INTER-TEXTUALITE. Contrairement à Proust, Balzac n'utilise que ponctuellement le comparant stellaire (8 occ. au total de la chaîne "constell*" dans Hyperbase)

- soit pour valoriser la gloire littéraire dans les cénacles mondains : "M. du Châtelet crut alors faire merveille en lui apprenant qu' il existait à Angoulême un autre enfant sublime , un jeune poète qui , sans le savoir , surpassait en éclat le lever sidéral des constellations parisiennes" (Les Illusions perdues).

- soit pour donner dans l'angélisme : "Les vertus de l'Ange reparaissaient dans leur beauté. Son premier désir du ciel reparut gracieux comme une verdissante enfance. Comme autant de constellations, ses actions le décorèrent de leur éclat. Ses actes de foi brillèrent comme l'Hyacinthe du ciel, couleur du feu sidéral" (Séraphîta).

Gautier en est moins avare dans ses contes fantastiques, la beauté féminine étant vecteur de surnaturalité :

- Avec la blonde comtesse Prascovie Labinska, dont "les torsades d'or fluide" dignes de "Vénus Aphrodite" sont supérieures aux peintures illustres : "mêlez l'ambre du Titien et l'argent de Paul Véronèse avec le vernis d'or de Rembrandt ; faites passer le soleil à travers la topaze, et vous n'obtiendrez pas encore le ton merveilleux de cette opulente chevelure, qui semblait envoyer la lumière au lieu de la recevoir, et qui eût mérité mieux que celle de Bérénice de flamboyer, constellation nouvelle, parmi les anciens astres!" (Avatar)

- "Parfois passait quelque ange portant un ordre de Dieu au bout de l'infini et faisant osciller les univers aux palpitations de ses ailes démesurées. La voie lactée ruisselait sur le ciel, fleuve de soleils en fusion. Les étoiles que je voyais sous leur forme et leur grandeur véritables, dans leur énormité dont l'imagination de l'homme ne saurait se faire aucune idée, scintillaient avec des flamboiements immenses et farouches ; derrière celles-là et entre leurs interstices, à des profondeurs de plus en plus vertigineuses, j'en apercevais d'autres et d'autres encore, de sorte que le fond du firmament n'apparaissait nulle part et que j'aurais pu me croire enfermée au centre d'une prodigieuse sphère toute constellée d'astres à l'intérieur. J'allais, je venais, montant, descendant, parcourant en une seconde des millions de lieues à travers des lueurs d'aurores, des reflets d'iris, des irradiations d'or et d'argent, des phosphorescences diamantées, des élancements stellaires, dans toutes les magnificences [...] De ce fond, qu'on eût pu croire l'extrême paroxysme de la splendeur, pointaient çà et là des élancements stellaires, des jets plus vifs, des scintillations plus intenses encore. Il y avait dans cette lumière, sur laquelle les étoiles les plus brillantes se fussent découpées en noir, comme le bouillonnement d'un devenir perpétuel. De temps en temps, devant cette irradiation immense passaient, comme des oiseaux devant le disque du soleil, des esprits discernables non par leur ombre, mais par une lumière différente. Dans cet essaim, Guy de Malivert crut reconnaître Spirite, et il ne se trompait pas, quoiqu'elle ne parût qu'un point brillant" (Spirite).


Postérité de Zola et Proust dans une nouvelle prose poétique : corpus GRACQ dans Hyperbase

Dans Un beau ténébreux les deux occ. du mot vedette activent les sèmes /mobilité/ et /apparition fugace/ qui servent à camper une atmosphère, laquelle est déjà esthétisée par l'isotopie dominante /opéra/ (germanique Faust, Lohengrin) :

