20 novembre 2007

Je ne suis pas dans une de mes bonnes périodes ces temps-ci.

Ça a commencé il y a quelques semaines, mais plus particulièrement à la suite d'un rêve qui m'a laissé passablement perturbé. Un rêve où j'ai vu ma propre fin. Un rêve où je me suis vu vieux, malade, où je savais que cette fois, il n'y aurait pas de seconde chance, il n'y aurait pas de possibilité de guérison. Un rêve où j'ai finalement vu la fin de ce tunnel que je parcours depuis si longtemps, et au-delà duquel je n'ai vu que le vide, le néant, l'absence de tout, de pensée comme de souffrance.

Les détails du rêve se sont perdus dans l'oubli, comme pour tous les rêves. Mais ce goût amer dans ma bouche, lui, est encore bien réel. Maintenant, je comprend ce que l'on ressent lorsqu'on sait que la fin est non seulement imminente, mais inéluctable.

Et puis il y a eu ma visite chez mon père en fin de semaine dernière, où il m'a appris le décès d'un de mes oncles, un oncle qui a toujours fait partie de ma vie depuis mon tout premier souvenir, un oncle à qui j'ai parlé il y a quelques semaines à peine, à la messe anniversaire du décès de ma mère.

En plus, il semble que les médias ne parlent que de vieillesse, de solitude et de mort ces temps-ci. Alors se changer les idées, oubliez ça.

J'ai beau essayer de penser à mon avenir dans le petit paradis que je veux me bâtir, on dirait que je n'arrive pas à empêcher mon imagination de s'emballer et de me transporter à ma dernière heure, où je m'éteindrai dans la solitude et l'oubli, ou pire encore, où ma santé me forcera à revenir vers la civilisation pour attendre la mort dans un centre de longue durée, progressivement dépossédé de tout ce qui fut jadis mien: jeunesse, santé, lucidité, amour, liberté, dignité...

On n'appelle pas novembre le mois des morts pour rien. Il y a trop de mort dans ma vie ces temps-ci. Trop de mort. Et il y a trop longtemps que je vis dans mes rêves, que je me projette dans l'avenir, et que les instants présents me passent sous le nez.

Il y a bien la collègue avec qui je m'entend si bien. De pures instants de délice, qui me ré-enracinent temporairement dans l'instant présent. De trop courts instants, même si nous passons une période où nous sommes très proches l'un de l'autre ces temps-ci. Ça devrait me faire du bien. Ça devrait chasser ces nuages noirs qui assombrissent mon ciel. Mais la semaine passée elle m'a confié qu'elle convoitait un nouvel emploi. Dans une nouvelle ville. Loin. Si elle accepte, ce n'est pas moi qui partirai avec elle. Ce sera un autre. Elle ne sera jamais mienne.

On dirait que dès que je pense à quelqu'un, je ne peux m'empêcher de penser au moment où il me sera enlevé lui aussi, comme ma mère m'a été enlevé. Mon père, mes frère et soeur, Copine, Lola, la collègue avec qui je m'entend si bien.

J'ai peur de leur survivre à tous. Mais j'ai aussi peur de mourir avant que mon rêve ne se réalise. Tous les chemins dans mon esprit ne mènent qu'à la même et inéluctable conclusion.

J'aurais dû réserver un chalet pour la fin de semaine qui s'en vient, pour Lola et moi. Je ne l'ai pas encore fait, et je n'en ai pas encore parlé à Lola. Je n'ose même pas l'appeler. Je ne veux pas qu'elle me voit comme ça. Je n'ai pas aimé ce que j'ai ressenti d'elle la dernière fois que nous nous sommes vu. Je n'ai pas senti qu'elle avait apprécié ni sa fin de semaine, ni ma compagnie. Elle a fait un effort pour ne pas que ça paraisse. Mais je lis en elle comme dans un livre ouvert. Et elle le sait. Elle savait que je n'étais pas dupe.

Tout ça ne durera pas. Je le connais bien, cet esprit tortueux qui est le mien. Peut-être suis-je en train de vivre les effets d'un deuil à retardement. Quoi qu'il en soit, je vais passer au travers. L'avantage d'avoir passé au travers de deux dépressions, c'est qu'on a confiance de pouvoir passer à travers n'importe quoi. À tort, peut-être, mais qu'importe.


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