuu, comme c'est triiiiste...]. Je n'aime pas montrer le revers sombre de la vérité de ce que je vis. Je n'aime pas me montrer pateaugeant devant mes propres limites, dévoiler mes petites ou grandes faiblesses, les moments où je perds pied.
Concomitamment, je n'aime pas tricher et voudrais que ce journal reste relativement honnête, donc ne masque pas ces difficultés à vivre une situation inextricable.

Parce que... faut quand même que je dise que parfois je plonge bien bas... C'est un accablement qui me terrasse et me fait vivre des moments très pénible. Je me mets à douter de tout, et surtout de cette quête de l'épanouissement qui m'amène à descendre aussi bas. Je sais que c'est un passage obligé pour être bien dans sa tête, mais que c'est cher payé, parfois!

Je ne cacherai pas qu'il me vient même des idées très noires, dont la plus radicale et la plus égoïste qui soit.

Après être passé par tous les stades du bonheur, voila que j'arpente ceux du malheur (oh, je sais, il y a pire comme malheur, objectivement parlant...). De la déception à la tristesse, de l'abattement à l'accablement, de la peine au chagrin, du découragement à la déprime, je parcours toute la palette des gris et des noirs. Charmant... Et encore, le pire est peut-être à venir...

Quoique, justement, c'est peut-être en voulant me préserver du pire que je trouverai des raisons supplémentaires de suivre mon choix. Car ce dernier est fait, depuis longtemps. En fait, c'est en me demandant si je ne devrais pas en faire un autre que je prends un temps de réflexion approfondie. Et pour le moment, aucune raison ne m'a convaincu. Mais je cherche encore. Je chercherai jusqu'au plus loin possible. Jusqu'à ce que je comprenne qu'il n'est plus nécessaire de chercher, parce qu'il y aura trop de bonnes raison pour que mon choix soit affirmé sans hésitations.


Dans cet ordre d'idées, il y a eu une anecdote marrante au cours du repas dominical, avec nos enfants. Je ne sais plus d'où nous étions parti, mais mon fils aîné a parlé d'appartenance à autrui. Et très vite, en rigolant, il a été question de Charlotte qui considèrerait que je lui appartiens. Ce dont elle s'est évidemment défendu en disant que non, j'étais tout à fait libre de faire ce que je voulais... sauf de m'approcher de trop près d'autres femmes. Elle me laisse «libre, mais avec des limites» (ce sont ses mots).
Qui a alors parlé de laisse? Je ne me souviens pas, mais les enfants ont trouvé que la métaphore était très bonne et ont ri un moment autour de cette laisse imaginaire autour de mon cou. Vous savez, ces longues laisses qu'on peut réduire très court dès qu'on veut garder son chien près de soi...

Ben j'aime pas la laisse moi! J'en veux pas de cette laisse! Je ne veux pas appartenir à quelqu'un, ni que quelqu'un m'appartienne. C'est contraire à mes principes de liberté. C'est à moi de choisir à qui je m'attache, et de quelle façon (si toutefois c'est accepté).

Et ça, quoi qu'il advienne, je ne transigerai pas dessus.



Bon, j'aurais voulu aborder plein d'autres sujets, mais faut en garder pour les jours suivants, hein?





Amélioration



Mardi 16 décembre


Hmmm, je peux dire qu'elle m'a bien fait rigoler en parlant de son chien, avec son drôle de bonnet de mutante. Ouais, c'est bon de retrouver un peu d'humour, de détente. Pis de penser à autre chose. Voila quelques jours que je m'y efforce, tentant de "décrocher" de ce bien trop lourd questionnement.

Ben oui quoi, faut souffler un peu, même pris au beau milieu d'une histoire trèèèès compliquée. De toutes façons, c'est pas en y pensant à 100% que ça se résoudra mieux. Au contraire, faut laisser aux pensées le temps de venir.

