Chapitre 10 : La télé ... le sport

A/ Intro

Les shows télévisés, les séries et les news, c'est très bien, mais bon, le sport, ici, prend aussi beaucoup de place, et je me devais d'en parler.
Parmi les dizaines de sports que l'on peut pratiquer, suivre, regarder ou supporter, on peut dégager deux groupes :

1/ Les sports qui déplacent les foules locales ( et qui rapportent du pognon)
2/ Ceux qu'on pratique entre amis, pour le plaisir ou pour entretenir son corps (sa forme physique).

--> Son équipe à soi de sa ville ... (ou de sa région)

A Boston, seulement quatre sports se partagent, et l'affiche, et les deux stades de la ville :
     - Base-ball : Les « Red-socks » de Boston, à Fenway park.
     - Football : Les « Patriots », champions du monde cette année (équipe régionale)
     - Basket ball : Les « Celtics », au Fleet Center
     - Hockey : Les « Bruins », au Fleet Center

--> Les autres

Dans ce groupe, on peut mettre tous les autres sports ...
Pour avoir une idée des sports qu'on peut trouver ici, aux states, je vous conseille de lire cette page de mon « petit guide ».



B/ Et moi dans tout ça ...

Et bien en fait, en arrivant ici, j'avais plutôt le choix.
En tant que Français, j'avais grandi avec le football (celui qu'on joue au pied), le rugby (à la télé avec mon papa, il faut dire qu'on habitait pas vraiment une région phare dans ce domaine: La Seine et Marne), et puis des sports tels que la natation , le judo ou le karaté.
J'ai logiquement décidé de suivre (plus ou moins) le déroulement des événements concernant ce merveilleux sport qu'est le hockey sur glace ... et j'ai donc jeté mon dévolu sur l'équipe locale : Les Bruins de Boston.

Après quelques match, je commençais à être en mesure de suivre la rondelle sur la glace.
Après quelques semaines, je suivais les phases de jeux, les pénalités et me permettais même certaines de les contester.
Après quelques mois, je commençais à m'endormir devant les matchs ... et lorsque ma femme me proposait de zapper sur « Charmed », j'acceptais, presque avec joie. « Quelle honte ! » Me direz-vous ...
Vous avouerez que c'est tout de même plus plaisant de mater trois salopes à moitié à poil pendant une heure que de suivre une dizaine de zombis patiner en rond pendant 2 heures.
En fait, le temps de m'habituer, ce sport ne semblait plus si attractif. Les joueurs semblaient dormir sur la glace.
Oh, il y avait bien quelques bagarres, mais cela ne semblait pas vraiment déchaîner les passions.
Et puis après quelques mois, j'ai carrément arrêté de suivre les matchs.
Entre temps j'avais acheté le jersey des Bruins, quand-même, histoire de ... mais l'esprit n'était plus là.

Non, je préférais pratiquer gentiment ce sport avec les gamins de ma rue. Ca me faisait faire un peu d'exercice, et puis je trouvais très plaisant de communiquer à des enfants des concepts tels que : l'esprit d'équipe, le fair-play ou le respect des l'autre. C'est vrai qu'à 8 ou 10 ans, c'est pas forcément les concepts les plus populaires. A cet age là, le but premier est de gagner, et pour ça, de n'accepter de jouer qu'avec ceux qui jouent le mieux ... d'où l'angoisse, parce que parmi les mouflets, la plupart étaient relativement débutants, tandis que l'un d'entre eux jouait dans l'équipe du patelin, et surpassait donc de loin ses camarades.
J'avais commencé en prenant le contre-pied de cette tendance, n'acceptant dans mon équipe que les plus mauvais qui, avec le temps, ont fini par s'améliorer. Et puis bon, perdre ou gagner, tant qu'on s'amuse ... et que personne ne se blesse.

Le point culminant de cette retraite stratégique fut lors d'un match en décembre. Ma femme a cru me faire plaisir en achetant 2 tickets pour aller les voir jouer au fleet center, pour notre anniversaire de mariage. Et elle avait raison, cette initiative ravivait en moi la flamme de la passion pour un sport que, finalement, je connaissais très peu.
Du coup je m'étais senti obligé d'acheter 2 tickets pour aller voir « Casse burnes » au Wang center. Elle me bassinait avec ça depuis qu'on se connaissait ...
Résultat des courses : Les Bruins se sont fait battre, ou plutôt humilier, 6-0 ... et je découvrais avec ravissement le ballet de monsieur
PIOTR ILYITCH TCHAIKOVSKI.

Quand un jour, je reçois un mail d'un journaliste canadien, enchanté de trouver un francophone fan des Bruins ...

Bonjour M. Lavault,

Je suis un journaliste au Journal de Montréal et j,ai vu sur le Forum
bostonfr.com que vous vous intéressiez au hockey.

