15 décembre 2001

Malalatête.


Mon adresse de courriel devient de plus en plus inutile. D'abord, plus personne ne m'écrit depuis belle lurette, ce qui n'est pas étonnant étant donnée ma tendance à ne pas répondre, où alors à ne le faire que très brièvement des mois plus tard. Je ne reçois plus que plusieurs dizaines de pourriels par jour, et je dois régler mon gestionnaire de courrier indésirable au maximum si je veux arriver à les filtrer tous, et encore, il y en a qui réussissent malgré tout à faire leur chemin dans ma boîte de réception. Et en plus, ce qui est pire, je crois que mon filtre élimine aussi quelques fois des messages qui devraient légitimement me parvenir. C'est le cas, entre autre, des messages de notification de mise à jour de site, envoyés par la CEV. Je vais donc me désabonner de toutes ces listes de mise à jour, puisque je ne m'en sers pas de toute façon, préférant aller faire mon tour quotidiennement sur la liste des journaux.

Aussi, je pense de plus en plus à cesser d'aller consulter mes messages sur mon adresse Hotmail. Après un mois sans consultation, les imbéciles qui m'innondent de pourriel vont commencer à recevoir des messages de non-délivrabilité, ce qui va peut-être éliminer mon adresse de quelques listes de distribution, avec un peu de chance. Et de toute façon, les personnes avec lesquelles j'entretiens une correspondance régulière connaissent ma véritable identité et peuvent me rejoindre par ma vrai adresse de courriel.

Mais bien sûr, cela me coupera de la possibilité de faire de nouveaux contacts par le biais de ce journal.

En fait, les personnes qui veulent vraiment me rejoindre pourront toujours me laisser un petit mot par l'entremise du forum de la CEV, que je consulte régulièrement.

Et puis d'ailleurs, depuis quelques mois, mon attitude change complètement face à mes relations virtuelles. Je m'en désintéresse de plus en plus. J'ai arrêté de lire de nombreux journaux. Et ne vous en faites pas, malgré ce que j'ai pu dire précédemment, le fait qu'ils passent au blog ou non n'est pas vraiment un critère.

Non, je crois que c'est plutôt un désintéressement, ou une réaction de rejet, à toute forme de relation qui n'est pas de chair et d'os. Je ne trouve plus aucun intérêt aux personnes que je sais que je ne rencontrerai jamais face à face, et inversement, je désire de plus en plus avoir une rencontre physique, réelle, avec mes correspondantes avec lesquelles je garde contact.

Les gens qui ont une vie "normale" ne peuvent tout simplement pas comprendre pourquoi je réagis ainsi. La plupart d'entre eux/elles sont en couple, ou du moins possède une vie amoureuse ou affective plus ou moins active, avec des hauts, des bas, des relations sérieuses, des aventures, brefs des choses qui se passent. Ils ne peuvent pas comprendre comment on se sent quand on passe des jours, des semaines, voire des mois entiers (ça m'est déjà arrivé) sans aucun contact physique avec aucun autre être humain, pas même une simple pognée de main.

Des contacts physiques, j'en ai eu hier soir. Pas des tonnes, mais beaucoup quand même.

En fait, je ne me reconnaissais pas: j'étais normal.

C'était mon party de bureau hier. Malheureusement, mes tâches exigeaient que je rentre au travail ce matin, et je devais également passer au bureau en fin de soirée pour démarrer un backup qui devait être terminé en début d'avant-midi. Je m'étais donc dit au départ que je ne resterais pas toute la soirée, me contentant du souper et d'une heure ou deux de danse, avant de retourner chez moi, ce qui était aussi bien ainsi vu le rhume que je combattais encore et qui m'enlevait une partie de mon énergie.

Je suis arrivé un peu plus tard que la majorité des gens. Une de mes collègues, qui est une amie d'enfance que je connais depuis le temps où elle avait la couche aux fesses, m'accueille avec une bise et un gros câlin, ce qui fait évidemment jaser les langues sales. Mais bon.

Puis en entrant dans la salle, je me déplaçais le plus naturellement du monde d'un groupe à l'autre, me mêlant avec aisance aux conversations déjà en cours. Franchement, si je ne m'étais pas connu, j'aurais pu affirmer que j'étais une personne douée de grandes habilités sociales (affirmation suivi presque immédiatement d'un fou rire inextinguible sauf par quelques quintes de toux).

Puis, une ancienne collègue, qui nous a quitté l'an passé mais qui était tout de même invitée à notre soirée, arrive et se dirige vers moi immédiatement, en me faisant la bise et en me serrant dans ses bras. Elle gardait solidement son bras autour de ma taille, refusant fermement de me laisser partir avant d'en avoir fini avec moi. Encore une fois, les petites remarques déplacées fusèrent de toute part autour de nous...

