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Comité Cambodgien de Vigilance
pour l'application de l'Accord de Paris sur la paix au Cambodge du 23 octobre 1991

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REFLEXIONS DU CCV AUTOUR DES RESULTATS DES ELECTIONS AU CAMBODGE

Paris, le 1er septembre 1998

Comme il fallait s'y attendre, les résultats des élections sont officiellement annoncés ce mardi premier septembre, confirmant ce qui a été connu d'avance de longue date. Comment, en effet, gagner contre un gouvernement qui s'est accaparé un pouvoir total par un coup d'Etat, et qui est décidé à le garder par les moyens les plus cyniques : assassinats et intimidations, impunité des crimes, décapitation et obstruction des partis adverses, et ce au vu et au su du monde entier ? Avec son armée, sa police, son administration, sa justice, son pouvoir sur les médias, ce gouvernement organisait à sa guise ces élections. Son avantage était assuré, alors que l'opposition, désorganisée et sous les menaces réitérées, commençait à peine à rentrer de l'exil cinq mois avant la date prévue des élections. La veille des élections, le pouvoir brandissait encore l'épée de Damoclès sur la tête du Prince Ranaridh, le taxant de posséder une armée, pendant que Sam Rainsy se posait la question de savoir s'il devait y participer, tant la violence contre ses partisans était insoutenable.

Les " observateurs internationaux " ont trouvé ces élections " suffisamment équitables (fair) ", nous dit-on. Comment concevoir que l’Europe, par exemple, qui a subventionné ces élections (près d’une douzaine de millions de dollars), puisse dire qu’elles ne furent pas un succès ? On n’a jamais vu nulle part ailleurs des élections refusées par ces observateurs. Cela coûterait trop cher de recommencer. En fait, pudiquement et prudemment, ils les ont qualifiées " d’honnêtes " c’est-à-dire acceptables. Parce qu’ils savaient bien que les élections libres et crédibles s’appréciaient non seulement sur le jour des élections (où d’ailleurs ils n’ont pas tout vu, étant peu nombreux et peu expérimentés sur le terrain), mais sur l’environnement préélectoral (assassinats, pression du pouvoir, organismes électoraux, accès aux médias…) et post-électoral (compte des voix, manipulation des urnes, intimidation contre les partis adverses…). Belle deuxième leçon donc pour les Cambodgiens (après les élections de 1993 qui a donné lieu au gouvernement bicéphale) : à présent, comme à l’avenir, certaines puissances continuent de jouer " la stabilité " avec le pouvoir fort (et même la dictature), au détriment de la démocratie et des droits de l’homme. Le combat du peuple khmer sera encore long et difficile.

La récente grenade devant le Ministère de l’Intérieur et le refus de considérer les plaintes de l’opposition sont les signes qui persistent et ne trompent pas. Fort de sa soi-disant " légitimité internationale ", ce pouvoir pourra être pire qu’avant. Suite aux plaintes, la commission nationale pour les élections (CNE) s’est résigné à recompter les voix dans sept communes échantillons, et a communiqué le 10 août, les résultats des trois partis (dont nous faisons ci-après le total des voix) :

  avant plaintes après
Roleang Chak 2031 2015
Prambei Mum 3789 3785
Srê Ronong 3150 3148
Sophi 2859 2847
Prey Ngee 1709 1756
Sandan 1365 1364
Veal Pon 2171 2183

Ces résultats montrent à l’évidence qu’aucun compte n’avait été correct. Ils tendent à prouver qu’à l’échelle nationale, des opérations élémentaires de vérification des bulletins (total des votants, des exprimés, des bulletins nuls, des abstentions,…) n’avaient pas été sérieusement effectuées. Cette absence de rigueur minimale ne pouvait qu’ouvrir la porte aux erreurs, fraudes et abus. Accuser l’opposition de mauvaise perdante ne semble nullement fondé.

Quant à la CNE (que l’on sait proche du PPC), obsédée plus par le score du parti au pouvoir que par l’éthique de sa mission nationale, elle s’est empressée de conclure que les résultats ne changeaient pas l’affectation des sièges. Se hâtant d’enterrer les protestations de l’opposition, elle n’était même pas capable d’éprouver des regrets et de prendre conscience de son manquement au devoir fondamental de produire des comptes rigoureusement corrects ; cela, sans parler des sacs non ou mal scellés.

Bien qu’elle soit battue en terme de sièges, l’opposition s’est révélée majoritaire en nombre de voix et en dépit des immenses obstacles dressés par le pouvoir. Le peuple s’est exprimé, avec courage. Il veut le changement et la démocratie. C’est un signal très fort et très clair qui doit nous interpeller, et auquel l’opposition n’a pas le droit, cette fois, de faillir.

La puissante mobilisation de ces derniers jours (10 à 15 000 personnes, pendant plusieurs jours), jamais vue auparavant au Cambodge, est une autre affirmation de la volonté du peuple décidé à prendre en main sa destinée, face à un pouvoir militaire injuste.

C’est la prise de conscience collective de sa force et de son droit (et la communauté internationale ne manquera pas d’en tenir compte). C’est un défi d’envergure lancé à M. Hun Sèn. Sous son apparence de force tranquille, ce dernier n’en tremble pas moins de doute, à être si massivement et ouvertement contesté sans qu’il puisse prendre des mesures violentes habituelles. La graine du combat démocratique a été semée, et une bataille gagnée par l’opposition. Il lui reste à transformer ce succès en victoire, mais c’est une tâche extrêmement difficile, car il faut à cela du caractère, de l’intelligence politique éprouvée, de la maturité organisationnelle, une bonne dose de travail et du… temps. Il faut aussi une pensée politique adaptée, une vision stratégique claire, une sagesse empreinte de patience, sachant tirer avec modestie les leçons de " l’échec ".

Les chiffres le montrent : l’opposition aurait gagné le pouvoir si elle avait su être solidaire. Elle aurait gagné largement et pourrait exercer efficacement le pouvoir pour le bien du pays, si elle avait su s’unir pour forcer les puissances à faire retarder ces élections, afin de pouvoir d’abord faire désescalader la violence étatique et sociale, ce qui permettrait fondamentalement de paver la voie au droit et à la démocratie.

Même devancée, l’opposition a ses atouts populaires pour agir en profondeur. Mais elle est placée devant un choix terrible : la coalition gouvernementale proposée par M. Hun Sèn ; ou elle fera partie du prochain gouvernement, auquel cas elle renouvellera la malheureuse expérience du bicéphalisme, mais en pis, avec comme conséquence immédiate le risque de sa propre déliquescence ; ou elle restera hors du pouvoir, dans l’opposition qui lui donnera le temps de consolider ses structures et de faire mûrir son combat constructif pour le peuple, auquel cas elle aura une chance de bâtir sa personnalité, sa capacité avancée et sa stature.

En attendant, l’opposition ne manque pas non plus de moyens de faire marcher droit le réputé homme fort du pays. A condition qu’elle continue de rester unie, et résiste à la tentation d’un pouvoir immédiat !

SEN Iun

Président du CCV

 

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   Dernière modification : 29 octobre 1998