Bon, peu à peu ça marche et je retrouve une vie un peu plus ouverte. Je parviens à discuter d'autres sujets que moi et mes émois [sujet hautement captivant, n'est-ce pas?]. Je parviens même à lire (titre: "La sainte folie du couple"... c'est tout dire) et, extraordinaire audace, à regarder la télé! Oui oui, vous avez bien lu: j'ai regardé la télé. Deux fois en une semaine! C'est fou non?
Pour moi oui, parce que ça fait des mois que je ne la regarde plus, sauf quelques minutes de façon distraite lorsque Charlotte ou les enfants sont installés devant

Oh, et puis je travaille un peu plus sérieusement aussi. Disons que j'y passe un peu plus de temps.

Bref, avec tout ça je respire un peu.


Fallait bien, parce que finalement je commençais à m'étouffer avec ce trop gros morceau à mâcher. Même mes relations avec nathalie commençaient à en pâtir. Parce que je ne voulais pas lui imposer mes tergiversations, sans toutefois parvenir à aborder d'autres sujets. Et elle, de son coté de l'océan, à la fois concernée par mon état et mes réflexions, attentive mais impuissante, poursuit sa vie habituelle à l'écart de tout ça.
On a eu un peu de mal à se retrouver pendant quelques jours. Heureusement, entre nous les choses finissent toujours par sortir [ouaaaiis!] et nous pouvons rattraper un décalage dès qu'il devient un peu trop flagrant. J'aime beaucoup notre façon de fonctionner.

Mais ce n'est pas de ça que je voulais parler [ah bon, tout ça pour parler d'autre chose?], bien que ça ne soit pas forcément très distinct [aaaah, ouf!].


Oui, en fait je réfléchissais sur les conséquences de l'introspection à haute dose.

Il y a bien longtemps... je ne me posais pas autant de questions existentielles. Je prenais la vie comme elle venait, bonheurs et malheurs confondus, sans bien savoir comment influer sur ces derniers. Pourtant, étant de nature plutôt optimiste, je voyais globalement ma vie comme heureuse [ouais, puis faut pas déconner, vu le reste du monde, elle est paradisiaque!]. Mais bon... tout cela est subjectif et puisque j'ai la chance de pouvoir satisfaire mes besoins élémentaires, je cherche aussi à satisfaire ceux qui sont plus secondaires.
Puisque j'ai le ventre plein, que je vis au chaud, sans gros problèmes financiers... je veux aussi être heureux dans ma tête. Je souhaite me débarasser de tout un tas de trucs que je traîne et qui nuisent à l'épanouissement de ce bonheur.
Là où ça devient un peu bizarre, c'est que plus j'apprends à me connaître, plus je trouve la source de ces problèmes... plus il y en a qui m'apparaissent. Chiant, non?

C'est même pas tellement que j'en découvre de nouveaux, mais c'est l'infinité des ramifications qui me surprend. Comme une gangrène, le mal s'est infiltré partout. Et cela depuis des années. Je me croyais timide et un peu inhibé, mais je constate que c'est toute ma vie qui est empoisonnée par ce manque de confiance en moi. Et j'ai beau apprendre peu à peu a éviter les situations critiques, à me protéger des comportements toxiques, à anticiper les problèmes éventuels... rien à faire, il y a toujours un moment où je me trouve dans une situation douloureuse. Ce qui fait que ce bien-être auquel j'aspire m'est toujours inaccessible. Et pire: maintenant j'ai encore plus conscience à quel point ça me gâche la vie.

Bon, y'a quand même une différence, c'est que je crois qu'avant, même si je ne le savais pas, j'étais parfois durablement déprimé. Tandis que maintenant ça m'arrive, mais j'en ai conscience et je peux agir pour que ça ne s'installe pas. Y'a donc amélioration.




