La Gazette de GREENWOOD
n°19 (Mai 2000 )

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Salaise Blues Festival

il y avait du beau monde en Isère du 7 au 9 Avril

Doo The Doo: Zeb (Salaise Avril 2000) Zeb (Doo The Doo)

Les 7, 8 et 9 avril 2000, il y avait du beau monde à Salaise sur Sanne (sud de Lyon). Compte-rendu de nos envoyés spéciaux, par ailleurs envoyés spéciaux de Blues & Co (le journal) et Blues'n'Co (l'émission de radio)!

Date: 10 Avril 2000
De Didier Taberlet <didlus@club-internet.fr>, Cédric Vernet <cedric.vernet@worldonline.fr> et Aliocha <al.blues2000@magic.fr>
(photos de Didier Taberlet)

De: Didier:

je suis revenu de Salaise, ce week-end. Deux jours de concert dans une petite bourgade de l'Isère, entre Lyon et Valence.
Moi, ça n'allait pas très fort : le blues, si vous voyez ce que je veux dire... Aller à un festival de blues avec le blues, quel test pour juger de la qualité et de l'émotion transmise pas les zicos... Voici donc le verdict de mon bluesomètre, indiscutable et sans réclamations:

Steve Verbeke j'ai bien aimé, ce ne fut pas le cas de tous, Stan Noubard Pacha et le reste du groupe étaient tous très bons, ceci dit c'est vrai que le fiston Verbeke s'est un peu trop cantonné dans des versions de ses morceaux similaires à celles de l'album.

Les Doo The Doo étaient quant à eux très bons, comme d'hab'. Zeb se lache de plus en plus, surtout dans les morceaux lents, j'adore son style et je crois qu'il s'investi vraiment dans sa musique, c'est à se demander si il va rester encore longtemps comme second couteau d'un groupe aussi bon soit-il que les Doo.

Sax Gordon (Salaise, Avril 2000)
Sax Gordon
Duke Robillard était là aussi avec sa grosse artillerie, notamment le saxophone Sax Gordon, de loin le héros de la soirée. Duke nous a fait un show à mon gout un peu trop carré et mécanique pour swinguer comme il aurait du, mais c'était pas mal quand même.

Le lendemain, les Rag Mama Rag ont ouvert la soirée en beauté, ils sont vraiment très bons, c'est à voir absolument. Arol et moi avons fait l'interview dans l'après-midi [NDLR: pour le journal Blues & Co!](numéro de juin), ils sont de plus vraiment très sympas, tout à fait abordables et ouverts, un album sortira le mois prochain.

Rag Mama Rag (Salaise, Avril 2000)
Rag Mama Rag

Andy J. Forest c'est comme Tommy Castro, même quand ce n'est pas la première fois qu'on le voit, le 2è effet KissCool est au rendez-vous. idem pour ses musiciens, en tête Tony D.
Par contre Maurice John Vaughn était accompagné par des musiciens français à la limite de l'amateurisme, j'ai d'ailleurs cru quand ils ont ouvert le show que c'était une 1ère partie locale. Résultat, je suis parti bien avant la fin du guitariste-saxophoniste.

Didier
De Aliocha:

L'ouverture de la soirée était réservée à Steve Verbeke qui fit un bon concert. Il paraissait fatigué et sa voix manquait vraiment de vie, c'est d'ailleurs le reproche principal à faire à ce groupe : où était la flamme ? Le seul point positif de cette prestation : ma découverte du très stylé Stan Noubbard Pacha.
Ensuite les Jazz Brothers et leur Band venu de Quimper, dans le "Far West", ont fait le show pendant près d'une heure et demi. Les véritables "héros" ont été tout d'abord Elmore Jazz pour son jeu d'harmonica (car il avait tendance à en faire un peu trop question "bête de scène" à mon goût) et Zeb, qui après le blues instrumental fortement jazz de sa Blues Machine , s'est "rootsifié" en suivant les traces d'un Junior Watson (ou d'un Little Charlie, la folie en moins) afin de coller au groupe. Une réussite : les Doo The Doo ont vraiment mis le feu, laissant un public survolté et, à mon avis, peu enclin à apprécier le blues sophistiqué et swingant de Duke Robillard.
DUKE, accompagné des fidèles Sax Gordon et Doug James, avait une section rythmique différente : pas de contrebasse (dommage pour le swing) et un nouveau batteur plus rock (idem). Mais attention : du grand art quand même. Ici point de débauches d'énergie comme avec nos amis Bretons ! Les sentiments se donnent au fur et à mesure, subtilement, et surtout pas tout d 'un seul coup. Ainsi au fil de morceaux étirés, les soli d'un Sax Gordon très à l'aise et décontracté (il était dans le salle pour le début de Doo The Doo et dédicaçait son dernier et excellent album "You Knock Me Out" à la buvette après le concert) donnaient la réplique aux introspections d'un DUKE visiblement d'humeur plus jazz que rock (comme son dernier et superbe album en duo avec Herb Ellis "Conversation In Swing Guitar" le montre). Bref, un grand moment de Blues malgré un public un peu froid qui ne poussa pas les musiciens, et l'heure tardive qui, elle, poussa les moins amateurs dehors avant la fin ("bande de fans de Céline Dion !" s'indignait-on au premier rang). Au final, une grande leçon de class et de style Comme quoi, même quand on s'appelle DUKE on peut être un KING.

Aliocha
De Cédric:

Comme chaque année, la petite bourgade de Salaise sur Sanne a résonné au son du blues pendant 3 jours durant. A l'affiche : Vendredi 7 avril : Steve Verbeke, Doo the Doo, Duke Robillard et samedi 8 avril : Rag Mama Rag, Andy J. Forest et Maurice John Vaughn.

J'ai assisté à ce festival avec la ferme intention de voir des musiciens qui s'amusent, qui prennent leur pied à jouer. Sur ces trois jours, j'ai été plus que servi, comblé même, avec les Doo the Doo, qui ont assuré, vendredi, un show de presque 2 heures. C'était la première fois que j'assistais à un de leur concert et j'ai pris autant de plaisir qu'eux.

Jimmy et Elmore Jazz (Doo The Doo)
Jimmy et Elmore Jazz (Doo The Doo)

Idem pour Rag Mama Rag, un duo de country blues, au son ragtime, un vrai bonheur.

Quant à Andy J. Forest ce fût l'apothéose ! Salaise était leur derniere date de la tournée française, autant dire qu'ils ont tout donné. J'avais déjà vu Andy J. Forest sur scène mais rarement à ce point de survoltage. Il a vraiment beaucoup de talent, tout comme ses musiciens (l' incomparable TONY D. à la guitare par exemple), pour déclencher dans le public ce qui devrait être un baromètre universel et irrévocable : la chair de poule. La remarque vaut aussi, bien entendu, pour Doo the Doo et Rag Mama Rag.

Vous l'avez compris le reste a moins retenu mon attention. Musicalement, rien à redire du concert de Steve Verbeke qui a une rythmique irréprochable. Cependant, Steve ne devait pas être en grande forme ce soir là (ce qui peut arriver aux plus grands) et n'a pas réussi à faire passer au public cette petite chose indispensable : l'émotion. C'est au fond la seule chose que l'on doit attendre d'un concert, quelqu'en soit le style musical représenté. Ce n'est pas innocent si l'on utilise l'expression « donner un concert », c'est un moment de partage, de communion avec un public, qui ne peut se résumer à une simple démonstration technique. Le challenge de tout musicien est de rechercher cette osmose. Elle n'y était manifestement pas ce soir là à en voir la réaction du public qui ne l'a gratifié que d'une dizaine de secondes d'applaudissements respectueux.

Duke Robillard (Salaise: Avril 2000)
Duke Robillard


Quant à Duke Robillard, j'avoue que ma fatigue de cette journée m'a poussé à partir avant la fin. Le show paraissait très rodé, trop rodé ...

Enfin, Maurice John Vaughn n'est pas très connu en France. Salaise m'a permis de comprendre pourquoi (Le public est parti au bout de 30 mn) mais j'avoue que là aussi j'ai écouté le concert d'une oreille distraite (J'étais en train d'interviewer Andy) [NDLR: pour l'émission de radio Blues'n'Co!].

Au total, ce Salaise Blues Festival nous a offert de très belles soirées agrémentées par une ambiance que l'on sait toujours excellente. Encore merci Jacky, pour être parvenu a pérenniser ce rendez-vous bluesical, désormais incontournable dans la région Rhône-Alpes.

Cédric

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interview:

Andy J. Forest
(Salaise, Avril 2000)
Andy J. Forest, Salaise 2000 (photo Didier Taberlet)
Andy J. Forest, Salaise 2000

Date: 28 Avril 2000
De: Cédric Vernet <cedricvernet@hotmail.com>
Photos: Didier Taberlet <didlus@club-internet.fr>

C'est après son concert survolté lors du Salaise Blues Festival, le 8 avril 2000, que nous avons rencontré le bluesman de la Nouvelle-Orléans Andy J. Forest. Une rencontre dans sa loge où régnait une atmosphère faite de joie et de mélancolie, traditionnelle d'une fin de tournée. Nous avons passé ensemble un long moment. Vous trouverez ci-dessous, en exclusivité pour Radio BLV (www.multimania.com/bluesandco) et "La Gazette de Greenwood" (http://www.gazettegreenwood.net), la retranscription de cette interview.

