Qu’en
est-il, d’un point de vue logique, de la possibilité de voyager dans le temps à
volonté à n’importe quelle époque du passé ou du futur relatif, avec ou sans
machine ?
L’analyse
sera essentiellement consacrée à l'hypothèse du voyage dans le futur car sa
possibilité semble moins évidente que celle du voyage dans le passé. Comme le
suggérait Pascal, il semble «plus facile de concevoir que ce qui a déjà été
soit encore, que ce qui n'a pas encore été soit déjà».
Avant
tout, il faut noter que la possibilité de voyager dans le temps suppose la
capacité de franchir le "mur" du temps. Comment parvenir à telle ou
telle époque du passé ou de l'avenir s'il faut "prendre le temps" de
l’atteindre? Le déplacement dans le temps ne devrait durer, tout au plus, que
le « temps de Planck », soit 10-43s. On peut donc relever
d'emblée le caractère sans doute impropre de l'expression " voyage dans le
temps". Mais ce problème ne sera
pas développé ni analysé ici.
Il
n’est pas question non plus de répondre aux questions, pourtant essentielles,
de savoir « où » -hyperespace, univers parallèles, au-delà, autres
dimensions…- se trouvent les époques de destination, ni « comment »
-trous noirs/fontaines blanches, trous de ver, machines, scannage quantique…- y
accéder. Questions essentielles puisqu’elles obligent à définir une
« identité » du temps. Cette identité se déclinera a priori selon
trois hypothèses:
-le
temps est la seule façon pour une entité d’être différente d’elle-même et
d’occuper deux positions spatiales différentes. (Kant, Heidegger, Dubois
(théorème du temps))
-le
temps est le nombre du mouvement selon l’avant et l’après (Aristote)
-le
temps est l’expression de relations causales au travers des concepts de « passé,
présent et futur »
Objectif ?
Jouer le jeu de la spéculation et imaginer la possibilité de se retrouver
"instantanément" à telle ou telle époque du passé ou de l'avenir.
"instantanément"!
Conséquence :
l'individu est "simultanément" ce qu'il est dans son époque et ce
qu'il doit être ou ce qu'il a été dans l'époque investie, selon qu'il s'agisse
de l'avenir ou du passé, et pour autant
qu'il soit question d'une époque incluse dans l'histoire, le temps d'existence,
de l'individu. En effet, l'instantanéité du parcours dans le temps suppose la
réalisation effective et actuelle de tout le passé et de tout le futur. Pour se
retrouver en l'an trois mille à l'instant, il faut qu'actuellement soit réalisé
ce qui représente l'an trois mille, ou plutôt il faut que se réalise l'an trois
mille. De même, pour se retrouver en 1895 « à l'instant », il faut
que tout ce qui représente le moment de l'année 1895 que l’on investit, existe
effectivement quelque part, dans cet univers ou dans une autre dimension, au
moment où ces lignes sont écrites.
Pour
revenir au "voyageur" du temps, on peut dire qu'à la fois il
« est, sera et a été ». Pour étendre le mouvement logique, on peut
dire que cet individu "est" simultanément "tout son
devenir". En effet, puisqu’il peut décider à chaque instant de se
retrouver à n'importe qu'elle époque du passé et de l'avenir, il faut que
toutes ces époques existent quelque part toutes en même temps,
« coexistent », car il n'y a aucune raison formelle d'en privilégier
une plutôt qu'une autre.
B) déterminisme
A
quoi mène la nécessité de l'accomplissement actuel et total du passé et de l'avenir?
A
la détermination absolue du développement de l'être et de la pensée. Plus aucune
part n'est laissée au hasard et à la liberté puisque tout est déjà réalisé, ou
plutôt, tout se réalise sans que l’on puisse exercer sur cette réalisation le
moindre véritable contrôle. Peu importe donc la question de la possibilité
d'investir instantanément une époque différente de la nôtre: arrive ce qui doit
advenir. Pour aller au bout du raisonnement, il faut reconnaître que les mots
ici inscrits ont depuis toujours été déterminés et que cette prise de
conscience même, ce retour réflexif sur le texte en train de s'écrire est
prédéterminé, et ainsi à l'infini, toute entité, toute expression emportées
dans un mouvement d’inertie universel. Pourquoi l'énumération ne se
prolonge-t-elle pas? L’auteur de ces lignes manifesterait-il quelque
libre-arbitre? Voici en tout cas l’occasion de s’interroger sur le pouvoir de
suggestion du mot et sur la propension de l’esprit à se prendre au jeu du
raisonnement jusqu'à l'absurde. Absurde?
