Les Chinchins

Aides de saint Georges dans sa lutte contre le Doudou, les chinchins font partie des "chevaux-jupon" ou "chevaux-godet", déguisement typique des fêtes populaires médiévales. Voici la définition qu'en donne René Meurant :
"En tant qu'accessoire de déguisement, le cheval-jupon traditionnel est une carcasse creuse, figurant la partie supérieure du corps d'un petit cheval, percée, à l'emplacement de la selle, d'une ouverture dans laquelle vient s'emboîter un cavalier dont les jambes sont masquées par une bande d'étoffe formant carapaçon. Très souvent arnaché, le cheval porte parfois deux jambes postiches qui paraissent être celles du cavalier. En tant que type de déguisement, le cheval-jupon est l'être hybride que devient l'homme dès qu'il s'est emboîté dans l'accessoire décrit ci-dessus."

Depuis le Moyen Age, les chevaux-jupon ont fait partie de nombreuses processions en Wallonie et dans le Brabant. On les retrouvait à Dinant, à Binche, à Ath, à Nivelles et à Namur. Ainsi, depuis 1951, les chevaux-godins sont réapparus après une absence d'un siècle à Namur où ils accompagnent le Cheval Bayard. Il s'agit ici de chevaux-jupon de type urbain, dont l'existence est attestée en Europe occidentale depuis le XVIème siècle. La présence des chevaux-jupon est également attestée dans le milieu rural, mais plus tardivement (seconde moitié du XIXème siècle). Il est cependant possible qu'ils soient antécédents à cette date car on possède beaucoup moins de témoignages sur les faits ruraux. Du moins en ce qui concerne l'Europe occidentale. En effet, les chevaux-jupons sont également présents en Europe orientale où on les retrouve dans des fêtes faisant partie du cycle des douze jours ainsi qu'à la Pentecôte.

Le rôle premier des chinchins semble avoir été de repousser la foule tout en l'amusant, ce qui est caractéristique du cheval-jupon. Encore aujourd'hui, lors du cortège qui mène les acteurs jusqu'à la Grand-place, ils ont pour mission d'écarter le public afin de laisser passer le dragon tout en faisant les bouffons, exécutant leur rôle de police burlesque tout comme le sot des corporations du nord de la France, qui était déguisé en maints endroits en cheval-jupon.

Dans le combat du lumeçon, les chinchins, sont les seuls alliés de saint Georges qu'ils défendent en attaquant les diables et le dragon. Un des chinchins tient le rôle de garde du corps du saint et caracole à ses côtés durant tout le combat. Depuis quelques années, il tend à se différencier des autres chinchins par son costume et par de nouvelles actions. Ainsi, le tissu écossais de son déguisement est vert et il porte un chapeau blanc. C'est également lui qui fournit une nouvelle lance à saint Georges quand la précédente s'est brisée sur la queue du dragon.

Les chinchins sont actuellement au nombre de treize mais ce nombre a varié depuis leur première apparition. En 1704, date à laquelle ils font leur apparition, il sont deux, en 1727 ils sont cinq, en 1729 ils sont huit, en 1730 six, ils sont à nouveau huit en 1733. Par contre, ils ne sont plus que trois en 1764.

A Mons, la carcasse des chinchins actuels est confectionnée en rotin et recouverte d'une peau de veau. Anciennement, elle était construite en osier comme pour la plupart des chevaux urbains (qui étaient également recouverts d'une peau ou d'une toile tendue), tandis que les chevaux-jupon ruraux étaient généralement confectionnés en bois. La tête, également recouverte d'une peau de veau, tient plus de cet animal que du cheval. Pourtant, René Meurant fait état d'une lithographie anonyme datant de 1846 qui représente bien les chinchins comme des chevaux. Leur nouvelle morphologie serait alors probablement due à une maladresse de réfectionneurs du siècle passé.
La carcasse, longue approximativement d'un mètre cinquante, est bordée de tissu écossais de même couleur que la veste de l'acteur. Ce tissu est soit gris, soit rouge pour l'ensemble des chinchins, le chinchin "garde du corps" étant revêtu de tissu écossais vert. Dans une lithographie de Legrand datée de 1854, les acteurs sont déjà vêtus de tissu écossais mais il est possible que cet emploi soit beaucoup plus ancien. Les acteurs portent un pantalon blanc, une veste de tissu écossais et un chapeau noir bordé de rouge et orné d'un ruban rouge. Des rubans jaunes et rouges garnissent les épaules et les coudes de la veste dont l'arrière retombe sur la carcasse. La carcasse est elle aussi ornée de rubans rouges et jaunes et un collier à grelots enserre le cou du cheval-jupon.
(Avec l'aimable autorisation de l'auteur : Christine Eloy 1996)

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