VOYAGE DANS LE TEMPS,

 

 

 

 

LOGIQUE

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

SPECULATION

Laurent Dubois 2002

 

 

 

 

 

Qu’en est-il, d’un point de vue logique, de la possibilité de voyager dans le temps à volonté à n’importe quelle époque du passé ou du futur relatif, avec ou sans machine ?

L’analyse sera essentiellement consacrée à l'hypothèse du voyage dans le futur car sa possibilité semble moins évidente que celle du voyage dans le passé. Comme le suggérait Pascal, il semble «plus facile de concevoir que ce qui a déjà été soit encore, que ce qui n'a pas encore été soit déjà».

 

 

 

A)   simultanéité et instantanéité

 

 

 

Avant tout, il faut noter que la possibilité de voyager dans le temps suppose la capacité de franchir le "mur" du temps. Comment parvenir à telle ou telle époque du passé ou de l'avenir s'il faut "prendre le temps" de l’atteindre? Le déplacement dans le temps ne devrait durer, tout au plus, que le « temps de Planck », soit 10-43s. On peut donc relever d'emblée le caractère sans doute impropre de l'expression " voyage dans le temps".  Mais ce problème ne sera pas développé ni analysé ici.

Il n’est pas question non plus de répondre aux questions, pourtant essentielles, de savoir « où » -hyperespace, univers parallèles, au-delà, autres dimensions…- se trouvent les époques de destination, ni « comment » -trous noirs/fontaines blanches, trous de ver, machines, scannage quantique…- y accéder. Questions essentielles puisqu’elles obligent à définir une « identité » du temps. Cette identité se déclinera a priori selon trois hypothèses:

 

-le temps est la seule façon pour une entité d’être différente d’elle-même et d’occuper deux positions spatiales différentes. (Kant, Heidegger, Dubois (théorème du temps))

-le temps est le nombre du mouvement selon l’avant et l’après (Aristote)

-le temps est l’expression de relations causales au travers des concepts de « passé, présent et futur »

 

Objectif ? Jouer le jeu de la spéculation et imaginer la possibilité de se retrouver "instantanément" à telle ou telle époque du passé ou de l'avenir. "instantanément"!

Conséquence : l'individu est "simultanément" ce qu'il est dans son époque et ce qu'il doit être ou ce qu'il a été dans l'époque investie, selon qu'il s'agisse de l'avenir  ou du passé, et pour autant qu'il soit question d'une époque incluse dans l'histoire, le temps d'existence, de l'individu. En effet, l'instantanéité du parcours dans le temps suppose la réalisation effective et actuelle de tout le passé et de tout le futur. Pour se retrouver en l'an trois mille à l'instant, il faut qu'actuellement soit réalisé ce qui représente l'an trois mille, ou plutôt il faut que se réalise l'an trois mille. De même, pour se retrouver en 1895 « à l'instant », il faut que tout ce qui représente le moment de l'année 1895 que l’on investit, existe effectivement quelque part, dans cet univers ou dans une autre dimension, au moment où ces lignes sont écrites.

Pour revenir au "voyageur" du temps, on peut dire qu'à la fois il « est, sera et a été ». Pour étendre le mouvement logique, on peut dire que cet individu "est" simultanément "tout son devenir". En effet, puisqu’il peut décider à chaque instant de se retrouver à n'importe qu'elle époque du passé et de l'avenir, il faut que toutes ces époques existent quelque part toutes en même temps, « coexistent », car il n'y a aucune raison formelle d'en privilégier une plutôt qu'une autre.

 

 

 

B) déterminisme

 

 

 

A quoi mène la nécessité de l'accomplissement actuel et total  du passé et de l'avenir?

A la détermination absolue du développement de l'être et de la pensée. Plus aucune part n'est laissée au hasard et à la liberté puisque tout est déjà réalisé, ou plutôt, tout se réalise sans que l’on puisse exercer sur cette réalisation le moindre véritable contrôle. Peu importe donc la question de la possibilité d'investir instantanément une époque différente de la nôtre: arrive ce qui doit advenir. Pour aller au bout du raisonnement, il faut reconnaître que les mots ici inscrits ont depuis toujours été déterminés et que cette prise de conscience même, ce retour réflexif sur le texte en train de s'écrire est prédéterminé, et ainsi à l'infini, toute entité, toute expression emportées dans un mouvement d’inertie universel. Pourquoi l'énumération ne se prolonge-t-elle pas? L’auteur de ces lignes manifesterait-il quelque libre-arbitre? Voici en tout cas l’occasion de s’interroger sur le pouvoir de suggestion du mot et sur la propension de l’esprit à se prendre au jeu du raisonnement jusqu'à l'absurde. Absurde?

