AVANT-PROJET

Brouillons de projets d'enseignement

Document pour l'élaboration d'une lecture en classe de français de
La Règle du jeu

de Jean Renoir

Ce document est un brouillon : il pose un certain nombre de pistes d'exploitation du film (notamment sur les séquences clés), propose notamment une analyse précise de certains plans de la 1ère séquence du film, des idées pour transposer en classe les savoirs : On ne trouvera ici ni synthèses, ni cours, ni commentaires mais des idées en vue de déterminer un projet d'enseignement fondé sur une problématique d'ensemble.

Comment exploiter le film ?

Il s'agit de travailler essentiellement à partir des images du film et de se servir des outils spécifiques à l'analyse de l'image. L'utilisation du magnétoscope et l'arrêt sur image qu'il permet ainsi que le défilement ralenti paraissent évidemment nécessaires. Pour autant, on pourra, devra se procurer l'édition établie par Olivier curchod au Livre de Poche qui propose le découpage du film (et non son scénario).

Pour éclairer l'analyse de La règle du jeu, on peut montrer le traitement cinématographique particulier de sa réalisation en la comparant avec d'autres scènes extraites de films différents. Des extraits de films de Cassavetes (Shadows) pour montrer d'autres exemples d'utilisation de mauvais cadrages (générique, dans le Cassavetes).
En ce qui concerne le traitement du raccord, on peut montrer la séquence d'ouverture et générique de La Sentinelle de Desplechin. On peut chercher et facilement trouver plusieurs séquences dans des films qui proposent des cadrages nets et bien léchés par opposition à l'esthétique fantaisiste et désinvolte de Renoir dans le film. Même chose pour le traitement des raccords qui mérite une analyse dans La règle du jeu.
On pourra également analyser précisément le générique et le comparer à d'autres génériques chez Renoir, et d'autres réalisateurs.

Instabilité des cadrages, raccords imparfaits, séquences pour ainsi dire traitées hâtivement et débarrassées de toute intention dramatique et de leur charge émotive, traitement particulier de l'intrigue passionnelle à l'image qui constitue un jeu de faux-semblants, de miroir, de comédiens et faux comédiens, de travestissement, de jeux amoureux chez les maîtres comme chez les valets qui dérèglent les rapports humains et leur représentation à l'écran. L'inscription même de Renoir à la fois au générique et dans les personnages, jouant un rôle de marginal bouffon lourd, débonnaire, à la démarche balancée et maladroite comme un ours, voilà autant d'éléments qui permettent d'interroger La règle du jeu comme un dérèglement des conventions cinématoraphiques et des représentations de la passion qui rappelle les dramaturges classiques.

Que peut-on exploiter dans le film ?

Montrer le film en entier et sans critère d'observation ? Quand ? Dans quelle condition? Faut-il préparer les élèves ? Les informer au préalable ? Les guider ?

Au contraire, il peut sembler utile et nécessaire de les laisser réagir et d'utiliser leur réaction pour confirmer, comme on peut le faire lors d'une lecture méthodique, rectifier, infirmer leurs impressions.
Le film est en noir et blanc. L'histoire n'est pas explicitement ancrée dans la réalité mais se déroule souvent dans l'espace clos de La Colinière. Et surtout, il ne correspond plus aux modes de représentation cinématographique modernes : le scénario hollywoodien commercial auquel les spectateurs aujourd'hui et les adolescents sont plutôt habitués.

Mieux, la surprise du spectateur décontenancé par un film qui peut sembler daté en raison de son absence de couleur, de son absence de suspense au sens d'une tension chez le recepteur plus qu'au sens d'une tension dramatique dans l'histoire, etc., toutes ces impressions peuvent sans doute mériter qu'on les analyse !

Les séquences-clés :

Le séquences qui peuvent sans aucun doute servir à mobiliser le plus d'outils d'analyse et servent au mieux le projet initial qui consiste à déterminer dans le film les éléments qui fondent, ont fondés, fondent encore aujourd'hui, sa modernité :

I/ Le Générique :

Il est composé de 11 cartons.

Le 10ème qui indique que "l'action se situe à la veille de la guerre de 1939" n'est pas conforme à la volonté de Renoir (le film a été monté en 1946). L'inscription explicite du film dans la réalité historique est donc erronée !
Ainisi, il peut être intéressant de s'interroger sur la cassette d'analyse fournie dans les CDI avec le film. En effet, l'analyse ici est précisément thématique et historique ! Or, la référence à la guerre est toujours implicite dans le film, si tant est qu'on puisse vraiment la déceler. La séquence de la chasse connote-t-elle l'affrontement, voire la purge nazie ?... C'est douteux.
Toujours est-il qu'on pourrait travailler le monolithisme de cette analyse avec les élèves.

Les cartons des listes des personnages est également intéressant à revoir : En effet, on voit un double carton. Un carton pour les hommes. Un autre pour les femmes. Déjà, le générique pose le problème que le film va représenter. Les relations amoureuses et leur perturbation.

Le carton d'exergue de Beaumarchais situant l'intrigue dans un contexte littéraire libertin est évidemment à revoir. D'autant qu'il fait raccord avec la séquence suivante consacrée à l'arrivée de Jurieux, voltigeur jusqu'à la séquence du meurtre !
Evidemment, la musique.

II/ La 1ère séquence : Aérodrome du Bourget. Extérieure nuit.

Cette séquence montre diverses techniques de réalisation qui s'écartent des codes de représentation classiques du cinéma avant et même (surtout ?) après 1936, jusqu'à la redécouverte de Renoir par les réalisateurs de la  Nouvelle Vague, notamment Truffaut.


