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Comité Cambodgien de Vigilance
pour l'application de l'Accord de Paris sur la paix au Cambodge du 23 octobre 1991

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HUN SEN ET SON CANON A EAU

Paris, le 9 septembre 1998

Hun Sen a innové ses moyens de répression : le canon à eau, qu’il a ajouté à sa panoplie des armes (armes à feu, bâtons électriques, torture…). On pourrait presque le "remercier" d’avoir bien pris conscience de l’ampleur du mouvement démocratique pour ne pas oser faire couler trop de sang, face à 15 000 manifestants pacifiques. Nouveauté aussi : des bonzes malmenés dont un tué parmi les deux morts connus.

Mais le reste est inchangé : la nature de " l’homme fort " et ses méthodes politiques.

  1. L’homme est à l’image de ce barbare terrorisme, de ces coups de bâtons électriques et de ces balles gratuites contre la foule, les étudiants, les bonzes en prière. Qui peut oublier l’image de cette menue jeune fille tombant sous les coups de crosse, puis se relevant avant de pouvoir s’échapper à vive allure ? La cruauté aveugle de ces troupes de choc sans état d’âme reflète la nature de leur chef. Elle traduit la vision politique de cet homme, depuis ses débuts avec les Khmers Rouges, avec les occupants vietnamiens, en passant par les assassinats des opposants et journalistes, jusqu’au coup d’État avec meurtres et liquidations extrajudiciaires. Il n’y a aucune raison que cette cruauté, étalée devant des milliards de personnes et qui déshonore notre pays, ne continue pas d’ensanglanter la vie politique intérieure. Le peuple capitalise ces crimes et demandera justice.
  2. La duperie de Hun Sen s’est révélée une fois de plus au grand jour. N’a-t-il pas déclaré publiquement qu’il n’interviendrait pas si les manifestations resteraient pacifiques ? C’était pour endormir la foule, pendant que le diable tramait le complot. Mensonges et arguments fallacieux font partie de son dictionnaire politique.
  3. L’opération de Hun Sen contre Sam Rainsy est un coup classique connu. Il est cousu de fil blanc, comme d’autres coups qu’ont vécus Sam Rainsy, le prince Sirivudh, le prince Ranaridh, et des généraux, journalistes, opposants politiques disparus. Deux grenades ont été destinées à créer un prétexte. Aussitôt, Hun Sen ordonne lui-même l’arrestation de Sam Rainsy, sans que la justice mène l’enquête, sans que le ministère de l’intérieur concerné soit saisi. Hun Sen est au-dessus de la loi ; il dicte la loi et son coup vise un objectif précis (Sam Rainsy et pas Ranaridh qui est aussi un des chefs de l’opposition). Pas de justice, ni de loi au Cambodge : c’est de la dictature au plein sens du terme.
  4. L’autre technique de Hun Sen est la démarche maximaliste : prendre l’initiative, exiger beaucoup pour se contenter à la limite de moindre. S’il ne peut éliminer Sam Rainsy pour l’instant, il impose de négocier à partir de ses contreparties : l’arrêt de la manifestation, la concession de l’opposition, ou le prétexte à la répression (je laisse tranquille Sam Rainsy, vous cessez la manifestation, sinon…). C’est la technique du communisme vietnamien, et Hun Sen l’a toujours utilisée pour l’emporter devant le manque de résistance des " démocrates libéraux ". Certes l’intervention du Roi, des ambassades étrangères, de la mission de l’ONU a pu extraire Sam Rainsy du danger actuel, mais à quel prix ? Quelles concessions secrètes en échange ? Ce qui est sûr, c’est que beaucoup de pays ferment leurs yeux devant la soif de liberté du peuple khmer, pour pousser aux concessions en faveur de Hun Sen.
  5. En s’attaquant à Sam Rainsy, on le sait, Hun Sen réitère son coup réussi d’antan, à savoir diviser l’opposition, pour isoler Sam Rainsy. Pour différentes raisons, Hun Sen voit en le prince Ranaridh, malgré le sanglant camouflet qu’il lui a infligé avec succès l’année précédente, un interlocuteur plus flexible, sinon un maillon faible, pour espérer une possible coalition.

Au milieu de ces tension et incertitude, il est tout de même frustrant de constater que, en dépit des échecs de la coalition bicéphale, en dépit du coup d’État contre Ranaridh, en dépit de la dictature flagrante de Hun Sen, certaines puissances se taisent et encouragent objectivement ce dernier de diverses manières, comme elles l’ont fait depuis l’Accord de Paris, jusqu’à doter le Cambodge d’un " homme fort " inique. Le satisfecit sans nuance délivré par ces puissances, pour les élections frauduleuses et sous menaces, n’est pas compris par les manifestants de Phnom Penh.