Des couples tournent , - aussi clos , aussi secrètement harmonisés que les sphères - autour des vieilles courtines du château , comme dans Faust à la scène du jardin . Comme une comète suivie de sa queue brillante , Allan égrène au long de sa course irrespirable des astres moins rapides . Une décantation s' opère - dans le calme de la nuit chacun retrouve sa respiration normale , son souffle tempéré .
[...] Lorsqu' au dernier acte de Lohengrin le héros revient armé de pied en cap , de cette même armure d' argent dans laquelle on l' a vu arriver au premier acte , alors , d' un seul coup , on comprend qu' il va partir - que cette parabole , cette orbite d' astre que suit le satellite du Graal , pour la seconde et dernière fois , va recouper l' écliptique terrestre . L' aile de son casque , comme une comète qui se perd sans retour dans les espaces noirs . Eh bien , si Elsa , si le roi le regardaient pour la première fois à cette minute , ils ressentiraient quelque chose de ce que je ressens : - cette débâcle de l' être dans le vague , dans le large , ce vertige étouffant qui noue le coeur.

Dans le même roman, la densité des termes relevant de l'isotopie générique comparante /astronomie/ est rendue perceptible lors du portrait de personnages humains :

Ce je ne sais quoi en lui de lunaire, d'erratique, d'affaissé, sous des dehors forts élégants, m'a frappé particulièrement ce soir. L'idée que je m'étais faite de lui comme d'un homme ennuyé se changeait très singulièrement et très précisément en celle d'un être désorbité. Fait pour graviter dans le sillage d'une femme péremptoire, il me semble hésiter à la limite de la sphère d'attraction d'un nouvel astre, - au bord d'un de ces entre deux qui sont la seule forme d'abîme intelligible à ces natures satellites.

[...] nous voyions venir à nous des montagnes . C' étaient toujours de ces grands volcans , aux lignes nobles , qui portent leur couronne avec une majesté solitaire de rois pasteurs sur les hautes steppes des Cordillères . Ils s' annonçaient d' habitude au crépuscule , sous l' aspect d' un nuage blanc en forme de cône ancré au-dessus de l' horizon dans la brume violette . Le matin les suspendait sur l' horizon , collés au ciel d' une ventouse de neige plus incandescente que de la lave , liés seulement à la terre par un double cil d' ombre d' une ligne pure , à peine distinct encore des bancs de brouillard — pareils , sur le haut lieu de cette immense table , au geste symétrique et solennel des bras dans l' ostension . Puis , à mesure que nous fendions les herbes , l' apparition dérivait sur l' horizon plat selon une orbe d' astre , avivant successivement tous les coins du ciel - comme une blessure où la vie se fait plus attentive - d' un épiderme d' ange que le soir empourprait de fusées de rougeurs . L' apparition s' effaçait , et il se faisait ce plus profond silence que le ciel de nuit connaît après le passage d' une comète.

Dans ce passage de Liberté Grande qui décrit les Hautes Terres du Sertalejo (1947), la couleur et la conséquence du phénomène céleste servent de comparant à un sommet volcanique, dans un statisme religieux. Alors que dans l'extrait suivant de l'essai consacré à André Breton, l'isotopie /surnaturalité/ de la peau de chagrin réapparaît pour mettre en évidence le sème /mobilité intense/ de l'esthétique poétique :

Ce n' est pas le "coeur noir" de la matière que se propose inconsciemment de rejoindre l' imagination du poète , mais bien plutôt , d' un doigt magique , de toucher cette fourrure électrique impalpable qui vêt les objets comme une pellicule , et de chaque contact imprévu tire le somptueux froissement d' étincelles qui noue la chevelure à la comète. [...] l'aspiration à suivre dans ses migrations paniques une matière perpétuellement dynamisée , insaisissable autrement qu' en affinités , en attractions , en "correspondances" et en devenir .

Avec le syntagme corrélé "le flux électrique passe, la bipartition du positif et du négatif fait tourbillonner selon ses lois fatales la limaille aimantée", on retrouve cette électrisation de la chevelure dans La Presqu'île, cette fois pour servir de comparant au mouvement de la foule :

Le ministère agonisait usé ; les couloirs de la Chambre le donnaient déjà pour mort . Au loin , la Russie de Kerensky tourbillonnait énigmatiquement dans les rues boueuses de Moscou et de Pétrograd , comme les feuilles avant l' orage ; quand on regardait les photographies de rue que publiaient les journaux où la foule éclatée sous les feux de salve s' étoilait comme un noyau de comète , comme une limaille aimantée, [...]

