10 décembre 2006

Vous ne devinerez jamais avec qui j'ai passé les deux derniers jours de la semaine passée. Un nom qui vous sera sans doute familier, mais que vous n'avez pas vu écrit sur ces pages depuis des années.

Et oui: Consoeur.

L'ordinateur de l'un des appareils du laboratoire a eu un crash majeur de disque dur mercredi dernier. Qui ont-ils appelé à la rescousse ? Moi, bien sûr. Et justement, le hasard a voulu que Consoeur soit assignée à cette machine ces temps-ci. J'ai passé toute la journée de jeudi à récupérer tant bien que mal la majeure partie des données de l'ancien disque, et celle de vendredi à réinstaller complètement le système ainsi que tous les logiciels. Consoeur est restée avec moi durant ces deux journées. J'avais bien sûr besoin d'elle pour obtenir des informations sur cette machine, et aussi pour me mettre en contact avec les différents intervenants de la compagnie qui manufacture l'instrument, mais elle n'aurait pas eu besoin de rester avec moi du matin au soir durant les deux jours. Elle a choisi de le faire. Parce qu'elle avait envie de ma compagnie. D'ailleurs, à quelques reprises, elle m'a demandé si je préférais qu'elle me laisse travailler seul, car elle n'aurait pas manqué de travail ailleurs au laboratoire. Mais je répondais toujours non, que ça me faisait plaisir qu'elle reste. Parce que, moi aussi, j'avais envie de sa compagnie.

Cela faisait des années que nous n'avions pas eu de vrai conversation. Je crois que, l'un comme l'autre, nous avons vu là une occasion de rattraper le temps perdu. Parce que, malgré les frictions qu'il y a eu entre nous, malgré les problèmes inévitablement entraînés par les attirances à sens unique, malgré la façon peu glorieuse dont nous avons finalement pris nos distances l'un de l'autre, il reste que, au fond, nous avons toujours été attirés l'un vers l'autre, et ce, depuis le tout premier jours de notre rencontre il y a plus de dix ans de cela.

Et je ne parle pas là d'attirance physique. Quoi que, même si dans mon cas cela ne faisait aucun doute (et même encore aujourd'hui je ne peux m'empêcher de la trouver toujours terriblement attirante), je crois que dans son cas, l'absence d'attirance physique n'était pas vraiment le problème.

Non, je parle d'attirance d'être à être, une sorte de mélange d'attirance intellectuelle, émotionnelle, voire spirituelle. Un désir profond et viscéral de connaître l'autre.

En fait, si elle a fait le choix de ne pas entrer en relation avec moi, c'est fort probablement parce qu'elle était à ce moment là beaucoup plus stable émotionnellement que je ne l'étais (relisez la première année de mon journal et vous allez comprendre de quoi je parle), et que personne avec un minimum de lucidité n'aurais voulu s'embarquer avec la personne que j'étais à l'époque.

Durant ces deux jours, nous avons parlé de toutes sortes de sujets, bien sûr, mais surtout de nous mêmes. Elle m'a parlé de la façon dont elle vivait sa relation avec l'amant présumé (qui n'est plus présumé depuis des années), je lui ai parlé de mes projets de vie à moyen terme. Les thèmes de nos échanges ont tourné autour de sujets qui nous étaient déjà chers à l'époque: les relations entre humains, et entre les humains et la société, entre autre.

Mais le temps a passé et certains de ses points de vus et opinions m'ont plutôt étonné, divergeant de façon significative de ce dont je me rappelais. Par exemple, elle m'a confié que même si elle et l'amant présumé s'aimaient beaucoup, elle trouvait très difficile leur relation. En fait, c'est plutôt le fait d'être en relation, et tout ce que cela implique de standards de comportement et de conventions sociales, qui lui pesait. Contrairement à lui, qui a toujours été en relation de façon quasi ininterrompue depuis l'âge de vingt ans, elle n'avait jamais été en couple plus que quelques mois de toute sa vie. Ayant évidemment développé des styles de vie significativement différents, ils ont dû travailler beaucoup pour trouver un terrain d'entente. Elle m'a même fait remarqué que deux personnes comme elle et moi auraient sans aucun doute eu beaucoup plus de facilité à s'ajuster.

Il y a un autre de ses commentaires qui m'a plutôt étonné. Consoeur a toujours été une femme très urbaine, attirée par la vie sociale et culturelle. Alors que je lui parlais de mon projet d'aller vivre seul en forêt dans quelques années, je lui mentionnais que je ne m'attendais plus vraiment à trouver une femme qui désirerait partager ce rêve avec moi. Alors que je mentionnais en riant qu'une femme comme elle trouverait sans doute ce style de vie mortellement ennuyant, elle m'a simplement répondu: "Oh, je ne suis pas sûre que je trouverais ça si désagréable, ou que je m'ennuierais à ce point".

De son côté, il a dû y avoir aussi beaucoup de commentaires et de remarques de ma part qui l'ont surprise. Après tout, on me dit que j'ai beaucoup changé durant ces quelques années. En mieux selon la plupart des gens, en pire selon certains. De toute évidence pas selon elle, car j'ai bien senti qu'elle a beaucoup apprécié ces quelques heures en ma compagnie. Je crois que comme moi, sans vraiment s'y attendre, elle a quand même senti qu'elle ne pouvait pas vraiment laisser passer cette opportunité de renouer timidement les liens avec moi.

Bref, deux journées bien agréables, qui ont largement racheté la semaine absolument exécrable que j'avais passé jusque là. Mais ça, c'est une autre histoire...


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