21 juillet 2010

Hier je me suis stupidement fouetté un oeil avec une branche de sapin durant ma randonnée. J'avais encore l'oeil qui chauffait ce matin, mais c'est allé en s'améliorant au cours de la journée. En ce moment, il ne chauffe presque plus et la rougeur a disparu. Il n'y paraîtra plus demain. C'est pour éviter ce genre de désagrément que je porte toujours des verres fumés lorsque je fais de la randonnée hors sentier. Sauf qu'hier je n'en portais pas. Ça m'apprendra.

J'avais rien de moins que cinq cartes topographiques de la même région, de différentes époques, échelles et origines, fédérales et provinciales. En regardant l'une d'elle, je vois un point noir, un tout petit point noir de rien du tout, perdu entre deux courbes de niveau, au beau milieu d'une région forestière totalement perdue, entourée de quelques collines et bordé d'un petit ruisseau. Ce petit point noir n'apparaissant sur aucune de mes autres cartes du même secteur, je me suis dit que c'aurait très bien pu être une erreur d'imprimerie.

Mais si ça n'en était pas une ?

Vous me connaissez. ;)

Un coup d'oeil rapide m'indique un sentier, apparemment praticable et relativement facile d'accès, à partir duquel il aurait dû être relativement facile d'atteindre ce point par une courte marche en forêt d'un peu moins de cinq kilomètres. Je rentre donc les coordonnées à atteindre dans mon GPS, et me voilà parti.

La marche ne fut pas simple. Le sous-bois était très "sale" et, de plus, j'ai souvent dû passer au travers de bosquets de conifères assez serrés. Heureusement que la rencontre de quelques sentiers d'orignaux m'a donné un sérieux coup de pouce. Après quelques heures de marche hors sentier, et après m'être battu avec une saleté de bosquet d'aulnes pour traverser un petit ruisseau de montagne, j'arrivai finalement sur le point indiqué sur le GPS. Ayant relevé ce point à l'oeil à partir d'une carte papier, je m'attendais à devoir chercher un bon bout de temps dans le secteur. J'ai eu de la chance cependant, car je suis tombé directement sur les restes d'un sentier, qui de toute évidence, donnait jadis accès au bâtiment que je cherchais et qui, je le savais maintenant, n'était pas une simple tache d'impression sur une carte topo.

Deux minutes de marche à peine sur ce sentier m'ont conduit directement aux ruines de non pas un, mais bien trois bâtiments, à ma grande surprise. Et quand je dis "ruines", je ne mâche pas mes mots. En fait, un oeil non expérimenté n'aurait probablement vu rien d'autre que quelques bosquets d'épinettes poussant sur un sol dénudé. Mais en y regardant de plus près, on voyait très bien un rectangle constitué de quatre petites buttes de terre parfaitement rectilignes. En fait, en déterrant un peu, on découvrait que ces buttes n'étaient pas constituées de terre, mais bien des restes en décomposition avancée de ce qui était jadis les quatre murs d'un bâtiment en bois rond. Au milieu de ce rectangle poussaient des épinettes dont j'estimais l'âge maximum à environ soixante ans. Quelques débris métalliques me confirmaient d'ailleurs qu'il y avait jadis eu de l'activité humaine. Entre autres, des cerceaux métalliques complètement rouillés qui servent dans la fabrication des tonneaux de bois. Vous rendez-vous compte ? Il y a eu jadis à cet endroit des tonneaux de bois, et tant de temps a passé depuis que le bois lui-même a complètement disparu, ne laissant derrière lui que quelques cerceaux rouillées.

J'ai aussi trouvé d'autres objets comme de vieux clous rectangulaires rouillées comme ceux qui étaient utilisés dans les constructions poutres et poteaux du début du siècle dernier. Les restes des trois bâtiments étaient semblables et comportaient des artéfacts similaires. Honnêtement, je n'aurais aucune gêne à affirmer que ces ruines dépassaient facilement les cent ans d'âge.

À part les habituels oiseaux, écureuils et tamias, je n'ai vu aucun autre animal durant cette journée en forêt, ce qui contraste avec mes précédentes expériences depuis le début de la saison chaude. C'est incroyable à quel point la faune est abondante cette année. Par exemple, juste avant le début de la canicule, j'ai vu un renard, un couple d'orignaux, mâle et femelle (et oui, encore!), et deux adorables petits visons qui se pourchassaient l'un l'autre sur les berges d'une rivière, tout ça en un seul après-midi. Quelques jours auparavant, en redescendant d'une montagne par les rochers d'une rivière, j'ai sauté d'une petite cascade pour atterrir sur une roche plate, et je suis arrivé juste en face d'une loutre, à un mètre d'elle à peine ! Je n'ai jamais vu un animal déguerpir aussi vite. Les loutres sont des animaux habituellement joueurs et curieux, mais celle là a été tellement terrorisée par cette immense chose à deux pattes qui lui est carrément tombée du ciel qu'elle s'est précipitée dans le sous-bois sans demander son reste. Quant à ma plus belle expérience à date, elle a eu lieux la semaine dernière, alors que je marchais dans un sentier en direction de ce même refuge de montagne que j'ai redécouvert l'an dernier. En chemin j'ai surpris une femelle de cerf de virginie qui s'est d'abord enfuie, la queue dressée en signe d'alarme, pour s'immobiliser à une distance qu'elle jugeait sans doute sécuritaire et me regarder avec un mélange de crainte et de curiosité. J'ai commencé à lui parler d'une voix douce, comme je le fais souvent avec les animaux pour leur montrer que je ne suis pas un prédateur, en espérant que la curiosité la garderait immobile suffisamment longtemps pour que je puisse me déplacer un peu et trouver une ligne de vue entre les arbres pour la prendre en photo. À ma grande surprise, elle s'est mise à marcher lentement dans ma direction, tendant les oreilles, baissant et relevant la tête, et l'agitant de droite à gauche, s'immobilisant un instant pour ensuite recommencer à marcher. Et moi je la regardais s'approcher, incrédule, tout en continuant à lui parler doucement, faisant très attention de ne pas faire une geste trop brusque qui la ferait fuir en un éclair.

Après plusieurs minutes de ce manège, elle était maintenant à quelques mètres de moi à peine, ce qui m'a permis d'en prendre quelques bons clichés. Qu'est-ce qui l'intéressait donc à ce point en moi ? J'étais peut-être le tout premier être humain qu'elle avait jamais vu de toute sa vie. Le cerf de virginie étant herbivore, elle ne me considérait certainement pas comme une proie potentielle. Encore moins comme un possible partenaire sexuel.

Les animaux sont beaucoup moins simplistes qu'on voudrait le croire. Il ne sont pas uniquement motivés par des instincts simples comme la survie ou la procréation. Peu importe ce que cette jeune femelle voyait en moi, elle savait déjà que je ne représentais rien qui aurait pu être utile à sa survie. Si elle s'intéressait ainsi à moi, et cherchait à se rapprocher de cette étrange créature dont elle ne savait rien, peut-être même au risque de sa vie, c'était par pur curiosité, tout simplement.

C'est finalement moi qui, après quelques minutes de ce face à face fascinant, ai décidé de reprendre ma route le long du sentier. J'ai commencé à m'éloigner lentement au début, tout en continuant à lui parler doucement pour ne pas l'effrayer. Je me retournais de temps en temps pour constater qu'elle continuait à me suivre, timidement. Cela a duré plusieurs minutes après lesquelles elle a fini par se lasser.


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