 

 

 

C) preuve de l'impossibilité du voyage dans le temps

 

 

 

Hypothèse : possibilité de l'investigation instantanée d'une époque différente du présent.

Conséquence : réalisation actuelle, effective, simultanée, de tout le passé et de tout l'avenir.

Le futur étant actuellement réalisé, il se trouve à une époque plus ou moins lointaine un individu qui a découvert la possibilité de voyager dans le temps. A partir de l'instant de cette découverte jusqu'à l'infini, on imagine aisément que l'homme a tout le loisir d'explorer les époques postérieures et antérieures à la sienne.

Mais alors, comment croire qu'une infinité d'individus disposant de l'éternité pour explorer les vestiges du passé de leur civilisation n'auraient pas laissé la moindre trace de leur passage à l'une ou l'autre époque du passé qui nous est commun? Invraisemblable.

Néanmoins, cette démonstration ne possède pas toute la rigueur du raisonnement scientifique; elle suppose d'abord que l'humanité ne périra pas. Mais comment croire qu'elle puisse disparaître tout à fait s'il est loisible à une poignée d'hommes d'aller se réfugier dans une époque passée ou future en cas de catastrophe universelle imminente dans leur présent?

Ensuite, on suppose que l'individu aura tout le loisir d'utiliser cette invention, et surtout qu'une infinité d'individus en bénéficieront. Facile à croire puisque l'humanité ne peut périr, et qu'à raison d'un seul individu par année terrestre pendant une éternité, pour adopter un point de vue pessimiste, une infinité d'individus auraient bien l'occasion d'investir nos siècles. Merci Cantor !

Enfin, supputation de l'envie,  chez ces hommes du futur,  de découvrir concrètement le passé de l'humanité. Mais on peut parler sans exagérer de « besoin » de connaître le passé, si l'homme à venir ressemble un tant soit peu à l'homme d'aujourd'hui. Quoi qu’il en soit, il semble que l’on ne puisse concevoir un être pensant, humain ou autre, dénué de curiosité. Il faut se laisser convaincre par ces arguments, tout en reconnaissant leur caractère probabiliste au sens de Bayes.

 

 

 

 

D) extension de la thèse du chapitre relatif à instantanéité et

 

simultanéité

 

 

 

La première démonstration a montré que la possibilité de voyager dans le temps implique " tout le devenir " de tout être au même instant et à chaque instant. Imagine-t-on l'encombrement « phénoménal » de l'univers dans un tel cas? Le chaos règne: tous les évènements possibles doivent se produire simultanément. Mais où les « caser »? Autant dire que le vide et le silence seuls doivent règner, car adieu le temps. A Dieu le temps? Trop-plein d’être! Trop de tout. Tout, rien.

A moins que...les univers parallèles... Théorie de la démultiplication quantique de l’univers due à Hugh Everett III. Une sorte d’extension de la notion d’onde de probabilité du niveau microscopique au niveau macroscopique. Toutes les variantes possibles dans le cours des événements donnent naissance à autant de branches d’univers. Ces branches d’univers doivent coexister dans des dimensions différentes. 

Toute la question est alors de savoir s’il existe des ponts entre ces univers et quelle est la nature de ces moyens de communication.

Une autre solution au problème de l’encombrement « phénoménal » pourrait venir de l'existence des "trous de ver", ou des "fontaines blanches", ces structures symétriques, et complémentaires, des « trous noirs ». Ces hypothèses font l’objet d’un autre article.

 

 

 

 

E) possibilité du voyage dans le temps ?