1. Les déplacements et itinéraires du regard : ils contrarient l'itinéraire habituel (De la droite  vers la gauche au lieu de la gauche vers la droite).
Plan 1
: Le personnage masculin, technicien ? Caméraman ? Double de Renoir ? On pourrait facilement le confirmer : une simple planche BD pourrait suffire.Le
hors champ suggéré sur la gauche du technicien est, l'image suivante, évacué pour laisser place à un travelling latéral droit vers l'événement :   l'arrivée de Jurieux.

2. L'espace : il montre une grande confusion. Grande proximité de la caméra. Foule oppressante + élément discordant : à l'attérrisage de l'avion, un homme dans la foule rie et s'amuse alors que la tension est grande !!

3. Sons : Brouhaha, retard de l'apparition de la reporter par rapport au discours.

4. Raccord : il est "mauvais" : Le fil du micro n'est pas suivi par la caméra jusqu'à la femme, mais saut de l'image !

4. Hors champ et profondeur : aucune profondeur de champ. Le hors champ suggère, mais le plan rompt l'attente du spectateur. De même, à la fin du film, la mort est vue "en direct" puis on assiste à son commentaire officiel par le marquis de La Chesnaye qui détourne la réalité et subvertit la vérité des faits.

5. Discordance génrique entre le reportage d'actualité et le manque de visibilité dans l'image, de lumière, le manque de stabilité des cadrages. Plan sur le front, le menton de la femme, du flou, du dérèglement comme d'ailleurs les miniatures de Robert, qui marchent mieux lorsqu'elles sont déréglées !

6. Même discordance relevant d'une intention ironique quand l'avion attérrit : Plan 2 : Au lieu d'un traitement héroïque et romanesque, la scène est rapidement traitée, vite évacuée. Il y a peu de lumière. La scène semble bâclée, expédiée et, finalement, inintéressante ! La bande son fait d'ailleurs entendre un bruit de mauvaise suspension, de pétarade : l'événement n'a pas l'ampleur qu'il semblait devoir avoir.

7. Une duplication de la caméra : L'une au ras du sol, voire enterrée, l'autre suspendue et offrant sans doute une meilleur visiblité. C'est pourtant avec la première que Renoir réalise la scène qui montre Jurieux, Octave et la foule de curieux. Effet de miroir ! Ironie !

8. Faux raccord de nouveau : un homme dans le plan 6 apparaît à l'arrière, passe par un côté. Puis changement d'axe de la caméra de 90%. Plan sur Jurieux qui dit être malheureux. On découvre alors l'homme : il contrarie l'itinéraire de déplacement initial, son déplacement n'est pas cohérent !

Même séquence, 7ème plan : Intérieur nuit. hôtel particulier :

1. Raccord sonore invaisemblable : pas de variation du son de la voix radiophonique qui devrait être moins audible !

2. Objet : La TSF n'a pas de fond. On voit le fond du décor. Les coulisses comme dans la séquence suivante...

3. Espace et symbolisme : Gueule d'ours/ Octave. Le miroir n'a pas le reflet qu'il devrait avoir. Celui du fond de la pièce devrait refléter...la caméra !

4. La mise au point est faite sur le fond de la pièce et non sur Christine!

Retour sur L'extérieur Nuit :

1.  L'intérêt dramatique détourné : Plan 8 : Bilan de l'ingénieur de chez Caudron  (Zobanda) : la prouesse de Jureiux est due à la mécanique : l'enjeux des mécanismes psychologiques dans l'intrigue !

Bilan de Jurieux : négatif. Et incohérence : Parole de Jurieux :"J'oserais jamais plus me montrer devant elle" Or il s'y montrera !

 

II/ Séquence suivante : Hôtel particulier, appartement de Christine. Intérieur nuit.

La séquence est intéressante : à noter ici le jeu des miroirs et surtout la divulgation d'un envers du décor !!!
En effet, un arrêt sur image montre qu'un des miroirs n'a pas de fond et laisse apparaître... un homme !! un homme dans la coulisse ? un technicien sur le plateau ? Renoir ? L'amant ?...
Fantaisie ? Désinvolture ? Intention d'auteur ou maladresse ? Evidemment, des informations seront nécessaires ici : Renoir, réalisait plusieurs versions d'une même scène et choisissait consciencieusement celle qui lui convenait !!

III/ La séquence de l'accident de voiture
Pour en étudier la dérision : le suicide de Jurieux a une valeur émotive zéro. On peut facilement trouver dans le cinéma d'autres séquences de conduite et d'accident de voiture traitées avec plus de réalisme et de vraisemblance.

IV/ La Partie de chasse serait évidemment à analyser de près.
Sans doute pas exclusivement pour y voir une image du génocide historique.

V/ La séquence de la danse macabre également.
Pour, notamment, montrer que le divertissement mondain est constitué d'un dérèglement du jeu.

VI/ Les figures burlesques et personnages paratopiques : Octave, Marceau, sur qui d'ailleurs se termine le film.

 

BILAN

L'inconsistance et les dérèglements techniques procèdent donc d'un jeu à partir du thème du dérèglement psychologique des personnages : Jurieux, Christine, Octave, Lisette... Maîtres mais aussi valets !

Un projet d'étude possible, donc :

Le jeu des passions, ses règles, et ses dérèglements, principe de subversion des codes de la représentation, et enfin de résolution des conflits chez les personnages.

 

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