7 juillet 2010

Que font les gens "normaux" par un tel temps de canicule ? Et bien ils restent à l'ombre, limitent leurs activités au minimum, boivent beaucoup de liquide, restent à l'intérieur dans des endroits climatisés, ou vont se prélasser dans des piscines ou des fontaines publiques.

Que font les gens "comme moi" par un tel temps de canicule ? Ils font une randonnée en forêt, quoi d'autre ! Sauf qu'ils choisissent soigneusement leur sentier: Un parcours avec très peu de dénivelé, serpentant entre de majestueux arbres dont la couronne intercepte les rayons du soleil, gardant ainsi le sous-bois relativement frais, et surtout, un parcours au milieu duquel se trouve une magnifique petite cascade de montagne se déversant dans une cuvette remplie d'eau fraîche et dans laquelle ils prennent bien soin de s'immerger jusqu'au cou jusqu'à en frissonner, non seulement à l'aller mais aussi au retour.

Par cette chaleur, j'aurais pu choisir de rester ici à ne rien faire sauf plonger dans le lac à toutes les dix minutes, mais l'eau du lac est rendue si chaude qu'elle ne rafraîchit plus vraiment. Alors ça valait la peine de se faire suer à marcher une petite heure pour retrouver cette récompense rafraîchissante que j'ai découvert l'an passé. Et puis ne vous en faites pas pour moi, je ne suis pas particulièrement vulnérable au coup de chaleur. Je bois amplement de liquide, et n'oubliez pas que je suis un habitué du sauna finlandais depuis plusieurs années...

Par contre, pour ce qui est de la faune, et bien on risque d'être déçu si on se promène en forêt par un temps pareil. Les animaux sont tous écrasés quelque part sous un arbre, un rocher ou une souche, dans un état semi-catatonique, à attendre patiemment le coucher du soleil pour pouvoir s'activer un peu. Alors le sous-bois semble mort. Seuls quelques tamias rayés protestent au passage du randonneur, accompagnés à l'occasion par le chant des espèces d'oiseaux les plus tolérantes à la chaleur, dont le roulement à consonance presque métallique de la grive à dos olive, qu'on entend du matin au soir en forêt, beau temps mauvais temps, mais qu'on aperçoit rarement.

Parlant d'oiseaux: Peu de temps après avoir écrit mon dernier billet du mois dernier, J'ai commencé à voir les deux huards en même temps sur le lac, pratiquement tous les jours. Ils ont même émergé de l'eau tous les deux à une dizaine de mètres à peine de mon embarcation alors que je revenais d'une ballade en kayak. C'était sans nul doute un beau spectacle, mais c'était aussi un peu inquiétant. S'ils sont tous les deux ensemble, c'est qu'ils laissent le nid à l'abandon. Et comme aucun petit ne les accompagne, on ne peut qu'en conclure qu'ils ont échoué dans leur tentative de procréer cette année. C'est bien dommage. Je ne suis pas parfaitement au fait des habitudes de reproduction du huard à collier, mais peut-être ont-ils une chance de faire une nouvelle tentative, qui sait.

Autre anecdote intéressante: Un soir, alors que je me dirigeais vers le marais, j'ai coupé la trajectoire d'un castor qui a prudemment choisi de rebrousser chemin à mon approche. Mais quelle ne fut pas ma surprise, juste après m'être faufiler entre la végétation qui donne accès au marais, de voir apparaître les deux huards juste à quelques mètres à peine de mon embarcation ! C'est quand on les voit de si près qu'on constate non seulement à quel point ces oiseaux sont gros, mais aussi à quel point ils sont magnifiques. J'ai déjà vu des huards d'aussi près par le passé, mais la beauté de cet oiseau est une chose dont je ne me lasse tout simplement pas.

Ils sont restés là à me regarder, flottant immobile à la surface de l'eau. Aucun geste de panique, aucun cri d'alarme, aucune tentative de s'éloigner de moi ou de fuir sous l'eau. Il s'agit de toute évidence du même couple qui revient au lac année après année, ce qui seul peut expliquer qu'ils soient si habitués à la présence humaine.

Non seulement ne montraient-ils aucun signe de peur ou d'inquiétude, mais au contraire leur non verbal laissait plutôt poindre un soupçon d'impatience. C'est alors que j'ai compris: Au moment de mon arrivée ils s'apprêtaient à quitter le marais pour aller sur le lac, et maintenant je leur bloquais la route ! De quelques coups de pagaie, j'ai déplacé mon embarcation pour leur céder le passage, et comme de raison ils se sont alors avancé nonchalamment vers le chemin que je venais de libérer, passant à côté de moi, pour se diriger vers le lac. Je les regardais s'éloigner quand quelque chose d'inattendu se produisit. Le castor que j'avais croisé quelques minutes plus tôt se dirigeait maintenant vers eux. Les deux oiseaux, incrédules, regardaient avec circonspection cette tête émergeante s'approcher d'eux. Le couple s'est rapproché l'un de l'autre alors que le castor s'est mis à tourner autour d'eux de très près, apparemment de trop près au goût de l'un d'eux car ce dernier a levé la tête, s'est dressé hors de l'eau en s'aidant de ses pattes palmés, et tout en donnant quelques battement d'ailes, a lancé son tonitruant cri d'alarme (qui, croyez-moi, raisonne dans les oreilles lorsqu'on l'entend d'aussi près). Le castor a immédiatement répliqué en plongeant tout en claquant bruyamment la surface de l'eau de sa large queue plate. Il n'en fallait pas plus pour lancer les deux huards dans une frénésie de pataugements, de battements d'ailes et de cris d'alarmes, jusqu'à ce qu'ils décident finalement de s'éloigner de plusieurs dizaines de mètres en quelques secondes en courant à la surface de l'eau tout en s'aidant de leurs ailes, dans un concert de protestation et de mécontentement.

Le castor, qui venait de refaire surface, semblait quant à lui satisfait, car il reprit sa nage nonchalante vers l'endroit où se trouvait sa hutte.

De toute évidence, je venais d'être témoin d'un conflit de territoire entre deux espèces habitant le marais. Il y a des biologistes, naturalistes et cinéastes animaliers qui passeront toute leur carrière sans jamais être témoin d'un tel spectacle. Je me suis senti à la fois très privilégié, et très déçu d'avoir encore une fois négligé d'apporter mon appareil photo avec moi.

Il y a aussi un couple d'outardes (en fait je devrais dire: bernaches du Canada) sur le lac. Je les ai remarquées il y a quelques semaines, mais elles y sont peut-être depuis plus longtemps. Elles se tiennent toujours dans le même secteur, jamais loin l'une de l'autre, et s'éloignent rarement de la rive. Elles doivent avoir un nid dans les environs, mais à cette périodes de l'année elles devraient avoir des petits avec elles. Et pourtant non. Un autre couple qui a échoué dans sa tentative de procréer ? Une vieux couple qui ne se reproduisent plus mais qui demeure malgré tout attachés l'un à l'autre ? Deux célibataires de même sexe qui ont choisi leur compagnie mutuelle jusqu'à la prochaine migration ? Qui sait. L'avenir nous en dira peut-être davantage.


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