L'expression "noyau de comète" est récurrente (dans Carnets de grand chemin) pour mettre en évidence le sème /centralité/ du 'noyau fondateur' du groupe surréaliste :

Quand je lis , ou quand je parcours , articles de revue ou travaux d' étudiants traitant de mes rapports avec le surréalisme , il est rare , je m' en aperçois , qu' ils n' en viennent pas à manifester de l' embarras , sinon de l' humeur . Les uns jugeant que je me réclame du surréalisme sans lui devoir pourtant à peu près rien , les autres m' annexant , en fin de compte sans trop de réserves , à la traînée d' épigones semée derrière lui , après 1939 , par le noyau de sa comète . Il est clair en tout cas que , pour les uns comme pour les autres , je ne me situe pas ici avec la netteté qu' on se juge en droit d' exiger de moi . C' est que non seulement toute appartenance à une école littéraire , lorsqu' il ne s' agit pas précisément de son noyau fondateur , reste par essence floue et fluctuante , [...]

Au contraire la définition de LA ville mythique par excellence utilise les sèmes /mobilité/, /duratif/, /intensité/ du comparant astral (dans cet extrait de Lettrines) :

À l'autre pôle, Jérusalem, comète historique dont l' histoire se réduit presque à un long sillage enflammé , posée sur sa colline brûlée comme une fusée sur sa rampe de lancement - tant de furie d' éternité dans un si petit corps - serrant maigrement autour d' elle son État nain et famélique - ville Pythie , ville épileptique , hoquetant sans trêve de la transe de l' avenir , mordant le pied qui l' écrase , projetant autour d' elle comme les pierres de Deucalion les pierres calcinées de ses remparts - toujours au bord de l' hystérie , entre la pluie de sauterelles et la nuée ardente , et toujours se relevant , invoquant , dénonçant , maudissant , prophétisant , envenimant le monde de sa mort comme aucune - l' inventeur de la Cause historique inextinguible .



Restreignons l'objectif à l'analyse du stellaire dans un roman, Le Rivage des Syrtes. En dépit de la psychologisation ambiante, la source lumineuse, au chap. 7, d'une étoile qui sert de comparant paradoxal à un "point noir sur une carte", est de nouveau requise ; néanmoins son sème /qui guide/ dans le contexte de l'orientation est ici neutralisé au profit de /qui obsède/, /qui fascine/, dans le contexte du statisme et de l'éclat stellaires :

Dans mon esprit se levait l'image d'un point noir piqué isolément sur la nappe bleue où j'avais si souvent vogué en esprit dans la chambre des cartes. [...] Mais tout ce passé de sang versé et de richesses barbares ne me retenait guère. À ce point noir piqué sur la carte ne s'accrochait pas davantage pour moi un souvenir ou un paysage qu'au clou de lumière d'une étoile. Il était une de mes étoiles à moi, le point brillant d'une de mes constellations fixes. Si l'on piquait la pointe d'un compas à l'emplacement de Rhages, Vezzano était, de tous les points du territoire d'Orsenna, celui qui s'inscrivait dans le cercle de rayon le plus court.

D'ailleurs voici le volcan au chap. 9, au terme de la croisière nocturne :

Le silence autour de cette apparition qui appelait le cri angoissait l'oreille , comme si l' air tout à coup se fût révélé opaque à la transmission du son , ou encore , en face de cette paroi constellée , il évoquait la chute nauséeuse et molle des mauvais rêves où le monde bascule , et où le cri au-dessus de nous d' une bouche intarissablement ouverte ne nous rejoint plus . - Le Tängri ! dit doucement Fabrizio pâle comme la cire , en enfonçant ses ongles dans mon poignet , comme devant une de ces puissances très rares dont le nom est prière , et qu' il est permis seulement de reconnaître et de nommer .