C) preuve de l'impossibilité du voyage dans le
temps
Hypothèse :
possibilité de l'investigation instantanée d'une époque différente du présent.
Conséquence :
réalisation actuelle, effective, simultanée, de tout le passé et de tout
l'avenir.
Le
futur étant actuellement réalisé, il se trouve à une époque plus ou moins
lointaine un individu qui a découvert la possibilité de voyager dans le temps.
A partir de l'instant de cette découverte jusqu'à l'infini, on imagine aisément
que l'homme a tout le loisir d'explorer les époques postérieures et antérieures
à la sienne.
Mais
alors, comment croire qu'une infinité d'individus disposant de l'éternité pour
explorer les vestiges du passé de leur civilisation n'auraient pas laissé la
moindre trace de leur passage à l'une ou l'autre époque du passé qui nous est
commun? Invraisemblable.
Néanmoins,
cette démonstration ne possède pas toute la rigueur du raisonnement
scientifique; elle suppose d'abord que l'humanité ne périra pas. Mais comment
croire qu'elle puisse disparaître tout à fait s'il est loisible à une poignée
d'hommes d'aller se réfugier dans une époque passée ou future en cas de
catastrophe universelle imminente dans leur présent?
Ensuite,
on suppose que l'individu aura tout le loisir d'utiliser cette invention, et surtout
qu'une infinité d'individus en bénéficieront. Facile à croire puisque
l'humanité ne peut périr, et qu'à raison d'un seul individu par année terrestre
pendant une éternité, pour adopter un point de vue pessimiste, une infinité
d'individus auraient bien l'occasion d'investir nos siècles. Merci
Cantor !
Enfin,
supputation de l'envie, chez ces hommes
du futur, de découvrir concrètement le
passé de l'humanité. Mais on peut parler sans exagérer de « besoin »
de connaître le passé, si l'homme à venir ressemble un tant soit peu à l'homme
d'aujourd'hui. Quoi qu’il en soit, il semble que l’on ne puisse concevoir un
être pensant, humain ou autre, dénué de curiosité. Il faut se laisser
convaincre par ces arguments, tout en reconnaissant leur caractère probabiliste
au sens de Bayes.
D) extension de la thèse du chapitre relatif à
instantanéité et
La
première démonstration a montré que la possibilité de voyager dans le temps
implique " tout le devenir " de tout être au même instant et à chaque
instant. Imagine-t-on l'encombrement « phénoménal » de l'univers dans
un tel cas? Le chaos règne: tous les évènements possibles doivent se produire
simultanément. Mais où les « caser »? Autant dire que le vide et le
silence seuls doivent règner, car adieu le temps. A Dieu le temps? Trop-plein
d’être! Trop de tout. Tout, rien.
A
moins que...les univers parallèles... Théorie de la démultiplication quantique
de l’univers due à Hugh Everett III. Une sorte d’extension de la notion d’onde
de probabilité du niveau microscopique au niveau macroscopique. Toutes les
variantes possibles dans le cours des événements donnent naissance à autant de
branches d’univers. Ces branches d’univers doivent coexister dans des
dimensions différentes.
Toute
la question est alors de savoir s’il existe des ponts entre ces univers et
quelle est la nature de ces moyens de communication.
Une
autre solution au problème de l’encombrement « phénoménal » pourrait
venir de l'existence des "trous de ver", ou des "fontaines
blanches", ces structures symétriques, et complémentaires, des
« trous noirs ». Ces hypothèses font l’objet d’un autre article.
E) possibilité du voyage dans le temps ?