Argh... un de ces stupides "Pop-up" (vous savez, ces pubs qui s'ouvrent toutes seules quand on clique sur un site), vient me narguer avec un "Paris-Montréal A/R à 372 euros". Pfff, mais c'est quoi ces tentations honteuses? C'est même pas cher, c'est presque donné (faut dire... qui aurait envie d'aller de faire congeler le bout du nez en cette saison dans ce pays quasi arctique, hé hé)



Réflexion:
Et si la problématique du choix consistait à opter pour la perte qui serait la moins pénible? Au deuil qui serait le moins douloureux à vivre sur la durée?






L'amour en direct





Lundi 22 décembre


Mhuuu? Voila un p'tit moment que je n'ai pas écrit ici. Bah... j'y pense bien, parfois, mais j'ai rien de particulier à écrire. Ou carrément la flemme.

En fait, ça va plutôt bien. Le moral est revenu, j'ai recommencé à vivre. Bon, c'est quand même pas la totale sérénité, hein! Les questions lourdes sont toujours en suspens, mais c'est la machinerie intérieure qui travaille. J'ai programmé les coordonnées, intégré tous les paramètres, et je laisse fonctionner tout ça sans intervenir. Je fais confiance à ce qui en ressortira. Je me contente de mettre à jour les nouvelles données au fur et à mesure que j'analyse la situation.

Je ne cherche plus systématiquement le dialogue sur LE sujet qui me préoccupe. Parfois ça vient de mes interlocutrices, parfois ça s'impose à moi au détour d'un sujet, mais je ne suis plus en attente. Et je vous avoue que c'est bien plus confortable.

Mes idées et convictions ne cessent de s'affirmer. Je sais de mieux en mieux ce que je souhaite et refuse. Tout cela se fait calmement, sereinement.

Peut-être même un peu trop. Au point que je me demande si je réalise bien toutes les conséquences qui pourraient découler de mes choix [glups!]. Mais pour le moment c'est ainsi. Je vis bien plus au présent, me contenant de souhaiter un avenir, mais sans le redouter. Advienne que pourra. Ce n'est pas du fatalisme, mais une volonté de ne pas m'inquiéter envers ce que je ne maîtrise pas. Peut-être que cela constitue une part du "lâcher-prise"? Cesser de vouloir tout prévoir, tout anticiper, alors que bien trop de données ne dépendent pas de moi.


Ah, ce qui est vachement bien, c'est qu'avec Charlotte nous avons des dialogues vraiment très intéressants. On explore notre relation, passée, présente, et avenir. Et on découvre des tas de choses qui étaient restées sous silence. Bon... c'est un peu bête que cela se passe après que j'ai rencontré une autre femme. Mais au moins nous bénéficions de cette remise en question tant qu'il est encore temps. Hier Charlotte me disait encore «j'ai tout gaché». Meuh non, c'est pas ça! D'abord rien n'est encore fait, donc il n'y a pas de gachis. Ce que nous avons vécu depuis nos années ensemble n'est pas un gâchis, mais une découverte de nous-même. Nous nous sommes co-construits et c'est une réussite.

Quant à notre relation... pour le moment elle fonctionne très bien. Sans doute bien mieux qu'elle n'a fonctionné depuis longtemps. Ne reste qu'à voir comment faire durer cet état... sans tout foutre en l'air.

Ce qui est dommage, c'est que j'ai l'impression que Charlotte, sentant fort le risque de me perdre, fait maintenant une profonde remise en question de son attitude avec moi. Elle commence à comprendre ce qui a fait que j'ai eu besoin d'aller chercher ailleurs ce qui me manquait. Hier soir, elle a eu des mots... surprenants. Elle m'a dit, pour la première fois, qu'elle était fière de notre mariage! Et heureuse d'avoir été choisie par moi, elle qui se sentait inintéressante pour quiconque.
Habituellement, ce sujet du mariage n'a été que motif de regrets «je n'aurais pas du accepter de me marier si vite, je n'étais pas prête, je l'ai fait pour te faire plaisir...». Bon... moi j'ai porté ça depuis toutes ces années. A la fois amer et déçu, parce que j'avais pensé qu'elle y croyait autant que moi (j'associais alors mariage et volonté d'aimer durablement). Et puis je me suis résigné: par cette erreur initiale, j'avais forcé une "preuve" d'amour et m'étais donc privé de preuves plus spontanées. Charlotte n'aura jamais été très expressive dans l'expression de son amour.
Sans que je doute de cet amour, je savais que je n'aurais pas droit à son expression directe. Je devrais me satisfaire des à-cotés, de ses attentions à mon égard. Importantes, certes, mais manquant d'échange direct. Pas bien possible de se sentir s'aimer en phase. Toujours ne voir que des preuves, mais en décalage l'un de l'autre. Comme si l'amour ne pouvait se vivre en direct.