 

 

 

Des constatations précédentes, on peut tirer l'idée que la seule possibilité envisageable d'un voyage dans le temps implique la réduction du voyageur du temps au rôle de spectateur d'un film de cinéma. L'individu aurait le loisir de voir défiler les événements passés et futurs sans pouvoir exercer sur eux une quelconque influence ni les modifier. Autrement dit, le voyage dans le temps, dont on a commencé par montrer le caractère tronqué de la formulation, ne semble envisageable que du point de vue spirituel. La matière est prise dans le temps, c'est la définition fondamentale de l'être. L'inscription dans le temps, ou plutôt le développement et l'usure, caractéristiques de toute forme d'être, sont inconcevables hors de tout cadre temporel. Or l'être humain est aussi matière, développement et usure. L'être fait le temps, l'être " EST " le temps. La matière ne peut voyager dans le temps car elle ne peut voyager à travers elle-même, elle doit se contenter d’accélérer ou ralentir le cours de son développement ou de son usure. C’est ce qu’ont démontré Einstein et Minkowski à travers la notion de « continuum espace-temps ». Lemaître inférera que toute entité est emportée dans un mouvement d’inertie universel consécutif à un Big Bang. Impossible donc de concevoir une machine, un objet qui puissent voyager dans le temps. Par contre, peut-on être aussi catégorique en ce qui concerne la pensée, l'esprit? On ne peut sans doute pas réduire l'esprit à la matière, mais cela suffit-il à concevoir pour lui un passage instantané d'une époque à une autre?

Malheureusement, impossible de répondre à cette question, seulement relever les immenses ressources du cerveau humain. Et comment lui nier le pouvoir de les développer au point de réaliser ce rêve, ce délire peut-être, de découvrir une époque différente de la sienne? Il n’est pas question ici de phénomènes paranormaux, mais il semble clair que les certitudes sont trop limitées pour pouvoir rejeter quelque possibilité que ce soit. La plus grande rigueur interdit de négliger a priori tout mode d'appréhension du réel ou de ses potentialités, mais elle commande aussi de maintenir en éveil l’esprit critique vis-à-vis des modes de savoir irrationnels. Ainsi la volonté de ne pas rejeter la possibilité d'une connaissance purement intuitive ou instantanée du futur et du passé n'élimine pas la nécessité de pouvoir communiquer les résultats d'une telle entreprise, exigence minimum d'une possibilité d'évaluation de la pertinence de l'entreprise. Mais le sens d'une telle entreprise ne réside-t-il justement pas dans la liberté par rapport aux règles de la logique et du bon sens, de la rationalité, donc par rapport aux modes de communication naturel et scientifique? Voilà évoqué le nœud du problème de l'attitude irrationnelle: la communication lui semble intrinsèquement étrangère.

 

 

 

 

CONCLUSIONS

 

 

Arguments « contre »

 

 

Voici les arguments qui rendent improbable ou impossible le voyage dans le temps à volonté à n'importe quelle époque du passé ou du futur relatif, avec ou sans machine .

 

Par son identité, i .e. la distinction entre passé, présent et avenir,  le temps donne son sens à l'hypothèse du déplacement dans le temps, mais si le voyage dans le temps est possible, il ôte son identité,  son sens au temps, ce qui a pour conséquence de rendre "insensé" le déplacement dans le temps.

Pour Christian Grenier, "le voyage temporel souffre de certaines contradictions avec la logique la plus élémentaire, ce qui l'écarte du domaine scientifique". (La S.-F., lectures d'avenir?)

"Une barrière se dresse, celle de la logique voulant qu'on ne puisse à la fois être ici ou ailleurs", complète Van Herp.

La simple possibilité du voyage dans le temps est un paradoxe et modifie le cours des événements, contrairement à ce que pense Watzlawick dans « La réalité de la réalité »:

"Il revient en arrière de quinze ans (ce qui lui prend, disons, quelques minutes), arrête la machine et en sort, se remettant ainsi dans le cours du temps... en un point où il a lui-même quinze ans. S'il se contente de regarder alentour sans susciter aucun effet - à savoir, sans s'insérer d'aucune manière dans la causalité par une action ou une communication - il ne se produira rien d'étrange. Mais dès qu'il commencera à interagir, des conséquences amusantes et déconcertantes s'ensuivront." Justement, par sa simple présence, le voyageur du temps interagit avec son environnement et est, ipso facto, à l’origine d’un phénomène chaotique, un effet papillon dû à une perturbation des conditions initiales, comme aurait pu le découvrir Bradbury s'il avait été jusqu'au bout de son raisonnement dans « Un coup de tonnerre », ne voyant pas qu'une apparition soudaine dans le monde est au moins aussi perturbatrice que le fait d'écraser un papillon.

