9.6 APPARITION

 

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D'après mes compagnons de voyage, ces volatiles faisaient partie de l'aménagement écologique de l'Arche cosmique: s'ils venaient à mourir, ils étaient les premiers à indiquer une défaillance du système de recyclage du gaz carbonique du vaisseau. En tout cas, leur présence réveilla les doutes qui venaient à peine de s'estomper en moi.

Je suivais des yeux leur vol groupé et, quand ils me passèrent au-dessus de la tête, j'eus confirmation qu'il s'agissait bien de ceux du voyage virtuel. Je restais quelques instants songeur et les deux frères continuèrent leur chemin étonnés par mon attitude.

-" Suis-je en train de perdre l'esprit ?" me demandais-je. Cette question pouvait paraître exagérée après les événements extraordinaires que j'avais vécu nais, curieusement, l'apparition de ces oiseaux avait réussi à déstabiliser ma raison. Je me sentais glisser vers un chemin dangereux et je compris qu'il fallait vite se ressaisir.

-"J'ai l'habitude de jongler avec les abstractions et jusqu'à présent je m'en suis plutôt bien sorti. Me dis-je . Cette histoire a forcément une explication que je vais découvrir."

Je retournais dans mon alvéole pour programmer à nouveau un voyage virtuel; la solution s'y trouvait sûrement . J'opacifiais les cloisons et je m'installais sur un fauteuil .

Je pris le soin, cette fois, de brancher des enregistrements vidéographiques de l'ensemble de la pièce. Une première caméra filmait la situation telle que j'allais la vivre tandis qu'une deuxième, spécifiquement filtrante, n'imprimait que la réalité .

J'effleurais la commande du synthétiseur d'images virtuelles et après quelques ajustements, la même lagune au sable blanc s'étendait devant moi .

Je laissais maintenant le programme se dérouler de lui-même en attendant que ces drôles d'oiseaux réapparaissent. Je fixais l'horizon de ce ciel azur qui , hormis quelques nuages, restait vide.

Pour patienter, je pris une poignée de sable dans ma main. L'illusion était parfaite; je sentais sa chaleur s'échapper peu à peu à mesure qu'il coulait entre mes doigts.

Mais soudain, un crissement de pas attira mon attention. Je tournais la tête et, stupéfait, je vis, debout derrière moi , le Grand Magellan qui me souriait. J'eus d'abord un petit mouvement de recul puis je rompis le silence:

-" Grand Magellan, est-ce bien toi? Fais-tu partie de ce monde virtuel ou n'es-tu qu'une de mes hallucinations ?"

Le visage du représentant de la civilisation Drhyz, celui que j'avais découvert affreusement mutilé, rayonnait maintenant d'une sérénité parfaite . Il me regarda encore sans toutefois me répondre puis il se dirigea vers les vagues. il avança jusqu'à l'eau, se mit à marcher sur sa surface, et s'évanouit bientôt à l'horizon.

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J'en avais assez vu pour cette fois, et je débranchais le synthétiseur d'images virtuelles. Le décor de l'alvéole retrouvée me parut plutôt réconfortant. Je me levais de mon fauteuil et je me plantais sans attendre devant un écran de contrôle pour visionner les enregistrements. Le premier film me fît apparaître dans le décor virtuel. Je me voyais scrutant le ciel puis jouant avec le sable entre mes doigts mais, au moment de l'arrivée supposée du Grand Magellan, je constatais que son image ne s'était pas imprimée. Son apparition, tout comme celle des oiseaux, était donc indépendante du programme informatique; elle se situait sur une autre fréquence. Je mis en route la deuxième prise de situation réelle et je fus d'abord amusé par mes positions et mimiques qui, en dehors du contexte, perdaient tout leur sens. Une deuxième surprise m'attendait cependant quand , sur l'écran, l'image du Grand Magellan se forma derrière mon fauteuil. Toute la scène que j'avais vécu avec lui se répéta nais dans le réel enregistré. Le Magellan ne marcha pas sur l'eau comme je l'avais vu mais traversa seulement la pièce puis passa à travers sa cloison. Cette découverte ne simplifiait pas les choses. Je repassais un bon nombre de fois les vidéogrammes en tentant de comprendre la clef du mystère. Des entités vivantes ou ayant vécu reprenaient corps dans ma réalité en utilisant le support informatique des images de synthèse. En outre, elles pouvaient, comme l'avaient fait les oiseaux, passer dans notre dimension matérielle sans respecter la flèche du temps.

Ceci était la constatation brute des faits, et déjà une première étape dans la résolution d'un problème, qui me semblait encore bien lointaine.

la suite

 

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