8.3 CHOC

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 Dryhz 87 avait un volume inférieur à celui de 08.

Ses étendues de bauxite et sa richesse en minerai de blende lui donnaient habituellement une teinte rougeâtre que l'atmosphère ne parvenait pas à masquer. Mais, en ce moment, la vapeur d'eau qui stagnait encore sur toute sa surface, la peignait d'une blancheur d'albâtre homogène.

Je plongeais dans ce voile pour faire un tour d'observation. A travers la brume qui se dissipait, j 'aperçus une agglomération. En m'approchant, je constatais son délabrement très avancé. La chaleur avait été beaucoup plus forte ici puisque des structures en alliage métallique léger s'étaient déformées.

Certains immeubles s'étaient effondrés après des affaissements de terrain et toute la végétation se réduisait à des amas de cendres aux formes étranges.

J'interrogeais l'ordinateur de bord qui m'indiqua une température au sol de 43~. Pourtant, les rues étaient désertes.

Ce calme apparent ne me plaisait pas, et je décidais de prendre la direction de la mégapole de Drhyz 87.

En chemin, je croisais enfin quelques bouées de transport. Elles avaient perdu leur belle couleur d'origine et semblaient sortir de la cheminée d'un volcan. J'eus une pensée admirative envers nos techniciens qui concevaient des véhicules aussi solides pour résister à de tels traitements.

Au fur et à mesure de ma progression, les bouées se multipliaient puis elles devinrent innombrables. Elles convergeaient toutes vers un point que mon ordinateur de bord ne définit pas comme étant la mégapole 87 mais la base de vols supra-galactiques située un peu plus à l'ouest.

Je suivis ce flot en gardant de bonnes distances, et j'avais maintenant sous moi une nuée de véhicules volants qui noircissaient le ciel. J'eus la confirmation de ce que je pensais lorsque j'arrivais près de la base d'envol : toute la population de cette planète, soit cinq millions de mutants, se massaient ici en attendant le retour des navettes volantes - Objectif : embarquer vers Drhyz 08 avant d'envahir les autres planètes du réseau.

J'appelais le Grand Magellan pour obtenir des renseignements. Je sus que les mutants s'étalent posés sur Drhyz 08 et cherchaient à pénétrer dans les habitations. D'ores et déjà, ceux de la première vague contrôlaient au moins deux mille immeubles.

Ghya comptait certes plus de quatre-vingts millions d'habitations mais les agresseurs, malgré la faiblesse de leur nombre, représentaient un réel danger pour cette population pacifique, inoffensive et désarmée.

Je montais en altitude pour quitter l'atmosphère de la planète 87, en direction de sa voisine Drhyz 74. En moins d'une unité je survolais sa surface et j'assistais au même phénomène de regroupement général de la population autour de la base de vols supra-galactiques.

La situation n'offrait pas la moindre ambiguïté : les occupants de ces deux planètes étaient intégralement perdus. Sans plus aucun doute ni remords de conscience, je décidais de mettre en œuvre mon plan de contre-attaque. Je pris de la hauteur pour me placer en géostationnaire à la bordure extrême de l'atmosphère de Drhyz 74.

A cette distance, je pouvais voir la planète dans son intégralité, avec ses trois continents qui s'étendaient sur la moitié de sa surface.

Je sortis de ma coque protectrice et je profitais quelques instants de la situation d'apesanteur pour me détendre un peu.

Ce fut bref, le temps n'était pas aux loisirs.

Je m'approchais de ce générateur d'ondes gravitationnelles pour en manipuler le clavier de commande.

Je programmais une puissance de 70 R.gh. et la machine se mît à ronronner doucement, de façon régulière, presque rassurante. Je me réinstallais sur mon siège de pilotage, et j'orientais ma soucoupe comme si je voulais faire demi-tour vers Drhyz 87 - je la voyais comme une jolie boule rose sur l'écran frontal.