Des
constatations précédentes, on peut tirer l'idée que la seule possibilité
envisageable d'un voyage dans le temps implique la réduction du voyageur du
temps au rôle de spectateur d'un film de cinéma. L'individu aurait le loisir de
voir défiler les événements passés et futurs sans pouvoir exercer sur eux une
quelconque influence ni les modifier. Autrement dit, le voyage dans le temps,
dont on a commencé par montrer le caractère tronqué de la formulation, ne
semble envisageable que du point de vue spirituel. La matière est prise dans le
temps, c'est la définition fondamentale de l'être. L'inscription dans le temps,
ou plutôt le développement et l'usure, caractéristiques de toute forme d'être,
sont inconcevables hors de tout cadre temporel. Or l'être humain est aussi
matière, développement et usure. L'être fait le temps, l'être " EST "
le temps. La matière ne peut voyager dans le temps car elle ne peut voyager à
travers elle-même, elle doit se contenter d’accélérer ou ralentir le cours de
son développement ou de son usure. C’est ce qu’ont démontré Einstein et
Minkowski à travers la notion de « continuum espace-temps ». Lemaître
inférera que toute entité est emportée dans un mouvement d’inertie universel
consécutif à un Big Bang. Impossible donc de concevoir une machine, un objet
qui puissent voyager dans le temps. Par contre, peut-on être aussi catégorique
en ce qui concerne la pensée, l'esprit? On ne peut sans doute pas réduire
l'esprit à la matière, mais cela suffit-il à concevoir pour lui un passage
instantané d'une époque à une autre?
Malheureusement,
impossible de répondre à cette question, seulement relever les immenses
ressources du cerveau humain. Et comment lui nier le pouvoir de les développer
au point de réaliser ce rêve, ce délire peut-être, de découvrir une époque
différente de la sienne? Il n’est pas question ici de phénomènes paranormaux,
mais il semble clair que les certitudes sont trop limitées pour pouvoir rejeter
quelque possibilité que ce soit. La plus grande rigueur interdit de négliger a
priori tout mode d'appréhension du réel ou de ses potentialités, mais elle
commande aussi de maintenir en éveil l’esprit critique vis-à-vis des modes de
savoir irrationnels. Ainsi la volonté de ne pas rejeter la possibilité d'une
connaissance purement intuitive ou instantanée du futur et du passé n'élimine
pas la nécessité de pouvoir communiquer les résultats d'une telle entreprise,
exigence minimum d'une possibilité d'évaluation de la pertinence de
l'entreprise. Mais le sens d'une telle entreprise ne réside-t-il justement pas
dans la liberté par rapport aux règles de la logique et du bon sens, de la rationalité,
donc par rapport aux modes de communication naturel et scientifique? Voilà
évoqué le nœud du problème de l'attitude irrationnelle: la communication lui
semble intrinsèquement étrangère.
Voici
les arguments qui rendent improbable ou impossible le voyage dans le temps à
volonté à n'importe quelle époque du passé ou du futur relatif, avec ou sans
machine .
Par
son identité, i .e. la distinction entre passé, présent et avenir, le temps donne son sens à l'hypothèse du
déplacement dans le temps, mais si le voyage dans le temps est possible, il ôte
son identité, son sens au temps, ce qui
a pour conséquence de rendre "insensé" le déplacement dans le temps.
Pour
Christian Grenier, "le voyage temporel souffre de certaines contradictions
avec la logique la plus élémentaire, ce qui l'écarte du domaine
scientifique". (La S.-F., lectures d'avenir?)
"Une
barrière se dresse, celle de la logique voulant qu'on ne puisse à la fois être
ici ou ailleurs", complète Van Herp.
La
simple possibilité du voyage dans le temps est un paradoxe et modifie le cours
des événements, contrairement à ce que pense Watzlawick dans « La réalité
de la réalité »:
"Il
revient en arrière de quinze ans (ce qui lui prend, disons, quelques minutes),
arrête la machine et en sort, se remettant ainsi dans le cours du temps... en
un point où il a lui-même quinze ans. S'il se contente de regarder alentour
sans susciter aucun effet - à savoir, sans s'insérer d'aucune manière dans la
causalité par une action ou une communication - il ne se produira rien
d'étrange. Mais dès qu'il commencera à interagir, des conséquences amusantes et
déconcertantes s'ensuivront." Justement, par sa simple présence, le
voyageur du temps interagit avec son environnement et est, ipso facto, à
l’origine d’un phénomène chaotique, un effet papillon dû à une perturbation des
conditions initiales, comme aurait pu le découvrir Bradbury s'il avait été
jusqu'au bout de son raisonnement dans « Un coup de tonnerre », ne
voyant pas qu'une apparition soudaine dans le monde est au moins aussi
perturbatrice que le fait d'écraser un papillon.