Pourtant, cette expression amoureuse en direct n'est-elle pas la plus intense source d'émotions? Emotions qui, à leur tour, stimulent l'amour.

Et bien hier soir... malgré le plaisir que j'ai ressenti en entendant ces mots, j'ai regretté qu'il ait fallu attendre autant d'années. Depuis tout ce temps, j'avais renoncé à espérer ce que j'avais tant désiré. Et je crois bien que c'est par ce manque d'amour exprimé en face à face que l'intensité de mes sentiments s'est peu à peu amoindrie.

C'est triste à dire mais... là, je crois que c'est... trop tard.

Trop tard parce que mes sentiments amoureux se sont étiolés et qu'il faudrait donc relancer tout un processus de séduction... dont je ne suis pas certain qu'il aboutisse.
Trop tard parce que désormais je sais ce que peut procurer cette expression amoureuse en direct. Et que ce n'est pas avec elle que je le vis.

Putain, c'est raide ce que j'écris là! [Je me relis afin de savoir si je persiste et signe]

Mouais...
Mais ce "trop tard" n'a pour moi rien de terrible. Car ça ne joue pas sur la force des sentiments qui me lient à elle. Je l'aime, sans en douter. Et ce, malgré toutes cette déconstruction des illusions que j'ai faite depuis quelques temps.
Je sais désormais ce qui fait que je suis attaché à elle: notre complicité, notre histoire commune, notre profonde connaissance de l'autre acquise au cours de cette longue marche main dans la main. Ça c'est du solide, à mes yeux. C'est ce qui me rend précieuse notre relation. C'est ce que je n'ai pas envie de perdre.

Et puis j'admire beaucoup de choses chez Charlotte: sa capacité de remise en question (même si elle fonctionne différemment de la mienne), son obstination à ce que notre couple fonctionne, la conviction qu'elle met pour satisfaire ceux qu'elle aime. Et puis son amour pour moi, même si je ne sais pas exactement ce qu'elle ressent.
Sa détermination aussi. J'apprécie beaucoup le fait qu'elle reste ferme sur ce qu'elle refuse, même si en l'occurence cela me place devant un dilemme cornélien. Elle ose être elle-même, quitte à en souffrir. J'aime cette force de caractère. Tout comme elle aime me voir poursuivre mes convictions malgré les complications et la souffrance engendrée.
Finalement, je crois que dans la tourmente que nous vivons, nous apprenons à connaître des faces inconnues de l'autre. Nous montrons nos forces respectives, de façon autonome. Notre estime mutuelle s'en trouve augmentée.

Mouais... c'est pas ça qui simplifie les choses! En rigolant, on se dit parfois que ça serait plus simple qu'on s'envoie des casserolles dans la figure. Qu'on en finisse par se détester.
Naaaan, ça se passe très bien, au contraire. On s'écoute, se découvre, s'estime... mais nos chemins divergent. Bizarre et cruel, non?


Reste à savoir si nous parviendrons cependant à trouver un point d'accord...
Je le souhaite très fort.