Avez-vous prévu assister à des matchs des Bruins pendant les playoffs ?
De toute façon, j'aimerais vous parler pour avoir votre regard
d'expatrié sur la fièvre du hockey à Boston.

Merci,

Dominic Fugère
Journaliste,
Le Journal de Montréal


Bien, bon, ben euh, d'accord.
Et je lui répond ...

Bonjour,

effectivement, je m'intéresse au hockey.

Vous pouvez m'appeler quand vous le désirer durant la journée au numéro indiqué en fin de mail.
Je serai très heureux de partager avec vous mes impressions d'expatrié.

Cordialement,


Nous nous parlons ensuite au téléphone quelques instants, échangeons quelques propos.
Il voulait prendre la température des fans à Boston, parce qu'à ce qu'il me dit, à Montréal et à Québec, c'était presque l'émeute permanente. C'est la fièvre un peu partout en ville, un peu comme quand l'Olympique de Marseille débarque à Paname pour rencontrer le PSG :
- Les CRS quadrillent le stade (et ses abords) à grands renforts de troupes (avec casques, matraques et boucliers anti-émeutes) et de barrières métalliques.
- Les bus Marseillais doivent suivre un parcours, tenu secret, prévu et imposé par le préfet de police, le tout sous la surveillance/protection des forces de l'ordre.

Le problème, c'est que « La fièvre du hockey », ici ... c'est pas vraiment ça. Les supporters des deux équipes se côtoient sans même se regarder, sans même se voir : « Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe calme et volupté », comme dirait l'autre ... et puis aussi « files d'attentes », mais ça, vous le saviez déjà.
Non, ici, le hockey, c'est pas ça qui rend les Bostonniens fiévreux.
Eux, c'est plutôt le base-ball qui les rend marteau : avec mouvements de foules et voitures qui brûlent. forces de l'ordre et arrestations en pagailles.

M'enfin bon, le jour 'J' arrive (le lendemain). Le matin, nous prenons rendez-vous pour le soir au Fleet Center, avec l'idée d'aller prendre un verre et de voir le match dans un pub.
Et puis, dans l'après-midi, je reçois un email d'une amie de Montréal qui me disait qu'elle avait lu mon nom dans le quotidien local ...

Déjà ?

Mince ! Ils sont rapide ces américains !
(Euh, non, désolé, ces Canadiens ...)
J'ai même pas eu le temps de donner l'interview que j'avais déjà mon nom dans les journaux ...

L'auteur de l'article me l'a envoyé par la suite :


Légendes - Boston 1
TITRE : Où ça les « pléof » ?
BOSTON - Non, Boston ne vibre-pas-au-rythme-des-séries. Sportivement, Boston s'inquiète surtout des sautes d'humeur de Pedro Martinez. Et moi je m'en vais droit en enfer.
patrick lagacÉ

En enfer, oui. C'est Malik Najmi, mon chauffeur de taxi, qui me l'a juré.
« Es-tu marié ? »
Réponse : Non. Une blonde, Malik, dis-moi, est-ce correct quand même ?
« Oh, no. Il faut être marié. T'es catholique? Tu dois être marié quand même... Comme nous, les musulmans. »
Le boss m'avait envoyé ici, à Boston, couvrir les us et coutumes des fans des Bruins, voir comment vibre la ville ennemie. Pis là, premier Bostonnais rencontré : un gars qui veut parler de religion. Misère...
« Aimes-tu le hockey, Malik ? »
Je voulais changer de sujet, voyez-vous. Mais Malik est Pakistanais. Et j'ai su qu'on n'allait pas parler de la blessure aux côtes de Joe Thornton quand il m'a lancé, les yeux dans son rétroviseur :
« Le hockey sur glace ? »
Ouf. Ça va pas bien. Et Malik de me raconter comment, tout jeune, il a joué au hockey sur gazon. Bon.
Pas la folie

Tout ça pour vous dire que la grosse histoire, en sport, ici, c'est pas les Bruins, c'est Pedro Martinez. L'ex-Expos, as-lanceur des Red Sox. Pedro a été sorti du match inaugural de son club à Baltimore. Choqué, il a quitté le stade avant la fin du match, paraît que ça ne se fait pas.
Les Bruins ? Silence presque complet, du côté des journaux. Des miettes dans le Globe, des restants de table dans le Herald. Bref, c'est pas la folie, ici...
J'ai marché un peu dans le centre-ville en fin d'après-midi et je peux vous certifier deux choses sur Boston en ce début de printemps fort ensoleillé :
1) les filles sont jolies et 2) je n'ai rien vu, zéro, pas un Go Bruins Go, nulle part, dans les vitrines, pour attiser la fièvre des séries de la LNH.
Au moins, à Montréal, les filles sont jolies mais ça sent les séries, le monde a la fièvre, on allume des lampions...
J'étais pour aller dans une station de radio all-sports, du sport toute la journée, à WEEI AM, question de tâter le pouls du fan des Bruins et d'épier dans son habitat naturel le Ron Fournier local.
Mais le producteur m'a dit :
« Oublie ça, les Red Sox sont en train de gagner, cet après-midi, y aura pas une question sur le hockey... »
Aujourd'hui, peut-être.