Ce concert à Salaise-sur-Sanne était la dernière date de la tournée française. Comment était le public français ?
Andy J. Forest :
Formidable. Tu sais lorsque tu joues en Suisse les gens te demandent : Comment était le public suisse ?, en Italie : comment était le public Italien ? Cela dépend. Tous les clubs ont des publics différents, une ambiance propre. En France, chaque endroit, chaque public a été différent.

Tu as une grande admiration pour Little Walter. Comment as-tu rencontré pour la première fois sa musique ?
Andy J. Forest :
Dans le magasin de disque d'un dénommé "Pubba". Lorsque j'avais 14 ans, j'y allais régulièrement. Dès que j'avais 20 dollars, j'y achetais 20 disques puisque un disque coûtait 1 dollar. J'aimais beaucoup les disques de Sonny Terry, James Cotton, Sonny Boy Williamson et aussi Elmore James ainsi que d'autres grands harmonicistes. Un jour ce disquaire me dit "Little Walter ? C'est le plus grand harmoniciste du monde !". Il me tendis un disque de lui édité chez Chess Records. C'était la première fois que je voyais le visage de Little Walter. J'ai toujours ce disque.

As-tu découvert la musique avec le blues ?
Andy J. Forest :
Je ne sais pas, mais la première chanson que j'ai joué avec Tony D. était de Little Walter. En fait, j'ai beaucoup écouté du jazz. Mes parents avaient une grande collection de disques de Jazz ainsi que de Folk [Andy se met à chanter un standard de Doc Watson]. J'aimais aussi beaucoup Billie Hollyday. C'était vraiment une grande chanteuse de blues même si sa musique était plutôt jazz. Ensuite, dans les années soixante, ma grande sœur écoutait les Beatles, The Doors, The Rolling Stones, des groupes imprégnés de blues. J'ai cherché à écouter les versions originales et j'ai découvert Muddy Waters, Howlin' Wolf. Je trouvais ça meilleur que les groupes de l'époque.

Quels sont les harmonicistes contemporains que tu apprécies ?
Andy J. Forest :
Parmi ceux qui sont encore en vie, je citerais Kim Wilson, Charlie Musselwhite, Billy Branch, Rod Piazza, James Cotton, Marc Hammond, Jumpin Johnny, Bo Dilley, …

J'ai appris que tu avais beaucoup apprécié l'harmoniciste de Bill Deraime ?
Andy J. Forest :
Oh oui ! Il est bon. Je l'ai entendu avec Bill Deraime à Miribel l'année dernière. En France j'aime également Vincent Bucher, Jean-Jacques Milteau, Alain Michel de Valence.

Andy J Forest & Tony D (Salaise 2000)
Tony D & Andy J Forest (Salaise 2000)
Pour tous les musiciens, une chanson raconte une histoire. En ce qui te concerne c'est ton dernier album "Letter from Hell" en intégralité qui est une seule et même histoire, celle du roman du même nom. Est-ce un concept musical que tu vas renouveler pour "The Divine Humidity" par exemple ?
Andy J. Forest :
Oui c'est une idée. J'ai commencé à écrire ce deuxième roman il y a un an mais j'étais trop occupé pour pouvoir le finir. L'histoire tournera autour du purgatoire, basé à la Nouvelle-Orléans. C'est une suite de "Letter from Hell" inspiré du "Paradis perdu" de John Milton. En fait, le diable, Lucifer était au départ un ange. Dans le "Paradis Perdu", il essaye de retrouver sa place au paradis. Je pense que c'est un beau concept. L'action serait située à la Nouvelle-Orléans comme un nouveau purgatoire.

"Letter From Hell" était au départ un projet de film. Penses-tu toujours à une possible adaptation cinématographique ?
Andy J. Forest :
Ca serait bien mais je suis trop occupé par les tournées, les concerts. Il y a deux personnes qui m'ont parlé de faire une adaptation théâtrale. En ce qui concerne le cinéma je ne sais pas. J'ai déjà travaillé dans l'univers du cinéma. Je ne veux pas passer mon temps accroché au téléphone pour essayer de monter le film. Je veux simplement écrire un nouveau roman.

Lorsqu'on étudie ta biographie, on s'aperçoit que tu as multiplié les expériences. Tu as été acteur, musicien, tu as fait des centaines de concerts, parcouru de nombreux pays dans le monde et tu as finalement, à 43 ans, fais ce que tu voulais faire toute ta vie : écrire un livre. Quelles expériences as-tu désormais envie de vivre ?
Andy J. Forest :
Je veux continuer à écrire. Mon père était écrivain. Mais tu sais, lorsque j'étais enfant, à l'école on nous demandait le métier du père. Je répondais "il va au travail" mais je ne savais pas ce qu'il faisait réellement. Je me rappelle lui avoir demandé un jour autour de la table pendant le repas. Il me dis "je suis écrivain". Je veux moi aussi continuer à écrire.

Revenons à ta musique. Elle intègre de nombreuses sonorités cajun, Zydeco. Comment se porte la culture cajun aux États-Unis. Je sais par exemple que tu es assez choqué de voir des groupes de Zydeco qui ne parlent pas un mot de français comme Lil' Brian and The Zydeco Travellers par exemple ?
Andy J. Forest :
Oui mais ce n'est pas une critique. Je pensais que tous les groupes de Zydeco provenaient de familles qui parlaient français. Lil' Brian and the Zydeco Travellers est un très bon groupe. Lors d'une conversation avec eux je leur ai demandé s'ils parlaient français. Ils n'en connaissaient pas un seul mot. Ca m'a beaucoup surpris. Le premier chanteur de Zydeco que j'ai écouté était Clifton Chenier. Ce type parlait français sur ses disques. Tu sais, j'habites à la Nouvelle-Orléans où la culture cajun n'est pas présente. C'est par les disques ou les concerts que j'ai découvert la musique Zydeco et la culture cajun. C'est pour cela que je suis surpris de voir que des musiciens Zydeco ne parlent pas le français.

Comment vois-tu l'avenir du blues et comment souhaites-tu qu'il évolue ?
Andy J. Forest :
Aux États-Unis, des musiciens comme R.L Burnside et d'autres groupes de Chicago jouent du Funk. Cela va s'accentuer dans le futur. Le blues va évoluer vers le funk.

Est-ce que l'avenir du blues ne peut-il pas résider dans le mélange d'influences que tu expérimentes entre le blues, le cajun, la country, etc. ?
Andy J. Forest :
Je ne sais pas. Chaque groupe va faire sa propre musique. Le jazz a évolué différemment selon les groupes, les interprètes. Les trajectoires musicales ont été différentes pour Sonny Rollins, Dizzie Gillespie, Miles Davis. C'est identique pour le blues. Je ne pense pas qu'il y aura une forme de blues dominante. Chaque groupe va donner son empreinte. Il doit subsister différents styles de blues, de jazz.

Au cours de tes tournées, est-ce que tu ressens que le blues revival des années 90 est toujours vivant ?
Andy J. Forest :
Non. L'évolution du blues se fait en zigzag. C'est une musique underground qui est toujours présente mais avec une intensité sans cesse différente. Je sais par ma propre expérience que le blues marchera toujours. C'est pareil pour le jazz, la musique irlandaise, le folk. Ce sont des musiques qui ne sont jamais au sommet mais qui sont toujours présentes. Elles peuvent resurgir avec un peu plus d'intensité à un moment donné mais c'est toujours temporaire.

Quels sont tes projets ?
Andy J. Forest :
Rentrer chez moi et me reposer. Je vais en profiter pour peindre. C'est un nouveau hobbie. Je veux aussi écrire plus. Ensuite j'ai une nouvelle tournée de prévue jusqu'à fin septembre. J'ai aussi une autre idée. Nous avons une caméra vidéo en permanence avec nous sur la tournée. Un peu à la manière du film "Blairwish Project" réalisé avec très peu de moyens, je voudrais faire le "Blues Gig Project". C'est la raison pour laquelle je filme les coulisses de cette tournée. On en fera un montage qui devrait être amusant.

Le prochain album sera pour quand ?
Andy J. Forest :
Aucun n'est en projet mais j'ai quelques chansons écrites. L'album pourrait sortir avec le livre mais le livre n'est pas écrit donc je ne sais pas. Je souhaite prendre mon temps. Je ne suis pas prêt.

Merci et bon retour à la Nouvelle-Orléans Andy.
Andy J. Forest :
Merci beaucoup à vous.

