2 - Uru - Terres Interdites


Une ombre se faufila entre les maigres buissons qui couvraient les falaises du lagon de Mo-Aetl.

A peine révélé par le quartier de lune qui teintait l'eau d'un azur argenté, un jeune homme s'avançait vers les à-pics à la faveur de la nuit...

Uru était un parfait exemple de la singularité d'apparence qui règnait parmi les Azeru pour un oeil étranger. Grand et élancé, la peau couleur terre d'ombre, une chevelure rouge-brune contrastant avec le flamboyant éclat doré de ses yeux. Sa voix pouvait évoquer le chuchotement d'un ruisseau comme le grondement d'une trombe déchaînée. Son regard reflètait à merveille son caractère : vivant, impulsif et fantasque, Uru n'était pas le plus facile à vivre des jeunes de son clan. Il était totalement différent de ses parent, qui eux-mêmes n'avaient guère de ressemblances avec les leurs. C'était ainsi, les Azeru naissaient, vivaient et achevaient leur vie dans la douce et créative fantaisie des Ancêtres...

Les environs vibraient avec douceur, en harmonie avec le fredonnement de la bête aquatique qui reposait dans les profondeurs du lagon.

C'était un chant brut, et on ne pouvait guère en retenir la moindre mélodie. Mais la façon dont il résonnait fascinait Uru qui, régulièrement, se glissait de nuit hors du domaine des Azeru Ne-Raï pour s'infiltrer dans les terres des Azeru Aetl. C'était évidemment défendu : prendre le risque de tirer les Ancêtres de leur sommeil était un absolu tabou.

Lors de l'une des ces maraudes nocturnes, Il fût le témoin du plus étrange des spectacles...

C'était une nuit d'été, claire et baignée d'une agréable chaleur, Uru s'était enhardi et était descendu au pied des falaises pour se plonger dans l'intensité du chant de l'Ancêtre.

Il était resté de longues heures à regarder les étoiles, tout son être était bercé par le fredonnement ambiant...

Soudain, il avait senti son coeur s'arrêter - Au moment ou la vibration s'était tue.

Comme paralysé, il s'était tout d'abord demandé si Mo-Aetl ne s'était pas réveillée. Mais après quelques instants de silence, il avait recouvré ses sens et sa théorie lui avait semblé assez improbable. Par réflexe, il s'était prestement hissé sur une corniche pour se dissimuler et s'était mis en écoute, l'esprit ouvert au subtil équilibre élémentaires de l'île. Il n'avait pas senti de dissonnance.

Mais quelque chose se déroulait dans les ténèbreux tréfonds de l'onde.

Après quelques instants qui lui avaient semblé interminables, la surface des eaux au coeur du lagon s'était mise à onduler... Des cercles concentriques s'étaient dessinés les uns après les autres, puis s'étaient lentement rétractés en un seul point...

Enfin, dans un léger clapotis d'eau, une colonne aqueuse s'était formée et une silouhette aux singulières formes s'y était élevée, comme poussée par le souffle de Mo-Aetl.

Intrigué, Uru était resté à contempler l'apparition de la créature jusqu'à cet instant ou il avait fini par saisir ses contours et deviner sa forme.

Une Lamia!

Aussitôt, Uru avait entrepris ce qui lui semblait le plus raisonnable en ces conditions : s'éclipser.

L'île comptait déja un petit nombre de semblables créatures. Nées de Turundr, les lamias étaient des créatures à l'apparence demi-humaine. Demi seulement car si la partie supérieure de leur corps était effectivement celle d'une femme à la peau de roche, la partie inférieure, elle, se composait d'une longue et puissante queue serpentine aux écailles brunes.
Ces lamias menaient une vie réclusive dans les ravins les plus sombres du territoire Azeru Turundr. Les doyens des quatre clans s'accordaient à dire que les rencontrer était hasardeux car leur caractère était difficile. A l'extrême opposé des autres rejetons des Ancêtres, des bêtes qui semblaient apprécier plus que toute autre chose la compagnie des Azeru.
Uru savait de par les confidences d'Ophir, son doyen, que l'existence des hostile lamias avait une raison : leur naissance faisait suite aux conflits qui avaient un temps rongé le clan Azeru Turundr et affecté le Patriarche Varan. Ces lamias étaient nées de la discorde, nées pour exorciser les différends au sein du clan.

Mais tout aussi prudent que pût être Uru, sa dévorante curiosité lui avait commandé de rester sur place et voir à quoi pouvait réellement ressembler cette créature infantée par l'esprit de l'onde...

Il avait rapidement gravi la falaise en essayant de profiter des anfractuosités naturelles de la roche pour rendre sa progression la plus discrète possible. Arrivé sur le bord du plateau rocheux qui surplombait l'étendue de mer, il s'était dissimulé dans l'ombre d'un buisson déssêché et avait rivé son regard vers la gracieuse forme qui finissait d'émerger des flots...

Cette nuit-là, le clair de Lune ne lui avait accordé d'elle qu'un fugace aperçu. Uru n'avait eû d'autres certitudes que le fait qu'il s'agissait bien d'une lamia. Mais de formes à cent lieues de celles qu'il s'était imaginées lorsque les lamias de Turundr lui avaient été décrites...

 

1 - Uru - Prémonitions de Guerre
3 - Uru - Graines des sangs purs