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  Après l'acquisition et le traitement des documents numérisés, il s'agit maintenant d'étudier dans quelle mesure la politique de diffusion de l'information d'une bibliothèque évolue par le biais d'un réseau de communication tel que l'Internet.




Accéder ou acquérir




Le prêt entre bibliothèques

Les bibliothèques ne sont plus le sanctuaire fermé sous les traits duquel on se plaît souvent à les représenter ironiquement. Le fonds documentaire potentiel ne correspond plus au fonds physique d'ouvrages et de périodiques proposé par la bibliothèque.

Depuis une vingtaine d'années, la bibliothèque prête des ouvrages et en emprunte d'autres à ses partenaires, grâce aux équipes de " prêt entre bibliothèques ". La diminution des budgets d'acquisition, accompagnée d'une recrudescence de la production éditoriale, a obligé les bibliothèques et centres de documentation à sortir de leurs murs pour accroître leur offre potentielle. Dans ce contexte, l'absence d'une référence dans un fonds n'est plus une fatalité, les organismes ont tenté d'y remédier en se constituant en réseaux de prêts.

Le PEB (Prêt entre bibliothèques) est un service national géré par l'ABES (Agence bibliographique de l'enseignement supérieur) qui regroupe en réseau trois cents centres de ressources documentaires appartenant à l'enseignement supérieur. Son fonctionnement est lié à celui du Pancatalogue. Une fois inscrite, une bibliothèque envoie des demandes de localisation et de prêt d'ouvrages ou d'articles. Une messagerie et un forum d'information en ligne sont également accessibles aux abonnés. Il est à noter que si cette structure a été élaborée pour des réseaux de type X25 tels que Transpac, aujourd'hui elle s'est adaptée aux protocoles et aux logiciels de l'Internet. Ce service de PEB devrait être optimisé dans le cadre du nouveau schéma directeur informatique des universités, le Système universitaire.

Outre ce service, une bibliothèque peut également s'adresser à d'autres fournisseurs d'informations pour pallier aux lacunes de son fonds. Le service de Prêt entre bibliothèques de la Bibliothèque centrale de l'Ecole polytechnique travaille ainsi avec l'INIST (Institut national de l'information scientifique et technique) et le BLDSC (British library document supply center).

La tendance est à la multiplication des fournisseurs d'informations en ligne : à côté de ceux qui fournissent l'information existante sous forme papier, apparaissent des sociétés, des éditeurs traditionnels pour la plupart, qui proposent des documents électroniques originaux ou numérisés d'après les originaux papier.

Dans ce contexte de diminution des ressources budgétaires et de multiplication des fournisseurs d'information concurrents, une question se pose à la profession : vaut-il mieux continuer d'acquérir des documents, ou bien offrir aux lecteurs l'accès à distance à ces documents ?

Les avantages de l'accès en ligne

De nombreux arguments sont en faveur de l'accès en ligne. On peut en effet prévoir que beaucoup, voire la quasi-totalité, des documents seront disponibles à l'avenir sous forme électronique. En outre, les services de prêt entre bibliothèques vont bénéficier dans un avenir proche de la numérisation de la chaîne documentaire : la diffusion de documents se fera bien plus simplement par les réseaux. Il est certain d'autre part que de nombreux documents acquis en bibliothèque ne sont pas ou très peu empruntés ; ceci est vrai pour les monographies, mais surtout pour les périodiques, dont les coûts d'abonnement atteignent parfois jusqu'à 40 000 F le titre. L'accès en ligne permettrait d'obtenir exactement la référence désirée par le lecteur, sans avoir à traiter ni stocker le périodique.

Les risques de l'abandon des acquisitions

Cependant l'accès en ligne et le prêt entre bibliothèques présentent certains inconvénients et risques dont il faut avoir conscience. On connaît maintenant d'après de nombreuses études l'importance du butinage et du hasard dans le processus de documentation des lecteurs. Ceux-ci parcourent souvent les rayons d'une bibliothèque en musardant, sans connaître à l'avance ce qu'ils cherchent, et découvrent des titres qu'ils ne connaissaient pas. Le document électronique, tel que nous le connaissons actuellement, ne permet pas l'irruption du hasard ; il demande une explicitation du demandeur pour être retrouvé. Vider les rayons de la bibliothèque au profit de l'accès en ligne serait ainsi paradoxalement une fermeture de la bibliothèque, un manquement à sa mission de diffusion du patrimoine culturel.