Aspirés par ses besoins de liberté, de justice et de démocratie, des jeunes, des ouvriers, des bonzes, des gens ordinaires sont descendus dans la rue et ont crié pacifiquement, avec colère parfois, leur soif et leur faim ; même si la loi d’airain de Hun Sen le leur interdit, et cela impose respect et écoute. Ils savent distinguer qui est à présent l’ami de la démocratie et de la liberté, qui est contre l’intérêt des Cambodgiens. Dans le jeu de rivalités régionales et internationales, ils savent que tôt ou tard, les Cambodgiens seraient amenés à choisir leur camp.

Les premiers à devoir les écouter sont les responsables de l’opposition. Ceux-ci sont guettés par des tentations terribles. Leur choix n’est pas facile. Leur avenir fait face aux pressions et chantages. S’ils se laissent bercer par le chant de la sirène " coalition ", ils risqueront d’être des politiciens naïfs refusant de retenir les milles leçons de duperie, de mensonges, de cruauté, de crimes de leur allié d’occasion. Ils pourront être ministres, serviles aux ordres de Hun Sen, en position pire qu’avant, avec certes quelques bribes d’honneur ou d’initiatives que Hun Sen daignera leur laisser pour satisfaire des envies et frustrations. Mais ils ne pourront espérer qu’à la prochaine législature, ils auraient des sièges en quantité, car dès le lendemain de la coalition, des dizaines de milliers de manifestants (leurs forces vives de demain) déçus les auraient abandonnés à leur sort. Dans ces conditions, ces ministres seront en otage chez Hun Sen. Avant longtemps, beaucoup troqueraient leurs casquettes. L’opposition se désintégrerait progressivement sous la pression du PPC, au milieu d’un peuple désespéré, faute de leaders de caractère.

Si ces opposants veulent se battre pour le pays et la démocratie, ils resteront à côté de ceux qui se sont levés par milliers pour défendre fermement les valeurs qu’ils ont avancées. Ils s’organiseront et travailleront avec ces derniers, et non avec la dictature, pour être à même de devenir une alternative à la dictature. Cela demandera du temps, des efforts et des sacrifices pour parvenir à une maîtrise politique et gestionnaire de niveau. N’est-ce pas là la seule voie possible à une alternance ? L’opposition comme la majorité, cela se mérite et cela s’apprend.

On nous dit : " Oh là, si on laisse faire seul Hun Sen, le pays chavirera. Ce sera la dictature, et le Vietnam prendra totalement le Cambodge ". Soit. Mais la théorie du noyautage a montré ses limites catastrophiques. Hun Sen est un dictateur, et il vient de le montrer hier sur la " place de la Démocratie ". Espérer le changer en le servant est un rêve dangereux. Quant au Vietnam, certes il continue de prendre notre terre et notre plateau continental par la signature de Hun Sen, de faire rentrer les immigrants illégaux par la police de Hun Sen, mais quand You Hockry ou le prince Ranaridh étaient en position meilleure, ils n’ont pu faire quoi que ce soit dans ce domaine. Seulement avec le peuple, le développement, la liberté, on pourra barrer la route à l’ambition vietnamienne.

Tant que Hun Sen tient les pouvoirs, la collaboration ne pourra être que servitude. Le peuple cambodgien s’est réveillé, a suscité l’espoir. Pourquoi l’abandonner, pour une illusion tragique tant de fois démontrée ? La confiance d’un peuple qui a donné à l’opposition la majorité des voix est si chère ; pourquoi la brader ? Un capital de cette taille lui donne une chance inouïe, en terme de potentialité. Sait-elle la cultiver pour en faire un instrument de résurrection de notre peuple ?

Face à un peuple debout, Hun Sen sera un tigre de papier fragile. Il partira comme d’autres dictateurs. Le vrai problème est l’existence d’une alternative crédible, dont l’absence d’ailleurs justifie en partie les attitudes de certaines puissances. Construire cette crédibilité est une mission de longue haleine.

Un des meilleurs moyens pour faire obstacle à la dictature et pour construire un environnement démocratique est la lutte pour éliminer la violence. Un régime inique et immoral ne doit pas gouverner le pays, contre la constitution, contre la majorité des voix du peuple khmer. Il faut retourner aux urnes. Mais cette fois-ci, pas avant d’avoir remis d’abord le Cambodge sur la voie du droit et de la liberté. C’est pourquoi le combat pour une autorité transitoire - ce qu’a toujours proposé le CCV - qui assumera cette mission est fondamentale comme une alternative au blocage politique actuel.

 

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   Dernière modification : 18 novembre 1998