Responsable de soi




Jeudi 25 décembre


«Si nous sommes toujours les acteurs, même inconscients, de notre vie, nous n'avons pas à rendre l'autre coupable de de ce qu'il nous fait vivre, ni ne sommes coupables de le vivre. Est-il bien utile de nous faire des reproches, de nous apitoyer sur notre sort, et ce d'autant plus que nous éprouvons des remords? N'est-ce pas du temps perdu; encore du temps perdu sur notre bonheur à vivre? A nous d'agir afin de ne pas répéter les mêmes douleurs. Nous sommes toujours libres d'accepter ou de refuser une situation qui nous déplaît. A nous, à chaque instant, de décider ce qu'il est juste ou non de tolérer. Il nous faut pour cela garder notre esprit en éveil.

Mais si nous nous laissons dériver, détourner de notre route, le doute vient nous visiter puis finit par s'installer. On ne sait plus rien, ni sur soi, ni sur les autres; même ce qui nous semblait simple et évident, maintenant ne l'est plus. Une pensée en chasse une autre et vient aussitôt la contredire. On ne peut plus entendre la juste pensée qui un temps nous traverse l'esprit. La confusion est totale. Dans notre esprit c'est le chaos, une véritable cacophonie. Le dialogue intérieur est devenu un dialogue de sourds. On ne s'entend plus»


"La musique des anges - S'ouvrir au meilleur de soi" Catherine Bensaid




Il est des moments ou le hasard bienveillant se charge de nous donner un coup de pouce. Des moments ou un faisceau de faits concourent à nous mettre en face de ce que nous ne voulions pas voir. Ce que certains appellent fort justement des "synchronicités".

C'est un peu ce qui se passe en ce moment pour moi. L'extrait que j'ai cité provient d'un livre trés récemment paru, acheté il y a deux jours, mais dont j'ai déjà lu avec avidité les trois-quarts. Il convient parfaitement à l'étape à laquelle je suis rendu: celle d'une écoute attentive de soi, mais encore prisonnière des comportements du passé. Ce stade de conscience encore insuffisant pour permettre de quitter des habitudes qui ont tracé des ornières trop profondes pour les éviter.

Je sais que j'agis mal, mais sans pouvoir anticiper. Il faut que j'ai fait l'erreur pour comprendre qu'une fois de plus je suis tombé dans l'ornière. L'étape suivante consistera à éviter l'ornière dès le départ...

Dans ce livre, et dans ma problématique actuelle (mes problématiques, tant des signes m'apparaissent en bien des domaines), il est question de la responsabilité de soi. Ce dont je prends conscience, non plus intellectuellement mais dans mon for intérieur, cette fois, c'est que nous sommes seuls responsables de ce que nous ressentons. Je suis seul responsable de ce que je ressens.

Mes joies et bonheurs, c'est moi qui me donne les moyens de les vivre, qui crée les opportunités ou saisis les chances. Mais c'est la même chose pour mes malheurs. C'est moi qui revis des blessures anciennes, qui ravive des cicatrices mal guéries, qui me place en situation difficile. C'est moi qui vis mal ce qu'on me dit, ce qu'on pense de moi. Les mots et pensées n'ont de force que celle qu'on veut bien leur donner.

Je n'ai pas non plus à attendre d'autrui, qui que ce soit, qu'il nourisse mes besoins. Je n'ai pas à attendre de l'autre qu'il convienne à mes désirs.


Un petit mot qui a résonné plusieurs fois à mes oreilles, depuis quelques temps, en provenant de sources distinctes: «ne serais-tu pas un peu passif?» Moi? Oh non, j'agis, je manifeste mes besoins, je donne à autrui... Oui mais... est-ce vraiment être actif? Être actif, là où il faut?

Tout s'est noué autour du dialogue avec autrui, alors que je me lamentais de ne pouvoir partager avec les autres dans la profondeur que j'affectionne.
Notamment en anticipant ce qui allait se passer au traditionnel repas familial de noël (heure h-1). Car je prévois déjà que "rien" ne sortira de ces retrouvailles, pourtant pas si fréquentes. Rien d'autre que des échanges sans portée, des banalités, des traits d'humour... alors que bien des choses ne fonctionnent pas dans cette famille, comme dans presque toutes. J'ai compris que si je ne manifestais rien... si je n'agissais pas... forcément qu'il ne se passerait rien de ce que je désire.