Propos recueillis par Cédric Vernet pour Radio BLV ( www.multimania.com/bluesandco)le 8/04/00 au Salaise Blues Festival.
Merci à Patricia, Alain Michel, Bertrand Aubonnet, Jacky Crouail et Phillippe Briot

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Concert de
Doo The Doo:
ça a chauffé chez Mickey!
Doo The Doo (photo Pierre Mercier)
Jimmy et Elmore Jazz (photo Pierre Mercier)

Doo The Doo en concert à Eurodisney le 22 Avril 2000... Ce fut l'occasion pour plusieurs greenwoodiens de se retrouver en vue d'une soirée blues. Voici 3 compte-rendus de ce concert époustouflant d'un groupe qui confirme de plus en plus sa place au Top-blues hexagonal.
Articles de l'Oncle Oli, du Renard Argenté et de Little Sister Blues.
Photos de Pierrot Mississippi Mercier (toutes ses photos sont sur http://www.argyro.net/amap/pictures.html).


De: Oncle Oli latailla@club-internet.fr

"Etranger, sois le bienvenue au Village... Goudron et plumes à volonté"... La gorge serrée, je pénétrais donc dans "Le Village" et, suivant les indications du rat grimaçant sur les panneaux routiers, je garais mon véhicule sur une vaste étendue stérile, non sans avoir passé moults barrages qui, je le saurais plus tard, me coûteront cher. Prenant notre courage à deux mains, ma blonde (qui est châtain) et moi nous descendîmes de notre char après avoir aperçu, au loin, les lumières de ce qui semblait être la preuve que cette planète était habitée. Après avoir franchi les portes de ce qui s'avéra en effet une cité pour le moins peuplée, nous fûmes surpris par la grande variété d'humanoïdes représentés. Les plus nombreux semblaient appartenir à la tribu du Rat, puisqu'ils en arboraient le blason derrière leur combinaison jaune, leur canotier jaune, ou leur sac jaune. Impossible de communiquer avec la plupart d'entre eux, et je regrettai bien vite d'avoir donné congé à Z-6PO, mon robot de protocole capable de traduire 16 Millions de dialectes inter-galactiques, et même d'au delà.
Finalement, nous avons trouvé le lieu de rendez-vous fixé avec les autres greenwoodiens: la taverne de Jaba The Hut. Cela fit du bien de retrouver des gens normaux: Renard Cigaloïde, Little 6-Ter Blues, Mi-Si²-Pi, Josse L1, Doc BLU, Whap-Droux-Whap. Un bon repas avec mets à volonté (moyennant finances) nous requinqua et nous donna le courage de faire les quelques mètres qui nous séparaient encore du lieu où devait se produire "Doo The Doo", dignes troubadours itinérants de la planète bleue.

Doo The Doo (photo Pierre Mercier)

Et la magie opéra... Le public hétéroclite se tût, regarda la scène où apparurent les cinq musiciens qui entamèrent un concert que, personnellement, je qualifierai d'excellent. Eh oui! même dans un lieu hautement touristique et aussi artificiel que Disneyland-Paris, la musique du diable hypnotisa le public nombreux qui, à part notre groupe de greenwoodiens et semble-t-il un autre groupe de fans, était pourtant venu là par hasard.
Il faut dire que les Doo The Doo n'ont pas hésité à se donner, peut-être en raison d'ailleurs de la réaction positive des spectateurs-auditeurs.
Ce fut donc du grand Doo The Doo, confirmant les propos tenus par Cédric et Didier (voir article ci-dessus) qui les ont vu quinze jours avant au festival de Salaise. Il est vrai que leur blues énergique a de quoi ravir un large public tant il est entraînant.
Ceux qui me connaissent savent que je suis un inconditionnel du groupe Doo The Doo, alors je laisse la parole aux autres greenwoodiens présents ce soir là.
Pierrot Mississippi Mercier les voyait pour la première fois, et il dit "la pêche, la fougue, que dis-je : la hargne des frangins Jazz et de leurs acolytes", il a été "bluffé par Sébastien Zeb Heintz et ses solos incandescents", et le bassiste "pépère dans son coin et qui se met à chanter, fort bien certes et, vlan, qui se paie le luxe d'oublier son micro et d'affronter le public avec sa seule voix? C'est-y pas un instant magique ça ?"
Bruno Whap Droux Whap a aimé les chanteurs, la maîtrise de plusieurs influences Blues (swamp-blues, texas-blues et swing-blues, à la limite Rock'n Roll), la section rythmique, la liberté (musicalisée) du guitariste (Jimmy), l'unité de l'ensemble, l'esprit de l'ensemble, le public ("c'est à dire nous:-).").
Pour Nathalie (Little Sister Blues), "c'était un grand plaisir pour nous d'entendre cette musique couler tout simplement et donner cette impression de facilité que seul " les pros " peuvent donner", et pour Docteur Blues " ils nous ont servis quelques caviars tel que " I wish you would " ou le morceau de leur prochain album... j'achète dès que ça sort...".
Et René remarque que "c'est vrai qu'avec les 3 groupes réunis sur scène - selon l'équation qui veut que Honeymen + Bonobo'z = Doo The Doo, donc 3 groupes, le compte est bon - on se retrouve avec trois excellents solistes et trois excellents chanteurs, et tout ça sans que les individualités ne gênent la parfaite cohésion du band.".

Bref, ce fut un grand moment de bonheur que les Doo The Doo nous ont offert ce soir là à Eurodisney, que ce soit dans les reprises, dans les titres de leurs précédants albums (ah la magistrale et émouvante interprétation de "It Stands To Reason"...) ou dans ceux de leur futur album, dont la sortie est prévue en Septembre 2000.


De: René Malines Renemalin@aol.com

Zeb (photo Pierre Mercier)
Zeb (photo Pierre Mercier)

Je trouve que c'est une bonne chose d'alterner les moments incandescents (comme dit si bien Pierrot) avec des choses plus " down home ", genre swamp blues, que les Doo pratiquent très, très bien. Quant à Zeb, s'il ne me fait penser ni à Buddy Guy, ni Duke Robillard, ni à personne d'autre qu'à lui-même, c'est qu'il a un style très personnel - en fait, il a toute une floppée de styles à sa disposition. Ce mec est très, très balèze, ce n'est pas pour rien que Bruce Bears, l'excellent organiste du Tony Lynn Washington Band, ou " Sax " Gordon Beadle en disent le plus grand bien, eux qui ont plusieurs fois boeuffé avec lui à Boston. Un style dans lequel, même dans les moments les plus chauds, où il joue à l'arrachée - on voit d'ailleurs qu'il est tendu comme un arc, physiquement - ou dans les chorus flamboyants qu'il prend sur les blues lents, il reste quelque chose de mélodique qui lui vient d'une très forte influence jazzy, qui le pousse à aller chercher des phrasés qui ne sont pas obligatoirement les plus évidents, des décompositions d'accords qui doivent plus à Kenny Burrell, Joe Pass ou même Django qu'à B.B.King, Buddy ou T-Bone, qui avait un son jazzy mais un phrasé très blues.

Jimmy Jazz n'est pas en reste, car si depuis l'arrivée de Zeb il prend moins de chorus, et s'il y a moins d'invention, d'imagination dans ses solos que dans ceux de Sébastien, il y met par contre une intensité telle que même le spectateur mouille sa chemise ! De plus, il partage avec son frère Elmore une qualité essentielle quand on joue le blues : le sens de la note juste placée au bon moment. Et quand je dis juste, entendez : " exactement celle qu'il faut " et non pas le contraire de jouer faux. Je précise à cause de certains professionnels qui sont incapables de comprendre ce qu'écrivent leurs collègues, voir les Bleus de Presse dans le dernier Soul Bag. Les 2 frères partagent une autre qualité, plus difficile à démontrer en live qu'en studio : ces mecs ont un son, et quel son ! Que ce soit la guitare de Jimmy ou l'harmo d'Elmore (ou l'Armor d'Elmo ?), la plénitude d'une seule note jouée par un des Jazz Brothers suffit à soulever des torrents de béatitude chez l'auditeur ravi. Non, j'en rajoute pas, il y a des moments proches de l'orgasme dans la musique de ces p'tits gars, et tant pis pour les oreilles chastes (quoique, les oreilles, ça vaut mieux, c'est pas fait pour). Il est vrai aussi que Mig, le bassiste, non content d'apporter un soutien sans faille aux solistes, bien aidé par Philippe " Sad " Carnot à la batterie, il est aussi un excellent chanteur, non seulement doté d'une voix puissante, mais aussi d'un timbre et d'une tessiture particulièrement adaptés au blues.

Une bien belle voix, quoi. Et c'est vrai qu'avec les 3 groupes réunis sur scène - selon l'équation qui veut que Honeymen + Bonobo'z = Doo The Doo, donc 3 groupes, le compte est bon - on se retrouve avec trois excellents solistes et trois excellents chanteurs, et tout ça sans que les individualités ne gênent la parfaite cohésion du band. Personne ne se la joue perso, pas d'Anelka chez les Doo, on n'est pas au Real.

Enfin, moi qui les avais vu au même endroit il y a 3 mois, où j'étais peut-être le seul, ou presque, à manifester mon intérêt pour leur musique, j'ai pu constater qu'un public qui répond positivement, c'est quand même plus motivant pour les gars qui s'escriment sur scène. Si le concert de janvier m'avait plu, celui de l'autre soir m'a comblé. C'était tout à fait le genre de prestation propre à vous faire monter un fan club dès la dernière note du rappel envolée.


