9.3 L'ARCHE

 

 

Les contractions des feuillets d'univers devaient suivre un processus de réactions en chaîne dont j'entrevoyais déjà la solution théorique ; je réunis quelques milliers de Drhyz fondamentalistes et je leur demandais de la développer mathématiquement.

Par contre, le stockage de l'énergie résultant des Big-crunch restait, à cette étape, encore une énigme. J'avais pourtant la conviction intime que je résoudrais ce problème en temps utile et qu ' il fallait dès maintenant rassembler les espèces vivantes des autres feuillets pour les ramener dans notre réseau. Je demandais aux ingénieurs aéronauticiens de Drhyz 08 de concevoir un aérodyne suffisamment grand pour transporter cent quarante quatre mille passagers. Il était en effet impossible de transférer matériellement la totalité des populations et nous devions faire un choix. Cent U. se passèrent, et l'on me prévint que les plans de l'Arche cosmique étaient déjà bouclés.

Je me rendis alors sur la base de départ supra-galactique pour découvrir ce que nos techniciens avaient réalisé.

 

 

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L'Arche se présentait comme une gigantesque structure lenticulaire constituée d'un gros noyau central aplati qui formait l'habitacle. Sur lui, s'agrippaient cinq cents de nos soucoupes volantes traditionnelles. Elles serviraient à la fois de propulseur et de navettes pour se rendre sur les planètes habitées, la taille souvent réduite des tunnels de basculement ne permettant pas le passage d'un engin aussi gros.

L'Arche resterait en poste à proximité du premier trou noir pour attendre les représentants de chaque espèce. Nous avions prévu d'aménager pour eux, au retour, des planètes inhabitées du réseau Drhyz ou chaque espèce pourrait recréer sa civilisation avant de réaliser une synthèse entre elles et nous. J'approuvais le projet proposé par les ingénieurs et la fabrication proprement dite de l'arche commença.

Deux cent unités plus tard, elle nous attendait pour l'expédition.

Je retournais avec Jacqueline sur l'aire d'envol de la vallée bleue où nous trouvâmes l'engin construit à ciel ouvert. Je fus moi-même impressionné par cet extraordinaire véhicule dont le diamètre dépassait celui du stade des démonstrations sportives de Ghya.

Des milliers de Drhyz s'affairaient encore aux derniers préparatifs quand un responsable de la base nous rejoignit. Il nous invita à pénétrer dans l'enceinte de l'Arche.

Une des passerelles s'abaissa à notre approche, et nous montâmes dans l'habitacle central. Celui-ci était conçu selon un procédé qui rappela à Jacqueline une structure qu'elle appelait " nid d'abeilles ", que des insectes du même nom, sur sa planète, fabriquaient d'instinct.

Des alvéoles hexagonales de métal transparent tapissaient sur sept couches successives la paroi interne du noyau de l'Arche.

Chaque cabine-alvéole pouvait accueillir douze passagers, et possédait un système de fonctionnement autonome en gaz, gravité et alimentation. Un réseau de couloir desservait une plate-forme centrale, où environ vingt mille spécimens de notre taille pouvaient se promener en même temps, sans que cela semble encombré.

Les techniciens avaient rassemblé toutes leurs compétences pour que cette Arche fut la plus accueillante possible ; et nos plus beaux végétaux, protégés sous de larges serres de verre organique microporeux, ornaient l'aire centrale de rencontre. Des points d'eau sous cloches et des générateurs de brume finissaient de donner à cet environnement un aspect quasi naturel.

L'inertie de cette énorme machine et les allers et retours sur les planètes habitées allongeraient de beaucoup le temps du voyage et, plus qu'un simple véhicule, il avait presque fallu construire une biosphère volante. Je ne manquais pas de féliciter le responsable de la base pour le magnifique travail que tous avaient accompli dans un laps de temps Si court. Avec cette humilité propre aux membres de mon espèce, il s'effaça sans mot dire.

Nous ressortions du noyau de l'Arche pour aller marcher, Jacqueline et moi1 sur cette vallée bleue qui s étendait à perte de vue. Le lichen récemment réensemencé par les frères écologistes, était encore tendre sous nos pas et exhalait une fraîche senteur marine.

Jacqueline me fit part de la nostalgie qu'elle avait de sa planète et de sa tristesse de ne pouvoir y retourner pour toujours. Elle paraissait très émue et des larmes perlaient au bord de ses yeux. Je la consolais en rappelant que, déjà, des frères des régions nordiques du réseau Drhyz aménageaient un astéroïde qui ressemblait beaucoup à sa Terre natale. En plus, nous ramènerions de cette expédition des clones de végétaux et d'animaux qu'elle connaissait bien.

Jacqueline m'écoutait en silence et se laissa peu à peu convaincre par mes paroles rassurantes. Bientôt, elle retrouva même son beau sourire et se déclara impatiente de prendre le départ.

Nous fîmes demi-tour et, nous approchâmes à nouveau de la grande Arche cosmique. Les cinq cent pilotes Drhyz, rutilants dans leurs combinaisons, s'engouffraient déjà à la queue le-le dans son noyau central, prêts à s'envoler vers ces horizons lointains.

Je retrouvais le responsable de la base qui me confirma que l'engin attendait le décollage. Nous enfilâmes, ma compagne et moi, nos combinaisons de vol que deux frères nous apportèrent, puis nous montâmes à notre tour dans l'habitacle central du vaisseau. Les issues se bouclèrent en silence. Les pilotes s'étaient installés à bord de leurs soucoupes et la plate-forme centrale était déserte. Soudain, une voix de synthèse résonna dans tout l'aérodyne pour nous annoncer le départ imminent. Nous nous approchâmes d'un des grands hublots pour regarder encore cette belle vallée bleue qui m'avait vu m'envoler tant de fois.

Les réacteurs des soucoupes, collées sur la paroi externe de l'Arche, se mirent en route simultanément, soulevant doucement l'énorme masse métallique.

 la suite

 

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