Retour sommaire





 

L'Internet est certainement un sujet à la mode. Cette année 1996 a vu le fameux réseau envahir les médias, à défaut d'envahir encore les foyers. On en parle beaucoup, surtout de son aspect le plus séduisant, le World-Wide Web, mais plus en sa qualité de " média " que pour ses contenus réels.

Ce présent mémoire est le fruit d'une réflexion personnelle sur l'avenir d'une profession : celle de bibliothécaire. Il se fonde sur l'expérience de l'auteur à la bibliothèque centrale de l'Ecole polytechnique. Indissociable pour beaucoup du support papier promis régulièrement à un sort analogue à celui des dinosaures, le bibliothécaire voit sa profession mise en cause. Si l'Internet permet à tous l'accès à la connaissance (chacun de ces termes mériterait discussion approfondie), à quoi vont bien servir ces rats de bibliothèques enfouis dans leurs réserves poussiéreuses ? Les plus tolérants reconnaissent encore avec une certaine condescendance le bien-fondé de la conservation d'un patrimoine. Du côté des associations et revues professionnelles, on donne de la voix pour soulever le prolétariat bibliothécaire à la conquête de nouveaux horizons technologiques et professionnels. Sur le terrain, comme nous le verrons, la situation est loin d'être clairement établie, nous vivons une époque de transition.

Bibliothécaires ou documentalistes, les professionnels de l'information, déjà divisés entre eux, ont du mal à faire reconnaître leurs spécificités en cette fin de siècle. Pourtant, les deux professions se rejoignent souvent sur les lieux de travail. Au risque de schématiser, on dit souvent que le documentaliste répond à une demande de son environnement, alors que le bibliothécaire offre des ressources à son environnement. Notre point de vue sera d'abord celui du bibliothécaire, sans négliger les fonctions plus documentaires qui lui reviennent parfois.

La problématique consistera à établir une sorte de constat prospectif sur l'état d'implantation de l'outil Internet dans les bibliothèques. Le sujet étant déjà important, de quelles bibliothèques allons-nous parler au juste ? Le paysage bibliothéconomique est en effet d'une grande diversité, de l'annexe de quartier à la bibliothèque nationale, la comparaison est difficilement envisageable.

Pour répondre à cette question du champ d'étude, nous avons décidé de nous en remettre à la technologie. En effet, nous ne parlerons pas de l'aspect économique de l'entrée sur le Réseau. Nous partons d'un contexte de " réseau acquis ", où la connexion à l'Internet est établie. Ce qui nous conduit à étudier principalement des bibliothèques de grandes écoles, des bibliothèques universitaires, des bibliothèques de centres de ressources, voire quelques bibliothèques municipales assez importantes pour disposer de moyens informatiques conséquents.

Nous étudierons principalement les bibliothèques françaises, mais pour des raisons de prospective, de nombreuses sources étrangères (surtout anglo-saxonnes) seront utilisées. Car l'étude des conséquences d'un réseau mondial implique une mise en perspective mondiale de la profession.

Rappelons-le avant de commencer : ce mémoire ne porte pas sur l'Internet, il porte sur l'évolution d'une profession qui se dote progressivement d'un nouvel outil.

Les potentialités de ce nouvel outil seront bien sûr étudiées, mais dans un contexte professionnel bien précis, et toujours rattachées à des réalités : la logique des techniques sera confrontée à la logique des pratiques. On ne s'attardera pas en détails sur les différents protocoles et logiciels de l'Internet ; le lecteur devra dans ce domaine se référer à d'autres ouvrages figurant dans la bibliographie.

Il s'agira d'étudier en quoi l'outil Internet va changer la profession, au travers de cette trinité que représentent le sujet bibliothécaire, son objet le document, et sa raison d'existence le public.

La base de ce travail a d'abord été fournie par une importante bibliographie, constituée prioritairement de références émanant d'ouvrages et de périodiques français. Nous l'avons ensuite élargie à la littérature étrangère, par certaines références significatives pour la problématique. L'Internet, objet de l'étude, en a été aussi le moyen, puisqu'un important travail de recherche de services et de références a été fait sur les réseaux. Nous avons également beaucoup travaillé à partir des contributions de la liste de diffusion Biblio-fr, ce qui a permis d'introduire au sein de la recherche la parole du principal intéressé : le professionnel. Toutes ces ressources ont été exploitées dans une optique professionnelle, grâce à l'expérience encore modeste de l'auteur : bibliothécaire et visiteur de l'Internet.

Il nous a semblé pertinent de rassembler notre étude autour de deux pôles indissociables, représentatifs des caractéristiques de la problématique : le Réseau tel qu'il est né et tel qu'il se présente en 1996, en tant que contenant et contenu ; les professionnels face à leurs missions, réaffirmées ou changées par l'utilisation de l'Internet.

Nous évoquerons dans un premier temps les conditions d'implantation du Réseau en France. Nous établirons une typologie des ressources bibliothéconomiques, des contenus, véhiculés par le Réseau. Puis les moyens d'accéder à l'information dans ce nouvel environnement seront examinés, car la recherche de l'information est l'apanage du professionnel. Enfin, nous examinerons la réalisation et les projets de réseaux professionnels sur plusieurs plans : régional, national, européen et international.

La deuxième partie sera consacrée à la question de l'identité professionnelle. A quoi doit s'attendre le bibliothécaire, s'il n'y est pas déjà confronté. Celui-ci doit en effet se préparer à acquérir de nouvelles compétences liées à la micro-informatique, à traiter de nouveaux types de documents, et à renforcer certaines missions fondamentales telles que l'accueil et la formation du public, ou encore la médiation entre ce public et l'information.

Au travers de ces différents points, c'est bien sûr la spécificité d'une profession - et par là-même son avenir - qui sera discutée. Toutes ces évolutions touchent prioritairement l'être humain, mais elles se répercutent également sur l'institution : nous examinerons pour finir la possibilité pour une bibliothèque d'ouvrir une annexe " en ligne " sur l'Internet, première étape sur le long chemin de la bibliothèque virtuelle. Un concept annoncé et convoité, objet de bien des fantasmes, qui se retrouvera en filigrane tout au long de cette étude.


Présentation Les origines du Réseau

©Olivier Roumieux, 1996.
Toute reproduction autorisée, avec mention de la source.