8 mai 2001

J'ai tellement de choses à dire ce soir que je ne sais tout simplement pas par où commencer.

Je me pose un nombre phénoménal de questions depuis quelques jours à propos de moi-même et du vide, du mal de vivre qui ne veut pas lâcher prise.

Par exemple: nous avons eu une journée absolument magnifique aujourd'hui, une journée de rêve. Pourtant, je n'ai pas pu la savourer pleinement. Bien sûr, j'en ai profité quand même; j'ai pris mon après-midi de congé pour passer le balais à gazon sur mon terrain dans ma tenue préférée: la tenue d'Adam. Aucun nuage n'est venu entacher le bleu immaculé du ciel. La température était idéale, seule une légère brise soufflait. J'ai même pu me baigner à plusieurs reprise dans le lac dont la température de l'eau s'est réchauffée jusqu'à un degré acceptable. J'ai assisté à l'arrivée d'un voilier d'une trentaine d'outarde en milieu d'après-midi. D'autres ont dû se joindre à elles plus tard sans que je m'en aperçoivent car c'est une centaine d'oiseaux au moins qui ont pris leur envol sur l'heure du souper, ponctuant leur départ d'un cacophonie de gloussements. J'ai pu les voir passer en formation à deux reprises au dessus de ma maison, alors qu'elles prenaient de l'altitude, pour finalement les voir partir au dessus des montagnes en direction sud-est.

Mais malgré tout cela je ne me sentais pas parfaitement bien. Quelque chose n'allait pas. Je procédais par élimination: Était-ce la température ? Certainement pas ! La solitude alors ? C'était certainement un facteur qui contribuait, mais pourtant, il y a quelques années de cela, j'étais parfaitement bien dans ma solitude. Je savourais pleinement des instants comme ceux-là, sans le moindre malaise. Était-ce les responsabilités associées à l'entretient de mon terrain qui me pesaient à ce point ? Peu probable, je m'acquittais sans problème de ces responsabilités il y a quelques années.

Alors quoi ? Bordel de merde, quoi ?

J'ai réussis à identifier l'angoisse qui souille mon existence depuis plus d'un an. Ce n'est plus une peur floue et sans visage, elle est démasquée.

Cette peur qui m'angoisse et m'empoisonne l'existence, c'est la peur de rater ma vie. Elle n'est apparue que depuis un peu plus d'un an environ. C'est cette peur qui fait toute la différence entre ce que je vis aujourd'hui, et ce que je vivais il y a environ dix ans. C'est la raison pour laquelle je sens que si j'avais de nouveau vingt-neuf ans, toute mon angoisse disparaîtrait. C'est parce que si j'avais vingt-neuf ans, je me sentirais comme si j'avais une seconde chance.

Je parle souvent de mon accident de vélo au bureau ces temps-ci. Plusieurs personnes avec qui j'échange de façon moins régulière se demandent pourquoi je n'ai pas déjà commencer à venir au bureau en vélo, et je dois leur expliquer ce qui m'est arrivé l'an passé.

Cet accident ne m'a-t-il donc rien appris ?

Je me suis fait un cadeau hier. Je me suis acheté un beau foyer extérieur en métal haut de gamme. Saviez-vous qu'après presque neuf ans dans un paradis comme le mien, je n'avais pas encore fait de feu chez moi ?

J'ai remédié à la situation ce soir. J'ai brûlé les tas de feuilles que j'avais ramassé durant l'après-midi. J'aime faire des feux. Pourquoi m'en suis-je privé si longtemps ?

J'ai envie d'inviter Lolita et le reste de mes amis chez moi un soir en fin de semaine. Les funérailles de sa grand-mère auront lieu vendredi. Un changement d'air lui ferait du bien je crois. Nous pourrions nous asseoir autour du feu et siroter une bonne bière ou mieux: un verre de porto. Parler de tout et de rien. Juste être ensemble.

Mon problème n'est pas la solitude en soi. Bien sûr, la présence d'amis me réconforte, me permet de me concentrer sur l'instant présent, donc d'oublier mon mal de vivre, ne serait-ce que pour quelques heures.

Ma jeune lectrice par exemple. Elle est si gentille, je m'entend si bien avec elle. Sa présence est un baume dans ma vie. Mais elle mérite mieux que cela. Comme le reste de mes amis, elle mérite le meilleur de moi-même. Je mérite le meilleur de moi-même. J'ai également réalisé aujourd'hui, après de nombreux mois, voire de nombreuses années de réflexion, que je ne peux tout simplement pas m'engager dans une relation de couple sérieuse dans l'état mental où je suis. Je ne m'investirais tout simplement pas dans cette relation pour les bonnes raisons. L'autre en souffrirait. Tout ce que je peux offrir ces temps-ci, c'est une relation au jour le jour. Cela ne veux pas dire que je veux rester seul. La douce présence d'une femme dans ma vie, de son amitié, de sa tendresse, de ses caresses me feraient un bien fou. Et ce ne serait pas une relation à sens unique. De la tendresse, de l'affection, j'en ai à revendre au fond de moi.

Un courriel reçu d'une lectrice aujourd'hui m'a fait réaliser une chose; une chose que je savais déjà mais que je n'étais pas prêt à voir tout de suite je suppose.

Je vais aller chercher de l'aide professionnelle. Je pourrais probablement lever seul le voile de mon existence, mais après combien d'année ? Je ne veux pas apprendre à vivre cinq minutes avant ma mort. Je veux retrouver le bonheur, le bien-être, la paix intérieure, la joie de vivre que j'ai déjà connu. Et pas dans quarante ans. C'est maintenant que je suis jeune. C'est maintenant que je dois en profiter.


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