Et il y a deux jours, alors que je me désespérais devant l'inanité des bêtises échangées par nos enfants au cours des repas, ils ont eu l'audace (les bougres!) de me répondre que si je voulais parler d'autre chose je n'avais qu'à lancer des sujets. Mouais... z'ont pas tort. Pourtant je le fais, mais sans doute en ne trouvant pas de sujets qui nous séduisent en commun.

Et un peu plus tard, le même jour, je me suis une nouvelle fois trouvé dans une autre situation, similaire, durant laquelle j'exprimais ma frustration de ne pouvoir aborder des sujets approfondis et à laquelle il m'a été répondu que j'avais aussi ma part dans ce dont je manquais.

Synchronicité d'évènements identiques, au moment ou parmi une dizaine de bouquins qui m'intéressaient j'ai choisi celui qui est cité ainsi qu'un autre au titre évocateur: "Cessez d'être gentil, soyez vrai". Hmouais mouais mouais... y'a quelque chose à creuser là dessous.
Il serait peut-être temps que je me rende compte que je suis responsable de ce qui m'arrive. Et que c'est à moi d'agir dans le sens qui me convient. Ma vie est entre mes mains, pas dans celles des autres.


Et tout cela n'est évidemment pas sans rapport avec la méga-décision que je suis en train de prendre. Celle de choisir la voie qui ME convient. Celle d'entendre ma voix intérieure, la première qui compte. Il faut que je parvienne à m'entendre d'abord... et les autres ensuite. Ne pas chercher à plaire à ceux que j'aime, et qui m'aiment, finissant par me perdre entre des besoins discordants, et parfois en contradiction avec les miens.

Ne pas oublier que la première personne à aimer, c'est moi. Et le seul qui puisse prendre soin de moi autant que j'en ai besoin, c'est moi.

Moi, moi, moi...
Non pas dans cet "égoïsme" tant décrié et que l'on m'oppose parfois, mais dans un esprit "égo-aimant" (ou "égophile"?).






Je crois en moi




Vendredi 26 décembre


Pris dans un mouvement qui le dépasse, l'enfant souffrant et mal aimé que j'étais jadis s'est peu à peu laissé gagner par l'ouverture au monde, et l'ouverture à soi. Très tôt se sont dégagés des espaces dans lesquels je pouvais exister. Comme si, par un besoin impérieux, la vie se chargeait de trouver d'indispensables poches de respiration. Quelques passions matérielles furent les premières manifestations d'un "moi" qui avait besoin de s'épanouir.

Timidement, craintivement, je me suis laissé aller à suivre mes intuitions. A la mesure de ce que je pouvais alors entreprendre. Ma force de vie, mon élan vital, ont pu parfois être très grands. C'est ainsi que j'ai su résister à ce qui ne me convenait pas, ou obtenir ce que je sentais bon pour retrouver une estime de moi. Autant de conquêtes variées et d'importance variable.

Une des plus merveilleuses aura été d'oser m'ouvrir à l'amour, et d'agir pour cela. Malgré mes doutes et le sentiment de nullité que je ressentais, j'ai trouvé ce courage d'aller vers celle que je sentais être "la femme de ma vie". La femme qui m'éveillerait à la vie, et avec qui j'avais envie de créer quelque chose. C'était il y a vingt-trois ans.

Depuis j'ai eu d'autres audaces, qui n'étaient plus dans le domaine de l'amour, me donnant une confiance en moi sans cesse accrue. Et c'est ainsi que peu à peu je me suis donné le droit d'exister, c'est à dire de vivre ce que je désirais vivre.



Mais mon passé m'a forgé. Le manque de reconnaissance d'un des deux être qui comptait le plus dans le monde qui se construisais en moi a laissé béant un vide affectif. Ne sentant pas son amour, je me suis toujours senti indigne d'être aimé. Quant à l'autre personne fondatrice, qui me montrait son amour... elle n'était pas plus estimée que moi, donc son amour n'avait pas plus de valeur que moi.

