3 - Uru - Graines
des sangs purs
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Il était resté trois nuits à ressasser cette découverte
et à se demander s'il était sage de retourner en territoire Azeru
Aetl.
Mais une fois de plus, sa mordante curiosité eût raison de ses
hésitations. Il décida alors de continuer ses sorties nocturnes,
mais avec pour priorité de chercher à en savoir un peu plus sur
la mystérieuse lamia.
Le soir même de sa décision, il partit pour le lagon. La nuit
était claire, Uru songea que cela pourrai lui jouer des tours si la lamia
était sur ses gardes.
Arrivé à proximité des falaises, il se mit à l'écoute
des échos portés par le vent. Le chant de Mo-Aetl, modulé
et profond, faisait frémir la nature environnante. Rien ne semblait troubler
la sérénité de ce lieu. L'azeru, rassuré, reprit
sa progression, prenant bien soin cependant de se fondre dans les ombres de
la végétation qui persistait dans ce milieu rocailleux.
Il se figea soudain, ferma les yeux et tendit à nouveau l'oreille.
Une mélodie donnait l'écho à Mo-Aetl.
Uru perçevait par moment une voix menue qui se modulait en accord avec
les longues notes de la Matriarche Vouivre.
Intrigué, le jeune homme reprit sa progression jusqu'à atteindre
l'à-pic.
Au fur et à mesure qu'il approchait du lagon, la voix étrangère
se faisait sensiblement plus nette. A plat ventre au bord des hauteurs, Uru
scruta les eaux sombres du lagon mais n'y discerna rien d'inhabituel. Il hésita
un instant avant de s'avancer pour inspecter les flancs escarpés de la
falaise.
Plus loin en contrebas, là ou la roche et l'onde s'embrassent, il vit enfin ce qu'il recherchait : la lamia.
Il n'y avait plus le moindre doute : la voix claire qui accompagnait le fredonnement de Mo-Aetl provenait de la créature. Elle s'était installée dans un creux de la falaise, sur une petite plage de sable humide. Allongée à plat ventre, les coudes plantés dans le sable, sa longue queue enroulée sur elle même, elle ne semblait faire autre chose qu'accompagner le chant de l'Ancêtre en contemplant l'océan.
Uru put enfin se faire une plus nette idée de son apparence. Elle paraîssait bien plus humaine que les rocailleuses lamias de Turundr, et à cette distance, elle aurait aîsément pu se faire passer pour une azeru si il n'y avait eu cette queue de serpent.
Il se retrancha dans les fourrés et commença à réfléchir à quelque discret moyen de l'approcher pour la voir de plus près. L'idéal était de descendre la falaise par l'une des facades opposées à la plage ou s'était établie la lamia, puis de s'avancer à la faveur des crêtes rocheuses qui parsemaient le bord de l'eau.
L'escalade sur ce pan serait assez délicate, mais Uru avait toute la nuit devant lui.
Il entama sa descente avec d'infinies précautions, la paroi rocheuse était assez éloignée de la plage, mais Uru ne doutait pas un seul instant que la créature puisse avoir l'ouïe fine. Après une dizaine de minutes de varape laborieuse, il atterrit souplement sur la roche humide qui bordait les eaux du lagon.
Les chants de Mo-Aetl et de la Lamia continuaient de résonner dans l'air. Uru commença sa progression vers la plage de la demi-humaine. Il entreprit de longer le pied de la falaise, réduisant petit à petit la distance qui le séparait de l'objet de sa curiosité. C'est à une vingtaine de mêtres qu'il s'immobilisa brusquement, à couvert derrière un large roc tapissé d'algues sêches.
La créature s'était tue. Uru crut un instant qu'elle l'avait repèré.
Le chant de Mo-Aetl continuait de résonner inlassablement, à peine ponctué par les cris d'oiseaux nocturnes et rythmé par le bruit régulier des vagues se brisant sur les rocher.
Le jeune homme se tint prêt à bondir hors de sa cachette pour fuir.
La lamia se redressa avec douceur, s'étira ensuite langoureusement, laissant la lueur de la lune éclairer sa nudité.
Uru fut déconcerté par la finesse de ses traits. Menue, d'apparence jeune , sa peau pâle avait les nuances de la nacre et ses yeux étaient deux étoiles d'un bleu intense. Sa chevelure était semblable à une rivière argentée, avec pour seuls ornements quelques plumes d'ara côtier bleues et roses.
Elle scruta brievement les environs et se laissa porter dans l'eau du lagon par les ondulations de sa queue reptilienne sur le sable.
Le jeune homme s'abandonna un instant à la contempler alors qu'elle nageait avec la fluidité d'une anguille.
Il vit l'éclat de ses écailles rejoindre le centre du lagon, la ou il était dit que Mo-Aetl reposait, puis elle sembla disparaître dans les profondeurs. Sans doute était-elle descendu rejoindre la Grande Vouivre.
Uru resta un long moment à guetter le retour de la lamia. Mais elle
ne réapparut pas, et il se décida finalement à rejoindre
le camp des Azeru Ne-Raï, espèrant que son père n'allait
pas émettre quelques bizarres extrapolations sur les raisons de ses escapades
nocturnes...
1 - Uru - Prémonitions de
Guerre
2 - Uru - Terres Interdites