En outre, si toutes les bibliothèques résiliaient leurs abonnements traditionnels aux périodiques papiers, il s'ensuivrait la disparition de nombreux titres et ainsi l'impossibilité même d'en obtenir des copies.

Une anecdote est survenue récemment à l'auteur : un lecteur a demandé à l'accueil de la bibliothèque si nous possédions une revue savante consacrée à l'électricité et datée du début du siècle. Une fois arrivé dans les tréfonds obscurs de la bibliothèque, l'ouvrage en mains, le lecteur s'est ému du fait que l'on puisse encore trouver des exemplaires de cette revue. Même si ce périodique n'avait pas été consulté depuis cinquante ans, il permettait en cette occasion à la bibliothèque de remplir sa mission.

Les bibliothèques font partie en effet des derniers remparts de notre société face à la domination sans exclusive de l'économie. Les bibliothèques ne doivent pas constituer les " chancres mous " d'institutions de plus en plus astreintes au rendement et à l'efficacité économiques. Elles doivent être gérées de la meilleure façon possible, mais sans oublier leurs missions de diffusion des connaissances ; missions qui ne peuvent se couler totalement dans le moule de la rentabilité.

C'est ainsi à chaque bibliothèque d'étudier au mieux son fonds et l'utilisation qui en est faite par ses lecteurs, afin de réorienter sa politique d'acquisition en laissant une place plus ou moins grande aux documents électroniques en ligne. Des distinctions devront être faites entre ouvrages et périodiques (ces derniers se prêtent bien mieux à la communication distante), entre fonds récent et ancien, et entre disciplines.

Le rôle croissant des documents et services en ligne

Une tendance se dessine nettement maintenant depuis un an en ce qui concerne les documents électroniques. Alors que le CD-ROM était le support le plus en vogue au début des années quatre-vingt-dix, pour sa faible taille et ses capacités de stockage impressionnantes, il semble avoir aujourd'hui un avenir beaucoup plus restreint que l'accès en ligne. En effet, si les titres de CD-ROM ne cessent de se développer, parfois même au-delà de toute " raison économique ", tous les grands fournisseurs préparent ou offrent déjà une version en ligne de leurs bases de données. Pour certains analystes, le disque optique compact ne serait qu'un support de transition, avant de pouvoir bénéficier de capacités de communications accrues.

Il faut bien reconnaître qu'au-delà de ses qualités indéniables, le CD-ROM devient difficile à gérer dès que l'on dépasse le cadre d'une simple utilisation mono-poste. La constitution d'un réseau de plusieurs titres de CD-ROM est en fait une épreuve qui fait hésiter beaucoup de bibliothèques. L'installation et la maintenance des logiciels de consultation sont des opérations délicates et les coûts de stockage peuvent s'avérer paradoxalement importants : les abonnements à certaines banques de données scientifiques impliquent le stockage de plusieurs disques par an, chaque disque nécessitant un lecteur, les coûts d'équipement induits par les différents abonnements sont élevés.

De tels problèmes de stockage ne se retrouvent pas lors de la consultation de services en ligne. Les coûts sont plus directs, quoique moins prévisibles. Ainsi on retrouve dans le domaine numérique la même distinction entre l'acquisition et l'accès. Les mêmes précautions devront être prises avant de choisir l'un ou l'autre mode.

On peut parfois panacher les deux solutions. La Bibliothèque centrale propose depuis 1994 l'accès aux Mathematical Reviews sur CD-ROM. Nous comptions élargir notre abonnement pour en proposer l'accès direct à un laboratoire de mathématiques de l'Ecole. Celui-ci s'est renseigné sur les différents produits proposés par l'éditeur American Mathematical Society et devrait finalement opter pour un abonnement forfaitaire via le Web. Cette solution évite dans le cas de ce laboratoire l'achat de tout nouvel équipement et permet ainsi de garder une certaine indépendance par rapport à la Bibliothèque centrale.

