EPILOGUE

Ces pages ont été écrites bien plus tard et si je fais parler directement mon grand père, c'est pour une meilleure approche du sujet. Ma Grand' mère, mes parents, mes oncles et tantes m'ont tant parlé du "grand pé". J'ai l'impression que c'est ainsi qu'il m'aurait raconté, en gros traits, sa vie alors que je ne l'ai pas réellement connu. Cette vie bien remplie a été celle de centaines d'hommes de cette époque. Epoque dure pour des hommes rudes.

 

Aimable, son fils Louis et son petit-fils Jean-Louis

A la fin d' une ultime marée sur une caïque, les matelots du bord le ramènent chez lui, malade. Cette terrible maladie le maintient au lit pendant trois mois. Aimable, Louis, Friboulet décède le 5 août 1946 laissant dans la peine sa veuve, ses 3 enfants et ses 6 petits enfants. Ces petits enfants qu'il n'aura pas vu beaucoup grandir. Il ne verra pas à quelques mois près la naissance du premier fils de Jules et de Simone : Louis.

Ses deux fils, Louis et Jules, ont continué les campagnes de pêche à Terre Neuve et à Yport. L'un d'eux est décédé dernièrement, c'était une figure emblématique d'Yport, un des derniers marins de la génération des marins des caïques. Tout le monde l'a connu sous son surnom : Julot. Des petits enfants, Jean-Louis, André, Maurice, Louis,Claude ont continué la tradition. Aujourd'hui, Louis et Claude, mes cousins sont à la retraite, la pension comme disent les Yportais. Christophe, Jérome, Samuel, les arrières-petits-fils ont repris le flambeau, ils naviguent à la pêche. C'est la 6 ème génération depuis le lointain ancêtre venu de Vattetot-sur-mer vers 1829 pour naviguer à Yport.

 Jules Friboulet

surnommé Julot
 

Mamie est décédée le 16 Mars 1958. Jusqu'à ses derniers jours, elle a parcouru, hotte sur le dos, les rochers devant Yport, pour y récolter, moules, vignots, étrilles, tourteaux, avec sa licence de pêcheur à pied délivrée par les Affaires Maritimes. Elle était plus connue sous son nom de jeune fille, Marie Malandain, que sous son nom de femme. J'ai connu la dernière période de sa vie lorsque j'avais la chance de passer quelques jours avec elle à Yport, Rue Casimir Vatinel.

 Ma grand mère Marie Malandain

en Mai 1955

 

Mes grands parents n'ont pas connu la destruction de leur mode de vie ancestral. Que reste-t-il d'eux aujourd'hui ? Très peu de chose : quelques rares photos, la montre de grand-père que je garde précieusement, quelques tasses de porcelaine chinoise ramenées d'on ne sait où, une médaille de Saint Hélène (qui la reçu ?), leur livret de famille, deux lettres écrites par grand père et un seul papier officiel (la demande de Croix de combattant), quelques traces sur des registres administratifs, une tombe au cimetière d'Yport. C'est le lot des gens simples. Mais gardons nous d'oublier que nous descendons de ces gens simples.

Aujourd'hui, Yport ne compte plus de bateaux de pêche. Fécamp a vu disparaître ses derniers navires de Grande Pêche. Les enfants d'Yport qui persistent à naviguer à la pêche, le font désormais sur des navires de Fécamp, de Boulogne , de Dieppe. La plage d'Yport est désormais bien vide. Ce ne sont pas quelques doris qui la remplissent.

Le village pittoresque que les "Parisiens" adorent, cache derrière ses maisons de brique et de silex, des siècles de misère et de peine. Combien d'enfants morts en bas age ? Combien de femmes attendant en vain un père, un frère, un mari, un fils ? Combien de veuves pleurant de solitude ?

Les navires où mon grand père avait trouvé un embarquement ont connu des fortunes diverses. Le FRATERNITE a été torpillé par un sous-marin allemand en 1916, le COLBERT a coulé en 1912 (12 morts), LA LIBERTE a été torpillé par un sous-marin allemand en 1915, le MARIE BLANCHE a été torpillé par un sous-marin allemand en 1917, l'AUGUSTE LEBLOND s'est perdu en 1922, la caïque DIEU LE PROTEGE s'est perdue en 1923 (une autre sous le même nom a pris sa place), le CAUCASIQUE s'est perdu en 1931 à Saint Pierre et Miquelon, le PROVENCE a sauté sur une mine en 1943. Mon grand père aura échappé à toutes les catastrophes comme ses fils et ses petits-fils.

De 1909 à 1969, le quartier maritime de Fécamp a vu disparaître par naufrages ou faits de guerre : 35 chalutiers, quant aux voiliers ? Il est généralement admis que les pertes humaines, sont en pourcentage supérieures aux grandes batailles du Second Empire comme Magenta et Solférino.Grand père aura également échappé à l'alcoolisme, au scorbut, à la typhoïde, à la tuberculose qui décimaient les équipages.

La dernière caïque, lancée en 1949 (F1089), VIERGE DE LOURDES a été réhabilitée par des bénévoles, elle navigue toujours et participe aux rassemblements de vieux gréements. Une autre caïque NOTRE DAME DE BONSECOURS (F1079) est entrée au musée des Terre-Neuvas à Fécamp. La dernière petite caïque , LA MONIQUE est entrée au Musée du Bateau de Douarnenez. Un voilier de Fécamp, le MARITE, a été racheté aux Suédois à l'initiative d'une poignée de passionnés. Il vogue de nouveau sous pavillon français et même Normand. Une association yportaise, Doris & Co reconstruit ou réhabilite à l'identique des doris.

 
   Vierge de Lourdes

 

 
 

 

 

          La retraite

 Remerciements

Bibliographie

  Table des annexes

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