A ce danger potentiel de Vezzano point ultime succède la péjoration esthétique (résultative) et comportementale (agressivité) :

Il faisait bon dans cette nuit froide et salée . Devant moi le palais Aldobrandi , tous feux éteints , flottait comme une banquise sur l' eau calme ; à ma gauche les rares lumières de Maremma plongeaient jusque dans la mer une constellation amaigrie , comme si , la terre dévorée , l' horizon d' eau lui-même eût reculé devant la morsure de ce fourmillement d'astres. On eût dit que Maremma se fondait dans ce bloc nocturne , s' y diluait , une ville dissoute dans son Heure et sa Figure , engloutie sous le balisage de ces minuscules clous de feu .

Incipit : moment de répit dans ce départ pour l'ailleurs, qui rétroactivement est la cause du désordre :

C' était un pays plus libre et plus sauvage , où la terre , laissant affleurer sa surface pure , semblait nous inviter , en exaspérant d' elle-même notre vitesse , à nous rendre sensible comme du doigt sa seule courbure austère, et, aspirant toujours plus loin notre machine lancée à fond de course, indéfiniment à faire basculer ses horizons. La nuit monta de l'est et s'éleva sur nous comme un mur d'orage ; la tête renversée dans les coussins , au coeur de l' obscurité , je me plongeai longuement aux constellations calmes , dans une exaltation silencieuse : ses dernières étoiles devaient briller pour nous sur les Syrtes.

Pour un regard plongeant directement dans les rues du soir, le mouvement des petits points noirs qui y fourmillaient eût évoqué maintenant non plus le bombillement éparpillé et incohérent des insectes dans le crépuscule , mais plutôt une limaille fine peignée et renouée sans cesse par le passage d' invisibles aimants ; à l' heure plus lourdement chargée de destin qui approchait , on eût dit parfois que de grandes lignes de force inscrites dans le sol d' Orsenna par son histoire se rechargeaient d' une électricité active , retrouvaient le pouvoir d' ordonner ces ombres longtemps si détachées , et maintenant attentives malgré elles à un murmure venu de plus loin que la zone des idées reçus .

La fête de Vanessa ne faisait pas mentir sa réputation de prodigalité somptueuse . On avait ouvert toutes grandes les baies à arcades qui donnaient directement sur la lagune : l' odeur entêtante des eaux mortes soulevait comme une marée les parfums des gros buissons de fleurs , leur donnait cette même opacité funèbre et mouillée qui nous glace les tempes dans une chambre mortuaire . Par les baies noires , on apercevait un fourmillement de barques qui portaient des fleurs et des lumières sur la mer . L' éclairage , tamisé par les panaches serrés de feuilles retombantes , faisait flotter la salle dans un demi - jour verdâtre et vitreux de grotte moussue et d' étang habitable qui engluait les mouvements , laissait traîner derrière chaque poignet étincelant comme la bavure d' argent

Je trouvais une délectation lugubre dans ces nuits de Maremma , passées parfois tout entières auprès d' elle , qui sombraient par le bout - comme les pilotis de la lagune dans le gonflement matinal de l' eau noire - au creux d' un déferlement de lassitude , comme si la perte de ma substance qui me laissait exténué et vide m' eût accordé à la défaite fiévreuse du paysage , à sa soumission et à son accablement . Au travers de l' atmosphère saturée de ce pays des eaux , le fourmillement des étoiles par la fenêtre ne scintillait plus ; il semblait que de la terre prostrée ne pût désormais se soulever même le faible souffle qui s' échappe d' un poumon crevé : la nuit pesait de tout son poids sur elle dans son gîte creusé de bête lourde et chaude . Quelquefois , derrière la barre de la lagune , un aviron par intervalles tâtait l' eau gluante , ou tout près s' étranglait le cri falot et obscène d' un rat ou de quelque bête menue comme il en rôde aux abords des charniers .

Orsenna transmigrait , se vaporisait dans cette poussière d' étoiles où Fabrizio lisait notre chemin . Elles brillaient inépuisables et égales . Pour une nouvelle nuit après tant de nuits , Orsenna se vautrait au lit de ses astres , se dissolvait à l' aise dans la figure de ses étoiles , confiée tout entière comme une planète morte à l' intimité et à l' inertie sidérale .