Cette anecdote montre un autre risque lié aux documents électroniques et auquel les bibliothèques doivent se préparer : dans la relation entre le fournisseur commercial d'informations et l'utilisateur, la bibliothèque est de plus en plus contournée. Celle-ci doit prendre conscience de cette tendance pour s'efforcer de garder une valeur ajoutée, une place centrale dans la politique documentaire de l'institution.




Des actions innovantes en faveur de nouveaux documents




Cette place centrale sera conservée grâce à des actions innovantes pour renouveler la politique de diffusion de documents. Conserver et innover, telles devront être désormais les préoccupations des bibliothèques. Ces actions consisteront à proposer de nouveaux types de documents selon des moyens toujours plus en accord avec le public.

Des initiatives existent déjà, même s'il faut bien reconnaître qu'elles sont bien plus nombreuses aux Etats-Unis qu'en France.

En 1992, Eric Lease Morgan lançait à la bibliothèque de l'Université de Caroline du Nord un projet de collecte, de traitement et de stockage de périodiques existant sous forme de listes de diffusion. Une sélection de " périodiques " fut faite dans le domaine des sciences de l'information et de la bibliothéconomie. L'acquisition fut automatisée grâce à un petit programme qui filtrait les livraisons au sein du courrier électronique. Les différents périodiques furent " rangés " dans des répertoires distincts du serveur, auquel on put accéder d'abord en FTP, puis grâce à un logiciel Gopher et enfin une interface en HTML fut réalisée pour le Web. Une base Wais permet de retrouver des articles de ces périodiques à partir de mots-clés. Les notices descriptives de chaque titre sont maintenant intégrées au catalogue général de la bibliothèque. Le champ 856 du format USMARC est utilisé afin de proposer à partir de la notice générale un lien vers les collections en texte intégral. Désormais, lorsque l'on interroge le catalogue de la bibliothèque, on peut accéder à ces titres de la même façon que pour tout le reste du fonds. Cette expérience est encore très limitée, son auteur reconnaît d'ailleurs qu'il subsiste des obstacles à sa généralisation, principalement en terme de ressources humaines. Il faut préciser qu'à l'exception du petit script pour trier le courrier électronique, tous les outils utilisés pour le projet sont des logiciels standards que l'on peut télédécharger sur l'Internet.

La Bibliothèque centrale de l'Ecole polytechnique commence aussi à développer des services inédits jusqu'à lors.

L'Institute of Physics offre aux bibliothèques clientes la possibilité d'accéder gratuitement sur le Web au texte intégral des périodiques papier auxquels elles sont abonnées. La Bibliothèque a fait les démarches afin que tout utilisateur d'une machine appartenant au réseau de l'Ecole puisse consulter depuis son bureau les périodiques en question. Il suffira à cette personne d'entrer l'identifiant et mot de passe de la Bibliothèque pour se créer un compte personnel. L'éditeur est très actif dans cette démarche, puisqu'il envoie au moment de l'inscription un dossier d'information avec poster, autocollants et fiches de renseignements. Dans ce cas, l'utilisateur final est visé, mais la bibliothèque joue encore le rôle de pivot dans la diffusion de l'information.

Un autre projet est prévu avec Europériodiques, le distributeur qui détient le marché des périodiques à la Bibliothèque. Cette société dispose d'une base de sommaires, SWETS, qui permet d'obtenir les tables des matières de tous les périodiques distribués. Nous avons obtenu dans un premier temps un mot de passe afin de consulter en ligne cette base. Mais l'accord va plus loin : à la rentrée universitaire 1996, la base devrait être chargée sur notre serveur local, puis mise à jour régulièrement, afin d'en offrir l'accès local à tous les chercheurs de l'Ecole.

Ainsi, à l'occasion de contacts commerciaux, les bibliothèques doivent saisir les opportunités de nouveaux services pour leurs lecteurs.