 

De: Nathalie Dazin nat.dazin@wanadoo.fr

Grâce aux Doo la soirée a été assez " chaude ", animée, un peu bruyante et un peu mouvementée, certains ont même osé quitter leur table pour danser ! vous vous rendez compte! C'était dans le règlement de Disneyland ça? Cela va être dur de trouver des choses à redire. Au début le son de la basse était trop fort, il écrasait les autres mais cela s'est arrangé.

Doo The Doo (photo Pierre Mercier)
Zeb, Jimmy, Elmore (photo Pierre Mercier)

Zeb, très très bon guitariste, est promis à grand avenir , et deviendra une grande " pointure " s'il continue dans sa lancée. Il est peut-être un peu trop crispé, trop nerveux mais c'est peut-être sa personnalité . Il est jeune et il a un très fort potentiel. L'acquisition d'un peu de " maturité " lui permettrait de se lâcher un peu, de se décontracter et son jeu gagnera en clarté et articulation dans les mouvements très rapides. Mais c'est vraiment chercher la petite bête! car il a été époustouflant que se soit du coté technique comme du coté musical et la distance qui le sépare des très grands est infime! On sent bien qu'il est prêt à " exploser ", il a déjà son style et sa personnalité. Il n'est peut-être pas encore bien intégré au groupe, on dirait que le répertoire joué était fait pour l'ancienne formation et des solos ont été greffés pour permettre à Zeb de jouer.

Les frères Jazz doivent être très complices dans la vie et cela se ressent sur scène. Ils ont un son, une énergie, un feeling et une communion qui laisse supposer une grande expérience acquise a force de jouer ensemble.

J'aime beaucoup le timbre de voix de Jimmy, quant à son jeu de guitare pas de problème de maturité ici! J'aime beaucoup la section rythmique, je crois qu'il est le compositeur du groupe. Ils jouent des reprises bien sûr, mais les morceaux originaux Doo the Doo n'ont rien a envier au répertoire existant et j'en redemanderai bien un peu plus!

Elmore, impressionant! Toujours là quand il le faut, un son, une présence sur scène. On voit bien qu'il est pris dans sa musique tout juste s'il ne se roule pas par terre! Dans la partie des autres musiciens, il trouve toujours une note juste pour " boucher les trous " et assurer une complémentarité musicale. Il se fait " oublié " quand les guitares jouent mais il est toujours là pour accompagner, toujours à l'écoute. J'aimerai bien l'entendre avec d'autres groupes.

Le bassiste Mig tient sa guitare presque comme une contre-basse (plus facile que de tenir une contre-basse comme une guitare!). Le groupe peu vraiment s'appuyer sur lui, il est vraiment un " pilier " imperturbable. Alors lui! pour être cool, il est cool! A un tel point qu'il en oublie de chanter dans le micro! :-). J'ai bien aimé ce morceau d'ailleurs tout a fait pour lui et sa voix. On peut juste regretter le manque de solos pour la basse et le batteur...

Le batteur "Prince de Bretagne" Philippe Sad Carnot, pareil, une présence indéniable et une solidité telle, qu'elle aurait mérité de s'exprimer dans quelques solos, on regrette qu'il soit resté en retrait et pourtant il a assuré toute la soirée!

Bref! ouf! Le groupe est bien rodé (peut-être un peu trop), je regrette un peu le manque d'improvisation. L'ensemble est cohérent, la communion parfaite entre les musiciens.

Et c'était un grand plaisir pour nous d'entendre cette musique couler tout simplement et donner cette impression de facilité que seul " les pros " peuvent donner. J'ai l'impression que le groupe marche bien et on ne peut que lui souhaiter une bonne continuation ....et plein de bonnes choses pour leur prochain disque! Merci Mickey quand même de les faire venir sur Paris.......

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Robert Johnson:
sorcier indien?

De: Uncle Lee <latailla@club-internet.fr>

Dans le roman "Indian Blues" (Sherman Alexie) on apprend que Robert Johnson est toujours en vie et a trouvé refuge chez une vieille indienne, en haut d'une montagne, afin d'échapper au pacte qu'il a signé avec le diable un fameux soir, au fameux carrefour, lui donnant le fameux génie du blues en échange de son âme... L'auteur de ce roman savait-il que Robert Johnson avait du sang indien qui coulait dans ses veines? En tout cas, il ne le dit nulle part, contrairement à Robert Lockwood Jr qui n'hésite pas à l'affirmer (interview paru dans Living Blues n°121, Juin 1995, par Larry Hoffman):
"Robert Johnson paraissait si jeune! Il était tout à fait indien... il avait du sang indien. Jamais de barbe, jamais besoin de se raser. C'est une caractéristique des indiens".

Et Robert Lockwood d'expliquer que ça n'a rien d'étonnant: beaucoup de noir-américains ont du sang indien, comme sa propre mère (sang Choctaw et Cherokee) et son propre père (Black Foot et Black Creek).

D'ailleurs, on l'oublie souvent, la musique indienne fait partie des influences majeures qui ont façonnées le blues. Rappelons à ce propos le texte de Philippe Sauret (paru dans LGDG n°16 et tiré de l'exposé fait lors d'une soirée thématique organisée Travel In Blues):
"Dernière influence sur le Blues qu'on ne pense pas souvent à citer, les musiques indiennes. On sait malheureusement peu de choses sur elles, si ce n'est qu'elles ont certainement eu un rôle sur le rythme et la voix. Beaucoup d'indiens vivent dans le delta du Mississippi et se sont mélangés aux les noirs".

Oui, le blues est dés l'origine la résultante du métissage de plusieurs cultures:
· africaine, bien sûr puisque les premiers bluesmen vivent dans la société noire-américaine du Sud des Etats-Unis au début du 19ème siècle où l'esclavage reste très présent dans les esprits et les faits (même remplacé par le métayage et la ségrégation),
· européenne, le blues adoptant des instruments du vieux continent (guitare, piano, violon) et n'hésitant pas à puiser dans le répertoire des immigrés européens. La région où ce phénomène est le plus marquant est sans doute la Louisiane avec le développement du Zydéco parallèlement à la musique Cajun des américains francophones des bayous. C'est d'ailleurs bien d'une synergie dont il faut parler, puisque dans l'autre sens la musique des blancs (country, cajun, hillbilly, rock, etc) est très fortement influencé par le blues. Ce métissage musical permanent et à double sens peut d'ailleurs étonner si on s'en tient à la vision d'une société ségrégationniste et intolérante.
· hawaïenne: cette musique venue des îles du Pacifique remportait au début du siècle un succès phénoménal aux Etats-Unis, et l'usage permanent de la guitare "slide" a sûrement marqué les premiers bluesmen qui ont adopté le bottleneck: goulot de bouteille ou barre métallique glissant sur les cordes de guitare, rappelant en effet les sons "hawaïens" mais également la sonorité de nombreux instruments traditionnels africains.
· Indienne: là, le métissage n'est donc pas uniquement musical, mais également ethnique, ce qui n'a rien d'étonnant dans une société où les indiens perdirent vite le statut relativement privilégié que leur avaient octroyé les premiers colons blancs du Mississippi et connurent la même misère que les descendants d'esclaves africains. Alors, si dans les enregistrements de Robert Johnson il nous semble entendre de longues plaintes mélodiques qui auraient pu être poussées par un vieil indien, ça n'est pas si étonnant que ça...

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La Sale Company
Rendez-vous chez le Décoiffeur

Date: 15 Avril 2000
De: Uncle Lee <latailla@club-internet.fr>

Attention: chute de rocaille! Peu de chance que vous sortiez indemne de l'écoute de la Sale Company qui vous balance une grosse pelletée (de tractopelle) de rock dans son blues que les entomologistes de service classeront de ce fait dans le Bluesae Rockum (L.). Pour aller plus loin dans la classification, ça va être dur car si "Peinture Parano" est Rock-Rock, "Albert" serait plutôt Texas-Funk, alors que "Gamine" est Funk-Texas, etc...

La Sale Company Vous avez remarqué? Les titres sont en français, et là: bravo, car ça passe très bien! La voix se fonde parfaitement dans l'ensemble musical d'une manière qu'on peut qualifier d'anglo-saxonne! Des textes originaux, qui ne cherchent pas à faire passer un message politico-somniférique, mais juste à coller au groove bétonnant de la section rythmique auquel répondent les envolées organesques (j'ai pas dit "orgasmiques") et guitaresques (j'ai dit "solos déchaînés").

Ce groupe tourne depuis assez longtemps pour avoir développé un style original qui puise son inspiration dans le blues urbain de Popa Chubby, Chris Duarte et Tommy Castro, pour ne citer que quelques-uns des musiciens que la Sale Company reprend dans ses concerts. Peut-être connaissiez-vous les "Hot Blue Mama"? Et bien c'est eux! Ils ont changé de nom il y a deux ans, considérant que cet ancien nom était trop stéréotypé et ne collait plus à la musique qui est devenue la leur: un fun blues-rock qui se moque des frontières.