La force que j'ai en moi n'est encore pas suffisante pour combler ce manque originel.

Si désormais je parviens à me choisir un destin, je n'ai pas toujours en moi les ressources suffisantes pour tenir face à mes craintes. Celle d'être abandonné, mal-aimé, oublié. Cette peur de retourner dans l'enfer du néant. Du rien, de l'insignifiance.

Que je touche au bonheur, et je suis aux anges. Mais si le bonheur vient être contrarié, et l'ange tombe, privé de cette force, de cet espoir que le bonheur a venir lui donnait.

J'ai senti plusieurs fois naître l'amour, et le bonheur de l'émerveillement. Je l'ai aussi senti m'échapper, ravivant cette blessure de la solitude. J'ai surtout, bien souvent, senti le désespoir en croyant que tout était perdu. Désespérance et effondrement dans un cri muet, en croyant retourner dans ce "rien" qui serait ma place assignée.



Mais cette étonnante force de vie que nous avons tous en nous m'a toujours poussé à poursuivre le chemin qui est mien. A espérer. C'est ainsi que, d'année en année, j'avance vers ce "moi" que je me sens être, et que je ne connais pas encore. Pourtant je le sens grand, fort, et beau. Je sais qu'il y a ça en moi, même si bien souvent c'est un autre visage qui apparaît. Celui de la crainte, celui que ravivent les peurs anciennes.

J'ai beaucoup progressé ces dernières années. Je crois que j'avance de plus en plus efficacement, comme dans un mouvement de spirale qui accélère le rapprochement vers le centre. C'est un très gros travail que j'ai fait sur moi, et qui m'a donné des clés de compréhension, et d'action sur mon devenir. Je suis fier de ce que j'ai accompli, même si je ne suis pas encore fier de tout ce que je suis. Mais c'est le mouvement que je regarde, pas l'instant.

Ce travail sur moi m'a entrainé à une ouverture vers autrui, alors que longtemps je considérais que je ne pouvais compter que sur moi-même. Mes rencontres m'ont porté vers des personnes ouvertes sur leur intériorité, se cherchant elles aussi. J'y ai fait de belles rencontres, très variées. J'ai découvert une richesse d'âme humaine que je méconnaissais, ou pensais moins aisément accessible. Et parmi ces rencontres certaines ont fait qu'une résonnance particulière s'est établie. J'ai senti mieux ce que j'étais en percevant avec qui se transmettait le mieux cette résonnance.



C'est ainsi que s'est établie la résonnance avec nathalie, bouleversant ma vie pour le meilleur de moi-même. Si la première femme ma réveillé à la vie, la seconde m'a révélé à moi-même. Un autre amour est né, davantage fondé sur le partage que sur le manque. Dans l'autonomie et pas dans l'attente. Je sais que c'est dans cette dimension que se situe mon avenir, comme celui de toute personne.

nathalie m'a fait confiance, croit en moi, en mes forces. Elle me voit beau, elle me rend beau. Avec elle, et avec Charlotte, je trouve cette part d'amour qui m'a trop longtemps manqué. Deux amours qui croient en moi ne sont pas de trop pour restaurer le déficit initial.
Deux femmes qui savent voir ce que j'ai au fond de moi, mieux que moi-même. Et moi, qui parfois trèbuche encore, craignant que cet état de grâce ne soit éphémère. Moi, qui faiblis alors, montrant un visage craintif. Comme pour dire «vous voyez bien que je ne suis pas fort, vous voyez bien qu'on ne peut pas m'aimer, vous voyez bien que je suis sans intérêt». Créant ainsi ce que je redoute le plus.

J'ai compris que je ne pouvais pas compter toujours sur la solidité des autres pour résister à la force de mes faiblesses. Ces forces négatives qui vont au contraire de la vie, de l'évolution, de la liberté d'être.
Je sais désormais que c'est en moi que se trouve ma force de vie. C'est à moi d'y croire, comme ceux qui m'entourent y croient. Je dois accepter de voir que je vaux quelque chose, et même que je vaux la peine d'exister. Et de vivre, et d'être heureux. Et qu'avec moi on peut être heureux.