La recherche documentaire sur l'Internet




Comme nous le constatons tout au long de ce chapitre, le bibliothécaire voit progressivement ses fonctions évoluer, parfois s'élargir, du fait de l'utilisation des réseaux de communication et de l'apparition des documents électroniques. Bien que déjà pratiquée dans certaines bibliothèques universitaires, la recherche documentaire en ligne est plutôt du ressort des documentalistes. L'Internet permet aux bibliothécaires d'offrir ce nouveau service à leurs utilisateurs.

La création d'un nouveau poste, ou l'attribution de nouvelles fonctions à un bibliothécaire, au détriment d'autres, est un choix éminemment stratégique et budgétaire qui ne peut revenir qu'au conservateur de la bibliothèque. Dans le cas de la recherche documentaire, il dépend également du public : une bibliothèque publique ne pourra certainement pas se permettre, en tout cas en l'état actuel des budgets, d'affecter une personne à plein temps sur de la recherche documentaire.

Dans le cas d'un centre de documentation ou d'une bibliothèque universitaire, l'Internet doit être intégré aux autres moyens de recherche documentaires et non s'y substituer : nous pensons aux divers répertoires et index papier, mais également à l'interrogation de serveurs en ligne payants. Encore une fois, l'Internet doit être considéré comme un moyen, et non comme une fin en soi.

La première difficulté de la recherche documentaire sur l'Internet, c'est bien sûr la difficulté de s'y orienter, l'absence de porte d'accès unique faisant office de " table des matières ".

Les moteurs de recherche abordés dans la partie I. 3 doivent être connus et maîtrisés, mais plus que tout, ce sera la pratique et l'expérience du bibliothécaire qui détermineront son aptitude à trouver la bonne information à travers le Réseau.

Une responsabilité collective

Hormis toutes les listes de ressources déjà en ligne, le bibliothécaire peut impliquer l'ensemble de ses collègues dans la constitution d'une liste de ressources commune. Il peut être décidé de fixer des réunions mensuelles (ou plus fréquentes si possible) afin de mettre en commun les adresses découvertes dans les différents domaines couverts par la bibliothèque. Ces adresses pourront être ensuite regroupées et classées dans une page HTML placée sur le serveur interne de la bibliothèque ou du centre informatique. Chaque bibliothécaire pourra y avoir recours à tout moment pour son propre travail ou bien pour renseigner des lecteurs. Ce " détournement " des outils de l'Internet pour un usage interne est ce que l'on appelle depuis 1995 l'Intranet. En effet, tous les logiciels destinés à parcourir l'Internet peuvent être utilisés à des fins de communication interne. Par exemple le logiciel de messagerie Eudora peut servir occasionnellement à contacter des collègues que l'on n'arrive pas à joindre au téléphone. Un établissement peut également envisager de créer une liste de diffusion interne à destination de ses employés pour faire circuler l'information plus rapidement et plus efficacement.

Elaborer une méthodologie

Le bibliothécaire-documentaliste doit établir une méthodologie de recherche rigoureuse. On peut distinguer trois types de questions selon la complexité de l'information requise :

- des questions relatives à des références bibliographiques, telles que la vérification de noms d'auteurs ou de titres d'ouvrages,

- des questions qui amènent une réponse précise et factuelle,

- des questions plus générales sur un sujet, pour retrouver de la bibliographie et des sources.

A chaque question posée, la recherche doit se situer en amont du moyen de recherche, dans le cadre de la bibliothèque : selon le niveau de complexité de la question, un lecteur pourra être renvoyé vers une encyclopédie, un manuel ou une collection de vulgarisation. Le fonds local de la bibliothèque doit être exploité en priorité. Ainsi, pour des recherches portant sur des ouvrages, le catalogue de la bibliothèque devra d'abord être interrogé.

Ensuite, le bibliothécaire saura par expérience quels sont les points forts et faibles du Réseau en fonction des thèmes recherchés. Sans oublier que la réussite de la recherche dépend aussi de critères propres à la personne demandeuse (rapidité, exhaustivité, fiabilité) ; critères dont il faudra déterminer la priorité.

Tous ces paramètres, et bien d'autres, doivent aboutir à une catégorisation précise de la question, et à une méthodologie pour y répondre.