Les paradoxes provoqués par un acte volontaire ou involontaire du voyageur du temps constituent bien sûr un nouvel argument contre la possibilité du déplacement dans le temps:

 

paradoxe du « grand-père » -boucle de rétroaction positive « et » négative- dans « Le voyageur imprudent » de Barjavel :

 

-"Il a tué son ancêtre?

   Donc il n'existe pas.

   Donc il n'a pas tué son ancêtre.

   Donc il existe.

   Donc il a tué son ancêtre.

   Donc il n'existe pas.

   Donc il n'a pas tué son ancêtre.

   Donc il existe... "

 

 

et paradoxe de la connaissance dans « La fin de l’Eternité » d’Asimov:

 

-aller chercher dans le futur une information qui sera à sa propre origine dans le passé-

 

en sont les meilleurs exemples.

 

Les arguments les moins puissants contre la possibilité de voyager dans le temps consistent à dénigrer l'intérêt du déplacement dans le temps parce que le court-circuit temporel, le déterminisme absolu, la démultiplication temporelle et la surimpression temporelle infinie n'offrent pas de perspectives très réjouissantes à l'individu qui veut explorer le passé ou le futur. Ces perspectives seront développées dans un prochain article.

 

Les frères Igor et Grichka Bogdanoff ont proposé un argument plus intéressant: "Si le voyage vers le passé avait été inventé quelque part dans le futur, nous aurions déjà sûrement reçu la visite d'un homme de l'avenir". C'est un argument qu'a avancé Hawking en disant que "La meilleure preuve qu'un voyage dans le temps est impossible est que nous n'avons pas été envahis de hordes de touristes du futur", et que j'ai formalisé indépendamment dans un article au milieu des années 80 et dans lequel je développe l'argument de la perte d'identité du temps présenté ci-dessus.

Par ailleurs, Hawking pense que la nature a horreur des machines à remonter le temps. C'est une idée qu'il développe dans sa conjecture de "protection chronologique", selon laquelle les lois de la physique interdisent les machines à remonter le temps: "chaque fois que quelqu'un essaye de faire une machine à remonter le temps, et quel que soit le dispositif utilisé à cet effet (un trou de ver, un cylindre en rotation, une "corde cosmique", ou quoi que ce soit d'autre), juste avant que le dispositif ne devienne une machine temporelle, un faisceau de fluctuations du vide le traverse et le détruit". Hawking a démontré que des fluctuations de champs quantiques deviendraient infinies au voisinage d'une bouche de trou de ver - mon argument de la « surimpression temporelle infinie » aboutit à la même conclusion par un raisonnement de logique pure -, empêchant la formation de Boucles du Genre Temps ou détruisant le voyageur qui s'approcherait d'une Boucle du Genre Temps. Hawking dit avec humour que son hypothèse "permet de garder le monde sûr pour les historiens".

Les frères Bogdanoff avancent un autre argument pour infirmer la possibilité du voyage dans le temps: "L'entropie (c'est-à-dire le désordre) d'un système ne peut aller qu'en augmentant; autrement dit, ce que nous nommons "écoulement du temps" n'est qu'une fonction directe de l'entropie à laquelle tous les systèmes (biologiques ou non) sont soumis. Comme il est impossible de réduire l'entropie d'un système, il serait également impossible d'inverser le temps et, a fortiori, de voyager dans le passé", (Clefs pour la science-fiction).

Intrinsèquement liée au problème de l’entropie, la question de la modification de la masse totale de l’univers provoquée pas le départ ou l’arrivée du voyageur du temps a été mise en évidence par Robert Silverberg dans « Les déserteurs temporels »  en contradiction avec l’enseignement de Lavoisier e=mc²

Sur un plan pratique, la possibilité du voyage dans le temps constituerait une explication séduisante aux disparitions mystérieuses qui se sont produites tout au long de l'histoire.

