Novembre 2007

Dernière mise à jour:jeudi 29 novembre 2007 - Accueil - Message
















Laisser aller



Dimanche 18 novembre


M'est-il déjà arrivé de rester aussi longtemps silencieux, depuis que j'écris en ligne ?
Aujourd'hui, qu'est qui me pousse à reprendre le chemin des mots ?

Certes j'ai été très occupé depuis sept semaines. Un seul jour de liberté depuis le 1er octobre. Mais ça n'explique pas tout. J'aurais fort bien pu écrire quelques lignes durant les soirées que j'ai passées chez moi.

J'étais fatigué. Sans désir de raconter ce que je vis. Je n'ai guère eu le temps de penser, d'élaborer quelque chose de structuré. Alors je me suis laissé aller. J'ai même renoué, de temps en temps, avec la télévision délaissée depuis sept ans. De vagues soirées vautré sur le canapé, m'endormant parfois devant des programmes ineptes.

Je me laisse aller...

Je devrais plutôt dire que je me laisse porter par le courant. Je ne cherche plus à lutter pour quelque chose de mieux, ou du moins je n'y adjoins plus aucune idée d'urgence. Je laisse les choses se faire, sans forcer. Sans me forcer.

Je ne sais pas encore si c'est une sagesse ou une démission, mais après des années passées à vouloir "avancer", ce relâchement m'est inhabituel.

En fait, je crois que je suis entré dans une nouvelle ère. Un nouveau mode de vie. Me voici devenu salarié, obligé de me soumettre aux obligations fiancières. J'y ai perdu beaucoup de ma liberté, de mon temps, mais j'y gagne une tranquillité d'esprit. Je me vois devenu autonome, complètement indépendant de Charlotte sur ce point. Vraiment célibataire.

Il y a quelques semaines, alors que j'étais à côté d'un ami qui se trouve dans la même situation affective que moi, une personne nous a qualifiés, par inattention, de "vieux garçons". J'ai écarquillé les yeux, surpris par cette expression que je n'aurais jamais cru entendre à mon égard. Cependant je dois reconnaître que j'en adopte certaines des caractéristiques. Je vis de plus en plus replié sur moi-même, ne rencontrant personne en dehors de mes activités professionnelles. Ça me tracasse un peu. Cette facilité de l'isolement de me semble pas être une pente à suivre.

Ce week-end mes trois enfants sont venus s'installer, et j'en ai profité pour inviter Charlotte à un repas. Durant quelques heures toute la famille a été réunie et la maison a retrouvé une ambiance comme avant, vivante, bruyante, joyeuse. J'ai beaucoup aimé ces retrouvailles, après des mois durant lesquels seules de brèves rencontres partielles avaient été furtivement possibles.

Avec Charlotte nous avons pu, ces dernières semaines, avoir des discussions importantes. Elle m'a exprimé quelques ressentiments résiduels, que j'ai écouté sans les contester. Je crois qu'elle s'est sentie comprise, entendue, reconnue. De même je lui ai présenté mes excuses pour ce que je lui avais fait vivre il y a quelques années, et pour des paroles difficiles à entendre. Elle a aussi fini par comprendre que la distance que j'avais laissé s'installer ne correspondait pas à une indifférence à son égard, mais au contraire à une volonté de respecter son propre choix de distance. Elle pensait que je n'avais pas envie de la voir en constatant une impassibilité de ma part, qui n'était qu'un moyen de me protéger de sa froideur. Mes élans souriants et affectueux, mes propositions d'amitié, à force de ne pas trouver de répondant, s'étaient amenuisés jusqu'à pratiquement disparaître.

Qu'il est difficile de se délier lorsqu'il demeure un attachement...

Combien de temps me faudra t-il pour retrouver un entrain durable en tant que personne seule ? J'ai été surpris, un soir où j'avais invité Charlotte, d'avoir une vitalité que je n'ai pas lorsque je suis seul. Il y avait une présence, de la vie dans cette grande maison vide, qui contrastait avec le silence immobile de mes soirées. Après mes journées de travail je n'ai habituellement pas beaucoup d'énergie et la musique, ou la radio, ne font guère illusion : ça manque de vie.

Depuis que j'ai pris de la distance avec les relations via internet, je me retrouve face à une solitude existentielle qui n'est pas toujours enthousiasmante. Mais d'un autre côté je sais que ces présences "virtuelles" avec qui je demeure pourtant en relation ont une part d'illusion et d'impalpabilité. C'est donc tout un environnement relationnel que j'ai probablement à construire afin de le vivre "pour de vrai".

Voila qui entre en pleine contradiction avec une volonté farouche de me préserver de toute relation affective avec qui pourrait m'attirer vers des zones que, pour le moment, je refuse d'explorer de nouveau. C'est clair : actuellement je ne veux pas de femmes dans ma vie. L'exact inverse de la démarche d'ouverture qui a mené à la dislocation de mon couple...