L'accès du public à l'Internet




Dans le cas de la recherche documentaire, c'est le bibliothécaire qui joue le rôle d'intermédiaire entre l'utilisateur et l'information. L'institution bibliothèque a également son épingle à tirer en proposant directement à l'utilisateur un accès à l'Internet.

Plusieurs raisons ont poussé les bibliothécaires et les documentalistes à réfléchir sur ce nouveau service à proposer aux lecteurs. Une réflexion qui doit se dérouler dans une certaine logique :

- si l'on considère que la bibliothèque doit s'efforcer d'approfondir ses services actuels, déjà malmenés par les restrictions budgétaires, alors il est inutile de se lancer dans la voie de documents électroniques dont on ne connaît pas très bien la nature et l'utilisation ;

- si au contraire, on pense que les missions traditionnelles de la bibliothèque poussent à acquérir, traiter et diffuser ces documents, alors la conséquence logique est de réfléchir à l'accès direct du public aux nombreuses informations de l'Internet.

Pourquoi proposer l'accès

La mission principale d'une bibliothèque est d'assurer l'égalité de tous dans l'accès à l'information, la connaissance et le savoir. L'Internet est encore un phénomène élitiste qui ne touche pas tous les ménages : la bibliothèque peut offrir l'accès à certaines ressources électroniques, au même titre qu'elle offre l'accès à de coûteuses encyclopédies. Certains services de l'Internet, de par leur coût, sont en outre destinés à l'usage d'institutions et non de particuliers ; là encore la bibliothèque a un rôle d'intermédiation à jouer. Enfin, la bibliothèque est un lieu de découverte et d'initiation à la lecture aux sciences... L'Internet peut être un formidable outil complémentaire de découverte.

Les points clés de la réflexion à mener

Plusieurs bibliothèques s'apprêtent donc à franchir le pas pour proposer à leurs lecteurs des postes de consultation où ceux-ci pourront librement consulter les ressources disponibles sur l'Internet. Cependant de nombreux problèmes se posent, tous d'une ampleur différente selon le contexte d'implantation.

Pour les bibliothèques universitaires connectées à Renater, la connexion ne pose pas de difficultés ; pour toutes les bibliothèques municipales ou spécialisées, le coût de la mise en réseau peut s'avérer un obstacle délicat. Le déploiement de Renater II, à vocation plus large que son prédécesseur, et la volonté politique de certaines collectivités locales pourraient permettre la connexion de nouvelles bibliothèques dans les années à venir.

L'achat de nouveaux micro-ordinateurs relativement puissants (Pentium) pour un usage public intensif représente également un effort budgétaire important.

L'ouverture d'un nouveau service de ce type implique la préparation de séances de formation pour le personnel et pour le public.

Nous avons évoqué le problème de la formation du personnel dans la première partie de ce chapitre. Mais dans le cas d'un accès au public, le personnel devra être formé à répondre aux questions des usagers, à les guider dans leurs recherches ; ce qui suppose un personnel fortement sensibilisé aux caractéristiques du Réseau.

Pour le public, il s'agira d'organiser des sessions régulières d'initiation à l'utilisation des logiciels de consultation, mais également de sensibilisation à la nature des informations que l'on peut trouver sur l'Internet. Il faut arriver à dépasser l'effet de mode provoqué par l'enthousiasme des médias pour intégrer les postes de consultation dans l'ensemble des services de la bibliothèque. Les postes doivent se fondre dans les salles de lecture, ils ne doivent pas en devenir l'attraction principale. Ces formations pourront donc être l'occasion d'une revalorisation des différents services proposés. Une anecdote est assez éclairante : un jour que nous nous trouvions à la Bibliothèque publique d'information, nous avons rencontré aux postes de consultation une personne qui recherchait le Kompass en ligne. Un autre lecteur était persuadé avoir déjà trouvé ce service sur l'Internet ; nous avions beau expliquer qu'un service à forte valeur ajoutée et payant de surcroît ne pouvait, malheureusement, devenir gratuit du jour au lendemain grâce à l'effet magique d'Internet, le lecteur ne voulait rien savoir. Les recherches furent évidemment vaines et la personne préféra se tourner vers les postes de consultation des CD-ROM qui proposaient le Kompass. Cet exemple montre tout à fait la complémentarité qui peut exister entre différents supports d'information.

