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Comité Cambodgien de Vigilance
pour l'application de l'Accord de Paris sur la paix au Cambodge du 23 octobre 1991

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Lettre du 15-09-98
Autorité transitoire
Livre blanc

CAMBODGE : LA FIN D'UNE ESPERANCE

Paris, le 15 novembre 1998

Le retour précipité du Prince Ranariddh à Phnom Penh, avant le départ prévu du Roi pour Pékin, fut déjà en soi un mauvais signe. L'annonce du ralliement du Funcinpec à l'appel du PPC pour former, seul sans le PSR, une coalition gouvernementale, a sonné la fin d'une espérance. Elle a jeté dans le désarroi ceux qui récemment descendirent dans la rue, au prix de leurs vies, pour répondre à ses appels, et qui commençaient à espérer.

La pression du PPC et l'appel du pied de son président en direction de Ranariddh, ont donc joué. L'intervention extérieure, surtout japonaise, a été décisive. Le maillon faible ayant cédé (voir nos communiqué du 9/9/98, lettre du 15/9/98 et lettre du 20/9/98), l'opposition a explosé. On n'avait pas misé sur l'infaillible unité Funcinpec-PSR, mais l'apparence de concertation entre les dirigeants des deux partis soumis au même danger, avait un moment entretenu quelque illusion. Hélas, l'éclaircie fut de bien courte durée. On finit vite par revenir à la réalité : ce n'est pas la première fois que le Prince Ranariddh abandonne ses alliés de combat. Il est trop tôt pour évaluer l'impact de son choix auprès de l'opinion cambodgienne, mais la surprise causée risque d'hypothéquer l'avenir de son parti et le sien propre. Du fait de sa filiation royale, le prince Ranariddh pourrait même engager la royauté sur une pente glissante, s'il échouait cette fois-ci encore, dans sa collaboration avec le PPC. Pèse alors sur son épaule la double responsabilité de fils du Roi et de chef de parti royaliste. Une défaillance risquerait de lui être fatale.

Son revirement, après les tonitruantes conditions posées au PPC, il y a à peine une semaine, ne peut s'expliquer que par le manque de moyens et de volonté politiques ou, plus grave, par l'absence d'une stratégie politique adaptée, au Funcinpec - probablement aussi au sein de l'opposition. Ce manque de solidité (ou de caractère) détruit encore plus sa crédibilité aux yeux de la communauté internationale qui se plaignait avec raison de ne pas trouver d'alternative valable au régime de Hun Sen. Le Funcinpec aura désormais un rôle difficile. Traité avec condescendance par ses alliés PPC plus forts, il n'aura plus d'amis sûrs pour l'aider à se sortir d'une éventuelle et très possible pression. Il sera une proie facile pour le PPC. Comment alors aura-t- il les ressources d'imposer (ou simplement promouvoir) son programme auprès du PPC ? Portant la responsabilité d'avoir affaibli gravement l'opposition, réduit au pâle rôle de second sans réel pouvoir, le Funcinpec pourrait vite perdre son auréole d'antan en n'inspirant plus confiance.

De ce marchandage, que peut-on noter qui puisse augurer de l'avenir ? D'abord, le PPC n'a fait aucune concession notable. Avec quelques postes ministériels et à l'Assemblée nationale, au sein d'un système verrouillé, le Funcinpec ne fera pas le poids. Il sera plus figurant qu'il n'exercera un pouvoir réel de stimulation vers le droit et la démocratie. Les pouvoirs clés et l'organisation administrative appartiennent toujours au PPC. L'Etat de droit n'est pas près de naître au Cambodge où l'on peut inventer à tout instant, et à sa guise, Sénat ou autres organes et prétextes non prévus par la Constitution, pour satisfaire l'exigence du pouvoir total entre les mains du PPC. Que valent ces quelques amnisties entraînant de facto l'acceptation des crimes commis par le régime sur les personnes qui ont donné leur vie pour l'opposition ? De simples cadeaux mineurs pour permettre de sauver la face et arracher l'adhésion. Il n'est même pas exclu que, en contre partie, Hun Sen n'utilisera le reste de sa panoplie d'accusations contre d'autres opposants, notamment le PSR.

Alors que la solution constitutionnelle logique consistait à renvoyer (nouvelles élections) les gouvernants PPC responsables des crimes devant le peuple de plus en plus conscient, pour débarrasser le pays du pouvoir totalitaire, la faiblesse du Prince Ranariddh permet au PPC de reprendre souffle, tout en anéantissant ses propres armes de combat : l'opposition et son unité. De ce fait, le Prince vient de faire fondre le précieux capital de sympathie qui, de par le monde, était en train de se mobiliser pour venir à son secours. Une faute que la politique pardonne rarement, mais que la jeunesse d'expérience considère trop souvent avec légèreté.

De son côté, le PSR, fer de lance de l'opposition, se trouve pour le moment seul, marginalisé. Sam Rainsy ne sera sans doute pas invité à " réformer le système de l'intérieur " et devra prendre son mal en patience pour imaginer une démarche de rechange : vers une opposition responsable, active, mûrissante et prudente ? Il pourrait être contraint à une longue traversée du désert, mais une telle option pourrait lui être rentable à terme, comme étant unique challenger pour une démocratie libérale. Alors le PSR pourrait, dans l'Assemblée Nationale, jouer un rôle politique intéressant, d'observation et de contrôle, vis à vis du tandem déséquilibré, promis à des tensions perpétuelles. Il aura le temps nécessaire pour faire valoir sa doctrine à travers le pays, mieux se faire connaître à la campagne, agir pour convaincre, tout en continuant de se construire, de s'organiser, de se structurer et de se consolider, en direction des prochaines élections. A condition que la dictature ne s'installe pas d'ici là au Cambodge ! La grande question est, toutefois, de savoir si le tempérament de Sam Rainsy pourra s'accommoder d'un cadre politique étroit et de la " langueur " d'une vie politique marginalisée.

Osons tout de même imaginer que, se rappelant sa malheureuse expérience dans le gouvernement bicéphale, le Funcinpec fera preuve d'assez de caractère pour tirer les leçons de l'échec, et pour être pleinement conscient que son alliance objective avec le PSR reste à l'ordre du jour pour la survie des deux partis. Un bon niveau d'indépendance du Funcinpec vis à vis du PPC pourrait alors nous autoriser à dire que tout n'est pas totalement perdu.

Le temps d'une législature n'est pas trop long pour les bons démocrates qui veulent se ressaisir, élaborer une stratégie politique, acquérir l'expérience du terrain, et apprendre la pratique de l'unité. [fin]

 

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   Dernière modification : 23 novembre 1998