Puis, qui ne vois-je pas apparaître du coin de l'oeil ? La collègue avec qui je m'entend si bien ! Ma fois, ça lui fait vraiment bien de s'habiller en fille, elle qui est plutôt garçonnière (mais ô combien féminine malgré tout). Elle ne m'a pas vu, elle parle avec quelques collègues. Je m'approche d'elle subrepticement et pose délicatement mes mains sur sa taille. Elle se retourne, me voit, me reconnaît, et je vois alors son visage s'illuminer instantanément d'un large sourire. Et que fais-je ? Je lui rend son sourire, bien sûr, mais je continue mon chemin, comme si de rien n'était. Ce soir, ce sera moi qui jouerai les indépendants... parce que j'en ai envie tiens. Na.

Mais, alors que je parcourais des yeux la salle à la recherche d'autres connaissances, mon coeur s'arrête quelques secondes.

Consoeur.

Belle. Si belle. Encore plus belle que l'an passé. Je ne croyais pas cela possible. Belle à s'en mordre les jointures jusqu'au sang (ce que j'évite soigneusement de faire).

Je détournai mon regard. Il était hors de question que je la laisse occuper mes pensées toute la soirée.

Quand je disais plus haut que je me sentais "normal" hier soir, je veux dire par là que pour une des rares fois de mon existence, je ne me sentais pas seul et isolé dans ce que je vivais. Même dans ce que je ressentais de négatif dans la soirée, je m'apercevais que je n'étais pas le seul, que d'autres personnes présentes vivaient la même chose, à différents degrés.

Durant la partie animation de la soirée, la collègue avec qui je m'entend si bien vint me rejoindre, et je passai la plus grande partie du temps avec elle. Notre jasette et nos éclats de rire attiraient beaucoup l'attention. Malgré moi, je ne pouvais m'empêcher de jeter un oeil sur Consoeur à l'occasion. Je dois avouer, avec une certaine honte, que je cherchais à voir si ma conversation avec ma collègue la laissait indifférente ou non. Mais de toute façon, Consoeur joue aussi bien que moi le jeu de l'indifférence.

Quoi qu'il en soit, il y avait beaucoup de gens que notre petit couple ne laissait pas de glace, des hommes surtout, dont plusieurs venaient à l'occasion essayer de s'immiscer dans notre conversation, avec plus ou moins de succès selon notre humeur du moment.

Il s'est passé quelque chose ce soir, entre moi et la collègue avec qui je m'entend si bien. Un petit courant est passé entre nous, quelque chose qui n'était jamais passé auparavant. Les plaisanteries devenaient plus suggestives, les regards plus langoureux...

Lorsque vint l'heure du repas, et que je réalisai que toutes les places à la table où elle devait s'asseoir étaient déjà réservées, je dus m'en trouver une autre. J'aurais aimé prendre le repas avec elle, ce fut ma première déception de la soirée. De là où j'étais assis, je pus la voir se retourner à plusieurs reprises dans ma direction, en me laçant un petit regard piteux...

Nous nous retrouvîmes bien vite à la fin du repas. Nos conversations et nos fou rires reprirent de plus belle. À un certain moment, elle me dit qu'elle n'aurait pas du prendre deux cafés car elle ne pourrait jamais dormir de la nuit. Je lui lançai à la blague que, vu qu'elle avait un conjoint, ça ne devrait pas poser problème et qu'elle n'aurait qu'à profiter de la situation pour faire autre chose... C'est alors qu'elle me dit, un large sourire au visage:

- Et bien non, je suis seule ce soir. Mon conjoint est parti passer le temps des fêtes avec sa famille.

Puis, il y eu ce long regard entre nous, ce regard empreint d'un léger malaise, de cette petite peur que l'autre puisse y lire ce qu'on y pense, tout en espérant secrètement qu'il le fasse...

Mais cela n'alla pas plus loin et nous reprîmes notre conversation sur d'autres sujets.

Et puis, les choses se gâtèrent.

La musique commença. J'attendais ce moment depuis longtemps, ayant depuis le début de la soirée la ferme intention de me défoncer comme je l'avais fait l'an passé. Me suivit sur la piste de danse, Consoeur, mais de son côté à elle, avec son ancien amant.

Et puis après quelques chansons seulement, alors que je commençais vraiment à me sentir dedans, la musique devint poche. Vraiment poche. Pièce après pièce d'une kétainerie totale. Je quittai la piste, espérant que d'une minute à l'autre les choses allaient se replacer, mais non. Toute la panoplie des vieilles maudites tounes kétaines de party de bureau y passèrent. Alors la moutarde commença à me monter au nez et mon humeur changea radicalement. Je ne faisais plus que chialer contre la musique, vidant mon fiel à ceux qui s'astreignaient par politesse à endurer mes récriminations. Il y avait bien sûr aussi quelques personnes (beaucoup finalement) qui partageaient mon opinion. Finalement, n'y tenant plus, et apercevant à une table ma collègue qui avait participé à l'organisation de la soirée et avec qui je m'entend d'habitude très bien, je me dirigeai vers elle et sans avertissement, sans même une simple salutation, je lui déballai mon sac et lui déversai toute ma frustration quand au choix musical, à la sempiternelle kétainerie des party de bureau, etc. Visiblement estomaquée et prise de court, elle chercha à argumenter, à se défendre, à justifier ses choix, quelque chose qu'elle n'avait absolument pas à faire. De toute façon rien n'y faisait, mon idée était faite et je ne faisais qu'enfoncer le clou. Elle fut soulagée de me laisser sur place quand l'autre collègue avec qui elle avait organisé la soirée vint la chercher car il avait besoin d'elle.