Je programmais une vitesse ultra-réduite, et visualisais ma position dans la sphère de contrôle réglée plein zoom sur mon aérodyne lui-même. Alors, une sueur froide me glaça.

Je me voyais m'éloigner lentement mais sûrement de Drhyz 74, mon plan ne fonctionnait donc pas. Je vérifiais sur un écran de contrôle mon taux de fuite par rapport au centre de la planète 74, et l'ordinateur indiquait bien une valeur positive.

Il me fallut quelques fractions d ' U. pour réguler mon émotion et reprendre confiance pour tenter un nouvel essai.

Je repris ma place initiale au bord de l'atmosphère de Drhyz 74 ; je me hissais encore face au clavier du générateur d'ondes de gravité, mais j'y programmais cette fois-ci la puissance maximale.

L'écran de la machine indiqua :

" Attention, 95 R.gh. Puissance maximale programmée. Zone d'utilisation dangereuse - exceptionnelle. Formuler à nouveau la commande ".

Sans l'ombre d'une hésitation je confirmais, et le générateur passa du ronronnement serein à un bruit inquiétant.

Je me réinstallais vite sur mon siège de pilotage et j'opérais la même manœuvre de déplacement en petite vitesse. Je surveillais très attentivement ma situation dans la sphère de contrôle, et je fis, soulagé, la constatation attendue: ma position demeurait fixe par rapport à Drhyz 74.

Sur l'écran, l'ordinateur confirmait : " Taux de fuite : 0 ".

J'étais en train de gagner mon pari, et la guerre contre les mutants : le générateur d'ondes de gravité que j'avais embarqué attirait vers moi la planète 74 toute entière, et la progression de ma soucoupe la mettait en mouvement.

J'allais maintenant lui donner de l'accélération, une vitesse suffisante pour en faire un formidable projectile sidéral qui rentrerait en collision avec l'autre planète mutante. J'augmentais maintenant mon allure en entraînant dans mon sillage le gigantesque sphère de matière.

Je pris une trajectoire elliptique avec pour centre : Dhryz 87. Je fis trois révolutions en accélérant autour de cet l'axe cible. Derrière mol, Drhyz 74 suivait maintenant à grande vitesse ; j'allais pouvoir boucler ma trajectoire dans une spirale. Je refermais l'étau avec entre ses mors, le choc final. Les distances se resserraient ; Drhyz 87 remplissait déjà de son image tous les hublots latéraux de mon aérodyne.

Alors, je piquais directement sur elle, la manœuvre ne tolérant pas la moindre erreur. Je fis fonctionner le pilotage automatique, droit devant.

Malgré la très forte pression, je me dégageais de ma coquille de protection, et de mon harnais de sécurité. Je m'agrippais au bord du siège de commande. Drhyz 87 prenait maintenant toute la surface de l'écran frontal et j'allais bientôt pénétrer dans son atmosphère.

Je me hissais de toutes mes forces vers le clavier de ce générateur dont le vacarme était devenu insupportable. Enfin, je le stoppais. Derrière moi la planète Drhyz 74, comme lancée par une fronde cosmique, suivait mon sillon. Je mobilisais mes dernières forces physiques pour retourner sur mon siège, ceinturer mon harnais magnétique, fermer la coquille. Devant, la surface de Drhyz 87 approchait à toute allure. Je déviais alors de ma trajectoire, en donnant une propulsion perpendiculaire qui m'éloigna.

Par le dôme de mon aérodyne, je vis mon projectile astral passer au-dessus de moi à une allure folle. Ensuite, les atmosphères des deux planètes se fondirent et, l'instant d'après, le choc formidable illumina l'espace dans un tonnerre titanesque Le champ magnétique de la soucoupe se déclencha aussitôt pour me protéger des débris de matière en fusion projetés par la collision.

Je fermais les yeux de soulagement, cette bataille était gagnée.

 la suite

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