Pour mettre de la couleur dans ma chronique j'ai trouvé un Français, un vrai, de France, fan des Bruins. Enfin, fan, faut le dire vite... Gérard Javeau s'est acheté un « jerzé des Bruins à 100 dollars » pour s'intégrer ici, dans son nouveau milieu.
Mais j'ai su que Gérard ne pourrait pas me parler des prouesses du gardien de but  Andrew Raycroft quand il m'a demandé :
« Dis... Comment ça marche, les pléof ? »
On dit pas playoff, Gérard, on dit les séries éliminatoires ! Misère. Je t'expliquerai...

Le jour du Jugement
Tout ça pour dire que jusqu'à samedi, les Légendes urbaines sont expédiées directement du territoire ennemi, Boston. Paraît que les fans des Bruins sont des brutes. Je vais bravement les approcher quand même.
Le taxi arrivait à l'hôtel, Malik insistait sur l'immoralité d'être non-marié alors qu'on fait des guiliguilis avec une dame. 
« Tu sais, quand arrivera le jour du Jugement, on va tous être jugés...N'abandonne pas ton âme... »

Donc, les amis, quand vous allumerez un lampion pour les Glorieux, allumez-en un autre pour mon âme, ok ?



Ca commençait bien !
On ne s'était pas encore rencontré qu'il commençait déjà à me bâcher ... je vais me fâcher ...
Un ami Québécois me répond que le gars est sûrement un plouc (en français dans le texte), parce que ce journaliste s'était permis d'écrire un papier sur Québec expliquant pourquoi il n'y habiterai jamais. Je vous laisse le soin d'apprécier, c'est au delà du goût personnel.
Et puis après tout, je suis Français moi, pas Canadien. Les querelles de clochers entre Montréal et Québec ... c'est pas que je m'en fiche, mais bon ... si, un peu quand même.
C'est à dire que vu de Paris, ces deux communes m'ont toujours semblé des destinations exotiques et inaccessibles, où la glace et la neige, le vent et la froidure, faisaient partie des souvenirs typiques, comme la Tour Eiffel pouvait l'être pour Paris. De plus, et ce depuis bien longtemps, ces deux métropoles fabuleuses ont été les berceaux d'humoristes géniaux (même quand c'était pas leur fond de commerce, rapport à l'accent) : Courtemanche, François Peyrus, Marcel Belivaux, Anthony Cavada ... Céline Dion et son René. En fait, il n'y a que Garou pour avoir fait pleurer les Français ... et faire rêver les Françaises, aussi, un peu ...
Notez qu'un jour, j'ai du bosser avec trois de ces gars là ... des gars qui viennent du froid.
Si l'on met de coté les moments où ils parlaient entre eux (où là, plus personne ne pouvaient les suivre) et bien ... ça s'est très bien passé.

Et puis l'après midi passe, et le soir arrive.

Nous nous retrouvons assez facilement et c'est dans un pub que nous commençons à vraiment discuter.
Là, il m'expose la situation dans son pays ... chaumage, dictature, émeutes, violence ... pas brillant brillant.

Non, je déconne ... Dans sa bouche, le Canada avait l'air d'être un très beaux pays (s'il n'y avait pas tous ces anglais ...). Nous parlons architecture, vielles pierres et histoire, puis coutumes, culture et traditions ... et enfin, sport.

La pinte à la main, je lui explique ma position, un peu désolé de ne pas être le « fan ultime » qu'il semblait rechercher. C'est vrai que j'avais pris pas mal de recul par rapport à tout ça. Ma recherche de boulot ici se heurtait à une sorte de paranoïa de groupe vis à vis des nouveaux arrivant, et puis les matchs m'endormaient plus qu'autre chose.
M'enfin, nous passons tout de même une soirée sympas, d'autant qu'il a passé la soirée à me payer à boire. Et moi, tant qu'on me paye à boire, je parle ...
Et qu'est-ce que je pu parler ce soir là ... Nom de Dieu !
C'est marrant quand même comme « parler » peut donner mal au crâne le lendemain ...

Le truc qui m'a tout de même le plus surpris, c'est l'intensité du jeux.

Jamais j'avais vu les Bruins jouer comme ça auparavant. C'était comme s'ils s'étaient réveillés. Et ça, pour être réveillés, ils l'étaient. Ils ont survolé la partie pour finir par un magistral 3-0.
Wahou !