Je me dis alors que l'occasion était idéale pour partir et me rendre au bureau faire les tâches que je devais faire. Je saluai alors sommairement les quelques personnes que je croisai sur mon chemin vers le vestiaire, incluant la collègue avec qui je m'entend si bien, qui fut visiblement surprise et déçue de me voir partir si vite, et surtout de si mauvaise humeur...

Dans ma voiture, en direction du bureau, je n'étais vraiment pas fier de moi. J'avais laissé à plat, sur une note amère, mes collègues et amis, en plus d'avoir probablement gâché la soirée d'une autre qui avait mis bénévolement beaucoup d'effort et de temps dans l'organisation de cette soirée.

Bravo Laqk. Encore une fois tu montres ton talent inégalable à corrompre tout ce que tu touches.

Je broyai du noir tout le temps que je passai au bureau, effectuant mes tâches de façon machinale, rageant intérieurement en me disant que mon intransigeance et mon manque de souplesse m'avaient une fois de plus amener à gâcher une soirée qui s'était malgré tout très bien déroulée dans l'ensemble.

Alors que je retournais à ma voiture, je me disais que ça ne pouvait pas finir comme ça, sur une note si négative, alors que dans l'ensemble j'avais vraiment passé une agréable soirée. Mon rhume ne m'affectait pour ainsi dire pas vraiment, et je ne me sentais pas particulièrement fatigué.

Et bien croyez-le ou non, j'y suis retourné. Ce n'était qu'à dix minutes en voiture après tout. En entrant dans la salle, quelques personnes eurent l'air surprises, me croyant parti pour de bon. Malheureusement, la collègue avec qui je m'entend si bien n'était plus là. La musique s'était un peu améliorée, au point d'en devenir presque potable. Je n'étais pas assis depuis dix secondes qu'une de mes collègues, m'apercevant de la piste de danse, fonça vers moi et me pris par la main pour m'amener danser avec elle. Je n'y ai pas mis autant de coeur qu'au début de la soirée, mais enfin, c'était toujours mieux que de me morfondre comme je le faisais dix minutes plus tôt.

La musique s'est arrêtée vers 1h30 du matin. La soirée était terminée. J'ai vu l'organisatrice, celle contre qui je m'étais emporté, se diriger vers le bar pour s'acheter une bouteille d'eau, et je me dis que je devais prendre mes responsabilités et aller lui faire mes excuses.

En posant ma main sur son épaule, je lui demandai pardon pour la façon dont je m'étais comporté avec elle. Elle sembla surprise par mes paroles, ne s'étant pas sentie particulièrement offusquée, et me mentionna que j'avais le droit d'exprimer mon opinion quant à l'organisation de la soirée. Je lui rétorquai que le droit d'exprimer mon opinion n'impliquait pas celui de lui manquer de respect, et je la félicitai pour son talent d'organisatrice, pour une soirée qui, somme toute, avait été fort agréable. Elle accepta mes excuses, et la conversation bifurqua vers d'autres sujets, jusqu'à ce que son devoir l'appelle ailleurs.

Soulagement.

Les gens qui étaient restés jusqu'à la fin commençaient à se préparer à partir. C'était le moment des accolades et des poignées de main. J'aperçu, à la table de Consoeur et de ses amis, la collègue qui nous a quitté. En allant lui dire au revoir, elle me pris encore une fois par la taille, serrant sa hanche contre la mienne alors que nous nous faisions nos au revoirs.

Quand je m'éloignai d'elle, après une longue accolade, je me disais qu'il y avait autre chose qu'il me restait à faire.

Je saluai une à une les personnes présentes à la table. Consoeur restait assise, regardant droit devant elle. Arrivé à sa hauteur, je lui tendis la main, espérant qu'elle ne soit pas trop moite. Elle me regarda. Je pouvais lire le malaise et la gêne dans ses yeux. Mais j'y lisais quelque chose d'autre aussi. Quelque chose que j'aurais peine à décrire en mots, mais définitivement quelque chose d'agréable. Tant bien que mal, elle esquissa un sourire timide et maladroit. Quand à moi, je lui offris le plus beau sourire que je pouvais me permettre, en lui souhaitant une bonne fin de soirée, et me penchai pour lui faire a bise. Mes lèvres tombèrent presque sur les siennes, goûtant pour une des premières fois depuis longtemps sa peau douce et délicieuse.

Après avoir donné une chaleureuse poignée de main à l'amant présumé, je quittai la pièce, le sourire aux lèvres et le coeur léger.

Much better ending. Much better.


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