Les
paradoxes provoqués par un acte volontaire ou involontaire du voyageur du temps
constituent bien sûr un nouvel argument contre la possibilité du déplacement
dans le temps:
paradoxe
du « grand-père » -boucle de rétroaction positive « et »
négative- dans « Le voyageur imprudent » de Barjavel :
-"Il a
tué son ancêtre?
Donc il n'existe pas.
Donc il n'a pas tué son ancêtre.
Donc il existe.
Donc il a tué son ancêtre.
Donc il n'existe pas.
Donc il n'a pas tué son ancêtre.
Donc il existe... "
et
paradoxe de la connaissance dans « La fin de l’Eternité »
d’Asimov:
-aller
chercher dans le futur une information qui sera à sa propre origine dans le
passé-
en
sont les meilleurs exemples.
Les
arguments les moins puissants contre la possibilité de voyager dans le temps
consistent à dénigrer l'intérêt du déplacement dans le temps parce que le
court-circuit temporel, le déterminisme absolu, la démultiplication temporelle
et la surimpression temporelle infinie n'offrent pas de perspectives très
réjouissantes à l'individu qui veut explorer le passé ou le futur. Ces
perspectives seront développées dans un prochain article.
Les
frères Igor et Grichka Bogdanoff ont proposé un argument plus intéressant:
"Si le voyage vers le passé avait été inventé quelque part dans le futur,
nous aurions déjà sûrement reçu la visite d'un homme de l'avenir". C'est
un argument qu'a avancé Hawking en disant que "La meilleure preuve qu'un
voyage dans le temps est impossible est que nous n'avons pas été envahis de
hordes de touristes du futur", et que j'ai formalisé indépendamment dans
un article au milieu des années 80 et dans lequel je développe l'argument de la
perte d'identité du temps présenté ci-dessus.
Par
ailleurs, Hawking pense que la nature a horreur des machines à remonter le
temps. C'est une idée qu'il développe dans sa conjecture de "protection
chronologique", selon laquelle les lois de la physique interdisent les
machines à remonter le temps: "chaque fois que quelqu'un essaye de faire
une machine à remonter le temps, et quel que soit le dispositif utilisé à cet
effet (un trou de ver, un cylindre en rotation, une "corde cosmique",
ou quoi que ce soit d'autre), juste avant que le dispositif ne devienne une
machine temporelle, un faisceau de fluctuations du vide le traverse et le
détruit". Hawking a démontré que des fluctuations de champs quantiques
deviendraient infinies au voisinage d'une bouche de trou de ver - mon argument
de la « surimpression temporelle infinie » aboutit à la même
conclusion par un raisonnement de logique pure -, empêchant la formation de
Boucles du Genre Temps ou détruisant le voyageur qui s'approcherait d'une
Boucle du Genre Temps. Hawking dit avec humour que son hypothèse "permet
de garder le monde sûr pour les historiens".
Les
frères Bogdanoff avancent un autre argument pour infirmer la possibilité du
voyage dans le temps: "L'entropie (c'est-à-dire le désordre) d'un système
ne peut aller qu'en augmentant; autrement dit, ce que nous nommons
"écoulement du temps" n'est qu'une fonction directe de l'entropie à
laquelle tous les systèmes (biologiques ou non) sont soumis. Comme il est
impossible de réduire l'entropie d'un système, il serait également impossible
d'inverser le temps et, a fortiori, de voyager dans le passé", (Clefs pour
la science-fiction).
Intrinsèquement
liée au problème de l’entropie, la question de la modification de la masse
totale de l’univers provoquée pas le départ ou l’arrivée du voyageur du temps a
été mise en évidence par Robert Silverberg dans « Les déserteurs
temporels » en contradiction avec
l’enseignement de Lavoisier e=mc²
Sur
un plan pratique, la possibilité du voyage dans le temps constituerait une
explication séduisante aux disparitions mystérieuses qui se sont produites tout
au long de l'histoire.