Autre fait marquant: le bassiste (Eric Robin), le batteur (Denis Agenet), l'organiste (Didier Pinson) sont tous gauchers. Seul le guitariste-chanteur (Stéphane Le Troidec) est droitier. C'est le genre d'information étonnante qui prouve l'originalité de ce groupe!

"Ni barjo ni parano, juste un peu accroc", c'est exactement ce que vous risquez en écoutant le fun-blues-rock de la Sale Company.

CD 8 titres, réf HBM 9806, Hot Blues Mama Prod. (Autoproduit)
Contact: 02 40 46 25 92 ou 06 15 39 74 32
Ou "Blues Qui Roule": 02.51.76.18.01

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interview:
Avec Chris Lancry à l'Avant-Scène

Date: 30 Avril 2000
De: Pierrot Mississippi Mercier <pj_mercier@yaooh.fr>
(photo de l'auteur)

J'ai eu plusieurs fois l'occasion de vous envoyer des courriers au sujet de l'Avant-Scène, charmant restaurant sur le bord de la Seine à Draveil (91), repris récemment par Rémi et Françoise Allard qui y ont transféré, depuis septembre 99, toute la programmation Jazz et Blues du Bellevue . On y retrouve donc tous les anciens habitués du restaurant de Corbeil, spectateurs et artistes. Le dernier que j'ai eu le plaisir de revoir est Chris Lancry. Nous avons échangé quelques mots après la soirée puis par mail.

LGDG: Tu as joué un certain nombre de fois (et même plus) au Bellevue. La même équipe nous invite maintenant à l'Avant-Scéne. Pour les spectateurs, l'endroit est agréable car le programme est plus spécialisé (Jazz parfois, plus souvent Blues), on peut espérer que le public le sera aussi, donc plus attentif (encore que certains ne se sentent absolument pas concerné par le fait qu'il y a des musiciens sur scéne et, logiquement, qu'il y a aussi des gens dans la salle qui ont envie de les entendre) Si tu avais à conseiller l'endroit à des confrères, que leur dirais-tu ?
Chris Lancry : C'est un endroit qui est pas mal pour les musiciens car d'abord ils sont bien reçus par l'équipe qui s'occupe du lieu et ensuite les conditions pour y jouer sont trés correctes, (petite scène, lumières, sono, retours et piano sur place).
En ce qui concerne le public, il faut bien se dire que le lieu est avant tout un restaurant, donc les gens y mangent et la musique doit trouver sa place "entre la poire et le fromage". L'Avant scène n'étant pas (encore) le lieu de rendez-vous privilégié de tous les amateurs de blues de la région, il est normal que certains clients soient moins attentifs que d'autres à ce qui se passe sur scène.

LGDG: Nous sommes plusieurs de la Gazette a l'avoir remarqué : il y a sur Dernier été, ton nouvel album, des morceaux qui sonnent "Ry Cooder". Je dirais même comme Ry Cooder dans sa période Tex-Mex. Depuis le temps que j'assiste à tes concerts (la première fois ça devait être en duo avec Milteau, un des premiers soirs du Bellevue), je m'attendais en fait à des reprises plus country-blues (en fait dans le style de ton album précédent). Est-ce le fait de travailler avec d'autres personnes qui t'a orienté dans cette direction ? Je pense à l'apport de Luc Bertin pour "How can a poor man..." où bien de Baco Mikaelian avec son accordéon.
Chris Lancry :Je suis d'accord avec ton analyse, d'ailleurs à l'influence de Ry Cooder on pourrait rajouter celle de David Lindley, qui est à mon avis le véritable "phare" de ce genre de musique (Tex-Mex/Blues). Je vous conseille d'ailleurs d'écouter ses deux derniers albums constitués de morceaux live, dans lesquels il est juste accompagné par un percussioniste.
Mais j'avais découvert ce style bien avant (en 1965) avec le disque de Dylan "Highway 61" qui mélait déjà ces musiques de la frontière Sud-Ouest des States. Ainsi que dans les enregistrements de Cisco Houston, Woodie Guthrie et Leadbelly qui avaient souvent une "coloration" mexicaine. On pourrait même dire que cette couleur "Latino" se retrouve dans le blues du texas puisque tout le monde s'accorde aujourd'hui à dire que l'accordage standard de la guitare, et la tonalité de Mi, descendent en droite ligne du Flamenco. Je crois que mon style à la guitare acoustique est un mélange de Blues, de Folk et de Country.

LGDG: Peux-tu nous parler un peu de BlueStak et de ce que cette aventure/entreprise vous apporte (je pense par rapport à des productions plus modestes et donc plus méconnues comme avec Patrice Moulou précédement)
Chris Lancry :C'est en fait une initiative de Laurent Cokelaere, qui s'est associé au studio Stakato pour enregistrer des musiciens de blues, Rythm'n'blues etc... qui chantent en français. 6 disques ont été enregistré à ce jour. La caractéristique principale de ce label est qu'il fonctionne grâce à la bonne volonté de tous, (artistes, musiciens, ingénieurs du son etc...). Cette "organisation" désinteressée m'a permis d'enregistrer mon album avec de trés bons musiciens et dans de bonnes conditions.
La grande difficulté vient en fait de " l 'exploitation " de notre musique car nous nous heurtons à forte partie face aux commercants de la musique. Je pense que ces albums sont de bonnes reproductions d'un certain esprit, qui privilégie le plaisir de jouer la musique que l'on aime, sans concession commerciale mais sans prétention non plus. Je crois que ça reflète assez bien la situation des musiciens français, conscients à la fois de leurs possibilités et de leurs limites.

LGDG: Merci de tes réponses pour La Gazette De Greenwood et à bientôt (à l'Avant-Scène ... ou au Saint-Louis ;-))


Propos recueillis par Pierre Mercier, avril 2000
Quelques informations sur Chris Lancry :
http://magicblues.com/pverbeke/chris_lancry.htm
http://www.french-blues.com/musiciens/lancry.html
http://www.1212.com/a/lancry/chris.html
12 photos de cette soirée à l'Avant-Scène : http://www.argyro.net/amap/Lancry.html

et sur David Lindley : http://www.davidlindley.com

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juke-joint parisien:
au Baryton avec Guitar Mana & boogie disease

Date: 16 Avril 2000
De: Jocelyn Richez" <jrichez@hotmail.com>

  Guitar Mana (Bagneux 1999)
Stéphane Manaranche et Thibault Choppin
(Bagneux 1999)
Hier j'ai passé mon après midi et même un peu plus (16h30-21h) au Baryton, le seul juke-joint parisien, en quelques sortes un anti-maxwell café. Pour ceux qui ne connaissent pas, le Baryton est un petit bar situé au coeur du marché aux puces de Clignancourt, juste à côté du fameux disquaire Copa Music dont il est "l'annexe". Il n'y a pas 2 tables ni 2 chaises pareilles, la déco est un peu bordellique mais 100% blues, la salle est enfumé, la scène exigue, le public est connaisseur et difficile à satisfaire et le patron est un type sympa.

Hier, c'était un des groupes de la nouvelle génération du blues français qui occupait la scène, l'un des plus prometteurs: Guitar Mana & boogie disease.

Si l'accueil au set fut un peu froid à l'image du temps hier, l'ambiance s'est chauffé progressivement jusqu'au final avec un boeuf très apprécié avec Jean Pierre Pase en grande forme. Même si c'est le chanteur guitariste Stéphane Manaranche qui donne son nom au groupe, le véritable leader sur scène est Thibault Choppin (harmonica, basse et chant) qui est le plus charismatique du groupe et celui qui s'est le mieux adapté à l'ambiance particulière du Baryton et à son public. J'aime beaucoup leur répertoire très axé années 50, ça swingue, ça jumpe, ça boogie !!

C'est un peu l'esprit des CD solos de Kim Wilson (avec Rusty Zinn et Duke Robillard aux guitares). Le virus du boogie s'est donc bien propagé et a agréablement égayé ce samedi plutôt gris et froid. Aussi, le patron m'a donné des nouvelles rassurantes au sujet de Marc "pepe" Pedron, le chanteur harmoniciste d'Alcotest Blues Band qui se remet lentement de son opération. Il devrait faire sa rentrée au Baryton le 3ème dimanche de mai avec Alcotest Blues Band.

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The Skiffle Sessions

Live in Belfast
Van Morrison, Lonnie Donegan, Chris Barber

Date: Jeudi 27 Avril 2000
De: Docteur Blues <jtravers@europost.org>

Le Skiffle est une salade anglaise composée de Dixieland, de Bluegrass, de Blues, d'airs westerns. Le principal représentant du Skiffle est Lonnie Donegan, véritable star du genre en Angleterre. Il retrouve ici, quarante ans plus tard, au côté de Van Morrison, son vieux complice, le Jazzman Chris Barber.