Revenons enfin à l'hypothèse de la démultiplication temporelle de l’univers pour constater qu'elle nous révèle par l'absurde l'importance du principe d'économie de la nature  et la pertinence et l'actualité de la remarque de Leibniz selon laquelle nous évoluons dans "le meilleur des mondes possibles". Il semble qu'un univers sans possibilité de se déplacer dans le temps soit le meilleur des mondes possibles, car il présente l'optimum d'existence.

 

 

 

Arguments « pour »

 

 

 

A présent, les arguments qui rendent probable ou même possible le voyage dans le temps à volonté à n'importe quelle époque du passé ou du futur relatif, avec ou sans machine .

Contre l'argument de Van Herp, on peut faire remarquer que la barrière de la logique voulant qu'on ne puisse à la fois être ici ou ailleurs, n'est en réalité qu'un axiome, sur quoi "repose" la logique. Un axiome fondamental ne peut être démontré. Il n'enfreint donc pas la logique.

Contre l'argument de Hawking mettant en avant les risques de fluctuations infinies de champs quantiques lors de la création de la machine à voyager dans le temps, Deutsch et Lockwood répondent que les infinis, dont on sait qu'ils sont la hantise des physiciens et des mathématiciens, révèlent simplement une insuffisance de la théorie.

Deutsch et Lockwood infirment aussi l'argument d'Hawking-Bogdnanoff-Dubois sur l'absence d'invasion de hordes du futur car le trou de ver ne permettrait de remonter dans le temps que jusqu'à l'époque de sa création et pas au-delà.

Deutsch et Lockwood répondent aussi qu'il existe peut-être actuellement des Boucles du Genre Temps exploitées par une civilisation extraterrestre, mais que celle-ci n'a pas forcément envie de venir nous voir dans son passé. Et même alors, les « voyâgeurs » n'aboutiraient que dans certaines « copies », branches, du passé. Enfin, le voyageur du temps n'est pas obligé de crier sur tous les toits qu'il est un voyageur du temps !

Pour Deutsch et Lockwood, "Si la théorie des univers multiples est exacte, alors toutes les objections habituelles au voyage temporel sont fondées sur des modèles erronés de la réalité physique. Quiconque rejette l'idée d'un voyage temporel doit formuler un nouvel argument, scientifique ou philosophique".

Hawking lui-même est revenu sur ses premières déclarations et a récemment affirmé dans la presse qu'il envisageait à présent la possibilité de voyager dans le temps.

Contre l'argument "entropique" des frères Bogdanoff, on objectera que rien n'interdit une inversion locale de l'entropie, l'existence de la plus infime particule en est un témoignage; or, il s'agit précisément, dans le cas du voyage dans le temps, d'une modification locale du temps, soit le temps propre du voyageur du temps.

L'affirmation d'Einstein: "Nous, qui croyons en la physique, savons tous que la distinction entre passé, présent et futur n'est qu'une illusion, même si elle est tenace", vient renforcer l'idée que le temps n'a pas l'identité que nous lui accordons, et donne donc du poids à l'hypothèse de la possibilité du déplacement dans le temps.

L'interprétation de Wheeler des diagrammes de Feynman va dans le même sens. Rappelons que cette interprétation consiste à voir le réel comme une seule ligne d'univers extrêmement complexe déjà réalisée, c'est-à-dire pour laquelle ne s'écoule pas le temps. Le sentiment d'écoulement du temps serait une illusion liée à notre perception du réel.

On ne peut pas ne pas évoquer l’artiste M. C. Escher, qui est parvenu à représenter et à nous faire pénétrer dans un univers de "figures impossibles". C'est un peu ce qui se produit avec certaines théories mathématiques et les récits de voyage dans le temps.

Pour Rudy Rucker, les raisons d'écarter le voyage dans le temps reposent sur un a priori: "Il ne peut apparaître de contradictions dans le monde; le voyage dans le temps et le voyage SL (supraluminique) conduisent à des contradictions; donc il ne peut y avoir de voyage dans le temps et de voyage supraluminique dans notre monde".

Cet argument présente pour Rucker trois points faibles.

1. Le monde lui-même est paradoxal

2. Il pourrait exister une "police du temps" qui empêcherait l'utilisation de la machine pour créer un paradoxe.

3. Il existe la possibilité des univers multiples, même si "... bien sûr, strictement parlant, un voyage dans un monde parallèle n'est pas du tout un voyage dans le temps".

