6.2 RUSE DE DRHYZ

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Il ne fallait pas trainer parce que, même si peu de monde peuplait cette zone, nous offrions une proie découverte, et le binôme d'étoiles qui accompagnait notre système astral projetait une lumière d'intensité régulière et permanente.

Nous nous réfugiames dans une petite grotte naturelle que le détecteur de relief du scaphandre signala. Soulagés de nous débarrasser de l'encombrante carcasse, nous nous régalions en respirant l'air fortement ionisé de ma planète.

Une odeur semblable à celle du varech terrestre flottait dans l'air et rappelait avec insistance que l'heure du dernier repas commençait à dater.

La cité la plus proche demandait environ deux U. de marche et nous n'avions ni vêtements civils ni crédits de consommation. Pieds nus et habillés de nos seuls collants de navigation, nous nous dirigions vers la première zone de végétation qui préfigurait la civilisation. Soudain, une bouée de surveillance pointa à l'horizon provoquant une course effrénée pour nous cacher sous les pétales d'une grosse fleur rouge, malheureusement non comestible, appelée " glabon " Le danger s'éloigna bientôt et reprenant notre chemin, j'appréciais les végétaux qui nous entouraient et qui avaient contribué aux joies de ma jeunesse. Au fur et à mesure que nous avancions, je me réhabituais à ma planète au point d'oublier l'extravagante aventure que je vivais. Jacqueline qui m'emboîtait le pas, ne tarda cependant pas à me ramener à mon douloureux destin en m'interpellant :

-" Prends ton courage à pleines mains, Kuhing, 5.000 nouvelles âmes attendent à la porte."

Je me retournais malgré moi, et je reçus à nouveau la maudite décharge.

Je m'écroulais encore sous la souffrance et, lorsque Jacqueline me leva, je faillis entrevoir un sentiment nouveau pour moi que les Terriens appellent : la haine. La jeune femme parut le comprendre en observant mes yeux et dit gravement :

-"Prends garde, Kuhing, ce sentiment là, tu dois le détruire, pas l'apprivoiser"

Nous réprimes notre chemin, et, bientôt les premières habitations apparurent entre les lianes.

La ville côtière de Kandou s'étendait entre deux collines recouvertes de ce lichen bleuté qui tapissait la majeure partie de cette planète et lui donnait sa couleur caractéristique. Nous devions maintenant atteindre Kandou sans éveiller le moindre soupçon sous peine de nous faire ramasser par les équipes de surveillance et de finir rapidement dans la salle du conseil du Grand Magellan. Mon intention était bien de retourner voir ceux qui m'avaient expulsé mais, cette fois, je déciderais de la date du rendez-vous. Il me vint alors une idée qui nous permettrait de passer facilement inaperçus, et jouant avec le paradoxe, nous nous rendîmes le moins discret possible. Je coupais quatre pétales d'un des glabons qui nous entouraient ainsi que deux longues tiges d'une plante graminée qui ne donnait, elle aussi, que des fruits indigestes. Jacqueline compris immédiatement le stratagème et s'habilla de deux pétales carmin qu'elle noua avec la ceinture végétale. Je I' imitais et nous rejoignîmes, à ciel ouvert, la piste granitiques qui menait à Kandou. Une bouée de transport individuelle nous remarqua et modifia sa trajectoire pour s1approcher. A peine inquiet, j'attendais de voir si ma ruse prendrait. Le véhicule volant s'immobilisa juste au-dessus de nous, et un jeune Drhyz accompagné de son père sortit sa tête par le hublot latéral pour nous observer longuement. Puis soudain, il s'esclaffa et nous envoya un signe joyeux en agitant son avant-bras. Son père le suivit en riant; la partie était presque gagnée. Nous rendîmes les saluts aux deux kandiens tandis que je murmurais à l'oreille de Jacqueline :

-"J'espère que tu t'es intéressée également à la musique pendant tes études artistiques sur la Terre."

La jeune femme acquiesça d'un sourire et dit :

-"Le seul ennui est que ma voix sonnait bien plus harmonieusement avant que je te rencontre."

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Nous marchions maintenant dans nos accoutrements à travers les rues de Kandou, et je criais à tue-tête :

-"Venez admirer sur l'esplanade de rencontre les élèves artistes chanteurs de l'agglomération de Ghya, spécialement de passage pour vos petits enfants."

Les fenêtres des habitations Drhyziennes se déopacifiaient à mesure que nous avancions et déjà une bonne dizaine de petits Drhyz nous suivaient en gloussant - jamais camouflage ne fut plus voyant.

Un bel auditoire de joyeux Drhyz se déplaça et nous écouta chanter sur l'esplanade centrale de Kandou. Notre prestation ne méritait pas une inscription dans les annales des œuvres lyriques mais elle plut beaucoup aux petits qui n'étaient pas habitués à ce genre de spectacle. J'articulais les paroles d'un conte improvisé et Jacqueline les agrémentait de vocalises. Cette ruse permit une réintégration en beauté dans cette société à tel point, qu'à notre grande joie, le comité des enseignants organisa un repas avec les jeunes enfants. Nous nous goinfrâmes de plancton lyophilisé et de sirop de coléoptile avant d'expliquer qu'il nous fallait maintenant reprendre notre tournée pour réussir nos examens d'artistes chanteurs.

-"Mais vous marchez à pieds, sans nourriture ?" S'étonna un enfant.

Je répondis dare-dare qu'il s'agissait d'une clause spéciale pour l'obtention du diplôme car, si notre spectacle plaisait, un banquet comme celui-ci devait être offert systématiquement.

Nous primes congé de nos hôtes en pensant que nous ne répéterions pas pour autant l'expérience de si tôt.

 

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