RIPOSTE

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En prenant cette décision, un premier pas vers la résolution de cet objectif était déjà franchi ; il fallait vite trouver le moyen d'arrêter la contraction de notre feuillet. Nous descendîmes, le Grand Magellan et moi, dans la salle des observations. Trois frères ingénieurs consultaient une multitude de sphères de contrôle et interrogeaient sans cesse les ordinateurs neuronaux. Tous étaient tellement pris par leurs calculs que notre arrivée passa inaperçue. Je m'approchais de l'un d'eux et m'adressais à lui :

-" Peux-tu me dire si le phénomène est généralisé à tous les feuillets d'univers ou s'il est circonscrit à l'angle 24 ?"

Un des frères scientifiques sortit la tête de ses écrans et me reconnut aussitôt.

-"Mais n'es-tu pas Kuhing ? " S'étonna-t-il.

-" Nous te donnerons de plus amples explications plus tard, frère, dit le Magellan. Pour l'instant, nous devons agir rapidement."

L'ingénieur se fixa à nouveau devant ses écrans tactiles et retourna à mon interrogation en hochant dubitativement la tête :

-" Impossible de répondre à cette question pour l'instant. Vous savez comme moi que nous ne pouvons pas communiquer d'ici avec les soucoupes en mission supra-galactique, et les ordinateurs n'ont pas encore résolu les calculs correspondants."

-" Quand donneront-ils une réponse ?" Demanda le Grand Magellan.

-" Pas avant une cinquantaine d'unités mais d'ici là, l'information ne nous intéressera plus, nous serons plus brûlants qu'elle." Fit-il d'un air résigné. Je demandais aussi où se situaient ses prévisions quant à la durée du phénomène. L'ingénieur annonça sa première estimation calculée depuis environ deux unités.

Le Big-Crunch aurait lieu dans 147 U. Je fis tout de suite part de ma surprise puisque je venais d'aboutir, presque au même moment, à un résultat de 203 U., en incluant, bien évidemment, les coefficients de contraction espace-temps. Devant un tel écart, nous entreprîmes de refaire, avec les deux autres ingénieurs qui

nous avaient rejoints, une autre estimation temporelle. Les trente ordinateurs engloutissaient les données avec voracité et, après une unité d'une d'intense activité, le résultat tomba :

" Big-Crunch dans 128 U.".

Nos regards n'osèrent pas se croiser tant la surprise fut grande. Nous ne nous trompions pourtant pas souvent dans nos calculs ; je cherchais donc l'explication ailleurs puis, je saisis l'origine de nos erreurs. La contraction concernait l'espace, la matière et le temps donc nous-mêmes. Notre structure organique se resserrait aussi, modifiant avec elle la formation de nos idées. Même Si nous lisions x U. sur l'écran, nous comprenions y U. Je fis part aux autres de mon hypothèse et faute de pouvoir en opposer une nouvelle, ils durent l'admettre. Cette situation ne facilitait pas nos démarches d'autant plus que, si la transformation de mon idéation paraissait s'opérer en phase avec celle des autres, nous ne pouvions nous appuyer sur aucune garantie ni référence quant à la suite des événements. Je présentais cependant le plan de riposte qui mûrissait dans ma tête.

-" Nous devons d'abord nous assurer de l'étendue du phénomène. Je crois qu'il ne concerne que notre feuillet d'univers qui, une fois contracté, provoquera une réaction en chaîne entraînant les autres angulations. Il faut vérifier cela. Si je ne me trompe pas ; il semble théoriquement possible de contrebalancer cette contraction par le déclenchement d'un Big-bang qui engendrera un univers énantiomorphe, miroir, à la dimension 24. Par contre, Si le Big-Crunch est généralisé, rien ne sera possible pour des raisons que vous imaginez peut-être." Les trois ingénieurs m'écoutaient bouche bée. Le premier se décida enfin à oser une remarque:

-" Tu vas expérimenter ta fameuse théorie du feuillet synthétique ?

-" C'est vraiment l'occasion ou jamais. Dis-je. Je vais rejoindre la base de navigation supra-galactique pour vérifier l'état des autres univers. S'ils s'expandent encore, je mets mon plan en œuvre."

Nous nous rendîmes avec le grand Magellan dans l'entrepôt et je pris moi-même les outils nécessaires. Puis je remontais sur le toit pour embarquer dans la bouée de transport en direction de la base supra-galactique.

Les ingénieurs navigants étaient prévenus de mon arrivée, et une soucoupe m'attendait, prête au décollage. Je m'y installais sans tarder et je programmais sur l'ordinateur de bord la trajectoire géodésique du premier tunnel de basculement pour émerger ensuite dans le feuillet 28.

 

La suite

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