La mode du Skiffle est révolue depuis la fin des années cinquante et pourtant la fraîcheur de cet enregistrement live nous laisse supposer que cette vague de musique populaire puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, pourrait bien revenir au goût du jour, tant notre besoin d'authenticité n'a jamais été aussi exacerbé. Ainsi, comme la bataille que l'on peut mener contre les OGM's, tous les instruments présents sont 100 % acoustiques : le trombone, le Washboard, l'harmo et ils groovent aussi bien que dans un dernier Tom "Sex Bomb" Jones... On peut y retrouver également un contre point parfait au travail effectué par Ry Cooder au côté de musiciens cubains.

Une des bonnes surprises de cet album est la participation de Doc John sur deux titres : Going Home, Goog Morning Blues, où l'on atteind une bouillonnante communion entre tous les musiciens présents, autour de ceux déjà cités, applaudissez : Paul Henry, Big Jim Sullivan, Nick Payne, Nicky Scott, Alan "Sticky" Wicket...

Le répertoire passe aussi facilement d'"Alabamy Bound" à "Frankie and Johnny" de "Goodnight Irene" à "The Ballad of Jesse James" sans oublier "Outskirts of Town" pièce maîtresse de l'album. Ces titres empruntés au répertoire traditionnel, nous rappellent qu'à une certaine époque, le cloisonnement n'était qu'une vague idée dans la tête de producteurs ou de journalistes élitistes et que le jazz ou le blues ne sont pas morts à se frotter d'un peu trop près au répertoire Hillbilly... (Et réciproquement je pense à Charley Pride unique chanteur de Country "black" qui sortit un disque pour RCA en 1980 titré : "There's a little bit of Hank Williams in me" ...)

Je ne dirai pas que ce disque est un chef d'oeuvre, mais simplement que c'est un petit bijou comme il en sort un tous les deux ou trois ans, comme l'Unplugged de Clapton il y a quelque temps ou l'expérience du groupe Little Village de John Hiatt. Et si il faut des héritiers au Skiffle, Big Brazos modestement, accepte cette succession.

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Robert Johnson:
un peu comme le Christ, il les aimait toutes

De: Uncle Lee <latailla@club-internet.fr>

A en croire Memphis Slim, qui a joué avec lui juste avant sa mort, Robert Johnson était un dépravé, gros buveur de whisky et tellement blasphémateur que personne n'osait rester près de lui de peur d'être foudroyé au moment où la foudre ne manquerait pas de tomber sur le bluesman! Quant aux femmes, Memphis Slim résume ainsi l'intérêt que Robert Johnson leur portait: "Elle pouvait ressembler à un hippopotame, du moment qu'elle le logeait et le nourrissait un temps, parce que pour ça aussi, il restait jamais longtemps, oh non!" (propos recueillis par Jim O'Neal à Chicago, 1975). Pour Johnny Shines, c'était plus fort que lui: "un peu comme le Christ: il les aimait toutes"! Si une femme passait à moins de dix mètres: "il s'en foutait qu'elle soit mariée ou pas, il fonçait".

Mais Johnson n'était pas vulgaire, et d'après les témoignages de ses conquêtes c'était un beau gosse plutôt timide, ce qui ne l'empêchait pas d'être direct. Pour surmonter cette timidité, il employait la méthode brusque, et ses premiers mots étaient souvent: "je peux aller chez toi?". Apparemment, ça marchait souvent et RJ était donc nourri, logé et caliné jusqu'à ce qu'il s'en aille ou que le mari de la belle rentre chez lui. Ca se terminait évidemment souvent mal et comme Robert ne savait pas se battre et se carapatait à toute allure, c'est Johnny Shines ou les autres bluesmen qui l'accompagnaient qui se faisaient tabasser à sa place!
Bon, ça c'est l'image "classique", si on peut dire, qu'on peut avoir de Robert Johnson, le dragueur invétéré et paillard qui a écrit Terraplane Blues ("Qui a conduit ma voiture pendant mon absence?... Oh babe... je dois soulever ton capot, je suis obligé de vérifier le niveau d'huile") et avait un répertoire impressionnant de "Hokum Songs" (textes grivois chantés, à l'origine, dans les bordels de la Nouvelle-Orléans).

Mais pour Robert Lockwood Jr, tout cela est faux car ce n'est pas Robert Johnson qui courait après les femmes, ce sont elles qui le pourchassaient! (interview Living Blues n°121, Juin 1995). Il est sûrement vrai que quelques unes d'entre elles voulaient vérifier si ses talents sexuels étaient à la hauteur de ce qu'il chantait dans certains de ces morceaux, mais il y avait également cette sorte d'aura que dégageait le personnage. Aura qui ne touchait pas uniquement les femmes, mais bien toutes les personnes qui le rencontraient. Johnson était mystérieux, secret et indéchiffrable par ses contemporains. Il ne savait pas vraiment ce qu'il voulait faire, mais il savait parfaitement ce qu'il ne voulait pas faire: travailler dans une plantation de coton. Et puis il y avait son "look", sa façon de se comporter et de s'habiller, toujours élégant et propre. Les mots pour le décrire sont parfois contradictoires: timide, poli, enfantin, taciturne, fou, insouciant, téméraire.

Deux anecdotes racontées par Hazel Maxfield Law et Don Law (le manager de ARC/Vocalion, qui enregistra Robert Johnson en 1936 et 1937) nous éclairent également sur la personnalité du bluesman. Madame Law était pianiste concertiste, et fut subjuguée par les longs doigts du bluesman. Elle se souvient de RJ comme d'un jeune homme timide qui marchait avec humilité quelques pas derrière eux dans la rue, refusant de marcher à leur niveau. Cela avait étonné les Law, mais il faut dire qu'ils étaient britanniques et ne baignaient pas dans la culture raciste du Sud des Etats-Unis...
Don Law a aussi raconté la nuit passée à l'hôtel avant la seconde journée d'enregistrement de Novembre 1936. Il avait laissé Johnson dans sa chambre d'hôtel et lui avait conseillé de bien se reposer tandis que lui-même allait dîner avec des amis. A peine à table il reçut un appel téléphonique de la police lui annonçant que Robert Johnson était en prison pour vagabondage! Don Law se précipita à la prison et trouva Robert roué de coups et la guitare explosée! Il réussit à le faire sortir de prison (quoi? Un blanc qui se soucie d'un vagabond noir? Le policeman n'en est toujours pas revenu...) et le ramena à son hôtel en lui demandant de ne pas en bouger. A peine de retour au restaurant, Law reçut un nouvel appel téléphonique... ce coup-ci c'était Robert Johnson:
- Quel est le problème maintenant? Demanda Law.
- Je suis seul...
- Tu es seul? Qu'entends-tu par "seul"?
- Je suis seul et il y a une jeune fille en face de moi. Elle veut cinquante cents et il m'en manque cinq...
A peine Don Law avait-il tourné les talons que Robert Johnson avait filé dans un bar avec les quarante-cinq cents que Law lui avait laissé pour le petit déjeuner!

Une des rares femmes à laquelle s'accrocha Robert Johnson fut Estelle Coleman, la mère de Robert Jr Lockwood. Johnson était tombé fou d'elle et bien qu'elle ne lui prêta pas attention (du moins selon son fils!) il réussit à s'imposer par son charme "magique" dans le foyer où il vécut plusieurs années par intermittences, alternant avec de longs mois d'absence pour aller jouer sa musique dans le Mississippi ou ailleurs. A chacun de ses retours, les poches pleines d'argent (ayant notamment fait de grosses économies d'hôtel!), il la traitait comme une reine, dépensant sans compter! Cela explique la vision quelque peu contradictoire que peuvent avoir Lockwood et Shines du bluesman: le premier le voyait surtout chez lui, attentionné envers une femme qu'il aimait, l'autre le voyait sur la route, dans les juke-joints et les rues. L'ambiance ne devait évidemment pas être la même!

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Pat Metheny au New Morning

Date: 23 Avril 2000
De: Arnaud Labouebe <arnaud_vh@yahoo.fr>

La raison de ma non présence chez Mickey [NDLR: au concert de Doo The Doo!] est qu'au même moment Pat Metheny se produisait sur la scène du New Morning. Une soirée un peu spécial car Pat et ses musiciens faisaient deux concerts. C'est donc pour le deuxième concert que nous pénétrames dans un New Morning blindé (de monde, pas avec des plaques d'acier) ce qui me donnait un début de réponse sur le "pourquoi deux concerts le même soir ?".
Evidemment, vous vous demandez pourquoi je parle de ce concert sur une mailing où l'on parle de blues. Et c'est vrai que même Pierre Bellemare aurait du mal à vous le vendre comme du delta blues ou tout autre descendant en douze mesures. La question est: était ce du blues ? ben non ... quoique par moment mais j'ai du mal à y croire.
Et le concert dans tout ça. Superbe. C'était la première fois que je le voyais et je ne suis absolument pas déçu. Mélangeant des titres de son dernier album avec le trio, de "questions and answers" (malheureusement, pas "three flights up"), de "bright size life" (un des grands moments du concert) et des titres enregistrés avec d'autres artistes. Un autre grand moment est quand il a empoigné sa guitare 48 cordes (deux manches, un 6 et un 12 cordes plus tout un tas de corde genre harpe) qui sonne comme une cathédrale. Deux trois titres accoustiques de toute beauté avec des guitares "normales".
Histoire d'achever le public, il attrape une vrai guitare électrique, enclenche la disto et envoie les rares survivant ad patres. Standing ovation de circonstance, il revient pour un dernier titre accoustique qui cloture deux heures et demi de bonheur. En plus de son talent de guitariste et de compositeur, Pat m'a donné l'impression de quelqu'un de très sympa, prenant du temps pour parler au public des titres joués et des musiciens.
Le seul bémol à la soirée, il devrait faire un procés à son coiffeur !