(cf. aussi En lisant, en écrivant : "ils sont fortunés , les livres dont on sent que , derrière l' agitation , même frénétique , qui peut à l' occasion les habiter , ils ont été écrits de bout en bout comme dans la poussière d' or et dans la paix souriante et regrettante d' une fin de journée d' été.")

Comme Zola, Gracq exploite le comparant "pierrerie(s)" qui est spécifique du Rivage des Syrtes (avec 5 occ. sur 10 au total du corpus Gracq). Ainsi lors d'une promenade nocturne d'Aldo et Vanessa où l'animal est en osmose avec le minéral, sous l'effet de l'éclairage artificiel :

[...] trompés par la lumière insolite de nos phares, parfois des coqs chantaient. Les lumières violentes mêlaient au sol bossué de la route des bêtes pétrifiées de terre grise, accrochaient à leurs yeux l'éclat coupant des pierreries.


Outre le monde stellaire, une des spécificités lexicales unissant les paysages de Gracq et Zola est la chaîne phosphorescen*.


Cf. "je cherchai les yeux de Vanessa. Ils brillaient maintenant sur moi, étoilés et fixes; ils me traversaient vers un lointain dont je ne savais rien" - le danger latent est ici celui de la demande par la jeune fille à Aldo de faire partie du bateau de contrebande de Sagra. Comparant qui fait transition avec les deux occ. du syntagme suivant :

(a) sur l'île de Vezzano, dont la visite se conclut sur la vision du volcan Tängri, "pyramide brasillante" (cf. aussi "Sur cette terre engourdie dans un sommeil sans rêves, le brasillement énorme et stupéfiant des étoiles déferlait de partout en l'amenuisant comme une marée", "quelques étoiles à peine réelles, pareilles à ce brasillement fugace qui s'éveille aux lumières dans certaines pierreries, clignèrent faiblement sur le bleu pâli du ciel", "les tendances illuministes avait repris racine comme par enchantement, et, par son entremise peut-être, j'avais l'impression que s'étendait sur ce brasillement fumeux") où la neige luisante et la lave donnent lieu à cette comparaison : "une banlieue verticale, criblée, étagée, piquetée jusqu'à une dispersion et une fixité d'étoile de buissons de feux et de girandoles de lumière."

(b) lors de la mort de Marino, dans une quiétude paradoxale dans la mesure aussi où elle équivaut à l'absence de réaction de la flotte ennemie : "les feux endormis naviguaient dans le brouillard avec un calme et une fixité d'étoile". A la dernière page du chap. 7, les deux occ. suivantes concernent le "cône neigeux" du volcan ennemi Tängri, but spectaculaire de la promenade sur l'île, à la beauté fatale : "Sa lumière froide rayonnait comme une source de silence , comme une virginité déserte et étoilée. [...] Il me semblait que sur cette journée de douce et caressante chaleur avait passé comme un vent descendu des champs de neige , si lustral et si sauvage que jamais mes poumons qu' il avait mordus n' en pourraient épuiser la pureté mortelle , et , comme pour en garder encore l' étincellement dans mes yeux et la saveur froide sur ma bouche , sur le sentier ébouleux , malgré moi , je marchais la tête renversée vers le ciel plein d'étoiles."

Dernier mot du chapitre. La portée stratégique de son emplacement en point d'orgue se situe dans le passage parallèle du paysage marin au chap. 9, lors de la Croisière fatidique amorcée par ce "vent froid et vierge comme s'il avait passé sur les neiges", et où "les approches du Tängri" associent de nouveau le stellaire et le nival dans une "pureté mortelle", juste avant que le Redoutable n'essuie une canonnade : "De longues minutes, je demeurai penché au-dessus de l'étrave, fouetté dans le vent froid qui sentait la neige et l'étoile, et semblait tomber en nappes des glaciers de la cime inaccessible, lui demandant de toutes mes narines les indices de la terre prochaine, mais la nuit semblait devoir ne pas finir; il n'y avait rien que le bouillonnement inépuisable de l'étrave et ce vent d'un autre monde, ce fleuve de froid acide qui portait le crissement des champs de neige."