Revenons
enfin à l'hypothèse de la démultiplication temporelle de l’univers pour
constater qu'elle nous révèle par l'absurde l'importance du principe d'économie
de la nature et la pertinence et
l'actualité de la remarque de Leibniz selon laquelle nous évoluons dans
"le meilleur des mondes possibles". Il semble qu'un univers sans
possibilité de se déplacer dans le temps soit le meilleur des mondes possibles,
car il présente l'optimum d'existence.
A
présent, les arguments qui rendent probable ou même possible le voyage dans le
temps à volonté à n'importe quelle époque du passé ou du futur relatif, avec ou
sans machine .
Contre
l'argument de Van Herp, on peut faire remarquer que la barrière de la logique
voulant qu'on ne puisse à la fois être ici ou ailleurs, n'est en réalité qu'un
axiome, sur quoi "repose" la logique. Un axiome fondamental ne peut être
démontré. Il n'enfreint donc pas la logique.
Contre
l'argument de Hawking mettant en avant les risques de fluctuations infinies de
champs quantiques lors de la création de la machine à voyager dans le temps,
Deutsch et Lockwood répondent que les infinis, dont on sait qu'ils sont la
hantise des physiciens et des mathématiciens, révèlent simplement une
insuffisance de la théorie.
Deutsch
et Lockwood infirment aussi l'argument d'Hawking-Bogdnanoff-Dubois sur
l'absence d'invasion de hordes du futur car le trou de ver ne permettrait de
remonter dans le temps que jusqu'à l'époque de sa création et pas au-delà.
Deutsch
et Lockwood répondent aussi qu'il existe peut-être actuellement des Boucles du
Genre Temps exploitées par une civilisation extraterrestre, mais que celle-ci
n'a pas forcément envie de venir nous voir dans son passé. Et même alors, les
« voyâgeurs » n'aboutiraient que dans certaines « copies »,
branches, du passé. Enfin, le voyageur du temps n'est pas obligé de crier sur
tous les toits qu'il est un voyageur du temps !
Pour
Deutsch et Lockwood, "Si la théorie des univers multiples est exacte,
alors toutes les objections habituelles au voyage temporel sont fondées sur des
modèles erronés de la réalité physique. Quiconque rejette l'idée d'un voyage
temporel doit formuler un nouvel argument, scientifique ou philosophique".
Hawking
lui-même est revenu sur ses premières déclarations et a récemment affirmé dans
la presse qu'il envisageait à présent la possibilité de voyager dans le temps.
Contre
l'argument "entropique" des frères Bogdanoff, on objectera que rien
n'interdit une inversion locale de l'entropie, l'existence de la plus infime
particule en est un témoignage; or, il s'agit précisément, dans le cas du
voyage dans le temps, d'une modification locale du temps, soit le temps propre
du voyageur du temps.
L'affirmation
d'Einstein: "Nous, qui croyons en la physique, savons tous que la
distinction entre passé, présent et futur n'est qu'une illusion, même si elle
est tenace", vient renforcer l'idée que le temps n'a pas l'identité que
nous lui accordons, et donne donc du poids à l'hypothèse de la possibilité du
déplacement dans le temps.
L'interprétation
de Wheeler des diagrammes de Feynman va dans le même sens. Rappelons que cette
interprétation consiste à voir le réel comme une seule ligne d'univers
extrêmement complexe déjà réalisée, c'est-à-dire pour laquelle ne s'écoule pas
le temps. Le sentiment d'écoulement du temps serait une illusion liée à notre
perception du réel.
On
ne peut pas ne pas évoquer l’artiste M. C. Escher, qui est parvenu à
représenter et à nous faire pénétrer dans un univers de "figures
impossibles". C'est un peu ce qui se produit avec certaines théories
mathématiques et les récits de voyage dans le temps.
Pour
Rudy Rucker, les raisons d'écarter le voyage dans le temps reposent sur un a
priori: "Il ne peut apparaître de contradictions dans le monde; le
voyage dans le temps et le voyage SL (supraluminique) conduisent à des
contradictions; donc il ne peut y avoir de voyage dans le temps et de voyage
supraluminique dans notre monde".
Cet
argument présente pour Rucker trois points faibles.
1.
