Ses premiers congrès
subirent des influences proudhoniennes combattues par Marx, qui les jugeait
préjudiciables au mouvement ouvrier. Proudhon était mort
en janvier 1865 et l’affrontement n’aurait peut-être pas dépassé
celui des idées si Bakounine n’avait pris la relève, en adhérant
personnellement à l’Internationale en juillet 1868, comme membre
de la Section centrale de Genève.
Bakounine, l’homme
des sociétés secrètes aux ramifications internationales,
demanda l’entrée dans l’A.I.T. pour la dernière-née,
l’Alliance internationale de la démocratie socialiste, qui comptait
des adhérents en France, en Espagne et en Italie. Après le
refus du Conseil général, il sollicita l’adhésion
de l’Alliance au titre de section genevoise, et non plus comme organisme
international ; sa demande fut acceptée en juillet 1869, mais refusée
par la Fédération romande. Le conflit s’envenimant, la Fédération
jurassienne fut créée en novembre 1871, prélude à
la naissance d’une Internationale « anti-autoritaire » en septembre
1873, un an après le congrès de La Haye qui vota l’exclusion
de Bakounine. Contre les résolutions de La Haye s’étaient
dressées, outre la Fédération jurassienne, la Fédération
italienne (qui avait rompu avec le Conseil général dès
son premier congrès, tenu à Rimini en août 1872), les
fédérations belge, anglaise, américaine et hollandaise,
ainsi que la Fédération régionale espagnole (lors
de son troisième congrès, tenu à Cordoue du 25 au
30 décembre 1872).
Tandis que l’Internationale
« marxiste », mourante depuis La Haye, s’éteignait en
1876 aux États-Unis où elle avait émigré, l’Internationale
« anti-autoritaire » étendait son influence, animée
avant tout par les fédérations italienne et jurassienne.
Après quelques années, ce rayonnement diminua, la Fédération
belge se ralliant au marxisme en 1877, et la Fédération jurassienne
perdant son leader, James Guillaume, venu s’installer à Paris le
1er mai 1878. Quant à la Fédération espagnole, la
plus solide à tous égards, elle était réduite
à la clandestinité depuis 1874 – cette fédération
comptait alors cinquante mille membres– et allait demeurer interdite jusqu’en
1881.
Théorie
et pratiques d’action anarchistes mûrissaient cependant au cours
de ces années. C’est ainsi que, au congrès de Florence, en
octobre 1876, la Fédération italienne, par les voix de Carlo
Cafiero et d’Enrico Malatesta notamment, se prononçait en faveur
de la propriété collective des produits du travail. Quelques
mois plus tard, en avril 1877, ces deux militants inauguraient, devant
les paysans de la province de Bénévent, cette « propagande
par le fait » – leçon de choses de socialisme – qui allait
connaître des développements terroristes pendant des dizaines
d’années.
En octobre 1880,
le congrès de la Fédération jurassienne, auquel Kropotkine,
Élisée Reclus et Cafiero donnaient l’allure d’un petit congrès
international, se prononçait pour le communisme anarchiste, après
qu’une réunion préparatoire secrète eut préconisé
l’action violente et illégale, « seule voie menant à
la révolution ». Le congrès international de Londres
en juillet 1881 devait confirmer ces prises de position. Ce congrès
s’étant par ailleurs déclaré hostile à la reconstitution
de l’A.I.T., « cette réédition d’une chose morte ».