La formation doit être l'occasion de quelques rappels sur les droits d'auteur auxquels les documents électroniques ne dérogent pas. L'apparente gratuité du Réseau donne ainsi l'impression que tout ce que tout ce que l'on peut y consulter est gratuit et que tout ce que l'on peut réellement dupliquer gratuitement est utilisable et modifiable sans aucune autre forme de procès. Nous avons évoqué dans la partie précédente (II.2) les questions relatives au droit d'auteur appliqué aux documents électroniques. Tous les points du droit s'appliquant au document (droit de reproduction, de citation, droit moral...) doivent être rappelés.

Un autre problème de nature éthique se pose : beaucoup de bibliothécaires craignent que les postes d'accès n'attirent que des gens " victimes de la mode " et transforment le coin des catalogues en une joyeuse foire branchée. A ce problème en est lié un autre : doit-on laisser l'accès totalement libre au Réseau, au risque de voir certaines personnes consulter des sites douteux, ou bien doit-on n'autoriser l'accès qu'à certains sites seulement, dénaturant du même coup les potentialités de l'Internet ?

" Evidemment nous ne souhaitons pas voir notre médiathèque se transformer en un cyber-café gratuit. Il faudrait donc trouver un moyen pour empêcher l'utilisateur de sortir de certaines limites (service du ministère des Affaires étrangères : OUI, celui de Playboy : NON !) ".

Le problème de la sélection, et par là même de la censure, est un problème délicat à aborder. Dans un contexte où certaines bibliothèques se voient " conseillées " dans leurs acquisitions par l'autorité municipale, les bibliothécaires doivent faire preuve d'une grande vigilance afin que la bibliothèque demeure ce lieu d'ouverture d'esprit qu'elle s'est toujours efforcé d'être.

Les bibliothèques ont toujours été considérées comme des relais de diffusion de l'information. Cette fonction se voit confirmée lorsque la bibliothèque propose un accès public à l'Internet. Celle-ci se retrouve ainsi au milieu du débat sur la responsabilité des fournisseurs d'accès à l'Internet déclenché par la découverte d'images pédophiles parmi des messages diffusés, entre autres, par deux sociétés. Un débat a été lancé par le chapitre français de l'ISOC (Internet Society), sur les degrés de responsabilité des différents acteurs. Si la question est loin d'être tranchée dans les faits, les bibliothécaires doivent dès à présent s'informer sur les tenants et les aboutissants de ce problème et prendre position, par leur réflexions et leurs actes.

Des logiciels existent déjà pour filtrer les pages Web à l'aide de mots-clés afin de bloquer tout serveur pornographique ou " politiquement non correct ". Mais la situation devrait grandement évoluer d'ici peu avec la définition par le W3Consortium d'un nouveau standard pour les serveurs Webs : PICS (Platform for Internet content selection). Chaque service sera noté selon plusieurs critères, ce qui permettra une censure, une sélection pardon, à la carte.

En attendant ces évolutions techniques, la bibliothèque peut fixer par règlement les droits et les devoirs de chaque utilisateur des postes de consultation : plutôt que de restreindre bêtement l'accès, les choses peuvent se dérouler contractuellement.

Si la bibliothèque décide d'offrir un accès à l'Internet à ses utilisateurs, cela suppose qu'elle joue pleinement son rôle de médiateur. Afin de guider le lecteur dans le dédale des services, elle peut constituer une page d'accueil où l'on pourra trouver une liste thématique de liens permettant un bon début de recherche ou de " butinage ". Cette liste pourra comprendre des services institutionnels fiables, mais également des liens plus personnalisés, par exemple en rapport avec des expositions de la bibliothèque. Il faut bien appréhender le travail de mise à jour qu'entraîne la constitution d'un tel index, qui pourra éventuellement être adapté de la liste réalisée en interne par les bibliothécaires.