D'un autre coté, s'il avaient perdu, c'est pas ça qui m'aurait donné du boulot ...

C/ La note Québécoise ...

Le fameux Patrick m'a même rappelé, le lendemain pour me dire que mon opinion sur « Slap-shot » lui donnait envie d'écrire quelque chose. C'est par téléphone que nous avons conversé sur le sujet. Je lui disait comment, après avoir vu un extrait de ce film en France, je voulais le voir dans son intégralité. C'est au début du mois de février ...

Mais je préfère vous donner son article ... qui m'a fait super plaisir, je dois bien l'avouer.

Légendes - Boston 3
TITRE : Le Français qui aimait Slapshot.

BOSTON - Mon ami Gérard, le Français dont je vous parlais mercredi, ferait un bon Québécois.
Patrick Lagacé

Il aime Slapshot !
La version québécoise, surtout !
« Je l'ai acheté en février, et je n'arrête pas de le regarder. C'est rigolo ! Au début, je regardais la version anglaise... »

Puis, par la magie du DVD, Gérard est tombé sur la version québécoise, un film tellement culte que nos Francs Tireurs l'ont décortiqué dans le détail...
Nombre de visionnements dans la langue de Mario Lirette et Benoît Marleau : « Bah, une vingtaine, peut-être... »
Une vingtaine de fois... Donnez une citoyenneté québécoise honorifique à ce Français, svp ! Il l'a méritée.
C'était mercredi soir. Déjà, le CH perdait 1-0, en route vers une défaite digne d'un bloquiste dans Westmount, un soir d'élections. Gérard me lance : « Dis, tu connais le film Slapshot ? »
Pas le temps de répondre qu'il enchaîne :
« Donne-moi toute sauf de l'hostie de rootbeer !!! »
C'est une des répliques vulgaires (mais combien irrésistibles) du classique de 1977 mettant en vedette (et en patins) Paul Newman (ainsi qu'Yvan Ponton).
« Je comprends le gars qui n'aime pas la rootbeer dans Slapshot », m'explique Gérard. « Ça goûte le médicament, ce truc ! »

Gérard, comme un bon Québécois mâle, connaît ainsi quelques répliques, par coeur, qu'il livre sur commande. Comme : « Veux-tu du foil ? »
Ça, c'est la scène où un des frères Hansen, un des trois taupins des Chiefs, s'enrubanne les poings de papiers aluminium, en vue des bagarres. 
Gérard comprend...
Il connaît aussi : « Hé ! Hanrahan ! Ta femme est une lesbienne ! »
Ça, chers profanes, c'est la scène où Paul Newman, ce vieux singe, écoeure le gardien (le goalie, comme dit Gérard) adverse dans le match, pour lui faire perdre sa concentration.
« Et le mec craque complètement ! s'étonne Gérard. C'est tellement bas ! »
Tout ça pour dire que Gérard, 33 ans, est établi à Boston depuis un an. Qu'il se cherche une job d'informaticien, et que chaque jour, à l'heure du lunch, son lecteur DVD gobe Slapshot pour dérider ce Français parti faire tourner des ballons sur son nez aux États-Unis...

Ses préférés dans Slaphot ? Outre Newman, je soupçonne qu'il a un faible pour Yvan Ponton et Yvon Barrette. Question d'intégration à ce pays...
« Au début du film, un des Québécois fait une entrevue, mais il parle mal anglais ! Il n'arrête pas d'insérer des mots en français dans ses explications ! Ça me rappelle moi,  à mes débuts ici ! »
Il aime bien les États-Unis, Gérard, même s'il a hâte de trouver un boulot.
Boston, note-t-il, c'est un peu Européen. Bien différent de chez lui, « mais c'est sympa ».

- Es-tu déjà venu au Québec, Gérard ?

- Aussitôt que j'ai des sous !

Ça va bien aller, mon gars. Tu connais Slapshot, tu vas te faire des tas d'amis...
La fièvre monte un peu
Juste un peu, oui.

La victoire des Bruins (y a-t-il des joueurs du CH qui peuvent scorer, en passant?) mercredi n'a pas vraiment excité les masses, ici. Pas trop d'appels dans les tribunes téléphoniques à la radio. Le Globe parlait de hockey à la une, hier... Un Australien amouraché de hockey collégial !
Version d'un fan rencontré avant le premier match : « Disons qu'on est souvent déçus par les Bruins, en séries... »
C'est vrai. Dernière Coupe gagnée par Boston : 1972. Gna-gna-gna-gna...

Photo RAYNALD LEBLANC

GÉRARD aime Slapshot. Comme un Québécois ! La version doublée en québécois.



Whaaaaaaaa, c'est bon ... encore ....

Il me reste plus qu'à récupérer une copie du quotidien et le mettre sous verre, au mur ...



Bonne lecture à tous ...












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