Il s'agit là de "l'outil ascensionnel par excellence" dont parle G. Durand dans un ouvrage qui a fait date, Les Structures anthropologiques de l'Imaginaire (1969, Dunod, p. 144), outil qui, corrélé au miroir (ibid. p. 103), à l'ondulation liquide de chevelure (p. 108), ou au cygne solaire ascendant (p. 167), rapproche le sonnet de Mallarmé de cette symbolique "du sceptre et du glaive" (p. 135), puisque ces oiseaux ainsi que le condor combattent contre la mort, contre la nuit submergeante, dans une blancheur obsédante, si proche de la dorure et de "l'azur" ouraniens (p. 165). Toutefois si l'on peut s'accorder avec un tel faisceau d'éléments convergeant vers "le régime diurne de l'image" (objet du Livre premier), on est en désaccord avec l'auteur pour deux raisons majeures :
- D'une part du fait que l'oiseau apparaît comme un médiateur aussi bien chez Mallarmé que Sully Prudhomme, entre la vie (création) et la mort (stérilité), entre la luminosité et l'obscurité, il acquiert une valeur synthétique dans "l'harmonisation des contraires" (p. 400) ; en résorbant ainsi l'antithèse vis-à-vis de l'ombre (et des valeurs qui gravitent autour d'elle : secret, mystère, songe, tristesse, etc. dont parle Durand, ibid. p. 69), l'animal appartient tout aussi bien au "régime nocturne de l'image", inverse, dont "la marque est bien le souci du compromis" (p. 307). Une autre preuve réside dans l'ondulation relevée de serpent, animal lunaire, "en tant que lieu de réunion cyclique des contraires" (p. 364). De par leur ambivalence, il apparaît alors que ces symboles situés dans l'Imaginaire collectif ne sont aucunement un principe suffisant ni nécessaire pour infléchir le sens du texte où ils sont évoqués ; il revient en revanche aux parcours interprétatifs opérés au sein de celui-ci de décider leur signification en contexte.
- D'autre part, accepter partiellement certains résultats de l'étude de G. Durand ne veut nullement dire que l'on adhère à la théorie de la réflexologie betcherevienne censée fonder l'anthropologie, selon l'auteur : pour associer l'ascensionnel, le lumineux et le combatif, il argumente ainsi : "ces thèmes correspondent aux grands gestes constitutifs des réflexes posturaux : verticalisation et effort de redressement du buste, vision d'autre part, enfin tact manipulatoire permis par la libération posturale de la main humaine." (p. 136) Or les archétypes culturels et symboliques nous semblent émaner des textes et de leur thématique, de façon nécessaire et suffisante, sans qu'il soit besoin de leur trouver un alibi physicaliste plus que discutable ; en effet expliquer la complexité des configurations sémantico-thématiques en les rapportant à une psychologisation des "réflexes dominants" humains (cf. Introduction, pp. 44, 52) constituerait un réductionnisme simpliste.