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Comité Cambodgien de Vigilance
pour l'application de l'Accord de Paris sur la paix au Cambodge du 23 octobre 1991

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Analyse du 15-11-98
Lettre du 20-09-98
Lettre du 15-09-98
Autorité transitoire
Livre blanc

Paris, le 15 septembre 1998

A Son Altesse Royale le Prince Norodom Ranariddh, Président du FUNCINPEC
A Son Excellence Sam Rainsy, Président du PSR

Altesse Royale,
Excellence,

La crise politique consécutive aux fraudes électorales et au refus de Hun Sen et des instances concernées d’examiner vos plaintes, place vos partis devant des pressions très vives et des choix extrêmement difficiles. Sachant qu’aucune option n’est parfaite, le CCV tient à vous apporter toute sa sympathie et ses encouragements, en ce moment où il vous incombe de prendre des décisions cruciales.

Nous comprenons que vous devez être très partagés entre la coalition et la place dans l’opposition, avec leurs avantages et inconvénients respectifs. En cette occasion particulière, veuillez nous permettre de vous exprimer succinctement quelques points de vue, en tant que comité des citoyens khmers qui soutiennent fermement les valeurs que vous défendez auprès de notre peuple.

1. Malgré les fraudes, vos partis ont obtenu la majorité des voix et en représentants majoritaires, vous avez mené le combat contre l’injustice et le vol de vos sièges. Votre énergie a trouvé un immense écho auprès de notre peuple. L’ampleur de sa manifestation a une dimension historique, révélant la lame de fond qui pourrait porter loin vos partis. Ce peuple qu’on croyait résigné, a fait preuve d’un ressort extraordinaire, et son courage n’a d’égal que son potentiel patriotique, sa volonté de changement, sa confiance renouvelée en vous. Nous pensons que ce capital inouï, rare dans l’histoire de notre pays, mérite d’être attentivement cultivé et fructifié avec soin et précaution, pour la victoire de vos partis.

2. La confiance et l’espoir d’un peuple vous investissent en même temps d’une grande responsabilité, celle de réussir, et celle, surtout, de ne pas faillir et décevoir. Après tant d’échecs et de déceptions, ce peuple a besoin de leaders de caractère pour continuer à croire. Notamment lorsque, au cours de ces manifestations, les fraudes étaient décriées comme intrinsèquement liées à un régime et à un dirigeant - qu’il rejette - il pourrait ne pas comprendre une éventuelle coalition avec un homme honni, non sincère, machiavélique, sanglant et indésirable qu’il vient de dénoncer. Il pourrait aussi ne pas apprécier un pacte qui ne pourra qu’être une reproduction exacte de la récente malheureuse expérience, un cruel souvenir d’échec de la théorie du noyautage.

3. La stratégie de Hun Sen mise toujours sur le manque de résistance et de cohésion de l’opposition dans la durée (son porte-parole l’a prédit le jour où vous avez commencé à protester). Au cours de ces journées de ferveur, vous êtes devenus les symboles de la détermination et de l’espoir. Il serait difficile d’expliquer à ce peuple un éventuel revirement - compris comme un reniement - à trois semaines d’intervalle, auquel cas, l’allié en retirera la certitude plus grande qu’il vous aurait à coup sûr à l’usure. Cela pourrait créer une infériorité psychologique et politique fatale. Votre résistance, par contre, forgera le respect de l’adversaire, cristallisera la foi et la volonté populaires. En maintenant votre exigence, vous initiez un leadership de caractère qui renforcera la confiance nationale et internationale. Certes, vous prendrez le long chemin de combat, mais un chemin vers la solide compétence nationale et la lumière. Votre combat posera les fondations d’une base offensive, tremplin vers votre victoire.

4. On sait que la proposition de Hun Sen n’est que de circonstance et n’a rien de conforme avec l’intérêt national comme il le prétend. L’alliance est destinée à légitimer son pouvoir tout en étouffant, anesthésiant, divisant l’opposition, pour la détruire à terme (comme il l’a fait de 1993 à 1998 avec SE Sam Rainsy et SAR Norodom Ranariddh). Hun Sen vise même, ultérieurement, la monarchie. Notre peur est sa force. L’unité de l’opposition, quelles que soient les divergences internes momentanées, nous paraît vitale pour l’avenir de notre peuple comme de vos partis. Sans elle, vous avez été " battus " à ces dernières élections. Sans elle, les autres partis (créées par des personnalités de vos partis) ont été laminés. Sans elle, le Funcinpec et le PSR pourraient connaître eux-mêmes, tôt ou tard, des jours dramatiques. Mais avec elle, la majorité du pays et du monde vous soutiendra et la possibilité d’une alternance sera plus réelle.

5. Hun Sen et certaines puissances brandissent le spectre de " crise ", " d’instabilité née du refus de l’opposition ", pour faire fléchir coûte que coûte. Si après être fraîchement bafouée, et après avoir contre-attaqué, l’opposition accepte désormais d’aller leur tenir le paravent de légalité, notre peuple sera désorienté, ne sachant sur quel leadership crédible compter. Serait-il bon de se presser à présent aux portes du pouvoir ? Mandela n’a pas gagné en Afrique du Sud en un mandat. La base consultée serait bien heureuse de donner démocratiquement la réponse urgente exigée par Hun Sen pour son échéance du 24 septembre.

6. Nous voyons mal la possibilité pour le Funcinpec, seul face à Hun Sen plus que jamais tout puissant, d’avoir des initiatives gouvernementales conformes à sa politique. Pire qu’au temps du bicéphalisme, il aura à entériner, subir, exécuter les ordres et la mauvaise politique, tout en se faisant dissoudre par les manœuvres les plus éhontées. Pendant ce temps, le PSR isolé subira le libre acharnement du PPC.

7. A l’opposé du compromis - vu d’aucuns comme une compromission - la voie d’opposition sera, nous en sommes conscients, très dure, et comportera des risques, du fait de l’Etat de non droit, comme l’a dit Sa Majesté le Roi. Le peuple qui a choisi le changement, vous a adoptés comme guides. Avec sagesse et détermination, il saura certainement alors vous épauler dans vos épreuves, de concert avec la conscience internationale qui saura bien reconnaître, le moment venu, les dignes défenseurs de la liberté d’un peuple.

8. Nous pensons, comme beaucoup, face à ce blocage politique, qu’il ne serait pas insensé de promouvoir un gouvernement transitoire ayant pour mission de faire désescalader la violence institutionnelle et sociale, et de préparer à terme des élections réellement libres.

Altesse Royale,
Excellence,

C’est avec une profonde sincérité, dénuée de toute prétention, que nous vous adressons ces lignes comme contribution à la réflexion sur un sujet vital, car nous nous sentons très concernés par votre action. Notre franchise se veut solidaire. Nous vous prions de bien vouloir accepter nos vœux respectueux pour le plein succès de votre mission nationale.

Sen Iun

Président du CCV

 

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   Dernière modification : 04 novembre 1998