13 décembre 2000

Ce soir je vous offre ce que je vous promet depuis longtemps et que j'ai trop souvent remis à plus tard. Ce soir je vous offre toute l'histoire de moi et Consoeur. Je vous préviens, vous serez probablement déçus.

Tout a commencé il y a environ neuf ans. À cette époque je n'avais d'yeux que pour Lola. Un certain après-midi, moi et un de mes collègues de travail parlions, en bons mâles qui se respectent, des demoiselles avec lesquelles nous travaillions. Il me parle alors de la "petite new wave qui travaille au labo". Je suis resté perplexe, car à ce jour, il ne me semblait pas avoir remarqué aucune femme travaillant au laboratoire correspondant à cette description.

Dans les semaines qui suivirent, je commençai à croiser dans les corridors une demoiselle que je savais avoir déjà vu mais qui, en toute franchise, n'avait jamais vraiment attiré mon attention. Par contre, elle correspondait assez bien à la description qu'en avait fait mon collègue de travail. Elle était fort jolie, certes, mais elle dégageait quelque chose d'indéfinissable, quelque chose qui ne m'attirait guerre. Elle semblait réfractaire à toute rencontre, mal dans sa peau, et plutôt recluse. Je tentai bien à quelques reprises de la saluer lorsque je la croisais, salutations à laquelle elle répondait la plupart du temps par un hochement de tête et un sourire poli, sans plus. Quelques semaines plus tard, je la surpris lors d'une conversation avec une autre employée du laboratoire alors qu'elle lui parlait de son "chum". Mon intérêt pour elle relevait davantage de la curiosité que de l'attirance, alors quand j'entendis ces paroles, il devint clair dans mon esprit qu'elle n'était pas disponible. À partir de ce jour elle disparut de mes pensées, même si je continuai à la saluer lorsque je la croisais, salutations auxquelles elle continua de répondre par simple politesse.

Quelques années passèrent. Et oui.

Une autre femme entra dans ma vie à ce moment. Elle l'occupa pendant près de deux ans. Je n'avais d'yeux que pour elle. Je parlerai peut-être d'elle un jour. Tout ce que j'en dirai pour l'instant, c'est que je l'ai connu à mon travail. Durant cette période, je continuais à voir Consoeur à l'occasion. Elle dînait souvent à la cafétéria, un livre à la main, seule, et tout dans son être disait qu'elle tenait à le rester.

Puis cette autre femme quitta ma vie.

Un jour, alors que je travaillais dans le laboratoire sur le câblage du réseau, je me suis joint à une conversation entre Consoeur et une autre employée du laboratoire avec qui je m'étais lié d'amitié. Nous blaguions beaucoup, et durant la conversation Consoeur précisa clairement qu'elle était célibataire.

C'est alors que je réalisai que durant ces deux années, elle avait beaucoup changé. Elle était plus sociable, plus souriante, même sa tenue vestimentaire était plus invitante, moins rebelle. Un certain midi d'automne, alors que les demoiselles du laboratoire dînaient ensemble à une table, je pris l'initiative de me joindre à elles. Je les connaissais déjà pour la plupart, sauf Consoeur. C'est durant ce dîner que nous eûmes notre première vrai conversation. Une fois la glace brisée, ce fut très agréable. Je la faisais rire, elle me rendait la pareille, nous eûmes beaucoup de plaisir.

L'expérience se répéta régulièrement dans les semaines qui suivirent. À quelques occasions, alors que la salle à dîner se vidait, nous restions seuls tous les deux à jaser encore quelques minutes avant de retourner travailler. Et même lorsque nous n'étions pas seuls, nous nous tournions l'un vers l'autre pour nous enfermer dans notre bulle.

Les choses allèrent de mieux en mieux au fil des jours. Nos rencontres dans les couloirs étaient prétextes à blagues et taquineries, elle s'empressait de tirer une chaise à côté d'elle et de m'inviter à s'y asseoir lorsque j'entrais dans la salle à dîner, et plus généralement, je pouvais voir son regard s'allumer chaque fois que j'entrais dans la même pièce qu'elle.

De mon côté, de plus en plus, je flottais sur un nuage. Elle était belle, adorable, chaleureuse, intelligente, et j'en passe. Un seul regard de sa part me faisait fondre, un seul sourire me faisait rêver.

C'était un peu avant le temps des fêtes. Nous avions pris l'habitude d'échanger presque à tous les jours de petits courriels coquins. Rien de suggestifs, simplement quelques gentillesses occasionnelles. Elle m'avait déjà confié qu'elle aimait mon style d'écriture, et rien ne me faisait plus plaisir que de la satisfaire avec mes petits billets.

Ma fête arriva, et j'eût droit à ma première bise de sa part.

Après quelques semaines ce fut le tour des vacances ne Noël. Lors du dernier jour de travail, je me présentai au laboratoire en fin d'après-midi pour un petit party auquel Consoeur avait pris soin de m'inviter une bonne dizaine de fois durant la semaine précédente. Nous fûmes les deux derniers à rester, prolongeant notre conversation alors que je l'aidais à ramasser un peu et à faire du ménage. Il était maintenant tard. Je l'accompagnai jusqu'à la sortie de l'édifice. Je savais que je n'allais plus la revoir avant le retour au travail en janvier. Alors qu'elle me parlait encore, je fut envahis par une irrésistible envie de l'embrasser. Mon coeur battait dans ma poitrine, j'étais obsédé par ces lèvres si invitantes qui articulaient d'une voix chaude et sensuelle des mots que je n'entendais plus...

Puis vint le moment de nous dire au revoir. Salutations, sourires.... j'approchai doucement mon visage du sien... puis...

Je posai mes lèvres sur sa joue. Elle fit de même.

Et je la regardai s'éloigner...

La suite demain.


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