L'exemple de la BPI

Plusieurs bibliothèques universitaires proposent déjà l'accès à l'Internet à leurs étudiants, mais on recense encore bien peu de bibliothèques publiques. La bibliothèque municipale de Lyon, qui dispose déjà d'un réseau de stockage et de diffusion de documents multimédia, propose ce service à ses lecteurs.

La Bibliothèque publique d'information du centre Beaubourg ne pouvait évidemment pas rater l'occasion d'expérimenter cette nouvelle source d'informations. Depuis le 28 juin 1995 c'est chose faite, avec sept postes de consultation dans la bibliothèque et deux postes dans la salle d'actualité. La consultation est gratuite et en accès libre, sans rendez-vous. Chaque poste est doté d'un logiciel Mosaic qui permet la consultation du Web ainsi que des serveurs telnet, mais les fonctions de transfert de fichiers et de messagerie sont impossibles. Les postes ne permettent pas non plus les tirages sur imprimante et le télédéchargement sur disquette.

Au-dessus de chaque écran, un petit panneau vient rappeler aux utilisateurs que les consultations sont limitées à quarante-cinq minutes et que les jeux et messageries sont interdits. Les postes sont continuellement occupés mais, même un an après la mise en route, on ne peut que constater la persistance du phénomène de mode. D'autant plus que quatre postes ont été curieusement disposés avant l'entrée de la bibliothèque, isolés des salles de lecture, comme si l'on avait voulu les mettre en avant par rapport aux autres supports d'information. Trois autres postes sont installés au premier étage, près des postes de consultation du catalogue et des CD-ROM. Cette disposition est plus judicieuse pour intégrer véritablement l'Internet au sein de la bibliothèque.

La BPI a réalisé à l'occasion un petit guide intitulé " Internet à la BPI " tout à fait clair et dont nous nous permettons de citer les rubriques en exemple :

- ce qu'est Internet,

- Internet à la BPI,

- ce que vous pouvez trouver,

- mode d'emploi,

- formation,

- pour aller plus loin.

Que ce soit pour consulter le catalogue, des CD-ROM ou bien encore des services distants, le micro-ordinateur est de plus en plus présent dans la relation entre l'usager et sa bibliothèque. La notion stricte d'OPAC en est remise en cause. Si celui-ci, au lieu de désigner tout simplement le catalogue local, devenait un véritable outil de recherche, des notices de ressources numériques pourraient être y incluses. Cet élargissement du catalogue " hors-les-murs " demande encore des progrès en ce qui concerne la fiabilité des adresses sur l'Internet et une réflexion sur les missions même de la bibliothèque. Il est néanmoins concrètement appliqué dans quelques bibliothèques, avec dans un premier temps l'inclusion dans l'OPAC de menus d'accès aux CD-ROM possédés par la bibliothèque. L'expérience de la bibliothèque de Valenciennes, dont l'OPAC intègre des illustrations sonores et visuelles, ainsi que l'accès aux CD-ROM, est le sujet de débats sur la nature du catalogue informatisé que doit proposer aujourd'hui une bibliothèque à son public. A l'instar du poste de travail du bibliothécaire, le micro-ordinateur devient le point de convergence de ressources jusqu'à présent disséminées : une sorte de porte unique donnant accès à la bibliothèque et à ses consoeurs, les " bibliothèques numériques ".


Les documents électroniques Les bibliothèques virtuelles


Notes
Cf. partie I. 4 sur la coopération entre bibliothèques.

Les produits de l'ABES (Pancatalogue, PEB, Téléthèses...) ont en fait adopté une offre souple de diversification des modes d'accès : une fois inscrit, le demandeur peut accéder à ces services via Transpac ou Renater.

Maurice B. Line. - Accéder ou acquérir : une véritable alternative pour les bibliothèques ?. - Bulletin des bibliothèques de France, 1996, t.41, n°1, p.32-41.

Nous engloberons dans la partie qui suit les documents obtenus par prêts entre bibliothèques et les documents électroniques réellement obtenus en ligne, ces derniers ne faisant qu'émerger actuellement.

On pourra consulter avec profit cette étude sur les divers comportements que l'on peut rencontrer chez les utilisateurs d'une bibliothèque publique :

Jean-François Barbier-Bouvet, Martine Poulain. - Publics à l'oeuvre : pratiques culturelles à la Bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou. - Paris : La Documentation française, 1986.

