9 octobre 2006

Tout d'abord, j'aimerais commencer ce billet en remerciant tous ceux et celles qui m'ont offert leurs sympathies. C'est vraiment très apprécié.

Je sais que je vais mieux lorsque je commence à examiner tout ce que j'ai vécu durant la dernière semaine avec mes yeux d'anthropologue curieux.

Dans la nuit de lundi à mardi, j'ai fait un rêve. Il y avait une belle jeune femme, souriante et radieuse. Mes souvenirs sont flous et confus, mais je me souviens clairement qu'elle m'a prise dans ses bras et m'a serré très fort avant de partir. Je ne me rappelle pas des détails de notre conversation, mais je sais que son départ était sa décision, et qu'elle était en paix avec ce choix, qu'elle était sereine et heureuse.

Quand je me suis réveillé, il était un peu plus de quatre heures du matin. Ce rêve confus m'avait laissé mal à l'aise, et j'ai cherché à me rendormir vite pour échapper à cet inconfort.

Quelques heures plus tard je me suis levé et suis parti au travail, comme d'habitude, sans y penser. À peine étais-je arrivé au bureau que notre réceptionniste m'a accroché dans le couloir pour me dire que ma soeur était au téléphone et qu'il s'agissait d'une urgence.

Et alors, j'ai tout compris.

Ce rêve, cette jeune femme. Ma mère était venue me faire ses adieux, probablement à l'heure même où, plongée dans un profond coma, intubée sur un lit de l'aile des soins intensifs, son esprit, son âme, avait décidé que c'en était assez, qu'elle avait assez souffert, qu'elle avait joué son rôle dans l'existence, qu'elle avait accompli son destin.

Quelques heures plus tard, alors que nous étions à son chevet, je regardais la souffrance de mon père et de mes frère et soeur qui lui faisait leurs derniers adieux, alors que moi, je sentais que je lui avais déjà fait mes adieux, quelques heures plus tôt.

Le médecin nous avait dit ce à quoi nous pouvions nous attendre lorsqu'elle rendrait l'âme. Rien de tout ça. Son coeur a cessé de battre, et elle est morte doucement, presque discrètement. Sa mort fut à l'image de sa vie: discrète, presque effacée, mais qui aura laissé un impact immense dans le coeur de ceux et celles qui l'auront connue.

Les funérailles furent sobres, comme elle l'avait souhaité dans ses dernières volontés. Sobres, mais si émouvantes. Bordel, je crois même que j'ai braillé plus que mon père. J'avais choisi d'aller quand même travailler les jours précédents, parce que chaque fois que je reparlais à quelqu'un de sa mort, c'était comme si je la revivais, et comme il y avait beaucoup de personnes au bureau que je considère mes amis, je voulais mettre tout ça derrière moi avant les funérailles, pour que, lorsque je rentrerais au travail cette semaine, la vie puisse reprendre son cour normal.

Les funérailles ont eu lieu dans la petite église de la paroisse où nous avons grandit. Je n'y avais plus remis les pieds depuis le mariage de ma soeur, presque vingt ans plus tôt. Alors que nous recevions les condoléances, j'ai vu mon amie d'enfance apparaître. Même si je lui avais dit qu'elle n'était pas obligée d'être là, je savais qu'elle y serait quand même. Je la connais bien, mon amie d'enfance. Puis, derrière elle, une autre collègue de travail. Puis une autre, puis une autre, puis encore une autre, et un autre, et un autre... Je n'en revenais tout simplement pas. Aucun ni aucune d'entre eux n'étaient obligés d'être là. Leur présence m'a fait chaud au coeur, mais m'a aussi mise mal à l'aise. Parce qu'elle m'a obligé à me regarder, et à m'avouer à moi-même que, probablement, je n'aurais pas fait la même chose pour eux...

L'église était pleine. Cela ne m'a guerre surpris. Ma mère a vraiment eu un impact énorme sur les vies de ceux et celles qui l'ont connu. Au cimetière, lorsque nous l'avons mise en terre, la météo était absolument splendide. Il faisait chaud, une légère brise soufflait, et le soleil brillait de tous ses feux.

Ça faisait drôle de vivre pendant ces quelques jours quelque chose de si intense, de si profondément intime, avec des gens dont j'ai pris progressivement mes distances au fil des années. Mais nous avions tous hâte que ce soit fini, pour reprendre le cour normal de nos vies. C'est ce que ma mère aurait souhaité aussi.

Je vais bien maintenant. Tout de suite après les funérailles je suis allé passer quelques temps avec Lola. Ma douce amie Lola que j'aime tant. C'est de ça dont j'avais besoin: d'amour et surtout de vie. Elle a bien pris soin de moi. La nuit dernière, j'ai dormi un douze heures consécutifs. Je n'ai pas fait ça depuis des années.

Mon père m'a appelé tout à l'heure, il voulait mon opinion concernant certains détails à régler. Il va mieux lui aussi, beaucoup mieux. Il ne voit plus ma mère souffrir tous les jours. Il est très croyant, et il sait que maintenant elle est en paix et heureuse. Mais il devra apprendre à vivre sans celle qui fut sa compagne de vie, à tous les jours, jour après jour, pendant plus de cinquante ans.

Demain, la vie reprend son cour. Pour nous tous.


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