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Somebody Hoodooed The Hoodoo Man

Glossaire Blues: part 3/3


Troisième et dernière partie du "glossaire blues" de Jean-Paul Levet (les deux premières parties ont été publiées dans LGDG n°17 et n°18). Rappelons que cet article est tiré du livre "Talkin' That Talk" (dont le sujet est le langage du blues et du jazz, voir références en bas de l'article) sur lequel Jean-Paul Levet travaille à nouveau afin de le compléter, et fait suite à l'article "Les Pratiques Magiques dans le Blues" paru dans Soulbag.

Date: 9 Avril 2000
De: Jean-Paul Levet <jplevet@afpa-inmf.com >

27. NATION SACK/BAG

Peut-être de 'donation'.
Petite bourse portée par les preachers itinérants et dans laquelle ils gardaient les offrandes de leurs fidèles. Pour les prostituées, bourse portée entre les cuisses, le bruit des pièces attirant les clients.
Cette bourse est plus généralement utilisée pour cacher des objets personnels de valeur, et notamment les mains mojo ; le nation sack n'est porté que par les femmes, généralement à la taille plutôt qu'au cou ; le terme est spécialement utilisé dans la région de Memphis :
Oh-ah, she's gone
I know she's won't come back
I've taken her last nickel
Out of her nation sack

Come On In My Kitchen take 1, Robert Johnson (1936)
28. RABBIT FOOT

pied de lapin, ingrédient utilisé dans les pratiques magiques :
A gal for me, had a great infatuation
She wanted me to marry her but she had no situation
When I refused, she near went wild,
Says, I'm bound to hoodoo that child
She went and got a rabbit foot
She buried it with a frog
Right in the hollow of an old burnt log.
Right on theroad where I had to walk along
Ever since then my head's been wrong.

I've Been Hoodooed, Jim Towel (1928)
29. Red flannel

`Flanelle rouge', tissu préféré des `hoodoo men' pour la préparation des `mojo hands' : "Il [Buddy Bolden] buvait tout le whisky qu'il pouvait trouver, ne portait jamais ni col ni cravate, laissait voir sa chemise grande ouverte pour permettre aux femmes de voir sa flanelle rouge, et s'en payait toujours une tranche."
Alan Lomax, Mister Jelly Roll
She had red flannel rags
Talked about hoodooin' poor me

Chant de Whistling Alex Moore cité par Paul Oliver in Conversation With The Blues
30. ROOT

Charme, maléfice, sort, gris-gris :
Mama here come your root man
Open the door and let him in
It's just about time
You using some of your good roots again
(...)
There is one thing baby
You want the root all by yourself
But you know I'm a doctor mama
I don't give it somebody else.

Root man blues, Walter Davis (1935)
31. SEVEN

La symbolique du 7 est omniprésente dans de nombreuses civilisations, notamment hébraîque, perse, grecque, romaine ou encore dans l'Inde ancienne. Pour la Bible, le 7 a un caractère sacré : le 7ème jour, c'est le sabbat; Dieu a mis 6 jours pour créer le monde et il s'est reposé le 7ème. En Hébreu, le mot "jurer" signifie étymologiquement "faire 7 fois"; faire 7 fois, c'est donc passer un accord sacré. Lorsque Abraham passe un accord avec Abimelech, il utilise d'ailleurs 7 agneaux. Le chiffre 7 est par ailleurs un chiffre sacré dans la symbolique maçonnique.
Dans ce contexte, il n'est donc pas étonnant de retrouver dans les pratiques magiques des Noirs américains (cf hoodoo) le chiffre 7 associé à de nombreuses superstitions, généralement bénéfiques (sauf dans le cas notable des 7 ans de malheur)
I'm so superstitious
Broke a mirror one day
I'll have seven years bad luck,
Honey, so they say

Superstitious Blues, Joe Brown (1927)
Le chiffre est lié à de nombreuses pratiques magiques et superstitions :
On the seventh hour
on the seventh day
on the seventh month
the seventh doctor say:
`He was born for good luck'
and that you see
I got seven hundred dollars
and don't you mess with me.

I'm your hootchie cootchie man, Muddy Waters (1960)
le terme Seven sisters est d'ailleurs un synonyme de hoodoo man/woman, féticheur, personne douée de pouvoirs surnaturels tels que la divination ; quant au 7ème fils, spécialement s'il est lui-même fils d'un septième fils, il est naturellement doué de pouvoirs que n'ont pas ses frères et soeurs.

Seven Sisters : la constellation des Pléiades ; selon les informants de Hyatt, à La Nouvelle Orléans, famille de 7 sœurs toutes hoodoo women qui opéraient dans les années 1920 et 1930 dans une maison "by the water" :
They tell me Seven Sisters in New Orleans, that can really fix a man up right (2)
And I'm headed for New Orleans, Louisiana, I'm travelin' both night and day
I hear them say the oldest sister look like she's just 21 (2)
And she can look you right in your eyes and tell you exactly what you want done

Seven Sisters Blues, Funny Paper Smith (1931)

32. SPIDER

L'un des ingrédients utilisé dans les préparations magiques.

Lady of the spiders : synonyme de conjure lady
I been so unlucky, baby
I found a spider in my stew
Oh, I didn't know what happened, baby
I got so much confidence in you.

Spider in my stew, Buster Benton (ca 1980)

33. SPRINKLE

Répandre, saupoudrer. Dans le hoodoo, le fait de répandre une poudre (hot foot powder, goofer dust…) à laquelle on attribue des pouvoirs spéciaux, se fait en marchant en arrière.
You sprinkled hot foot powder, mmm
Mmm, around my door
All around my door
It keep me with ramblin' mind, rider
Every old place I go

Hellhound On My Trail, Robert Johnson (1937)

34. TOBY

Charme, talisman :
Toby Woman Blues, Gene Campbell (1931)

35. TRICK

Charme, mauvais sort :
I got a gypsy woman giving me advice
I got a whole lot of tricks, keeping them on ice
I got my mojo workin'
but it just won't work on you

Got my mojo working, Muddy Waters (1957)

36. VOODOO

D'un terme africain signifiant esprit ou Dieu
. Le vaudou est une religion uniquement pratiquée à La Nouvelle Orléans, par des descendants d'Haïtiens (installés depuis la rebellion d'esclaves de 1803). Le vaudou orléannais a grandement dégénéré depuis les années 30, se mâtinant de catholicisme, de spriritualisme et de hoodoo, perdant quelque peu son caractère religieux. Le contact avec Haïti redonne au voodoo contemporain son caractère religieux.

37. WHAMMY

Malédiction, sortilège :
If I could forget about you, baby
I wouldn't be in so much misery
Yes but I think I understand, baby
You must have put your, put your whammy on me

She Put The Whammy On Me, Freddy King (1962)

38. WORK

Pour un charme, un envoûtement, un mauvais sort, agir, faire effet.
I got a gypsy woman giving me advice
I got a whole lot of tricks, keeping them on ice
I got my mojo workin'
but it just won't work on you

Got my mojo working, Muddy Waters (1957)


Pour ceux qui souhaitent en savoir plus :

lexiconplanet.com rubrique le mot de la semaine: http://lexiconplanet/wklyscreenblues_fra.html

Pour acheter "Talkin' That Talk": passer commande à jplevet@club-internet.fr (pour la France metropolitaine : 100 francs frais de port inclus)

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La Gueule de Blues du mois:

Big Bill Broonzy




peinture de Denis Gérablie

"Comme un musicien sur un thème, j'ai composé cette série de portraits, de personnages charismatiques du blues, en improvisant au hasard de mon inspiration. Comme un voyage, les toiles nous transportent tantôt avec Big Bill Broonzy, la nuit dans un quartier louche de Chicago, dans un bar avec Roosevelt Sykes, ou avec Son House chantant seul sur une route de campagne."


Retrouvez les Gueules de Blues sur http://www.argyro.net/amap/gueules.html

contacter Denis Gérablie: 01 42 77 80 51

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le débat du mois:
Peterson: lucky or not lucky?


Lucky Peterson est annoncé à Montereau (Seine et marne) les 8 et 9 Juillet. C'est bizarre, mais il y a des noms comme ça qui déclenchent les passions.... Le débat fut donc animé, voire houleux, sur la liste de diffusion LGDG! En voici la synthèse:

René: Lucky Peterson, je l'ai vu à Cognac l'été dernier. Paillettes, strass, manquait plus que Michel Drucker et c'était Champs Elysées. A iech.

Sylvain: PAS BIEN

René: Je l'ai revu à Villepinte, dans le cadre des banlieues bleues. Excellent.