"A un certain niveau, ces paradoxes sont un peu plus que des divertissements intellectuels".

En effet, comme le paradoxe de l’impossibilité du mouvement de Zénon, ils mettent en évidence le caractère schizophrénique du réel.

Rucker ajoute que la Relativité affirme qu'il n'y a pas de temps ni d'espace absolu. Or le voyage dans le temps exige un temps et un espace absolus. Par conséquent, le voyage dans le temps semble d'emblée interdit par la physique moderne. Mais outre le fait qu'il existe des lois de transformation qui permettent de passer d'un système de coordonnées, ou référentiel, à un autre, la Relativité autorise le voyage dans le passé jusqu'à une certaine limite, et dans le futur de façon illimitée, comme le démontre le paradoxe des Jumeaux de Langevin. La relativité se contredirait-elle elle-même?

Pour David Lewis, le voyage dans le temps est possible. Les paradoxes prouvent seulement que le monde où le voyage dans le temps serait possible serait de manière fondamentale plus étrange que celui que nous croyons être le nôtre. Il est le plus ardent défenseur d'un auteur comme Heinlein dont il trouve le récit "Vous les zombies", parfaite antithèse du paradoxe du grand-père, auto-consistant.  Le héros d’Heinlein remonte dans le passé, engrosse une jeune fille qui n'est autre que lui-même avant l'opération qui le fera changer de sexe. Le bébé issu de cette union sur-consanguine est transporté dans un passé un peu plus reculé encore pour justifier la naissance de l'héroïne-héros. Heinlein en avait-il consommé?

La faille de l'algorithme temporel d'Heinlein: la jeune fille existe avant de naître puisqu'elle se met au monde elle-même; la poule avant l'oeuf. C'est paradoxal dans un sens plus fort encore peut-être que le fait d'avoir été ensemencé par soi-même. L'existence de la jeune fille semble sortir de l'auto-boucle causale "papa-bébé". Et pourtant, quelle différence avec la réalité ? L’univers n’est-il pas à sa propre origine infiniment régressive?

 

Il est clair que ce qui pose problème dans le voyage dans le temps, c’est la multitude des paradoxes qu'il génère. Un raisonnement par l'absurde consiste à dire: le réel ne peut s'accommoder des paradoxes; or le réel existe; donc les paradoxes n'existent pas et le voyage dans le temps non plus. Mais le réel n'est cohérent qu'en apparence, il est fondamentalement irrationnel, comme nous le suggèrent la physique quantique et la pure logique elle-même. Donc, la possibilité du déplacement dans le temps est en parfait accord avec la réalité.

L.M. Krauss, dans "The physics of Star Trek", émet un argument de bon sens: "Tant que ce n'est pas réfuté par le cadre scientifique, cela reste du domaine du possible". C'est ce que souligne aussi J. Gribbin dans "In search of the edge of time": "Quel que soit le type de courbure d'espace-temps, les équations d'Einstein nous disent exactement quelle distribution de matière et d'énergie doit se manifester. La question est alors: un tel type de distribution de matière et d'énergie est-il possible?".

 

La réflexion autour de la possibilité du déplacement dans le temps, outre son intérêt intellectuel, permet d’approfondir la compréhension de la nature du temps et du réel.

 

 

 

PROCHAINS DEVELOPPEMENTS

 

Surimpression temporelle infinie (Dubois/Hawking)  Boucles rétroaction positive/négative

Collision temporelle

Court-circuit temporel

Déterminisme

Démultiplication en branches d’univers

Oscillation infinie de l’être (paradoxe du grand-père), Paradoxe de la connaissance, Sensibilité aux conditions initiales: un seul et même paradoxe

Paradoxe des jumeaux de Langevin

Doublement temps (>< Relativité ?): La résolution de cette énigme remet-elle en question l’enseignement essentiel de la théorie de la Relativité ?

 

 

Manifesto of the Manifest

 

Beyond Consciousness

 

Les consciences absolues

 

MAIL

 

916 test

 

CHRONOSCOPE (Timeworld)

 

ÓNEUROLAND