Le monde lui-même est paradoxal
2.
Il pourrait exister une "police du temps" qui empêcherait
l'utilisation de la machine pour créer un paradoxe.
3.
Il existe la possibilité des univers multiples, même si "... bien sûr,
strictement parlant, un voyage dans un monde parallèle n'est pas du tout un
voyage dans le temps".
"A
un certain niveau, ces paradoxes sont un peu plus que des divertissements
intellectuels".
En
effet, comme le paradoxe de l’impossibilité du mouvement de Zénon, ils mettent
en évidence le caractère schizophrénique du réel.
Rucker
ajoute que la Relativité affirme qu'il n'y a pas de temps ni d'espace absolu.
Or le voyage dans le temps exige un temps et un espace absolus. Par conséquent,
le voyage dans le temps semble d'emblée interdit par la physique moderne. Mais
outre le fait qu'il existe des lois de transformation qui permettent de passer
d'un système de coordonnées, ou référentiel, à un autre, la Relativité autorise
le voyage dans le passé jusqu'à une certaine limite, et dans le futur de façon
illimitée, comme le démontre le paradoxe des Jumeaux de Langevin. La relativité
se contredirait-elle elle-même?
Pour David Lewis, le voyage dans le temps est possible.
Les paradoxes prouvent seulement que le monde où le voyage dans le temps serait
possible serait de manière fondamentale plus étrange que celui que nous croyons
être le nôtre. Il est le plus ardent défenseur d'un auteur comme Heinlein dont
il trouve le récit "Vous les zombies", parfaite antithèse du paradoxe
du grand-père, auto-consistant. Le héros d’Heinlein remonte dans le passé,
engrosse une jeune fille qui n'est autre que lui-même avant l'opération qui le
fera changer de sexe. Le bébé issu de cette union sur-consanguine est
transporté dans un passé un peu plus reculé encore pour justifier la naissance
de l'héroïne-héros. Heinlein en avait-il consommé?
La faille de
l'algorithme temporel d'Heinlein: la jeune fille existe avant de naître
puisqu'elle se met au monde elle-même; la poule avant l'oeuf. C'est paradoxal
dans un sens plus fort encore peut-être que le fait d'avoir été ensemencé par
soi-même. L'existence de la jeune fille semble sortir de l'auto-boucle causale
"papa-bébé". Et pourtant, quelle différence avec la réalité ? L’univers
n’est-il pas à sa propre origine infiniment régressive?
Il
est clair que ce qui pose problème dans le voyage dans le temps, c’est la
multitude des paradoxes qu'il génère. Un raisonnement par l'absurde consiste à
dire: le réel ne peut s'accommoder des paradoxes; or le réel existe; donc les
paradoxes n'existent pas et le voyage dans le temps non plus. Mais le réel
n'est cohérent qu'en apparence, il est fondamentalement irrationnel, comme nous
le suggèrent la physique quantique et la pure logique elle-même. Donc, la
possibilité du déplacement dans le temps est en parfait accord avec la réalité.
L.M.
Krauss, dans "The physics of Star Trek", émet un argument de bon
sens: "Tant que ce n'est pas réfuté par le cadre scientifique, cela reste
du domaine du possible". C'est ce que souligne aussi J. Gribbin dans
"In search of the edge of time": "Quel que soit le type de
courbure d'espace-temps, les équations d'Einstein nous disent exactement quelle
distribution de matière et d'énergie doit se manifester. La question est alors:
un tel type de distribution de matière et d'énergie est-il possible?".
La
réflexion autour de la possibilité du déplacement dans le temps, outre son
intérêt intellectuel, permet d’approfondir la compréhension de la nature du
temps et du réel.
Surimpression
temporelle infinie (Dubois/Hawking)
Boucles rétroaction positive/négative
Collision
temporelle
Court-circuit
temporel
Déterminisme
Démultiplication
en branches d’univers
Oscillation
infinie de l’être (paradoxe du grand-père), Paradoxe de la connaissance,
Sensibilité aux conditions initiales: un seul et même paradoxe
Paradoxe
des jumeaux de Langevin
Doublement
temps (>< Relativité ?): La résolution de cette énigme remet-elle en
question l’enseignement essentiel de la théorie de la Relativité ?