Les Hommes Sauvages

Les hommes sauvages, appelés aussi "hommes de feuilles" de part leur déguisement phytomorphe, pourraient être les pendants montois des Georges Verts. Nous pouvons ainsi supposer qu'au temps où Mons n'était encore qu'un village d'agriculteurs, ses habitants pratiquaient des rites destinés à assurer la fertilité de la terre. Dans le cadre de ces rites, des représentations phytomorphes auraient eu leur place et un rôle positif puisqu'elles représentaient le verdoiement, la renaissance de la nature. Ensuite, Mons serait progressivement passée au stade de la ville et ces rites caractéristiques de sociétés rurales seraient tombés en désuétude. Pourtant, ces représentations refont leur apparition dans le jeu processionnel mettant en scène le combat entre saint Georges et le dragon. En effet, les hommes de feuilles sont mentionnés dans les comptes de la ville dès 1723, date à laquelle Mons est établie depuis déjà plusieurs siècles comme espace urbain. Aussi nous nous demandons comment des représentations phytomorphes ont pu être intégrées au combat du lumeçon.
Tout d'abord, leur image a pu se perpétrer jusqu'au XVIIIème siècle par le biais de l'iconographie et notamment via l'héraldique puisque les hommes de feuilles font partie des différents types de tenants de blason. Or, il se trouve qu'ils sont justement les tenants du blason de Gilles de Chin. Nous avons également vu que la population montoise a assimilé Gilles de Chin à saint Georges, ce qui explique l'apparition du chevalier dans le combat rituel du lumeçon dès 1723, c'est-à-dire en même temps que les hommes sauvages! Notre hypothèse est la suivante. Gilles de Chin apparaît dans le rite et son blason doit certainement figurer sur son pourpoint ou sur la chabraque de son cheval. Sur ce blason figurent les deux hommes sauvages et les organisateurs du jeu processionnel décident de les intégrer eux aussi au combat. Mais ces personnages, par leur aspect, représentent la nature, l'instinct. Ils sont l'opposé du chrétien, l'antithèse du chevalier. Ils ne peuvent donc être les alliés de Gilles de Chin qui, du fait de son rôle de héros civilisateur, combat précisément ce qui se trouve en dehors des remparts de la ville et qui est donc considéré comme sauvage. Les hommes sauvages sont ainsi intégrés au pôle négatif du combat et deviennent les acolytes du dragon, représentant du désordre qui règne dans l'extra-muros.

Actuellement, les hommes sauvages aident les hommes blancs dans la manipulation du dragon. S'aidant de leur massue, ils veillent à maintenir la queue de l'animal dressée et à la retirer de la foule après chaque coup de queue.

Ils sont vêtu d'une veste et d'un pantalon sur lesquels sont cousues environ deux mille quatre cents feuilles de lierre et sont coiffés d'un chapeau conique qui lui en compte plus ou moins quatre cents. Ces feuilles sont cousues à la main quelques jours avant le combat, généralement par la mère ou l'épouse de l'acteur. Le costume est orné de rubans rouges et l'acteur porte également une cravate rouge. L'homme de feuille est armé d'une massue verte munies de piques rouges.

Les pièces de ce costume font partie des "souvenirs" les plus prisés par le public montois et il est très courant de voir un homme sauvage au sortir du combat avec un costume où il ne subsiste que quelques feuilles.

Mentionnés pour la première fois en 1723, les hommes de feuilles sont alors au nombre de deux. Ce nombre restera constant dans tous les comptes consultés par Paul Heupgen. Ils sont actuellement au nombre de huit.
(Avec l'aimable autorisation de l'auteur : Christine Eloy 1996)

[E-mail] [Liens] [Sommaire] [Précédente]