Sylvain: BIEN

René: A condition d'y aller avec des bouchons d'oreille, sous peine de devenir sourd. Il joue beaucoup trop fort. Donc, pas vraiment d'avis, disons que même s'il lui arrive de jouer très bien de la très bonne musique, personnellement, je ne me déplacerai plus.

Sylvain: PAS BIEN

Cédric: J'ai eu l'occasion de voir Lucky Peterson il y a deux ans à Montélimar. J'avoue avec été scotché par sa prestation. C'est un vrai showman qui n'hésite pas à user (et abuser ?) de ses méthodes pour enflammer la foule (descente dans la salle, appel de spectateurs sur la scène (dont je faisais partie) , etc.) Il était de plus entouré par de très bons musiciens notamment Butch Bonner à la guitare (le même que sur le Under My Thumb de Paint It Blue), Cependant, il parait que cela devient un peu lourd lorsqu'on le voit plusieurs fois car le show se déroule exactement de la même manière. Il est passé récemment sur TF1 lors de la retransmission du festival de Jazz à Nice. Son show est désormais très à l'américaine avec un speaker assez agaçant. Malgré ça, j'aime beaucoup. J'ai été un peu décu par le dernier album mais les précédents sont très bons.

Sylvain: et bien quant à moi je l'ai vu une fois et c'était le meilleur concert auquel j'ai assisté. Le courant entre lui, ses musicos et le public passait super bien. Il a fait monter une fille sur scène pour qu'elle chante sur "Baby what you want me to do" ! Le public était très bon. On a eu droit a des cris de coq sur Little red Rooster. Sans doute l'ambiance du chabada y est pour quelque chose: 900 personnes à tout casser (salle comble) dans une salle sympathique cette soirée là a été reconnue comme la meilleure de l'année. Bon j'étais jeune (encore plus qu'aujourd'hui), facilement impressionnable et j'ai pas encore beaucoup d'expérience en matière de concerts mais quand même je me suis éclaté!

Jocelyn: Je rejoins l'avis de René: à chier. C'est un type qui a un énorme potentiel (je l'ai vu une fois bon il y a une dizaine d'années au Hot Brass) et depuis il m'a toujours déçu. Il passe son temps à faire du cinéma, des pitreries, à imiter Hendrix, SRV ou les blues brothers, à faire des medley sans queue ni tête, à jouer des morceaux 2 fois plus vite que la normale, à se balader dans le public en jouant en boucle, à faire réagir le public etc mais côté musique: zéro pointé. Bref, on assiste plus à un numéro de cirque qu'à un concert de blues. Son concert au festival d'Asnières 99 était une véritable parodie de concert à vite oublier. En plus son groupe manquait visiblement d'homogénéité avec une section de cuivre qui jouait funk, un guitariste qui la jouait hard à fond avec une collection de pédales d'effets, de la saturation et un jeu à la vitesse de la lumière façon Van Halen. Bref, on était loin de Robert Johnson et Muddy Waters. Sa discographie n'a rien d'indispensable non plus, même si l'époque Alligator et le premier CD Verve polygram sont honorables.

 Cédric: Je pense que Lucky Peterson est capable du meilleur comme du pire en effet.

Jocelyn: C'est exactement ça même si aujourd'hui, la fréquence du pire est largement supérieure à celle du meilleur.

Cédric: Le concert à Montélimar était très bon. Il n'avait pas de section de cuivres et le tout était homogène et travaillé, sans superflu. Il était, de plus, accompagné par un bon guitariste rythmique, Butch Bonner et une très bonne section rythmique. La capacité d'accueil de la salle était limitée ce qui fait que le concert était très chaleureux. J'ai passé un moment excellent. Mais ce que tu dis de Lucky Peterson se retrouve assez bien dans l'extrait live diffusé sur TF1 dont j'ai précédemment parlé. Les medleys n'avaient aucune cohérence et les titres s'enchaînaient assez mal. (Je passe sur sa tenue vestimentaire qui était risible).Musicalement je n'ai pas retrouvé l' homogénéité que j'avais vue à Montélimar entre tous les musiciens. C'est dommage. A mon avis, c'est quelqu'un qui fait beaucoup trop de concerts et qui a perdu l'envie de jouer de ses débuts. Ses effets scéniques qui étaient encore assez spontanés (je l'ai vu chanter par exemple un blues assis devant la scène a cappella) sont aujourd'hui surfaits et trop calculés. Côté discographie, il y a des choses intéressantes. Je pense notamment à l'album " Lifetime " (hormis les titres avec Bootsy Collins), ou encore " Move "avec Butch Bonner, Steve Potts et Johnny B. Gayden. Je fais confiance à Lucky Peterson. C'est quelqu'un qui a beaucoup de talent mais qui aurait besoin d'un break (une pause, pas une voiture:-)) dans sa carrière pour pouvoir mieux repartir.

Jocelyn: Effectivement, et je crois aussi que la gloire, l'argent, le show-biz lui ont fait prendre la grosse tête. Je n'aime pas du tout Lifetime et je n'ai pas écouté Move qui est sans doute bien plus un disque de blues. Pour être honnète, je dois ajouter que Lucky Peterson a participer à 2 disques que je considère comme des chef d'oeuvres: "Harp Attack" (sur Alligator en 1990 avec Carey Bell, James Cotton, Junior Wells et Billy Branch), "Lost blues" d'Otis Rush (pour Sonet en 1977). Dans les 2 cas, L.Peterson joue du piano.

René: Méfie-toi de la pochette de "Move" ! Il a une National sur la photo, mais on n'en entend pas une note dans l'album. Publicité mensongère ! Mais il y a quand même de bonnes choses dans ce disque. Lire à ce sujet la sublime chronique de l'excellent R.M. dans Travel in Blues n° 13 (novembre 1997). Hein ? Quoi ? J'en fais trop ? Ah bon.

Sylvain: sur l'album "Move" la reprise de Tin Pan Alley est excellente ainsi que celle de "Purple rain"

René: Pour reprendre le style de ton message : la reprise de Tin Pan Alley: BIEN; celle de "Purple rain": PAS BIEN!

Didier: je suis bien d'accord sur ce point. je rejoins Jocelyn sur la prestation scénique, sur le pitoyable côté mise en scène (il commence le show dans le public), sur son jeu qui n'a pas grand chose de blues, et sur son guitariste. le show-biz lui est monté à la tête, j'ai vu l'autre jour un vynil de lui quand il avait 5 ans (le "Mozart du blues"), il y était présenté comme une bête de foire, un peu comme Jordy. maintenant (vous savez donc ce qui nous attend dans quelques années, un album blues de Jordy)

Martial: Bien ou pas bien. Scéniquement parlant, je rejoins les commentaires du genre "un peu surfait" ou "grosse tête devrait prendre des vacances". Mais ces commentaires sont fait par des connaisseurs de Blues. (Vous!) pour des connaisseurs (ah encore vous). Mais pour les novices en la matière, je dirais que des musiciens comme Lucky Peterson permettent au Blues de se faire connaître par le plus grand nombre. J'en veux pour preuve les réactions du public à la fin de son concert au Blues Passion 1999. Jouer dans le public, eh bien le public aime ça. De plus, Lucky Peterson est quelqu'un de très abordable et très très sympathique. Donc pur ou pas, top ou pas, moi j'en redemande!! Surtout tapez pas sur la tête!!

Jocelyn: Je ne suis pas certain que Lucky Peterson soit le mieux placé pour élargir le cercle restreint des fans de blues.

René: Faire connaître le blues par le plus grand nombre, c'est une qualité que je lui reconnais. Volontaire ou pas ? Si c'est un but qu'il s'est fixé, alors je dis bravo. Si par contre son but est d'être plus riche et plus célèbre, je comprends. Quand je change d'employeur dans mon job, j'essaie toujours d'obtenir plus que ce que m'accordait l'employeur précédent, et mon boulot ne me passionne pas, je le fais pour l'argent. Mais quand c'est un artiste qui compromet son art, c'est dommage pour nous.

Cédric: Je ne pense pas que ce soit le cas pour Lucky Peterson qui sert son art à sa manière. C'est quelqu'un qui sait faire passer une émotion dans le public et qui produit du bonheur collectif le temps d'un concert (cf. les réactions du public et message de Martial), et ça c'est déjà pas si mal. Après, on peut dire qu'un artiste joue plus ou moins bien, est plus ou moins authentique mais compromettre c'est plus que ça, c'est faire du blues techno par exemple comme a fait Gary Moore, c'est trahir l'esprit de la musique, c'est associer des choses non-associables. Ce n'est pas ce que fait Lucky Peterson. N'exagérons rien.

Johnny Guitar: J'ai vu Lucky Peterson à la Cigale voici 2 ans environ, et je garde un très bon souvenir de ce concert. Très bonne prestation, effectivement petit tour au balcon avec sa 335 naturelle mais perso ça ne me dérange pas et au moins ça permet de décloisonner le public vs la scène (en plus on peut juger comme ça de la qualité du son.........). Superbes musiciens, bon groove et bon blues. moi j'aime bien ...............

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