4 août 2000

J'en ai marre. Marre de ce statu quo qui me blesse, qui nous blesse.

Je me sens mal. Mal comme si je laissais mourir une amie sous mes yeux, sans pouvoir y faire quoi que ce soit.

Je voulais me détacher d'elle, mais si j'avais su que dans le processus je m'arracherais la moitié des tripes...

Je suis une abeille. Elle m'a fait peur, elle m'a fait mal, alors je l'ai piqué. C'était un choix, mon choix. Et maintenant je meurs. Mes tripes s'écoulent de ma plaie béante, et mon dard dans sa peau continue de pomper mon venin dans ses veines.

Je suis con, je suis tellement con.

Elle est à l'étage au dessus, dans le laboratoire. Exactement à la verticale de moi. Ironie du sort qui a voulu que nos stations de travail soient ainsi une au dessus de l'autre, séparées par un plancher de béton. J'en revient justement. J'y vais tous les jours pour remplir les réservoirs de l'humidificateur d'eau déminéralisée. Elle m'a entendu entrer dans le labo. Elle n'a pas bronché. Moi non plus. Je remplissais mes petits bidons, j'entrevoyais à peine sa silhouette par la porte de son local. Elle gardait les yeux rivés sur son écran, je gardais les miens sur le niveau d'eau qui montait à travers le plastique translucide. Puis j'ai rebouché mes petits bidons, me les suis mis sous les bras, et je suis sorti. C'est tout. Un simple aller-retour. Pas un mot, pas un regard entre nous. Trois mètres et un comptoir seulement nous séparaient. Et je suis de nouveau devant mon écran d'ordinateur, à souffrir encore plus qu'il y a dix minutes.

Ça ne va pas mieux, ça empire. Ça empire de jour en jour. Toute l'absurdité de cette situation me révolte, m'enrage.

Je suis un con. Ce fossé qui m'entoure et qui m'isole du reste du monde, je l'ai moi-même creusé à la dynamite. Et ensuite j'ai le culot d'en vouloir à ceux qui n'osent pas sauter par dessus pour me rejoindre, de peur de s'écraser au fond.

Je suis un con. Le roi des cons. La quintessence de la connerie. "The mother of all cons".


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