Vous excuserez l'image ;-)

Aucune norme internationale n'existe à propos de ces logiciels qui doivent permettre la consultation des données contenues sur le disque. Si l'accroissement des titres a permis une certaine homogénéisation des interfaces, il subsiste encore beaucoup d'" exceptions " qui ne fonctionnent pas sous tel environnement, avec telle configuration...

Là encore les choses évoluent puisque de plus en plus de fournisseurs d'information proposent des forfaits de consultation, indépendants de la durée.

Cf. le produit ScienceBase de Knight-Ridder dans la partie I. 2.

Sans chauvinisme aucun ;-), il faut préciser que les Américains ont eu le temps de prendre conscience de l'Internet et de ses possibilités.

Eric Lease Morgan. - Description and evaluation of the " Mr. Serials " process : automatically collecting , organizing, archiving, indexing, and disseminating electronic serials. - Serials Review, vol..21, n°4, 1995, p.1-12.

Cf. partie II. 2

http://library.ncsu.edu/

http://www.iop.org/

A l'inverse des serveurs commerciaux qui fournissent à leurs clients une abondante documentation sur les banques de données qu'ils abritent et les moyens de les interroger.

Alan C. Benson. - The complete Internet companion for librarians. - New York : Neal-Schuman Publishers Inc., 1995. - p. 321.

Cf. partie II.4 " Combien sont-elles ? ".

Le Kompass est un répertoire d'entreprises françaises.

Demed L'her. - Contribution à Biblio-fr, 8 juin 1996.

L'affaire de la bibliothèque d'Orange a été l'occasion pour l'ABF de lancer tout l'été 1996 une pétition afin de réaffirmer la spécificité des bibliothèques en tant que lieux de culture, d'apprentissage, de divertissement et d'épanouissement ; une spécificité éminemment politique, et non politicienne.

Les sociétés FranceNet et World-Net.

L'Association des utilisateurs d'Internet (AUI) suit tous les développements législatifs concernant l'Internet en France :

http://www.aui.fr/

Netnanny, Cyberpatrol, Surfwatch...

Ce consortium est placé sous la responsabilité conjointe du MIT (Massachussets Institute of Technology) aux Etats-Unis et de l'INRIA en France.

Le butinage sur l'Internet se rapproche du butinage en salle de lecture, quand un lecteur déambule de rayons en rayons pour feuilleter les collections de la bibliothèque, et éventuellement découvrir une référence dont il ne soupçonnait pas l'existence.

Dominique Baude.. - Internet à la Bibliothèque publique d'information : mise en place et premières impressions. - Bulletin des bibliothèques de France, 1996, t.41, n°1, p.56-60.

" Le choix de Mosaic a été fait il y a un peu plus d'un an. Mosaic présentait une fonction kiosque que n'avait pas Netscape qui permet une plus grande sécurité. Par contre très prochainement nous allons changer de browser pour Netscape ou Internet Explorer. " Message de Marie-Annick Chapuis (BPI), 23 août 1996.

" Les quatre postes de l'entrée ne sont pas vraiment isolés car ils sont en face du bureau d'accueil. Ces postes ont été les premiers installés et nous avions pensé que les personnes de ce bureau pourraient mieux surveiller. Parce qu'ils sont à proximité et aussi parce que ces personnes sont un peu plus disponibles qu'aux autres bureaux. " Message de Marie-Annick Chapuis (BPI), 30 août 1996.

OPAC : Online public access catalog ; ce terme désigne habituellement l'interface informatique qui met en relation le lecteur avec le catalogue de la bibliothèque.

Eric Lease Morgan. - Adding Internet resources to our OPACs. - The Serials Review, 21, n°4 (Hiver 1995).

Marie-Pierre Dion. - Une expérience multimédia : le catalogue de la bibliothèque de Valenciennes. - Bulletin des bibliothèques de France, 1996, t.41, n°1, p.47-55.

Cf. partie II.1.


©Olivier Roumieux, 1996.

Toute reproduction autorisée, avec mention de la source.