19 juillet 2000

Pour la première fois depuis plusieurs jours, je prend la plume (virtuelle) avec enthousiasme ce soir. J'ignore pourquoi, mais j'avais un regain d'énergie au bureau, je blaguais, je dansais sur place lorsque mon patron m'adressait la parole... de quoi m'attirer des regards, disons, perplexes de la part de mes collègues.

Et ça s'est continué à mon retour ici. J'ai fait une grosse épicerie, histoire de regarnir un peu mon frigo, arrosé et pris soin de mes plantes, et fait mon lavage. Je m'étais aussi fixé comme objectif une autre tâche: nettoyer ma salle de bain. Aurai-je le courage de m'y astreindre avant de me coucher ?

Il semblerait bien que le cormoran ait décidé d'élire domicile sur le lac. Je le vois presque chaque matin et chaque soir, perché sur la plate-forme flottante, quelques fois accompagné de quelques goélands, à se sécher les ailes ou se dandiner sur ses courtes pattes palmés, ou simplement à regarder passer la vie. Il y a du poisson en abondance et aucun prédateur, alors il est heureux, même s'il est seul de sa race. La solitude ne semble pas le déranger outre mesure. C'est probablement un jeune, pas encore en âge de procréer. Un jeune qui a toute la vie devant lui.

Vous voulez que je vous donne un exemple flagrant de mon manque d'ordre ? Sur le coin de mon meuble d'aquarium, j'ai quelques dépliants qui traînent sur le tapis. Et bien je viens juste de remarquer qu'une petite araignée y a construit sa toile. Et à en juger par les particules de poussière sur les fils, elle doit être là depuis quelques jours.

Elle doit savoir que je l'observe, elle semble un peu nerveuse...

Note à moi-même: ne pas oublier d'aller la mettre dehors avant de passer l'aspirateur.

Que faire avec Consoeur, que faire...

Son comportement a complètement changé à mon égard. Elle ne me regarde plus, elle répond poliment à mes questions sans plus, sans chercher à prolonger la conversation. J'ai essayé d'aller la voir deux fois au laboratoire pour une jasette, ce qu'elle aime bien d'habitude, mais à chaque fois j'ai eu droit au même traitement: un simple "bonjour" accompagné d'un sourire poli, puis elle replonge le nez dans ses éprouvettes. Je lui dit quelques mots, elle me donne une réplique courte et sèche, sans même me regarder, puis le silence. Le malaise est palpable. Alors il ne me reste qu'à lui souhaiter bonne fin de journée et à partir.

Ce n'est pas la première fois qu'elle agit de la sorte avec moi. Cela doit bien faire dix fois depuis les deux dernières années. J'ai essayé de la confronter plus d'une fois, de lui demander si j'ai pu dire ou faire quelque chose qui aurait pu l'offenser, mais chaque fois je ne reçois qu'une réponse évasive, pour la voir se fermer encore plus à moi les jours suivants. Alors j'ai arrêté d'essayer.

Combien de temps vais-je continuer à lui tendre une main qu'elle se complait à mordre à tout bout de champs ? Combien de temps vais-je continuer à lui offrir une amitié dont elle ne veut pas de toute évidence ? La dernière chose dont j'ai envie c'est bien de la harceler, de la voir faire des pieds et des mains pour me fuir, de lui rendre la vie misérable au travail.

Je ne sais plus quoi penser.

Pourtant j'y pense tout le temps.

Et je veux que ça cesse. Elle occupe trop de place dans ma tête. Mes émotions dépendent beaucoup trop de ce qu'elle a pu dire ou faire dans une journée. Même si je me suis interrogé souvent sur le sujet, je ne peux en conclure que je n'ai rien pu dire ou faire pour mériter des traitements si radicalement différents de sa part d'une semaine à l'autre. Je ne suis pas responsable de ses sautes d'humeurs, et comme je n'y peux rien de toute façon je ne veux plus les subir.

L'opération détachement est commencée.

Ça non plus, ce n'est pas la première fois...


[jour précédent] [retour] [jour suivant]