Salvador Dali (1904-1989)

Dali faisait partie du groupe de surréalistes parisiens depuis cinq ans lorsqu'en 1934, le tableau Persistance de la mémoire (ci-contre) fut présenté dans une galerie new-yorkaise avant d'entrer au célèbre Museum of Modern Art.
C'est à cette époque que commença la "carrière de star" de l'Espagnol, carrière qui sera jalonné d'actions spectaculaires, surtout aux Etats-Unis. Les "montres molles" devinrent un des labels de son art. Il les reprit dans d'autres tableaux, gravures et décors de théâtre. Dans certaines caricatures de journaux, elles coulent le long de la poignée de porte de sa chambre d'hôtel, apparaissent sous un dessous de lit ou prennent la place d'une langue tirée au spectateur.

Tous ces facteurs semblent contredire l'inspiration poétique d'un surréalisme imprévisible tel qu'il se présentait chez Max Ernst et Joan Miro. D'un autre coté, le surréalisme fut et reste moins un style de production artistique déterminée qu'une attitude face à la réalité. La manifestation d'une réalité marquée par les habitudes et les normes devait être "amollie" et s'ouvrir à des associations imaginaires fluides, telles qu'elles sous-tendent le rêve. Les idées fixes qu'on peut implanter dans de nombreux esprits - comme précisément des montres molles - étaient les bienvenues pour diffuser cette attitude de la "concrète irrationalité".

Le psychanalyste Sigmund Freud décrit le fonctionnement du psychisme humain par un couple de concept simple : le principe de réalité assure l'adaptation au monde, mais est constamment infiltré par le principe de plaisir. Par ailleurs, on relève dans les tableaux de Dali un rapport entre les perceptions du temps et de l'espace. Les montres qui commencent à se liquéfier spatialement et temporellement font songer à l'écoulement du temps. Il en résulte l'impression d'un espace-temps de la mémoire se dissipant dans le lointain, où l'inexplicable intervient sans cesse et conditionne inconsciemment l'expérience du présent.