7 mars 2003

Je me sens un peu perdu ce soir. Pas déprimé, pas anxieux, juste un peu perdu.

En fait oui, un peu anxieux.

J'ai toujours eu une personnalité anxieuse. D'aussi loin que je peux me rappeler. Depuis la première fois que j'en ai ressenti les symptômes, le "syndrome de panique" m'a toujours rendu visite plus ou moins régulièrement, à intervalle de quelques années. Les palpitations cardiaques aussi.

Le problème avec les troubles anxieux, c'est qu'il faut à chaque fois se convaincre à nouveau que les symptômes très physiques et très désagréables que l'on ressent ne sont pas dû à une quelconque pathologie qui menace notre vie ou notre santé, mais seulement aux caprices de notre système nerveux déficient. Car si on relâche sa discipline mentale, si on se met à douter et à avoir peur que tout cela soit dû à quelque chose de plus grave, alors on se met à s'inquiéter, ce qui augmente nos symptômes, nous angoisse encore plus, et ainsi de suite. Cela peut escalader de façon ahurissante et trop terrifiante pour pouvoir l'expliquer avec des mots.

J'ai la chance immense d'avoir une discipline mentale qui me permet de gérer cette angoisse et de fonctionner à peu près normalement 95% du temps, et ce sans avoir besoin de faire usage de médicaments. Car ce qui me terrorise plus encore que mes crises d'angoisse, c'est l'idée de devoir dépendre d'une médication pour le reste de mes jours, comme c'est le cas de quelques personnes que je connais et qui sont dans la même situation que moi. Je sais que ces personnes m'envient beaucoup. Je devrais me sentir heureux d'être si privilégié sur ce point. Mais le fait est que je me sentirais encore plus heureux de ne pas avoir à vivre du tout avec ce problème.

La médecine commence à peine à comprendre un peu mieux les mécanismes et les causes du syndrome de panique, ainsi que de l'agoraphobie, qui en est la forme plus grave. À l'époque où j'ai fait mes premières crises, ces termes n'appartenaient même pas encore au vocabulaire de la plupart des médecins.

Au niveau des causes, elles sont encore très obscures, mais il semblerait que l'hérédité jouerait un rôle non négligeable. Les mécanismes, quand à eux, sont mieux connus. À la source de tout ça, il y a la respiration. En effet, il semblerait que les anxieux ont tendance à avoir une respiration courte et poitrinaire, ce qui a pour effet d'accroître l'écart entre le taux de gaz carbonique et celui de l'oxygène dans le sang. Les signaux sur lesquels le corps se fie pour ajuster l'oxygénation sanguine sont erronés, ce qui cause des crampes musculaires, des spasmes, des engourdissements dans les membres, et toutes sortes d'autres symptômes qui varient d'une personne à l'autre mais qui sont tous très angoissants. On ne sait pas ce qui nous arrive, on panique, on pense qu'on est en train de faire une crise cardiaque et qu'on va mourir, alors on angoisse encore plus, l'adrénaline se met de la partie, les symptômes empire encore davantage, et ainsi de suite.

Chaque fois que les symptômes de mes précédentes dépressions recommencent à faire leur apparition, je dois toujours me parler, me rappeler à moi-même que cela arrive toujours dans une période ou je m'inquiète de ma santé, que ce n'est pas une autre dépression qui recommence.

Cette discipline mentale, dont je dois toujours faire preuve pour ne pas que mes symptômes escaladent, est quelque chose avec laquelle je devrai apprendre à vivre pour le reste de ma vie. Ce n'est pas plaisant, ce n'est pas drôle, c'est injuste, mais c'est comme ça.


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