11 mars 2002

Lorsque j'ai été invité à souper il y a quelques semaines chez mon amie d'enfance, son conjoint et moi, qui sommes approximativement du même âge, avons eu une discussion sur les lointaines années de notre adolescence. Il m'a raconté que lorsqu'il avait treize ou quatorze ans, le centre de son univers était constitué par son groupe de "chums" avec lesquels il pratiquait toute sorte de sports. Mais bien sûr, à cet âge, les filles commençaient lentement à détourner l'attention de certains de ses amis...

Il se souvenait à quel point il avait commencé à détester ces "intruses" qui, l'une après l'autre, commençait à lui ravir l'attention de ses amis et à briser la belle cohésion de groupe dont ils avaient toujours jouis jusqu'à date.

Bien entendu, la testostérone finit par le rattraper lui aussi, et alors sa perception commença à changer, en même temps que ses priorités.

Ce sujet était venu sur la table car nous faisions le parallèle entre la manière dont sa vie avait changé à cette époque, et à celle où lui mon amie d'enfance avaient eu leur premier enfant.

C'est alors que je me suis mis à réfléchir sur l'impact tout à fait différent que pouvait avoir l'arrivé d'enfants dans un groupe d'amis, selon qu'ils soient nos propres enfants ou ceux des autres.

Les enfants commencent à être de plus en plus présents dans notre groupe, ce qui est tout à fait normal, vu notre moyenne d'âge. Et bien sûr, il nous est impossible d'ignorer l'impact que ceux-ci ont eu sur notre dynamique de groupe. L'un de nos couples d'amis avaient un enfant lorsque je les ai connu. Ils en ont maintenant deux, et leur mère en attend un troisième. Il y a également Cousine et Nikita qui sont nouvelles mamans depuis peu, et Lolita a atteint cette "phase" de sa vie où elle est obsessivement obnubilée par la seule et unique pensée d'avoir un enfant elle aussi.

Lors de nos premières soirées entre amis il y a deux ans, il était très facile de réunir tout le monde. Puis, au fil des mois, les choses ont commencé lentement à se compliquer, principalement à cause de la présence des enfants. Notre couple qui attendent un troisième enfant n'ont pas pu être présents lors des deux dernières soirées que nous avons organisées.

Les enfants changent une vie, c'est certain. Pour les parents, ils y gagnent au change, bien sûr. Mais pour les autres, ce n'est pas nécessairement vrai. En fait, ils peuvent vivre la chose de plusieurs façons.

Lorsque je lis Alegria et que je constate à quel point l'arrivée d'un enfant dans la vie d'un couple de ses amis semblent avoir enrichis non seulement la vie de ces derniers, mais sa propre vie à elle, je me rend compte que de fonder une famille peut très bien rapprocher un couple de leurs amis, en plus de les rapprocher l'un de l'autre.

Mais bien sûr il peut en être tout autrement, comme c'est le cas de notre couple d'amis qui semblent trouver de plus en plus difficile de concilier vie de famille et vie de groupe, en particulier lorsque nous organisons des soirées dans des lieux plus ou moins reculés, comme le chalet de Lolita. Ils n'ont pas été capable de se joindre à nous lors de notre soirée de la Saint-Sylvestre, et d'après ce que j'ai su, ils n'ont fait qu'une brève saucette chez Copine lors du souper qui y était organisé le mois dernier, ce qui fut d'ailleurs également le cas de Nikita et de son conjoint.

Nikita et moi avons échangé plusieurs courriels ces derniers jours, pour constater avec dépit que nos horaires respectifs rendent très difficile d'établir un contact régulier, en dehors du courriel, du moins d'ici à cet été où il me sera alors plus facile de prendre congé durant la journée. Durant la semaine, elle se couche à peu près à l'heure où je fini de souper, alors même se parler au téléphone sera compliqué.

Alors j'ai un peu peur de développer une sorte de ressentiment envers ces enfants, ces nouveaux venus dans notre groupe. J'ai peur de les percevoir comme le conjoint de mon amie percevait les filles, ces nouvelles venus qui venaient perturber l'ordre établi, l'harmonie, et les certitudes dans lesquelles il se complaisait depuis sa naissance.

J'espère que ça ne m'arrivera pas.


[jour précédent] [retour] [jour suivant]