Je ne voulais pas d'interdit dans les rencontres, alors que j'étais en couple, et voila qu'aujourd'hui je cherche à m'en préserver, alors que je suis libre ! Je fuis le domaine des sentiments, et il n'y a personne en face de mes désirs.

Et pourtant... je sens bien que, tout au fond de moi, je souhaite rencontrer, partager, échanger, découvrir. Dans toutes les dimensions. Mais pas pour le moment...

Contradictoire, n'est-ce pas ?

Le chemin vers soi est un parcours parfois bien tortueux, et intéressant pour cela. Je continue à observer et explorer les contours des relations humaines, maintenant éclairé par une meilleure connaissance de la diversité des comportements. En comprendre l'origine, à travers ma propre expérience de vie, me guide.






Immobile




Jeudi 29 novembre


Drôle de convergeance de mots qui, au deuxième rappel donnent un sens passé inaperçu. Hier Eva parlait d'un sensation d'immobilisme dans sa vie. Quelque chose m'a titillé et j'y ai repensé aujourd'hui : ne suis-je pas devenu immobile dans certains pans de ma vie ?
Ce soir c'est mon amie Caroline qui, après que je lui ai raconté une violente chute que j'ai faite sur le dos hier, me demande : « aurais-tu voulu t'immobiliser ? ». En effet, je suis resté longtemps immobile par terre, sous les yeux très inquiets de mes équipiers de travail. Sonné par le choc, terrassé par la douleur, blanc comme un linge, j'étais incapable de bouger et me sentais prêt à perdre connaissance. Le tableau était tel que j'ai été transporté aux urgences pour un examen qui a confirmé ce que je sentais : rien de grave. Il n'empêche que j'avais aujourd'hui quelques difficultés dans mes mouvements.

Immobilisme... Oui, après ces dernières années assez mouvementées, j'ai parfois l'impression d'être entré dans une période d'immobilisme, et en même temps de manquer du temps de ne rien faire. En fait, ce qui bougeait auparavant s'est figé, mais ce sont d'autres domaines qui sont entrés en mouvement. Celui du travail, par exemple. Celui de mon rapport aux autres, aussi. Et celui de mon rapport à moi-même.

Ce qui est devenu immobile en se cristallisant, c'est tout ce qui concerne les relations affectives, sentimentales, et de séduction. Un grand souffle froid à soudain figé ce que je "travaillais" avec ardeur depuis plusieurs années. Mes quelques tentatives de rapprochement de femmes, en début d'été, m'ont montré que je n'étais pas du tout prêt à réinvestir ces champs. J'ai largement oeuvré pour que ces liens en construction ne s'implantent pas vraiment. Je me suis vite remis à distance en sentant que cela me demandait plus que je ne voulais donner.

J'ai besoin d'apprivoiser ma situation de célibataire.

Je vis donc dans un certain isolement, qui me convient globalement. Je cerne les contours de la vie en solo, découvrant à la fois les joies de la liberté, mais aussi la terne morosité des soirées de solitude. Pourtant, je ne fais rien pour me sortir de cet état, et c'est là que je me sens immobile. D'ailleurs je le suis au sens propre : je ne sors pas, et souvent je me vautre sur un canapé où je laisse longuement errer mes pensées vagues.

Je crois que cela s'accentue aussi en renonçant peu à peu au maintien d'un lien avec Charlotte. Après des semaines de silence, je pensais avoir réussi à renouer le dialogue avec elle dans des conditions de confiance et d'amitié. Mais il a suffi de peu de choses pour que son attitude à mon égard nous éloigne de nouveau. Il est des attitudes qui n'ont pas leur place dans des relations de respect mutuel, et moins encore si elles sont chargées d'affect. À la longue, je fatigue, et je réalise que les efforts que je fais ne seront pas récompensés à la hauteur de ce que je pensais. En quelques mots, pourtant pas si terribles, je me suis senti assommé. C'est comme si tout mon travail de pacification, de restauration de confiance et d'écoute, n'avait pas été pris en compte. La distance s'est donc de nouveau installée, et je n'ai plus envie de faire des pas vers elle.

Immobile, donc.

Je sais pourtant que cet apparent immobilisme à son utilité. Dans mes pensées flottantes s'esquisse probablement quelque chose de mon être futur. Dans ces eaux stagnantes se recompose certainement un dessein nouveau. Mes constats autour de la vie en solitaire, mes souvenirs de ce qu'elle était lorsque j'étais en relation de couple, se confrontent, s'observent, s'évaluent. Et dans ce recentrage il n'y a guère de place pour quelqu'un d'autre.



Mois de décembre 2007