Mon chemin me porte vers cette liberté, depuis des années. Je sais que c'est le bon. A chaque fois que j'ai écouté ma voix intérieure, j'ai eu raison de le faire.



Dans les temps les plus récents, j'ai osé m'ouvrir à des relations de confiance. J'y ai découvert non seulement le bonheur de la confiance partagée, mais aussi celui de l'élan commun et, surtout, des dimensions de l'amour que je ne connaissais pas. J'ai découvert des territoires insoupçonnés. Tout me pousse à suivre ce chemin de liberté.

Tout... sauf mes peurs anciennes. Sauf mon passé qui m'a si bien conditionné.

Je sais que mon choix est le bon. Celui qui me convient. Ce choix, c'est celui de ne pas interrompre ma relation avec nathalie. Il n'a jamais changé. Tout ce temps que je prends pour réfléchir consiste à chercher si une alternative existerait. Mais je n'en ai trouvé aucune jusqu'à présent.

Ce temps qui passe, depuis qu'un ultimatum élastique s'est imposé, ne pourra pas s'éterniser. Parce que, tiraillé entre deux choix, c'est une lutte entre ma face sombre et ma face lumineuse qui m'écartèle. Entre mon ange intérieur et mes démons, mes peurs enfantines. Je ne souhaite que déployer mes ailes et m'élever vers le meilleur de moi-même, mais mes vieux démons m'agrippent, m'accrochent, et cherchent à briser cet élan. Je sais que si je laisse trop de temps s'écouler ces peurs vont alourdir l'envol, révéler de moi un visage moins beau, risquer de contrarier le bonheur à venir.

D'un coté je montre à Charlotte un visage plus lumineux, qu'elle ne connaissait pas, et elle m'aime davantage. De l'autre je montre à nathalie des faces sombres, quelle ne connaît pas vraiment, mais qui sont justement ce que je veux quitter. Le mouvement me porte vers ma face lumineuse, celle en laquelle chacune des deux croit. Le chemin s'ouvre devant moi et je n'ai qu'à le suivre.

Ma force est en moi, et je dois garder confiance en moi. Je dois aussi garder confiance dans les personnes que j'aime. Car, quel que soit mon choix, je ne puis rien pour le leur. C'est mon chemin que je dois suivre, et je ne peux qu'espérer le parcourir avec les personnes que j'aime. Mais en aucun cas je ne peux les contraindre, ni me contraindre, à ce que nous marchions main dans la main.

Je dois suivre ma voie, sans savoir si je serai accompagné, ni par qui. Et garder confiance en la vie, l'avenir, et ses surprises.


Je crois en moi.




Faire silence



Lundi 29 décembre


Il se peut que dans les jours à venir je ne m'exprime plus beaucoup ici. Je le fais déjà moins qu'auparavant, depuis quelques temps. Les choses deviennent vraiment sérieuses, et je ne pense pas qu'un journal intime public soit le moyen le plus propice à une réflexion personnelle. J'ai besoin de me retrouver vraiment seul. Seul face à moi.

D'ailleurs, c'est ce que je vais vivre effectivement puisque je pars m'isoler quelques jours dans une vieille ferme de montagne. Sans contact avec quiconque. Sans contact avec ces deux femmes que j'aime, et entre qui je suis déchiré...

Je vais méditer, réfléchir [encore??!], écrire. Lire aussi, des bouquins centrés autour de l'écoute de soi. Et puis des morceaux de ce journal, car il y a forcément à puiser dans cette incessante répétition-appropriation d'idées qui n'osent qu'à peine être formulées.
Et marcher, respirer l'air froid, écouter le murmure du silence, rafraichir mon visage dans le vent.

Laisser venir les choses comme elles le doivent.
Faire confiance à l'inspiration venue du silence.